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-====== Le Monde – Comment le « free speech » est devenu l’arme des conservateurs aux Etats-Unis ====== https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/17/comment-le-free-speech-est-devenu-l-arme-des-conservateurs-aux-etats-unis_6503153_3232.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default 
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-https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/17/comment-le-free-speech-est-devenu-l-arme-des-conservateurs-aux-etats-unis_6503153_3232.html 
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-LAURENT CORVAISIER 
-Comment le « free speech » est devenu l’arme des conservateurs aux Etats-Unis 
-Par Gilles Paris 
-Par Gilles Paris 
-Par Gilles Paris 
-Hier à 18h00, modifié à 07h35 
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-ENQUÊTE Depuis les années 1970, la Cour suprême défend une conception très large de la liberté d’expression, une jurisprudence qui permet aujourd’hui aux réseaux sociaux d’Elon Musk ou de Mark Zuckerberg de diffuser massivement des informations non vérifiées, voire délibérément fausses. 
-Lecture 13 min 
-La querelle repose sur une dizaine de mots, sur les quarante-cinq que compte le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis – ceux qui disposent que « le Congrès n’adoptera aucune loi (…) pour limiter la liberté d’expression ». Ils garantissent, depuis 1791, cette liberté fondamentale, avec la liberté de religion, la liberté de la presse, la liberté de réunion et le droit d’adresser des pétitions au gouvernement. Aux temps des absolutismes politiques et religieux, ces quelques mots faisaient de la jeune République l’une des plus libres au monde. 
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-Cette liberté d’expression constitutive de l’identité américaine est pourtant devenue la toile de fond d’une féroce bataille dans laquelle se mêlent idéologie, intérêts économiques, accusations de manipulation, remise en cause des médias traditionnels et poussée exponentielle de la désinformation. C’est ainsi qu’à la veille de la prestation de serment de Donald Trump, le 20 janvier, deux milliardaires propriétaires de puissants réseaux sociaux, Elon Musk pour X (anciennement Twitter) et Mark Zuckerberg pour Meta (Facebook et Instagram), et avec eux le Parti républicain, se posent en défenseurs intraitables de la liberté d’expression et en pourfendeurs des « censures » venues d’un progressisme présenté comme dévoyé qui voudrait, selon eux, la corseter. 
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-Lorsqu’il s’est emparé de Twitter en 2022, Elon Musk, l’homme le plus riche de la planète, se présentait comme un « absolutiste de la liberté d’expression ». Le free speech peut-il vraiment être absolu, alors que « l’obscénité », l’incitation à la violence ou à commettre des actes illégaux, entre autres, ne sont pas protégées par la Constitution ? En 2022, cette lecture radicale du premier amendement était incarnée par un héraut moins flamboyant qu’Elon Musk en la personne du conspirationniste Alex Jones. Traîné en justice par des parents de victimes pour avoir nié sur son site Internet le massacre de masse perpétré en 2012 dans l’école primaire Sandy Hook de Newtown, dans le Connecticut (il avait assuré qu’il s’agissait d’une mise en scène pour obtenir un plus grand contrôle des armes à feu), il s’était présenté au tribunal avec un bâillon sur lequel était écrit « sauvez la liberté d’expression ». 
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-Lire aussi (2024) 
-Elon Musk, acteur politique de la droite extrême, puissance X 
-Cette controverse sur les contours de la liberté d’expression est très ancienne : elle se noue il y a un peu plus d’un siècle, lorsqu’un juge de la Cour suprême américaine, Oliver Wendell Holmes Jr (1841-1935), change radicalement d’opinion entre deux arrêts sur le free speech. Le 3 mars 1919, ce pur produit de l’aristocratie intellectuelle de la Nouvelle-Angleterre défend avec ses pairs une conception restrictive de la liberté d’expression en maintenant les condamnations pour des tracts dénonçant la conscription imputés à deux socialistes – ces derniers avaient été punis au nom de lois d’exception sur l’espionnage et la sédition adoptées après l’entrée des Etats-Unis dans la première guerre mondiale, en 1917. Le juge estime que le contexte du conflit justifie une entorse au premier amendement : il s’agit d’éviter « un danger clair et présent », ainsi que les « maux substantiels » qu’il pourrait entraîner. 
