====== « Quand les salariés arrivent ici, je peux vous dire qu'ils veulent rester » : ces trois patrons qui ont réussi à passer à la semaine de 4 jours | Les Echos ====== https://www.lesechos.fr/travailler-mieux/vie-au-travail/quand-les-salaries-arrivent-ici-je-peux-vous-dire-quils-veulent-rester-ces-trois-patrons-qui-ont-reussi-a-passer-a-la-semaine-de-4-jours-2142909
Vie au travail
Témoignage
« Quand les salariés arrivent ici, je peux vous dire qu'ils veulent rester » : ces trois patrons qui ont réussi à passer à la semaine de 4 jours
Réalisée sans accompagnement ou sans discussion avec les équipes, l'expérience de la semaine de 4 jours peut parfois virer au fiasco. Mais cette nouvelle organisation du temps de travail peut aussi faire gagner en attractivité.
Emploi & Salaires
Vie au travail
La mise en place de la semaine de travail de 4 jours, bien qu'elle soit généralement plébiscitée par les salariés, est loin d'être un long fleuve tranquille.
La mise en place de la semaine de travail de 4 jours, bien qu'elle soit généralement plébiscitée par les salariés, est loin d'être un long fleuve tranquille. (iStock)
Par Sarah Dumeau
Publié le 16 janv. 2025 à 11:15Mis à jour le 16 janv. 2025 à 17:22
« Je suis arrivée pleine d'espoir quand j'ai annoncé à mes équipes qu'on allait démarrer une expérimentation pour mettre en place la semaine de quatre jours. Je pensais que ça allait être bien accueilli et en fait… il y a eu un grand silence », raconte Emilie Geyer, la directrice générale de Kadys, une société de conseil en informatique.
La mise en place de la semaine de travail de 4 jours, bien qu'elle soit généralement plébiscitée par les salariés, est loin d'être un long fleuve tranquille. « La semaine de quatre jours se construit collectivement et suppose des discussions avec les équipes », martèle Philippe Contassot, qui a accompagné douze entreprises dans le cadre d'un projet d'expérimentation menée par le Centre des jeunes dirigeants (CJD).
Emilie Geyer a dû trouver comment rassurer ses collaborateurs qui étaient finalement moins partants qu'elle ne l'aurait cru. « J'ai eu des réflexions du style : mais qu'est-ce que je vais faire le cinquième jour ? Ma femme travaille, est-ce que je vais devoir m'occuper de toutes les tâches ménagères ? Je vais avoir un jour de plus pour profiter mais à quoi ça sert, puisque je n'aurais pas plus de pouvoir d'achat ? », récapitule la directrice, qui a lancé cette expérimentation il y a quatre mois. Pour mener à bien son projet, elle a mis en place un comité de pilotage accompagné par une consultante externe.
Lire aussi :
CHRONIQUE - Semaine en 4 jours : donnons-lui sa chance
Au final, sa société fonctionne sur la base d'une alternance entre une semaine de quatre jours et une semaine de cinq jours, sans réduction du temps de travail. Les salariés doivent faire 70 heures en quinze jours et ils n'ont pas le choix du jour chômé, ce sera le vendredi. « Sinon, c'est trop le bazar », commente Emilie Geyer. Ce système leur permet de rester joignables 5 jours sur 7 par les clients avec lesquels ils ont des contrats de maintenance pour les logiciels vendus.
Garder l'entreprise ouverte 5 jours sur 5
C'est l'un des points névralgiques de la semaine de 4 jours : comment continuer à contenter les clients tout en travaillant un jour de moins ? Chez Profit Intelligence, une société de services d'accompagnement à l'hôtellerie, les salariés doivent choisir un « jour off » fixe. « Cela ne peut pas changer chaque semaine, on a besoin de visibilité pour assurer aux clients d'avoir quelqu'un dans l'entreprise 5 jours sur 5 », explique son dirigeant, Bastien Briole.
Même système dans la boulangerie Louboulbil qui mit en place la semaine en 4 jours il y a 17 ans. « Pour que ça tourne, il faut quand même qu'il y ait un certain nombre de salariés : si vous n'êtes que deux, passer à quatre jours c'est compliqué », ajoute Jean-Pierre Delboulbe, le gérant de cette coopérative qui compte une trentaine d'employés.
