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| ====== Le Monde – Boualem Sansal, écrivain dissident et provocateur ====== https://www.lemonde.fr/livres/article/2024/11/30/boualem-sansal-ecrivain-dissident-et-provocateur_6421611_3260.html | |
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| https://www.lemonde.fr/livres/article/2024/11/30/boualem-sansal-ecrivain-dissident-et-provocateur_6421611_3260.html | |
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| JOEL SAGET/AFP | |
| Boualem Sansal, écrivain dissident et provocateur | |
| Par Nicolas Weill | |
| Par Nicolas Weill | |
| Par Nicolas Weill | |
| Le 30 novembre 2024 à 05h45 | |
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| PORTRAIT L’auteur franco-algérien, opposant de toujours à l’islamisme, est incarcéré depuis le 16 novembre en Algérie. Son penchant à brouiller ironiquement les lignes officielles et les polarités de l’époque en a fait une cible facile pour le pouvoir. | |
| Lecture 7 min Read in English | |
| Avec son humour pimenté et son goût pour la provocation, le romancier franco-algérien Boualem Sansal a longtemps attribué au peu d’éclat que la figure de l’écrivain revêt dans son pays natal le fait qu’on l’ait laissé en liberté, malgré les campagnes de presse régulières menées contre lui. « Le postier de mon village, racontait-il au Monde, m’a demandé un jour ce que je faisais de tous les livres que je recevais. Je lui ai répondu, de guerre lasse, que j’étais écrivain. “Ecrivain public”, répond le fonctionnaire ! Il m’a montré une table et m’a dit que je pouvais venir rédiger ici le courrier des gens pour les administrations. » | |
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| Lire aussi | |
| L’écrivain Boualem Sansal placé en détention en Algérie et accusé d’« atteinte à l’intégrité du territoire national » | |
| Son arrestation, le 16 novembre, à l’aéroport d’Alger, et le mandat de dépôt dans une unité pénitentiaire d’un hôpital de la capitale algérienne (contre lequel il a interjeté appel) viennent démentir le solide optimisme qui anime ses livres, où derrière la noirceur pointent toujours à l’horizon des réconciliations possibles. Ainsi, dans Abraham ou la cinquième alliance (Gallimard, 2020), s’ébauche le projet d’une harmonisation future entre les religions. | |
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| Auteur d’expression et de culture françaises, Sansal s’était fait un devoir de rester en Algérie, vivant depuis la fin de ses études dans la ville universitaire de Boumerdès, à 45 kilomètres d’Alger, au sein d’un environnement relativement protégé. Mais cet opposant de toujours à l’islamisme, ce scientifique dont le dernier roman, Vivre. Le compte à rebours (Gallimard, 240 pages, 19 euros), paru en janvier, dépeint une Terre vouée à disparaître dans un trou noir, cet homme qui estime « qu’il n’y a plus rien à attendre des religions », constatait que même Boumerdès finissait par se couvrir de mosquées. | |
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| Ecrire de l’Algérie | |
| Pour lui, écrire de l’Algérie a donné du sens à une parole que l’exil n’aurait fait qu’assourdir. Ce n’est que récemment qu’il a songé à s’installer en France, à l’instar de son ami l’écrivain et journaliste Kamel Daoud, récent Prix Goncourt pour Houris (Gallimard, 416 pages, 23 euros). « Dans les systèmes dictatoriaux, expliquait Sansal au Monde en 2018, l’individu est victime et acteur à la fois. On est soit acteur engagé, soit acteur par son silence, car le silence vaut approbation. La littérature algérienne des premières années de l’indépendance était tout entière construite sur des allusions. Une véritable censure administrative s’exerçait, et, au-delà, il y a eu des mises à mort, des exclusions… Les rêves d’évasion ne trouvaient jamais à se concrétiser, sauf à partir à l’étranger. » Mais « quand on peut s’attaquer à des tabous de la société, sur place, c’est formidable », s’empressait-il d’ajouter. | |
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| Lire aussi cette rencontre de 2018 : | |
| Boualem Sansal, le sourire dissident | |
| En janvier, il se montrait préoccupé du pouvoir grandissant pris par une « rue » arabe où, affirmait-il, « tout se décide de façon spontanée et où des gens sortent pour nous imposer un mode de vie, peser sur les choix des gouvernements, pour se faire justice eux-mêmes ». Avec bonhomie, il n’en assumait pas moins son isolement, lui qui se trouve exposé aux flèches décochées par les idéologues nationalistes de son pays, dont il est la cible favorite. Ainsi, quand il a dénoncé sur Arte, en 2018, les rafles de migrants en Algérie et leur renvoi brutal au Mali ou au Niger en les comparant à celle du Vél’ d’Hiv (où furent internés des milliers de juifs parisiens en 1942), les insultes ont fusé : certains l’ont traité de « harki », d’autres d’« agent de la France », d’autres encore d’« agent du Mossad », lui reprochant de s’être rendu à la Foire du livre de Jérusalem, en 2012. | |
