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-====== Le Monde – La croisade anti-Etat, nouvelle expression du dégagisme ====== https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/31/la-croisade-anti-etat-nouvelle-expression-du-degagisme_6524519_3232.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default
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-https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/31/la-croisade-anti-etat-nouvelle-expression-du-degagisme_6524519_3232.html
-DÉBATS
-La croisade anti-Etat, nouvelle expression du dégagisme
-ANALYSE
-Claire Gatinois
-Les méthodes du dirigeant argentin Javier Milei, comme celles du libertarien américain Elon Musk, font fantasmer une partie des responsables politiques, à droite et à l’extrême droite.
-Aujourd’hui à 04h30, modifié à 14h59
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-La tronçonneuse était factice. Un modèle réduit aux allures de vulgaire jouet en plastique. Mais elle a suffi à frapper les esprits. Mardi 21 janvier, alors que les sondeurs observent le désintérêt massif des Français pour la politique, Eric Ciotti emprunte les codes du burlesque pour faire parler de lui.
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-A la Maison de l’Amérique latine, à Paris, l’ancien président du parti Les Républicains (LR), qui a basculé dans le camp de l’extrême droite, brandit une tronçonneuse pour mimer les coupes franches qu’il rêve d’opérer dans l’Etat et ses missions : 600 milliards d’euros de baisse des dépenses publiques en cinq ans, disparition d’un tiers des agences de l’Etat, dont l’Office français de la biodiversité, l’Agence de la transition écologique, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique…
-La scène ravit les médias, apportant une preuve supplémentaire de l’évaporation des frontières entre politique et divertissement. Mais le « happening » d’Eric Ciotti nous dit aussi que ce qui semblait impensable il y a encore six mois devient réalité : les méthodes brutales du président argentin, Javier Milei, maniant lors de sa campagne une tronçonneuse pour imager la réduction massive des dépenses publiques, inspirent une partie des responsables politiques français.
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-« On ne voit pas bien comment Elon Musk réussira à économiser 1 000 milliards de dollars »
-« Un vent souffle. Une révolution conservatrice et libérale va s’imposer », veut croire un conseiller d’Eric Ciotti. Paris n’est nullement comparable à Buenos Aires, dont le naufrage économique s’étire depuis un quart de siècle. Mais le dirigeant latino-américain, élu haut la main en novembre 2023, fait fantasmer une partie de la droite et de l’extrême droite, autant que le département de l’efficacité gouvernementale du milliardaire américain Elon Musk, en croisade contre la fonction publique et ses gabegies.
-Faire maigrir la puissance publique
-« J’en ai rêvé, Musk va le faire », écrit, dès novembre 2024, Valérie Pécresse sur X. La présidente (LR) de la région Ile-de-France, qui proposait en 2022, lors de sa campagne présidentielle, la création d’un « comité de la hache » pour sabrer dans la dépense publique, assume son admiration pour le libertarien, tout comme son homologue à la tête de la région Pays de la Loire, Christelle Morançais. La numéro deux du parti d’Edouard Philippe, Horizons, qui a imposé 100 millions d’euros d’économies budgétaires à sa région en ciblant la culture, trouve l’homme « génial » (c’était avant qu’Elon Musk lève son bras à la façon d’un salut nazi).
-David Lisnard, le maire (LR) de Cannes (Alpes-Maritimes), candidat à la présidentielle de 2027, construit son identité sur cette même volonté de faire maigrir la puissance publique, décrite comme sclérosée par la bureaucratie, les normes et des fonctionnaires inutiles. « Il faut en finir avec le régime des technocrates et remettre l’Etat à sa place », dit l’édile cannois.
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-Caricature ? Mode passagère ? L’économiste et historien Jean-Marc Daniel observe que l’accusation d’un Etat pléthorique, inefficace et trop dépensier surgit à intervalles réguliers. La « commission de la hache » apparaît la première fois sous Louis XV, au XVIIIe siècle, afin de mettre fin aux abus du clergé. Après la seconde guerre mondiale, le président du Conseil Paul Ramadier (1947) préside un « comité de la guillotine » chargé de tailler dans les dépenses.
-Et que dire de la vague ultralibérale des années 1980 – les « années fric » – emmenée par Ronald Reagan aux Etats-Unis et Margaret Thatcher au Royaume-Uni, qui s’est déclinée en France par les grandes privatisations de 1986 ? Aujourd’hui, observe Jean-Marc Daniel, « le terrain est propice » pour que prospère de nouveau cette volonté de « dégraisser le mammouth », comme disait l’ancien ministre Claude Allègre en parlant du ministère de l’éducation nationale.
-« Massacre à la tronçonneuse »
-Certes, les Français, en particulier au sein des classes populaires, sont très attachés à l’Etat protecteur. Le Rassemblement national (RN), dont l’électorat est composé en grande partie de ménages modestes – et de fonctionnaires –, observe donc la plus grande prudence à l’égard de ce vent libéral. « Le colbertisme est une tradition française. Les Etats-Unis sont débordés par les forces de l’argent », juge Jean-Philippe Tanguy, député (RN) de la Somme. Mais le lieutenant de Marine Le Pen remarque que « les Français voient bien que l’Etat obèse fonctionne en roue libre ».
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-L’interminable crise politique, l’inertie de l’action publique, la dette colossale du pays, couplées au sentiment d’un Etat qui déçoit dans ses missions, nourrissent la rancœur et la volonté de « nettoyer » le service public. Il faut mettre « dehors » – « afuera », dit-on en Argentine – ceux qui sont considérés comme des freins à la gloire retrouvée de la nation.
-« Le “massacre à la tronçonneuse” promis par certains politiques s’appuie sur une pulsion du moment, sur cette volonté de dégagisme », atteste Thierry Pech, directeur général de la fondation Terra Nova. « Ça peut plaire », constate le directeur de l’institut de sondages IFOP, Frédéric Dabi, qui note chez les Français une « attente d’efficacité mille fois déçue par les politiques ».
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-Pour emmener les foules, lassées des slogans sans lendemain, les politiques cherchent la radicalité, parfois l’outrance et la moquerie. « Quand on prend le côté courtelinesque des choses, on séduit l’opinion », constate Jean-Marc Daniel, dans une référence à Georges Courteline, auteur de Messieurs les ronds-de-cuir (Librairie Marpon et Flammarion, 1893), roman satirique moquant les fonctionnaires du XIXe siècle.
-Aux Etats-Unis, un rapport sénatorial de 2024 décrivant des fonctionnaires allant au golf ou prenant un bain moussant au lieu de télétravailler – le scandale des « bubble bath bureaucrats » – a préparé le terrain à Elon Musk. En France, début janvier, c’est un castor qui a rendu populaire l’exaspération d’agriculteurs envers l’Office français de la biodiversité et des normes qu’il tente de faire respecter. L’amorce d’un mouvement de plus grande ampleur ?
-Claire Gatinois
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