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| ====== Le Monde – L’open source, l’armée de l’ombre du logiciel… et de l’Intelligence artificielle ====== https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/01/05/l-open-source-l-armee-de-l-ombre-du-logiciel-et-de-l-intelligence-artificielle_6482931_3234.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default | |
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| Au Mobile World Congress, le plus grand rassemblement annuel de l’industrie des télécommunications, à Barcelone, le 29 février 2024. | |
| JOSEP LAGO / AFP | |
| L’open source, l’armée de l’ombre du logiciel… et de l’Intelligence artificielle | |
| Par Sophy Caulier | |
| Par Sophy Caulier | |
| Par Sophy Caulier | |
| Article réservé aux abonnés | |
| Décryptage Alors que le raz de marée de l’IA repose largement sur eux, les logiciels libres souffrent d’un manque de visibilité et de reconnaissance en dehors du cercle des initiés. Malgré l’attrait qu’ils suscitent chez les géants du Web, leur avenir dépend en grande partie d’une communauté engagée, mais fragilisée. | |
| Sans eux, pas de téléphonie mobile, pas d’achats en ligne, pas de services bancaires, pas de musique ou de films en streaming, encore moins de ChatGPT et autres intelligences artificielles (IA)… Eux ? Ce sont les logiciels open source, aussi appelés « logiciels libres ». On nomme ainsi des programmes informatiques, des morceaux de code, des briques logicielles qui, contrairement aux logiciels dits « propriétaires », peuvent être librement utilisés, copiés ou modifiés par tous, à condition d’en repartager les modifications et d’avoir les compétences pour le faire. Ils sont devenus aussi essentiels à notre univers numérique que les câbles sous-marins ou les satellites. « On estime que de 80 % à 90 % des logiciels utilisés dans le monde sont des logiciels libres. Autrement dit, aujourd’hui, ils sont partout ! », affirme Stéfane Fermigier, directeur général de la société Abilian et coprésident du Conseil national du logiciel libre. | |
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| La particularité de ce monde méconnu, pierre angulaire de toutes nos pratiques numériques, est que son existence et son développement reposent sur une communauté de millions de développeurs dans le monde, souvent anonymes, pour l’essentiel des chercheurs et des développeurs individuels. Ils y consacrent du temps, parfois beaucoup et généralement en parallèle de leur activité salariée. Ils rédigent des documentations, participent à des forums en ligne, simplifient les logiciels pour en faciliter l’installation et l’usage… | |
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| Leur engagement est encore souvent motivé par la passion du code et par le partage de valeurs, comme en témoigne Tarek Ziadé. Cet ingénieur a découvert les composants open source après ses études d’informatique. « Le fait que le code soit ouvert me permet de comprendre comment fonctionne un programme, je peux donc résoudre moi-même les problèmes et trouver une solution sans appeler l’éditeur. Je partage ensuite cette solution avec la communauté pour que tous en profitent. La culture de l’open source, c’est développer un logiciel pour le bien commun », explique-t-il. | |
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| Engagement identique pour Anne Nicolas, qui dirige Ossflow, un organisme de formation à l’open source qu’elle a créé après avoir passé plus de vingt ans dans le monde du système d’exploitation Linux, auquel elle a contribué, souvent bénévolement, en partageant ses connaissances. « C’est un milieu ultradynamique, qui bouge tout le temps et où l’innovation naît du fait que l’on peut ouvrir les logiciels, voir comment ils sont faits », décrit-elle. | |
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| Concrètement, l’écosystème open source se matérialise en milliards de lignes de code présentes dans les composants électroniques – cerveaux de tous nos appareils y compris électroménagers – dans nos voitures, dans les réseaux et les serveurs du cloud, qui enregistrent, traitent et transportent nos données, mais aussi dans les systèmes industriels, même les plus critiques, comme ceux qui gèrent le trafic aérien ou les centrales nucléaires. Ici, ce sont quelques lignes de code qui permettent d’imprimer un document à distance ; là, c’est le cœur du système qui fait fonctionner un ordinateur ; c’est le moteur de millions de téléphones mobiles, comme Android, ou encore le logiciel WordPress, qui aide à faire un site Web sans connaissance de la programmation ; c’est le navigateur Firefox… | |
