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| - | ====== auteur, Jonathan Haidt, éminent psychologue social et professeur à la New York University : Interdisons les smartphones jusqu’à 14 ans" : la mise au point du psychologue Jonathan Haidt – L' | ||
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| - | Aucun livre n’a eu plus d’impact en 2024. Paru en anglais en mars, The Anxious Generation s’est déjà vendu à plus d’un million d’exemplaires et figure depuis quarante semaines dans la liste des best-sellers du New York Times. Son auteur, Jonathan Haidt, éminent psychologue social et professeur à la New York University, alerte sur les conséquences de ce qu’il nomme "le grand recâblage de l’enfance" | ||
| - | Pour Jonathan Haidt, la technologie numérique et des réseaux comme Instagram ou TikTok, qui monopolisent l’attention et isolent les adolescents, | ||
| - | Le best-seller a suscité un intense débat scientifique. Dans la revue Nature, la psychologue Candice Odgers lui a reproché de confondre corrélation et causalité, assurant que les jeunes qui ont des problèmes de santé mentale utilisent plus les réseaux sociaux que les autres. A l’inverse, | ||
| - | En amont de la parution française de Génération anxieuse aux éditions Les Arènes le 16 janvier, Jonathan Haidt a accordé un entretien exclusif à L’Express. Il défend sa thèse, explique les différences entre garçons et filles et donne ses conseils aux parents. | ||
| - | L’Express : Vous établissez un lien direct entre l’avènement des smartphones et des réseaux sociaux, que vous nommez "le grand recâblage", | ||
| - | Jonathan Haidt : Qu’est-ce que l’enfance ? C’est une stratégie évolutionnaire des mammifères pour permettre le développement du cerveau, notamment grâce au jeu. Tous les mammifères jouent. Quand les milléniaux, | ||
| - | En quoi est-ce un bouleversement majeur ? | ||
| - | Les téléphones ont pris le dessus sur presque tout le reste. Aux Etats-Unis, la moitié des adolescents disent qu’ils sont en ligne presque tout le temps. Même quand ils parlent, ils sont sur leur téléphone et le consultent sans cesse. Beaucoup ne sont ainsi jamais complètement présents dans le monde réel. Vous écartez les moments partagés avec des amis, les interactions sociales incarnées, les jeux en face-à-face, | ||
| - | Avant l’avènement d’Internet, | ||
| - | Les données sont-elles vraiment inquiétantes en matière de santé mentale des jeunes ? Ne sommes-nous pas simplement plus sensibles à cette problématique, | ||
| - | La libération de la parole a commencé dès les années 1980. Quand j’étais petit, il était effectivement honteux de dire qu’on consultait un psy. Mais depuis, cela a bien changé. Or les données en matière de santé mentale chez les jeunes sont restées stables dans les années 1990 et 2000. Si la déstigmatisation des troubles mentaux était la cause de la crise de la santé mentale chez les jeunes, pourquoi celle-ci n’a-t-elle débuté qu’au début des années 2010 ? | ||
| - | Aux Etats-Unis, les cas de dépression majeure chez les adolescents ont commencé à grimper aux alentours de 2012. Depuis, ces cas ont été multipliés par deux et demi, touchant toutes les catégories sociales. Cette forte hausse, qui concerne surtout des troubles anxieux et dépressifs, | ||
| - | Des scientifiques vous reprochent de confondre corrélation et causalité, estimant qu’un lien direct entre santé mentale chez les jeunes et smartphones n’est pas établi, ou que la dépression peut pousser des adolescents vers les réseaux sociaux, et non l’inverse… | ||
| - | De nombreux éléments soutiennent ce lien. D’abord, les entreprises du numérique ont elles-mêmes admis qu’elles nuisaient aux enfants ! Des lanceurs d’alerte et des procédures judiciaires ont établi que trois entreprises, | ||
| - | “La parentalité a perdu tout sens des réalités.” | ||
| - | Par ailleurs, les chercheurs qui nient ce lien de causalité entre smartphones et santé mentale se concentrent sur une seule donnée : le nombre d’heures par jour passées sur des appareils numériques. Mais cette variable ne montre qu’une petite partie de ce qui se passe. Les expériences menées pendant plusieurs semaines sur des groupes randomisés prouvent que, quand on demande à des adolescents et des jeunes de se tenir éloignés des réseaux sociaux, cela donne des taux d’anxiété et de dépression plus faibles. Ces expériences sur la durée sont bien plus intéressantes que celles qui se focalisent sur une journée. | ||