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-Le 10 novembre de la même année, à la suite d’une saisine visant des condamnations similaires pour d’autres tracts antimilitaristes, le juge Holmes change cependant d’avis. La même Cour suprême réitère sa position restrictive sur la liberté d’expression de mars, mais elle doit se passer de la voix de celui qui restera, dans l’histoire juridique, sous le nom du « grand contestataire ». Jugeant les pamphlets en question peu susceptibles de constituer une menace, le juriste, rejoint par un autre futur monument du droit aux Etats-Unis, Louis Brandeis (1856-1941), adopte une conception beaucoup plus protectrice de la liberté d’expression. 
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-Outil de conquête de droits 
-Pour le juge, « le bien ultime recherché [dans une société démocratique] est mieux atteint par le libre échange des idées, écrit-il dans l’avis dans lequel il exprime son opposition. Le meilleur test de la vérité est le pouvoir de la pensée de se faire accepter dans la concurrence du marché » des idées. Il renoue là avec la conviction du philosophe libéral du XIXe siècle John Stuart Mill, convaincu que le débat, en chassant le mensonge ou l’erreur, produit mécaniquement la vérité. Défendre la liberté dans ce « marché des idées » cher au penseur britannique revient donc à défendre la démocratie. 
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-Lire aussi (2022) 
-La chronique « philosophie » de Roger-Pol Droit : John Stuart Mill ou une critique efficace de l’actuel néolibéralisme et de ses dérives 
-Les deux juges sont alors minoritaires mais leurs idées progressent rapidement, portées par des intellectuels comme Walter Lippmann (1889-1974) ou Alexander Meiklejohn (1872-1964). Ce dernier est le premier « absolutiste » revendiqué de la liberté d’expression, même s’il estime que seules les prises de position qui traitent des questions d’intérêt public doivent être protégées par cette lecture novatrice de la Constitution. L’invocation du premier amendement devient un outil de conquête de droits, comme le montrent les arrêts rendus par la Cour suprême du temps de la présidence (1953-1969) d’Earl Warren (1891-1974) : selon une étude publiée en 2018 par l’université du Michigan, 82 % des dossiers impliquant la liberté d’expression se soldent par des victoires progressistes. 
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-LAURENT CORVAISIER 
-Le camp conservateur résiste en effet à l’extension du champ d’application du premier amendement. « La protection constitutionnelle devrait être accordée uniquement aux discours explicitement politiques », écrira en 1971 le juriste Robert H. Bork (1927-2012), dans un article publié dans une revue de droit d’une université de l’Indiana. « Il n’y a pas de raison que le juge intervienne pour protéger toute autre forme d’expression, qu’elle soit scientifique, littéraire ou cette variété d’expression que nous appelons obscène ou pornographique », précise-t-il, excluant que les discours « prônant le renversement forcé du gouvernement ou la violation d’une loi » en bénéficient. 
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-Pendant le « règne » d’Earl Warren à la tête de la plus haute instance judiciaire américaine, se manifeste « un engagement national profond en faveur du principe selon lequel le débat sur les questions publiques doit être désinhibé, solide et ouvert », selon la formule tirée d’un arrêt rendu en faveur du New York Times (New York Times vs Sullivan). En 1964, cette décision protège le quotidien contre une accusation de diffamation portée par un responsable officiel de l’Alabama dans le contexte de la lutte pour les droits civiques. Cet arrêt, qui donne au premier amendement sa « signification centrale », constitue, selon le mot du philosophe Alexander Meiklejohn, « une occasion de danser dans les rues ». 