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| D’où lui vient cette tendance à brouiller ironiquement les lignes et les polarités de l’époque, allant jusqu’à signer, par exemple, une tribune collective en faveur de Gérard Depardieu, publiée par Le Figaro, le 23 décembre 2023 ? Son parcours aide à l’expliquer. Né à Theniet El-Had en 1944, Boualem – prénom qui signifie « porte-drapeau » – Sansal a souvent évoqué son enfance et sa jeunesse dans une Algérie coloniale mais pluriculturelle, notamment dans Harraga et Rue Darwin (Gallimard, 2005 et 2011). | |
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| Dans Le Français, parlons-en !, paru en septembre (Cerf, 192 pages, 19 euros), il évoque avec nostalgie l’Algérie d’après la guerre, des années 1960 au mitan de la décennie 1980, rappelant l’effervescence « révolutionnaire acharnée » et l’internationalisme régnant dans une capitale encore « ardemment francophone ». Six décennies plus tard, s’alarmant du déclin actuel du français d’une rive à l’autre de la Méditerranée, il écrit, toujours provocateur : « Quand j’écoute [le philosophe] Souleymane Bachir Diagne ou [l’écrivain] Alain Mabanckou et d’autres auteurs de la même trempe de ces pays, je me dis qu’il serait hautement positif que le Congo et le Sénégal s’associent pour venir coloniser la France, linguistiquement parlant s’entend. » | |
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| Son « cerveau est entré en dissidence » | |
| Nul doute que les politiques volontaristes d’arabisation – allant de pair avec la « réislamisation expresse » menée, souligne-t-il, dès les années 1960 –, qui ont entraîné le bannissement du berbère et du français (langue assurant, à ses yeux, « le lien avec le monde libre et l’univers de la philosophie »), l’ont amené à prendre de la distance avec l’idéologie du jeune Etat. « Lors de l’indépendance, proteste-t-il au Monde Festival en 2016, nous avions à disposition plusieurs langues : l’arabe dialectal, l’arabe classique, le français, différents types de berbère. On a saboté tout cela. Nous sommes devenus incapables de dépasser le cadre de la discussion quotidienne. Pour la communication de quartier, on se débrouille. Mais pour la construction du pays, c’est une catastrophe. » | |
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| Arrestation de Boualem Sansal : les réactions du monde littéraire | |
| Poursuivant sa scolarité au lycée Charles-Lutaud – aujourd’hui El-Idrissi – d’Alger, dans un pays où les formateurs de gauche venus de France, mais aussi du bloc soviétique, assuraient la formation de la jeunesse, il entre en 1967 à la prestigieuse Ecole polytechnique algéroise, dont 90 % des enseignants sont alors des Français, et en sort ingénieur électromécanicien en 1972. C’est à cette période que son « cerveau est entré en dissidence », dit-il. | |
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| Aux librairies contrôlées par une censure tatillonne, il préfère les bouquinistes de Tanger ou du souk de Maison-Carrée, sorte d’école informelle de la liberté de penser : « Un vrai bonheur. On se passait nos trouvailles comme de la fausse monnaie. (…) Sans le savoir, j’en avais fini avec la révolution au pouvoir et les révolutionnaires de carrière », relate-t-il dans l’introduction du « Quarto » qui rassemble ses Romans 1999-2011 (Gallimard, 2015). | |
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| Dans ces arrière-boutiques, il exhume un essai alors peu connu, La Désobéissance civile, de l’Américain Henry David Thoreau (1849), précurseur philosophique de l’écologie, qui vient s’ajouter à ses lectures de Nietzsche ou d’Orwell. « Je crois que c’est à cette époque que je suis devenu ce que je suis, se souvenait-il en 2018. Thoreau a constitué pour moi une autre façon de relire Voltaire ou Rousseau, dont il se réclamait. » Et de préciser : « Les Algériens avaient cru que l’indépendance ouvrirait un accès immédiat au paradis. Mais ça n’a pas été le cas, loin de là. C’est dur, absurde et humiliant. » A travers des auteurs comme Camus ou Kafka, Sansal finit par trouver l’expression littéraire de ce désenchantement. | |