| - | La génération Z n’est-elle pas plus anxieuse du fait de l’état du monde, et notamment du réchauffement climatique ? | ||
| - | Il n’existe aucune génération qui n’ait eu à affronter des catastrophes ou à grandir sous la menace d’un désastre à venir. Pensez au risque de conflit nucléaire pendant la guerre froide ! Ce ne sont pas les menaces extérieures, | ||
| - | Les données montrent d’ailleurs que les militants politiques ont longtemps été plus heureux que la moyenne, car ils s’engageaient pour une cause, ils avaient un but dans la vie. Mais une fois que ce militantisme est passé sur les réseaux sociaux, il est devenu performatif et déprimant. Aujourd’hui, | ||
| - | Chaque nouvelle technologie - radio, télévision, | ||
| - | C’est un bon argument. Mais connaissez-vous la fable L’Enfant qui criait au loup ? Ce n’est pas parce qu’il y a eu de fausses alertes par le passé que la menace ne finit pas par arriver. La situation actuelle est différente pour plusieurs raisons. D’abord, les précédentes paniques morales étaient souvent poussées par des médias qui se basaient sur des histoires sensationnalistes, | ||
| - | Par ailleurs, dans les précédentes paniques morales, les enfants aimaient vraiment les nouvelles technologies accusées par les médias. Les enfants appréciaient sincèrement les BD, la télévision, | ||
| - | Enfin, jamais une crise de la santé mentale, mesurable de façon objective, n’a débuté au moment même où une nouvelle technologie se répandait. Dans le cas des smartphones et des réseaux sociaux, la concomitance est flagrante autour de l’année 2012. | ||
| - | Votre livre alerte sur une autre évolution majeure : la réduction de l’autonomie de nos enfants dans la vraie vie. Ceux-ci jouent de moins en moins dehors avec leurs amis, sans leurs parents. En quoi serait-ce inquiétant ? | ||
| - | Les jeunes mammifères sont programmés pour prendre des risques. C’est comme ça qu’ils surpassent leurs peurs enfantines, et qu’ils apprennent à évaluer le danger. Si vous bloquez cela, vous bloquez leur développement. Les enfants sont des amateurs de sensations fortes, ils ont besoin de prendre des risques sans être surveillés, | ||
| - | Nous surprotégeons ainsi nos enfants dans la vraie vie, tout en les sous-protégeant dans la jungle numérique. N’est-ce pas paradoxal ? | ||
| - | Imaginez que vous grandissez dans une maison. Devant celle-ci, il y a un pré avec des lapins. Et à l’arrière une forêt avec des loups. Empêcheriez-vous votre enfant de jouer dans le pré afin d’éviter les risques de morsure de lapin, tout en le laissant s’aventurer seul dans la forêt ? Bien sur que non, ce serait de la folie. Mais c’est ce qui se passe aujourd’hui ! La parentalité a perdu tout sens des réalités. A partir des années 1980, du fait de paniques morales alimentées par les médias, nous sommes devenus obsédés par le kidnapping des enfants et par les prédateurs sexuels. Alors mêmes qu’ils n’ont jamais été aussi en sécurité, les enfants ne sortent plus sans être accompagnés. Nous les avons donc laissés à l’intérieur. Mais en même temps est arrivé Internet. Nous nous sommes dit que c’était un outil formidable, et nous avons laissé les enfants apprendre à se servir d’un ordinateur. Et les débuts d’Internet ont effectivement été formidables. Il y avait certes des contenus dangereux, mais globalement, | ||
| - | “Les réseaux sociaux sont très utiles pour les adultes. Mais les enfants n’ont nul besoin de parler à des étrangers !” | ||
| - | Vous noterez toute l’ironie de la situation. Les parents actuels sont effrayés que leurs enfants soient enlevés ou victimes d’un pédophile s’ils jouent dehors. Alors même que les pédophiles sont aujourd’hui tous sur Instagram et Snapchat, le moyen le plus sûr pour eux de rentrer en contact avec des mineurs ! Nous, parents, nous inquiétons des mauvaises choses. Si nous voulons vraiment que nos enfants soient en sécurité, nous devrions les laisser jouer indépendamment à l’extérieur. | ||
| - | Comment expliquer l’écart de genre en matière de santé mentale entre filles et garçons ? | ||