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-Discours de haine sanctuarisé 
-Sept ans plus tard, en 1971, un autre arrêt, New York Times vs United States, porte au pinacle la liberté d’expression à l’occasion de la publication de documents confidentiels relatifs à la guerre du Vietnam. Transmis par un lanceur d’alerte, les « Pentagon Papers » mettent à nu l’intervention américaine ; l’administration de Richard Nixon fulmine, mais la Cour suprême estime que le gouvernement ne peut empêcher la divulgation d’informations sensibles, à moins qu’elle entraîne « à coup sûr des dommages directs, immédiats et irréparables à notre nation ou à son peuple ». 
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-Lire aussi notre archive (2010) : 
-En 1971, un opposant à la guerre du Vietnam distribue les "Pentagon Papers" à la presse 
-En 1976, la Cour suprême ouvre l’application du premier amendement au discours commercial : dans le contentieux « Virginia State Pharmacy Board vs Virginia Citizens Consumer Council », elle juge qu’un Etat ne peut pas limiter le droit des pharmaciens à faire de la publicité sur les prix des médicaments délivrés sur ordonnance. Le juge conservateur William Hubbs Rehnquist (1924-2005) peste contre ce qu’il considère comme un dévoiement, mais les industriels voient vite l’intérêt de cette lecture très extensive de la Constitution. L’icône des droits des consommateurs, Ralph Nader, reconnaîtra ultérieurement que cet arrêt a constitué « le plus grand boomerang » judiciaire des Etats-Unis. 
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-Un an plus tard, en 1977, la Cour suprême illustre cette primauté absolue de la liberté d’expression en exigeant de la justice de l’Illinois qu’elle se saisisse d’un recours déposé par le Parti national-socialiste d’Amérique, groupuscule suprémaciste et antisémite interdit de défilé dans la ville de Skokie, une proche banlieue de Chicago, où résident de nombreux survivants juifs de la politique d’extermination du IIIe Reich. Pour la Cour suprême de l’Illinois, « l’utilisation de la croix gammée est une forme symbolique de liberté d’expression bénéficiant de la protection du premier amendement ». Le discours de haine est plus que jamais sanctuarisé. 
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-Victoires conservatrices accrues 
-Progressivement, le camp conservateur comprend l’intérêt qu’il peut tirer à son tour de l’arme du premier amendement. L’étude de 2018 de l’université du Michigan consacrée aux cas examinés par la Cour suprême impliquant la liberté d’expression fait apparaître une baisse constante des dossiers dans lesquels un point de vue progressiste est avancé. A partir des années 2000, dans le contexte d’un Congrès de plus en plus paralysé par sa polarisation, les conservateurs s’appuient, au sein de la Cour suprême, sur une majorité de juges sélectionnés par la Federalist Society, le principal lobby de la droite américaine pour les questions juridiques. 
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-Lire aussi (2022) 
-Comment la Cour suprême des Etats-Unis a basculé dans le conservatisme pendant la présidence de Donald Trump 
-Sous la présidence de John Roberts, en poste depuis 2005, les victoires conservatrices en matière de liberté d’expression dépassent de beaucoup les victoires progressistes (69 % contre 21 %). Au nom du free speech, la Cour suprême fait ainsi sauter, en 2010, les plafonds de dépenses électorales dans l’arrêt historique Citizens United vs Federal Election Commission. Les juges estiment que l’argent dépensé lors d’une campagne électorale peut être protégé par le premier amendement non parce qu’il constitue un discours, mais parce qu’il le permet. Quatorze ans plus tard, en 2024, cette décision permettra à Elon Musk de mettre sa fortune au service de Donald Trump. 