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| Il se lie d’amitié avec l’écrivain Rachid Mimouni (1945-1995) et épouse en première noce une anthropologue tchèque qu’il a connue à Prague, dont il aura deux filles, avant de divorcer en 1986 pour épouser une enseignante algérienne. Au cours de son service militaire, dans la région de Sétif, en 1973, il apprend l’existence d’un ancien nazi converti à l’islam devenu un notable local – matière de ce qui deviendra l’un de ses plus grands succès, en France et outre-Rhin, Le Village de l’Allemand ou le Journal des frères Schiller (Gallimard, 2008). Il y aborde le sujet sensible des relations entre les services secrets égyptiens, les maquisards du FLN et les nazis en fuite. | |
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| Avant de se consacrer exclusivement à l’écriture, il a mené une carrière de consultant, d’enseignant et de haut fonctionnaire, en particulier à l’Institut national de la productivité et du développement industriel. En 1996, il est nommé directeur général de l’industrie et de la restructuration au ministère de l’industrie, pendant la présidence du général Liamine Zéroual. Il y reste jusqu’en 2003, année où il est démis de toutes ses fonctions. | |
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| S’essayer à tous les genres | |
| Son premier livre, dont il a envoyé à Gallimard le manuscrit par la poste, Le Serment des barbares (1999), porté par une écriture foisonnante et prolixe, tente de comprendre les mentalités ayant poussé ses compatriotes vers la meurtrière guerre civile de la « décennie noire » (1991-2002), entre les islamistes et l’armée. Un des ressorts de cette haine, semble-t-il suggérer, est la falsification du passé algérien quand il ne correspond pas à la vision officielle. | |
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| Dans ses livres, Boualem Sansal s’amuse et s’essaye à tous les genres, même les plus désuets : l’anticipation quand il imagine le monde conquis par les islamistes dans 2084. La fin du monde (Gallimard, 2015) ou le roman par lettres dans Le Train d’Erlingen ou la Métamorphose de Dieu (Gallimard, 2018), dont l’action se situe entre l’Allemagne et Paris – non sans évoquer les attentats de 2015. | |
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| Cette lutte, menée à la pointe de la plume et au nom des Lumières, contre un islamisme qu’il sent gagner du terrain, n’a pas manqué de lui attirer en France les sympathies de médias conservateurs, voire d’extrême droite, qui lui ont bientôt fait la part belle. « On m’a beaucoup reproché, en Algérie, d’avoir discuté avec les islamistes, mais si je ne leur parle pas, comment puis-je savoir comment ils pensent, comment ils fonctionnent ? », expliquait-il au Monde en janvier, quand on lui posait la question de ces relations avec les milieux identitaires. | |
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| Il ajoutait repousser « beaucoup de propositions, comme, récemment, celle d’animer des séminaires pour tel ou tel parti politique ». N’est-il pas allé au-delà de ce désir de parler à tout le monde quand il a accepté, en revanche, d’entrer au « comité stratégique » du média en ligne d’extrême droite Frontières, comme le mentionne le site de ce dernier ? C’est au demeurant dans un entretien accordé à Frontières, début octobre, qu’il a tenu les propos polémiques sur l’origine des frontières actuelles de l’Algérie et les contentieux avec le Maroc qui semblent lui être reprochés par le régime algérien. Mais, sur ces propos comme sur ses liens avec Frontières, aujourd’hui qu’il est emprisonné, on en est réduit aux spéculations : Sansal n’est plus en mesure de s’expliquer. | |
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| L’écrivain Boualem Sansal placé en détention en Algérie et accusé d’« atteinte à l’intégrité du territoire national » | |
| Il disait aussi que, quand il écrit des phrases comme : « Le cœur des banlieues s’est vidé de ses populations chrétiennes, juives ou musulmanes non pratiquantes », il a conscience que « les gens vont interpréter cela comme un discours d’extrême droite ». Mais, se défendait-il, « doit-on pour cela édulcorer la réalité » ? Non sans souligner que son engagement dans la défense de la démocratie n’a jamais faibli, comme le montrait encore son soutien ardent au Hirak, le dernier mouvement de contestation contre la candidature du président Abdelaziz Bouteflika (1937-2021) à un cinquième mandat (2019). | |
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| Dans Le Français, parlons-en !, Sansal estime « que les mots comme les prix connaissent le phénomène de l’inflation et de l’hyperinflation », comme lorsque le même Abdelaziz Bouteflika accusait, en 2006, la France d’avoir commis un « génocide de l’identité » en Algérie. Cette passion d’inquiéter les mythes nationaux, Boualem Sansal la paie aujourd’hui de sa liberté. | |
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