| - | Les réseaux sociaux sont conçus comme un véritable piège pour les filles. Tandis que les garçons se sont tournés vers les vidéos YouTube et surtout les jeux vidéo en ligne à joueurs multiples, les filles ont été attirées par les plateformes telles qu’Instagram puis Snapchat ou Tumblr. En moyenne, pour des raisons culturelles ou biologiques, | ||
| - | Historiquement, | ||
| - | Dans tous les cas, autour de 2012, les chiffres en matière de santé de mentale se sont d’abord détériorés chez les filles bien plus que chez les garçons. C’est le moment même où elles sont devenues hyperconnectées. | ||
| - | Qu’en est-il des garçons ? | ||
| - | Comme les garçons sont en moyenne moins touchés par les comparaisons sociales, les réseaux sociaux s’avèrent moins néfastes pour eux en matière d’anxiété et de dépression. En revanche, ceux-ci peuvent les encourager à faire des choses dangereuses. Des centaines d’entre eux sont morts du fait de défis idiots sur TikTok, tel celui du foulard. | ||
| - | Par ailleurs, on sait que longtemps, les jeunes hommes étaient bien plus nombreux à l’université que les jeunes femmes. Mais ce rapport s’est inversé dans les années 1980. Aujourd’hui, | ||
| - | Les réseaux sociaux ne permettent-ils pas aux jeunes qui se sentent isolés ou qui appartiennent à une minorité sexuelle de trouver une communauté ? | ||
| - | C’est ce qu’on ne cesse de répéter. Quand je mets en cause les réseaux sociaux, des scientifiques me répondent qu’il faut fournir un lien de causalité. Mais à l’inverse, | ||
| - | Les réseaux sociaux sont très utiles pour les adultes, qui ont besoin de se faire un réseau professionnel. Mais les enfants n’ont nul besoin de parler à des étrangers ! Ils devraient faire du " | ||
| - | “Je préconise l’interdiction du smartphone jusqu’à l’âge de 14 ans, et celle des réseaux sociaux jusqu’à 16 ans.” | ||
| - | Attention également à ne pas confondre réseaux sociaux et Internet en général. On nous dit que sans ces réseaux, des jeunes LGBT ne pourraient pas trouver d’informations sur leurs orientations sexuelles. Comme s’ils n’étaient pas capables de faire des recherches Google ! Non, il leur faudrait absolument un algorithme leur soumettant directement des contenus… De même, il leur serait impossible de parler à d’autres jeunes gays sans TikTok ? C’est insensé. D’autant plus que les adolescents LGBT ont plus de risques d’être confrontés à des contenus violents et à du cyberharcèlement sur ces réseaux. | ||
| - | Que devraient faire les autorités publiques ? | ||
| - | La mesure la plus simple, c’est l’interdiction des smartphones dans les écoles. Les enseignants détestent très majoritairement les téléphones, | ||
| - | Quels sont vos conseils pour les parents ? | ||
| - | Je préconise l’interdiction du smartphone jusqu’à l’âge de 14 ans, et celle des réseaux sociaux jusqu’à 16 ans. Tous les parents devraient se demander quand il est souhaitable que leurs enfants cessent de lire et de parler aux autres. Car quand vous donnez un téléphone à un jeune, c’est ce qui arrive souvent. Il nous faut donc un âge minimum. L’interdiction à 14 ans garantit que tout le monde débute sa puberté sans téléphone. | ||
| - | Vous remarquez que dans les pays développés, | ||
| - | Et que faire pour encourager ses enfants à sortir de chez eux ? | ||
| - | Cela dépend bien sûr du lieu où vous habitez. En Scandinavie ou en Allemagne, il y a toujours cette tradition de laisser les enfants jouer à l’extérieur. Dans les pays anglophones, | ||
| - | En 2024, votre livre est devenu un phénomène de société, tout en suscitant un débat scientifique… | ||
| - | C’est incroyable. Je débats avec une demi-douzaine de psychologues qui estiment que nous ne disposons pas de preuves scientifiques sur ce lien de causalité entre santé mentale et smartphones. Il y a donc une discussion académique en cours sur les études. Mais en dehors de cela, l’accueil a été presque unanimement positif. Personne ne s’oppose à des écoles sans smartphones, | ||
| - | Génération anxieuse, par Jonathan Haidt. Trad. de l’anglais (américain) par Jenny Bussek. Les Arènes, 433 p., 24,90 €. Parution le 16 janvier. | ||
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