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-Lire aussi (2024) 
-Elon Musk, de donateur à acteur direct de la campagne de Donald Trump 
-Lorsque la majorité conservatrice de la Cour suprême réduit, en 2018, l’usage des cotisations par les syndicats, puis dispense les centres anti-IVG de Californie de l’obligation d’informer les femmes enceintes de leur droit à se faire avorter dans une clinique qui pratique l’interruption volontaire de grossesse, la juge Elena Kagan, nommée par le démocrate Barack Obama, sonne l’alerte : elle dénonce, avec ses pairs progressistes, « l’instrumentalisation du premier amendement, d’une manière qui permet aux juges, aujourd’hui et à l’avenir, d’intervenir dans la politique économique et réglementaire ». 
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-L’avocate féministe Catharine MacKinnon se montre plus critique encore. La liberté d’expression, qui constituait autrefois « un bouclier pour les radicaux, les artistes et les activistes, les socialistes et les pacifistes, les exclus et les dépossédés, est devenue une épée pour les autoritaires, les racistes et les misogynes, les nazis et les hommes du [Ku Klux] Klan, les pornographes et les entreprises qui achètent des élections dans l’opacité, déplore-t-elle en 2020 dans un article publié par la Virginia Law Review. Dans le discours public (…), la liberté d’expression est passée (…) d’un cri de ralliement pour les manifestants contre le pouvoir dominant à une immunité revendiquée par ceux qui le détiennent ». 
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-Querelle relancée 
-La bataille aujourd’hui en cours sur le free speech au sein des réseaux sociaux se développe sur ce terreau. Dans les années 2020, elle est précipitée par deux crises majeures : la pandémie de Covid-19 et l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole à Washington, conduit par des partisans de Donald Trump chauffés à blanc depuis des semaines par les déclarations publiques d’un président nourrissant la théorie du complot du trucage, par les démocrates, des résultats de l’élection présidentielle remportée par Joe Biden. 
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-Lire aussi (2024) 
-Elections américaines 2024 : quatre ans après, Trump relance les accusations de fraude électorale 
-Lors de ces deux crises, la conviction de John Stuart Mill, rappelée en 1919 par Oliver Wendell Holmes Jr, est mise à mal par le développement des plateformes. Lorsque des informations non vérifiées ou délibérément fausses sur le Covid ou l’assaut du Capitole se répandent massivement, le « marché des idées » reste-t-il vertueux ? Une question essentielle se pose : où se situe la frontière entre la protection indispensable de la démocratie et de l’intérêt général d’un côté, et le piétinement excessif du droit à la liberté d’expression de l’autre ? 
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-Après le bannissement, par Facebook et Twitter, de Donald Trump à la suite de l’assaut du Capitole, Mark Zuckerberg, propriétaire du premier réseau, reconnaît que « le public a le droit d’avoir un accès aussi large que possible au discours politique, même au discours controversé », mais il ajoute que le « contexte » est « fondamentalement différent » des années précédentes marquées par les foucades du républicain. « L’utilisation de [Facebook] pour inciter à l’insurrection violente contre un gouvernement démocratiquement élu », qu’il avance, fait écho au « danger clair et présent » évoqué naguère par le juge Holmes pour justifier la limitation de la liberté d’expression. Twitter, en dénonçant un détournement du réseau qui « incite à la violence », adopte un raisonnement similaire. 
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-Lire l’éditorial du « Monde » (2021) 
-Donald Trump banni de Twitter et Facebook : les réseaux sociaux entre laxisme et censure 
-Face à une seconde vague de Covid-19 et aux rumeurs répandues sur l’inefficacité des vaccins à l’été 2021, et faute d’actions significatives de la part des réseaux sociaux les plus puissants au cours des semaines qui suivent, le gouvernement fédéral agite à son tour le thème du « danger clair et présent ». Le responsable de la santé publique, Vivek Murthy, assure que la passivité face à cette désinformation constitue « une menace urgente pour la santé publique ». « Ils tuent des gens », s’exclame même le président Joe Biden, le 16 juillet 2021, en visant les responsables de ces plateformes. 