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| C’est aussi Python, le langage de programmation le plus utilisé aujourd’hui pour les applications Web et les modèles d’IA générative comme ChatGPT. Cette omniprésence fait dire à Roberto Di Cosmo, professeur d’informatique détaché à l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique et directeur de Software Heritage, que « si le logiciel libre disparaît d’un seul coup, plus rien ne marche, plus d’Internet, plus de communications, plus rien ! » | |
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| Longtemps qualifié de gauchiste | |
| Historiquement, l’open source a vu le jour lorsque l’industrie du logiciel a commencé à s’approprier les codes sources des programmes informatiques développés dans le monde académique ou par des indépendants. Pour mettre au point leurs solutions logicielles, les éditeurs ajoutaient ces morceaux de code utilisables librement à leurs propres développements pour une fonction ou pour une application spécifiques. Ils adaptaient l’ensemble afin de répondre à un usage précis, par exemple la gestion d’entreprise, la bureautique ou la vente en ligne, puis commercialisaient leur solution moyennant une licence et une redevance annuelle pour actualiser et maintenir le logiciel. | |
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| Chercheur en intelligence artificielle au Massachusetts Institute of Technology, Richard Stallman a le premier promu l’idée que ces codes accessibles à tous étaient des biens communs et que chacun devait pouvoir s’en servir, les modifier et les rediffuser librement. Il s’opposait ainsi aux politiques de licences annuelles, qui ont fait et font encore la richesse des grands éditeurs de logiciels. Ces derniers interdisent l’accès au code source de leurs programmes, invoquant qu’il est leur propriété bien qu’il intègre de nombreuses briques open source. Pour défendre ses convictions, Richard Stallman a créé la Free Software Foundation en 1985, base de la « communauté du logiciel libre », longtemps qualifiée de mouvement gauchiste ou libertaire. Bill Gates, le fondateur de Microsoft, avait même affirmé à l’époque qu’il s’agissait là d’« une nouvelle forme de communisme »… | |
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| Au fil du temps, cette communauté a continué de défendre les valeurs d’interopérabilité et d’accès libre promues par Richard Stallman. L’évolution et l’amélioration des logiciels open source sont gérées par des groupes de développeurs, qui échangent librement sur des forums et partagent leurs développements. Lorsque l’effectif des contributeurs devient très important et les logiciels plus matures, la gouvernance est assurée par des fondations. Ces organisations à but non lucratif (Eclipse, Apache, Python, Mozilla ou OpenSSL…) assurent l’animation d’une communauté et participent à la définition des standards et des règles. Elles sont financées par des dons pouvant également provenir d’éditeurs commerciaux. | |
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| L’exemple le plus célèbre est sans doute celui de la Fondation Linux, qui gère le système d’exploitation éponyme, mis au point en 1991 par Linus Torvalds, à laquelle contribue une communauté de plus de 750 000 développeurs. Selon la plateforme d’études de marché Gitnux, le système Linux équipe à présent 100 % des 500 supercalculateurs les plus puissants au monde. Preuve que la tendance open source est loin d’être marginale. En 2001, Steve Ballmer, qui a succédé à Bill Gates à la tête de Microsoft, avait qualifié Linux « de cancer qui s’attache à tout ce qu’il touche au sens de la propriété intellectuelle ». Vingt ans plus tard, 95 % des serveurs de la plateforme cloud de Microsoft, Azure, tournent grâce à Linux. | |
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| « Du pragmatisme pur et dur » | |
| Entre-temps, la multinationale a franchi une autre étape importante qui montre combien son regard sur les logiciels libres a changé. En 2018, alors dirigé par Satya Nadella, Microsoft a acheté GitHub, la principale plateforme collaborative de stockage et de partage de codes entre développeurs, pour 7,5 milliards de dollars (6,4 milliards d’euros à l’époque). Une façon pour le géant d’accéder à un vaste écosystème de développeurs. | |
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| Même évolution du côté d’IBM, qui a racheté la même année l’éditeur spécialiste de Linux Red Hat pour 34 milliards de dollars. « Aujourd’hui, IBM s’appuie sur Red Hat pour lui fournir tout le middleware [ou “intergiciel”, un logiciel permettant à des applications de communiquer avec le système] autour de Linux. Et le code que nous développons autour de Linux repart vers la communauté », affirme Rémy Mandon, directeur général de Red Hat France. | |