J'ai eu des réflexions du style : mais qu'est-ce que je vais faire le cinquième jour ? Ma femme travaille, est-ce que je vais devoir m'occuper de toutes les tâches ménagères ?
Emilie Geyer Dirigeante de Kadys
Pour Bastien Briole, le seul des trois à avoir réduit le temps de travail en passant de 35 à 32 heures hebdomadaires, il a aussi fallu faire avaler à ses clients qu'ils allaient continuer à payer le même tarif pour… quatre jours de travail, au lieu de cinq. « Le taux horaire a augmenté de 25 % », calcule-t-il. Mais après avoir fait le point quelques mois après la mise en place de la semaine de 4 jours, « ils nous ont dit qu'on abattait le même travail et qu'il n'y avait pas de sujet », raconte le dirigeant, qui a adopté ce système il y a deux ans.
Lire aussi :
DECRYPTAGE - Comment les fonctionnaires vont expérimenter la semaine en 4 jours
Pour ne pas léser ses clients, Bastien Briole a cherché à faire gagner ses équipes en productivité. « Je me suis rendu compte qu'on avait la réunionite aiguë et qu'on pouvait faire un résumé en 10 minutes de ce qui s'était dit, ça évite au collaborateur de perdre une heure », raconte le dirigeant qui a aussi allégé considérablement les processus de « reporting » : « on se fait confiance pour que les tâches soient accomplies », résume-t-il.
Nos trois dirigeants n'ont pas constaté de baisse du chiffre d'affaires depuis qu'ils ont mis en place la semaine de 4 jours. Bastien Briole l'a même vu grimper pendant cette période mais « c'est difficile de faire le lien avec la mise en place de la semaine de 4 jours », tempère-t-il.
Aller ramasser des champignons le cinquième jour
Ce fonctionnement a en revanche été largement plébiscité par les collaborateurs pour l'équilibre qu'il offre entre la vie professionnelle et la vie privée. « De septembre à décembre, certains salariés utilisent leur jour off pour aller ramasser des champignons ! Une autre s'est remise à être pompier volontaire parce qu'elle a le temps, un autre a rénové sa maison… Et même sur un aspect plus pratique, ça permet de prendre des rendez-vous que ce soit médicaux ou à l'école », liste le patron de Profit Intelligence.
Ce mode de fonctionnement a même eu un autre effet positif, que Bastien Briole n'avait pas anticipé : « on est beaucoup en télétravail mais au final, la semaine de 4 jours a resserré assez fortement les liens dans l'équipe. On échange beaucoup sur ce qu'on fait le cinquième jour parce qu'on partage quelque chose d'assez unique », analyse-t-il.
Une cohésion nécessaire à la réussite de la semaine de 4 jours. Julien Le Corre, l'ancien dirigeant de l'agence de publicité YZ, a planté sa boîte deux ans après avoir mis en place la semaine de 4 jours et le 100 % télétravail. Rétrospectivement, l'entrepreneur analyse qu'il a fait une erreur en réalisant « le combo » entre télétravail et semaine de 4 jours mais aussi en instaurant un jour chômé fixe, qui conduisait à fermer l'entreprise le vendredi. « Je pense que ces initiatives-là ont déstructuré notre force de travail de façon importante », raconte-t-il dans une interview aux « Echos » .
Lire aussi :
DECRYPTAGE - Semaine de 4 jours : les entreprises mesurent les limites
Bientôt la semaine de quatre jours grâce à chatGPT ?
Quand l'expérience est réussie, ce système permet aussi de gagner en attractivité, notamment pour les métiers qui font face à des difficultés de recrutement. Pour Jean-Pierre Delboulbe, qui offre en plus à ses salariés un salaire plus élevé que chez ses concurrents - autour de 2.000 euros net auxquels s'ajoutent diverses primes - et dix semaines annuelles de congé, il l'affirme : « j'ai une liste d'attente de personnes qui veulent travailler pour moi ». « La plupart de mes salariés travaillaient six jours par semaine chez leurs anciens employeurs, avec un jour de congé souvent le mardi ou le jeudi, un jour qui n'intéresse personne. C'est encore la norme en boulangerie dans ma région. Quand ils arrivent ici, je peux vous dire qu'ils veulent rester », conclut-il.
Sarah Dumeau
you see this when javscript or css is not working correct