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-Lire aussi (2021) 
-Joe Biden accuse Facebook de désinformation au sujet des vaccins, le réseau social réplique 
-A ces deux crises – le Covid et l’assaut contre le Capitole – s’ajoute un troisième élément qui contribue, selon Bill Galston, politiste au sein de la Brookings Institution, un cercle de réflexion progressiste de Washington, à relancer la querelle sur la liberté d’expression : une ancienne frustration conservatrice à l’égard de la presse mainstream. « Le camp conservateur n’a cessé de la considérer comme orientée politiquement au centre gauche, et même si elle travaille plus dur, à mon avis, à établir les faits que le contre-modèle conservateur de l’information, il a quelques raisons de le penser, juge-t-il. Il n’est pas nécessaire de prononcer une contrevérité pour dire quelque chose qui n’est pas vrai : il suffit d’omettre certains faits. » 
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-Pluie d’accusations de censure 
-Autour de Donald Trump, la riposte s’organise. Avant d’être réintégré sur les réseaux qui l’avaient banni, il lance, en février 2022, son propre réseau, Truth Social, montrant par ce geste qu’il entend se battre sur la définition même de la vérité. Lorsque le gouvernement fédéral crée, en avril de la même année, une commission de gestion de la désinformation (Disinformation Governance Board), la droite la présente aussitôt comme un bureau chargé de la « censure » – une notion épouvantail dans toute démocratie. 
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-Lire aussi (2022) 
-Truth Social, le réseau social de Donald Trump, devient téléchargeable dans la boutique Google 
-La commission est enterrée quatre petits mois plus tard, mais le mal est fait. Des procureurs généraux d’Etats républicains – le Missouri et la Louisiane – engagent des poursuites contre l’administration de Joe Biden au nom de la liberté d’expression. En octobre 2022, Elon Musk s’empare de Twitter en se présentant comme l’« absolutiste » d’un free speech qui ne serait pas assez protégé. 
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-Depuis, les accusations de censure pleuvent. A droite, pour protester contre la « cancel culture » (« culture de l’annulation ») dont les conservateurs seraient victimes ; à gauche, pour stigmatiser les interdictions de livres dans les écoles et la volonté d’y proscrire les questions liées à l’orientation sexuelle ou à la « théorie critique de la race », selon laquelle la société américaine repose sur un racisme structurel. Il en va de même avec des lois votées par les Etats conservateurs du Texas et de la Floride visant à interdire aux plateformes de supprimer certains contenus. 
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-Lire aussi (2022)  
-Floride : vote d’une loi interdisant l’enseignement sur l’identité de genre et l’orientation sexuelle à l’école 
-Selon Jameel Jaffer, le directeur du Knight First Amendment Institute de l’université Columbia, à New York, une organisation consacrée à la protection de la liberté d’expression, deux périls menacent aujourd’hui le free speech : « D’un côté, le danger d’un pouvoir gouvernemental et de fonctionnaires capables de censurer le discours public » – c’est ce que vise la Constitution depuis 1791 ; « de l’autre, le pouvoir des plateformes elles-mêmes : un petit nombre d’entreprises privées ont acquis une immense influence sur les espaces d’expression les plus importants pour nos démocraties et leurs intérêts ne sont pas du tout alignés sur ceux de leurs utilisateurs, et encore moins sur l’intérêt général » – une situation que les Pères fondateurs ne pouvaient anticiper. 
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-Cet immense espace d’expression présente une singularité par rapport à la presse traditionnelle. Depuis la loi Communications Decency Act de 1996, qui a puissamment contribué à son essor, il dispose en effet d’une relative immunité : en vertu de la section 230 de ce texte, les sites participatifs sont exonérés de quasiment toute responsabilité sur le contenu posté par les usagers, et protégés des poursuites s’ils suppriment rapidement les contenus illégaux qui leur sont signalés. 