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| Quatre décennies après la création de la Free Software Foundation, l’écosystème de l’open source reste un contre-pouvoir aux stratégies purement capitalistiques des grands éditeurs de logiciels, et garde une place et un rôle toujours plus importants dans le paysage numérique. Mais les temps ont changé. « Aujourd’hui, il n’y a plus de relent idéologique autour de l’open source, mais plutôt du pragmatisme pur et dur », constate Bastien Guerry, responsable de l’Open source programme office à la direction interministérielle du numérique (Dinum). En témoigne l’utilisation massive des logiciels open source par les collectivités territoriales, les administrations et les services publics, qui s’affranchissent ainsi du vendor lock-in, cet enfermement dans un environnement « logiciel propriétaire » et la dépendance à la politique tarifaire d’un fournisseur. « Le passage à l’open source est stratégique à plus d’un titre. Non seulement on ne dépend plus d’un seul opérateur, mais on gagne en souveraineté, en maîtrise de l’informatique de l’Etat. De plus, la mutualisation des développements assure leur pérennité », remarque Emma Ghariani, responsable de la division Open source et communs numériques de la Dinum. | |
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| Bien qu’ils soient accessibles gratuitement, les logiciels open source n’en nourrissent pas moins un marché. L’intégration de composants open source dans un logiciel applicatif, leur paramétrage et leur adaptation aux besoins propres d’un métier ou d’une entreprise nécessitent de réelles compétences. C’est le rôle qu’assurent les sociétés de services en logiciels libres (SSLL) : des entreprises de services numériques spécialisées, qui réalisent 90 % du chiffre d’affaires du secteur, soit 5,5 milliards d’euros pour la France, dans un marché mondial évalué à environ 100 milliards de dollars (95 milliards d’euros). A l’échelle nationale, le marché de l’open source compte 600 entreprises et représente plus de 60 000 emplois équivalents temps plein, chiffre qui devrait atteindre 90 000 en 2027. | |
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| « La communauté vieillit » | |
| « Il existe quatre grandes sources de logiciels libres : les développeurs, passionnés et fédérés en communautés ; les fondations ; les éditeurs de logiciels comme Red Hat, qui développent des fonctionnalités autour d’un logiciel open source ; et les géants du numérique, qui mettent un peu de leurs développements en open source pour que la communauté les fasse vivre et qu’ils finissent par s’imposer comme des standards, par exemple Android, développé par Google », détaille Marc Palazon, directeur général de la SSLL Smile et président de la commission Open source du syndicat patronal des entreprises du numérique Numeum. Et de préciser : « Seuls les éditeurs gagnent de l’argent en faisant le pari de se rémunérer sur une petite partie des clients. » | |
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| Les géants du numérique ont bien compris les avantages qu’ils pouvaient tirer de ces communautés. Confrontés eux aussi à la pénurie de développeurs, surtout avec l’accélération des développements en IA, ils multiplient les dons financiers ou de codes aux fondations, comme Meta ou Google l’ont fait pour leurs bibliothèques d’apprentissage IA (machine learning), respectivement PyTorch et TensorFlow. « Ce faisant, ils créent un écosystème, car les développeurs créent des outils autour de ces bibliothèques et les font vivre », analyse Stéfane Fermigier. Reste que cette situation n’aide pas à clarifier ce qui relève de l’open source dans le secteur de l’IA, car si la quasi-totalité de ces outils sont basés sur des composants « libres », les données utilisées pour l’entraînement des logiciels, elles, ne sont pas accessibles ! | |
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| Outre les controverses liées à l’IA, l’univers open source est à présent confronté à de nouveaux défis. Le secteur a besoin de davantage de contributions et de financements pour assurer son avenir, notamment de la part des éditeurs et des entreprises ayant bâti leur modèle sur des logiciels libres. « Beaucoup d’utilisateurs n’ont pas le réflexe de remonter les problèmes qu’ils rencontrent avec un logiciel libre et donc de contribuer à leur résolution, cela touche aux valeurs fondamentales de l’open source, constate Anne Nicolas. De plus, la communauté vieillit, surtout celle autour de Linux, il faut à présent trouver la relève et laisser la place. » Le manque de formations dispensées sur le sujet ne fait qu’accentuer ce problème. | |
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| Sophy Caulier | |
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