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Pourquoi l’administration déteste la maison individuelle

L'histoire qui suit peut paraître anecdotique, mais est révélatrice du climat de répression intellectuelle qui existe sur certains sujets dans les milieux publics, enfermant ainsi l'administration dans des schémas de pensée l'empêchant d'innover. Les politiques urbaines sont un sujet technique peu connu du grand public. L'administration française a exprimé, depuis 1945, une défiance continue contre le modèle d'habitat pavillonnaire, qui privilégie le développement de la maison individuelle et favorise le phénomène baptisé de façon péjorative « étalement urbain ».
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Nos élites de l'aménagement du territoire ne jurent que par la densification et l'habitat collectif. Une récente ministre du logement, Emmanuelle Wargon, a déclaré qu'elle voulait « dépasser le modèle de la maison individuelle », et promouvoir « la densité heureuse ». Malheureusement, cette obsession pour la sobriété foncière a un revers peu étudié en France : elle provoque une explosion du prix des terrains constructibles, et donc du logement. Lequel, en France, a augmenté en moyenne 80 % plus vite que les revenus des ménages durant la décennie 2000. De quoi largement expliquer l'aggravation des conditions de logement des Français les plus modestes.
Le pavillon, voilà l'ennemi !
Soucieux d'attirer l'attention sur ce problème méconnu, j'ai entrepris de rédiger une synthèse de mes recherches, publiées en 2021. Pour ce faire, je devais compléter mon argument vis-à-vis de certaines objections prévisibles. Notamment, il est souvent affirmé qu'une villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia

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étalée pavillonnaire coûte plus cher à la collectivité qu'une villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia

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dense riche en logements collectifs, car elle nécessite plus de voirie, de réseaux, etc. À ma grande surprise, il m'a été difficile de trouver une étude de cas française étayant ou infirmant ce point de vue.
Le professeur Joseph Comby, grand spécialiste universitaire de l'économie du logement, m'adressa la copie de l'unique recherche de sa connaissance, dont seul un résumé est disponible en ligne, effectuée sous sa direction en 2001 par un de ses étudiants et portant sur 248 localités de la grande couronne de l'agglomération parisienne. À LIRE AUSSI Y a-t-il encore une gauche pour sauver les classes pavillonnaires ?
Sur la foi de données fiscales publiques, l'étude constatait que, contrairement à l'idée dominante, la forme pavillonnaire n'augmentait pas les dépenses des communes étudiées. Par ailleurs, il s'agissait d'un travail sérieux au ton neutre, sans volonté polémique, et présentant bien d'autres résultats intéressants.
« On a osé publier ça ! »
Ce que j'ignorais alors, c'est que lors de sa parution, cette conclusion en apparence anodine a provoqué une mini-tempête dans le Landernau français des spécialistes de l'aménagement du territoire. Nombre d'entre eux, venant aussi bien du public que du privé ou du monde universitaire, échangeaient idées et points de vue au sein de l'Association des études foncières (Adef), qui avait financé et publié l'étude en question. Les publications de l'Adef avaient une aura certaine au sein des milieux de l'urbanisme et de l'aménagement.
Arnaud Bouteille, membre de cette association et professionnel de l'immobilier, a été l'un des superviseurs de l'étude. Il raconte dans une interview récente largement consacrée au rejet de la maison individuelle par l'administration le scandale provoqué par cette unique conclusion, tous les autres aspects de l'étude étant relégués au second plan.
« À la remise du rapport final, ce point a déclenché un scandale, une tempête interne au sein de l'Adef. Plusieurs de ses administrateurs ont estimé que l'on n'aurait jamais dû faire cette publication […] Je reste effaré de ce que j'ai ressenti […] Il m'a semblé suivre un procès en hérésie au XVIe siècle, tourné contre ses auteurs. […] le traitement statistique était forcément erroné puisqu'il aboutissait à une conclusion inacceptable. »
Parce qu'une conclusion déplaisait, certains ont estimé non sans véhémence qu'elle n'aurait pas dû être publiée et ont mené campagne contre ses auteurs. On peut parler d'une forme de terrorisme intellectuel. Au point que depuis 2001, le sujet n'a, semble-t-il, fait l'objet d'aucune nouvelle étude empirique en France.
Ce qu'on ne devrait pas dire
Cela peut paraître anecdotique, car après tout, ce n'est qu'une étude ancienne sur un sujet peu médiatisé. Mais Arnaud Bouteille a eu l'occasion de publier d'autres études contrariant les modèles de pensée publics. L'une d'elles a montré, à partir de bilans de chantiers réels, que les coûts de construction des immeubles augmentent fortement avec leur hauteur et leur complexité, et que, par conséquent, « construire dense, c'est construire cher ».
Là encore, Arnaud Bouteille raconte que cette conclusion, susceptible de questionner la pertinence des politiques pro-densification menées par l'État, a été mal reçue par les décideurs publics. « Si ce constat est bien établi, il reste mal accepté, et en particulier peu pris en compte dans les réflexions de ceux qui doivent planifier, organiser et réglementer. […] »À LIRE AUSSI La Ville, Nouveaux Horizons 2024 : les villes face au changement climatique
Certains de mes interlocuteurs publics classaient même « ce qui ne devrait pas être » en « ce qu'on ne devrait pas dire », car n'allant pas dans le sens de la justification de leurs décisions.
De telles réactions peuvent surprendre un observateur extérieur. Mais elles témoignent d'un réflexe idéologique profondément ancré au sein de ces milieux. La sociologue Catherine Bonvalet a recensé plusieurs études d'opinion conduites auprès des Français de 1945 à nos jours, montrant constamment la préférence d'environ 80 % d'entre eux pour la maison individuelle.
À LIRE AUSSI Dijon, laboratoire européen d'un quartier à « énergie positive » Mais elle note également que les milieux de l'aménagement public, profondément influencés par Le Corbusier et ses émules, défenseurs des grands programmes collectifs, ont toujours combattu cette conclusion. Ils l'ont ainsi assimilée à une forme de défaillance collective de la pensée, créant des explications alambiquées pour conclure que la préférence ainsi exprimée n'en était pas vraiment une. Les réactions des milieux professionnels publics contre toute étude questionnant leurs dogmes dominants se comprennent mieux dans ce contexte.
Répression intellectuelle des conclusions interdites
Des personnalités extérieures à l'administration telles que Joseph Comby et Arnaud Bouteille conservent la liberté de publier des résultats de recherche contrariants, quitte à faire face à des critiques disproportionnées. Mais dans un tel climat de répression de l'hérésie, on imagine sans peine que les économistes, ingénieurs ou urbanistes travaillant à l'intérieur de ces institutions ne peuvent se risquer à questionner ces vérités quasi religieuses sans mettre en danger leur carrière. Voilà pourquoi les propositions issues de la technocratie qui conseille les politiques semblent toujours relever des mêmes schémas de pensée.
C'est grave, car encore une fois l'acuité de la crise du logement que nous vivons aujourd'hui ne permet plus de faire l'économie d'un débat ouvert sur la pertinence de nos politiques foncières aujourd'hui très restrictives.
À LIRE AUSSI Plus de 3 millions de logements vacants en FranceL'habitat n'est pas le seul domaine où une telle forme d'étouffement de la dissidence existe. Par exemple, il est difficile pour un professionnel du secteur public d'exprimer une opposition au combat permanent des élites publiques contre l'automobile et pour les transports collectifs, ou contre la pertinence de la transition énergétique, et ce alors même qu'à l'extérieur de la tour d'ivoire publique les contestations émergent.
À Découvrir Le Kangourou du jour Répondre Or, là encore, les politiques engendrées par ces dogmes (ZFE, Énergies intermittentes, etc.) ont un rapport avantages-inconvénients plus que discutable et imposent aux ménages, et surtout aux plus modestes, des coûts immédiats très élevés. Libérer le débat public des dogmes fondateurs de l'étatisme contemporain est donc, plus que jamais, une nécessité.
*Vincent Bénard est ingénieur en aménagement du territoire et analyste économique.
https://www.lepoint.fr/debats/pourquoi-l-administration-deteste-la-maison-individuelle-20-01-2025-2580397_2.php

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