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-Lire aussi 
-« Aux Etats-Unis, la liberté d’expression est devenue l’ennemie du pluralisme et un danger pour la démocratie » 
-Près de trente ans plus tard, à l’été 2024, la Cour suprême estime que les responsables des plateformes ont un rôle d’éditeurs et qu’ils bénéficient à ce titre des protections du premier amendement : les réseaux sociaux se voient donc reconnaître une liberté d’expression plus grande. Cette décision a suscité des réactions opposées dans les rangs progressistes, certains, comme Jameel Jaffer, l’accueillant plutôt favorablement, d’autres, comme le professeur de droit de Columbia Tim Wu, redoutant une impossibilité accrue pour l’Etat fédéral de réguler le contenu des plateformes lorsqu’il devient problématique. 
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-Efficace lobbying des plateformes 
-Alors que le premier amendement « constitue la protection de base contre l’Etat », estime le professeur de l’école de droit de Harvard Noah Feldman, « les privilèges statutaires » tels que ceux de la section 230 « relèvent de la compétence du Congrès, qui peut les conférer ou les supprimer », ajoute-t-il, en entrouvrant la porte vers d’éventuelles modifications législatives qui ne sont cependant pas d’actualité, du fait de l’efficace lobbying des plateformes. 
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-Des deux menaces évoquées par Jameel Jaffer, la seconde – le risque que représente une oligarchie de ploutocrates n’ayant de comptes à rendre à personne – apparaît désormais comme plus sérieuse que la première – les dangers du pouvoir gouvernemental. L’idéologie libertarienne d’Elon Musk est écornée lorsqu’il réduit au silence sur X certains de ses détracteurs, et l’opportunisme de Mark Zuckerberg, qui supprime sur ses réseaux la vérification des faits qu’il défendait naguère, semble dépourvu de la moindre considération morale. 
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-Aujourd’hui, l’heure est plus que jamais à la dérégulation de la liberté d’expression aux Etats-Unis, comme le montre le rejet, par une cour d’appel fédérale à majorité conservatrice, de la tentative de l’administration démocrate de rétablir les règles de « neutralité du Net ». Au nom du free speech, Donald Trump a, de son côté, nommé à la tête de l’autorité chargée de ce domaine, la Federal Communications Commission, un dérégulateur revendiqué. Quant aux géants numériques américains, non contents de triompher à l’intérieur de leurs frontières, ils entendent bien s’attaquer au contre-modèle européen. 
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-Attaques d’Elon Musk et de Mark Zuckerberg : « Il faut arrêter d’instrumentaliser la liberté d’expression » 
-Le directeur du Knight First Amendment Institute persiste néanmoins à croire qu’« on ne peut pas avoir un “marché des idées” sans avoir des règles qui font en sorte qu’il fonctionne ». « Il ne s’agit pas seulement de dire que le gouvernement ne doit pas choisir ce qui est autorisé ou pas, précise-t-il. Il faut aussi garantir l’intégrité et la vitalité de ce marché. » Pour éviter un débat impossible sur la définition de la liberté d’expression à l’âge des réseaux sociaux, Jameel Jaffer défend des réformes structurelles – des obligations de transparence, des exigences d’interopérabilité, des règles antitrust pour déconcentrer cet univers, ou de nouvelles restrictions pour l’accès aux données personnelles des utilisateurs des plateformes et à leur exploitation par ces dernières. 
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-Facebook et Instagram vont utiliser vos données personnelles pour entraîner l’IA de Meta (sauf si vous refusez) 
-Réaliste, Bill Galston constate que la boussole en matière de liberté d’expression, qui venait de la gauche, n’a pas encore achevé sa course dans une direction conservatrice libertarienne encore plus affirmée – et ce aux dépens de la démocratie. « A court terme, regrette-t-il, cela rend la gouvernance encore plus difficile, car les définitions classiques de la délibération reposent sur l’existence de faits reconnus et acceptés, ce qui est de moins en moins le cas. » C’était pourtant ce que promettait avec optimisme le défenseur du « marché des idées » qu’était John Stuart Mill. 
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-Gilles Paris 
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