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-====== Le Monde – Gérôme Truc et Fabien Truong, sociologues : « Les quartiers populaires ne sont en rien un contre-monde » ====== https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/27/gerome-truc-et-fabien-truong-sociologues-les-quartiers-populaires-ne-sont-en-rien-un-contre-monde_6517574_3232.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default 
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-https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/27/gerome-truc-et-fabien-truong-sociologues-les-quartiers-populaires-ne-sont-en-rien-un-contre-monde_6517574_3232.html 
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-DÉBATS 
-Gérôme Truc et Fabien Truong, sociologues : « Les quartiers populaires ne sont en rien un contre-monde » 
-Les deux chercheurs ont suivi durant dix années le quotidien des habitants de Grigny (Essonne), entre violence et solidarité, entraide et précarité. Dans un entretien au « Monde », ils abordent les points les plus saillants d’une enquête, publiée sous le titre de « Grands ensemble », menée dans une ville particulièrement touchée par la pauvreté. 
-Propos recueillis par Nicolas Truong 
-Propos recueillis par Nicolas Truong 
-Propos recueillis par Nicolas Truong 
-Aujourd’hui à 05h45, modifié à 16h19 
-Lecture 6 min 
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-Fabien Truong et Gérôme Truc, à Paris, le 3 décembre 2024. CLAIRE DELFINO 
-Gérôme Truc est chercheur au CNRS. Il étudie les réactions sociales aux attaques terroristes et a notamment publié Sidérations. Une sociologie des attentats (PUF, 2016). Fabien Truong est enseignant à l’université Paris-VIII et spécialiste des banlieues et de la jeunesse. Il a entre autres écrit Loyautés radicales (La Découverte, 2017, nouvelle édition augmentée, 2025). Les deux sociologues, coauteurs de Grands ensemble (La Découverte, 386 pages, 22 euros), ont observé et partagé, durant dix années, la vie des habitants de Grigny (Essonne). 
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-Pourquoi décrivez-vous Grigny comme une ville « en état d’urgence permanent » ? 
-Gérôme Truc : Nous sommes arrivés à Grigny pour répondre à l’appel d’un collectif citoyen qui, après les attentats de janvier 2015, avait installé un « mur de paroles » sur lequel chaque Grignois pouvait inscrire ce qu’il voulait pour exprimer son ressenti. On y lisait l’émotion face à l’horreur, mais aussi la stigmatisation de la ville et les difficultés du quotidien. Le climat de tension créé par les attaques terroristes faisait clairement écho à la situation d’une ville en état d’urgence permanent : les épreuves du quotidien sont exacerbées par la précarité, notamment perceptibles dans la vétusté du bâti et le manque criant de services publics. 
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-Lire aussi 
-Grigny 2 : l’Etat se résout à racheter 1 320 appartements de cette immense copropriété paupérisée 
-Fabien Truong : Le commissariat n’est, par exemple, ouvert que trois heures le vendredi, et il n’y a qu’un pédiatre pour environ 30 000 habitants. Dans cette commune, il y a toujours une urgence à laquelle il faut parer : ici, un incendie dans une tour [du quartier] Grigny 2, là des frigos vides ou un point de deal générant des tensions. On vit ici comme ailleurs, mais cet état d’urgence permanent fait que les rivalités et les violences, tout comme les solidarités et un certain sens du collectif, sont accentuées. 
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-Comment les habitants ont-ils réagi aux attentats de janvier 2015, alors qu’Amedy Coulibaly, tueur de l’Hyper Casher, a grandi à Grigny ? 
-F. T. : Selon une opinion couramment répandue, les banlieues ne se seraient pas manifestées et n’auraient pas participé à la grande marche du 11 janvier 2015. Pourtant, les bus affrétés par la ville ont fait le plein ce jour-là, et les murs de paroles témoignent de l’émotion ressentie ici aussi, avant même de connaître l’identité des terroristes. 
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-Lire aussi la tribune de Fabien Truong (2015) : 
-« Arrêtons de faire des banlieues l’exutoire de nos peurs » 
-Grigny a été sous le choc, jusqu’à l’incrédulité, en apprenant l’implication d’Amedy Coulibaly. Beaucoup le connaissaient. Il nous a été dépeint à la fois comme le « mec toujours prêt à rendre service » et comme ce « mec devenu chelou » depuis sa première incarcération à la prison de Fleury-Mérogis [Essonne], en 2001. Il a passé la moitié de sa vie en prison, et c’est là que s’est enclenché son processus de radicalisation. Les habitants se sont sentis trahis par lui, mais aussi pointés du doigt. Comme si tous les jeunes Grignois étaient des terroristes en puissance, ce qui, au regard des faits, est absurde. 
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-G. T. : Parmi les quelque 300 mots recueillis par le collectif sur le parvis de la gare RER, il y avait d’abord des messages de paix et d’amour, comme c’est systématiquement le cas après des attentats. Dans une ville qui comporte de nombreux réfugiés et exilés, ils sont parfois reliés à une expérience intime de la guerre. Par exemple : « On est arrivé en France pour vivre “trankillement”. J’aime la France. On a fui notre pays pour la PAIX. Merci ». 
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-Lire l’analyse : 
-Les problèmes d’emploi, symptôme persistant de la relégation des banlieues 
-Il y a aussi de nombreuses expressions d’une « fierté » d’être Grignois, en réponse au discours médiatique qui dépeint la ville comme une « fabrique de terroristes ». Mais, en même temps et à côté, il y a aussi des messages qui dénoncent le manque de travail pour les jeunes, les chefs d’entreprise qui « bloquent les CV », les problèmes de chauffage, les nuisances sonores en été, etc. Et ça, c’est vraiment quelque chose de singulier, qui montre combien ces attentats ont été un moment de crise majeur, particulièrement révélateur. 
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-Qu’est-ce qui a le plus changé en dix ans ? 
-F. T. : La transformation démographique est continuelle à Grigny, invisible si on y passe quelques semaines, spectaculaire sur dix ans. Les flux sont permanents, et c’est ce qui la différencie des villes huppées, où les habitants restent plus longtemps. 
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-Grigny est un sas : en près de dix ans, la population s’est renouvelée pour plus de la moitié. Loin de l’image d’un ghetto séparatiste et communautariste, c’est une ville qui, d’un côté, accueille des personnes non désirées et, de l’autre, alimente le pays. 
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-Lire aussi : 
-Une fracture sociale persistante en France, selon l’Observatoire des inégalités 
-C’est aussi une ville hyperconnectée à Paris, avec qui elle échange en permanence, le centre n’existant pas sans la périphérie. La plupart des habitants et habitantes sont des travailleurs essentiels : aides-soignants, agents de propreté, livreurs, techniciens de maintenance, qui exercent dans les grands centres urbains. Le narcotrafic est également une affaire de connexion : les clients viennent de l’extérieur et de territoires affluents. Les quartiers populaires sont des carrefours et les coulisses du pays, en rien un contre-monde. 
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-Lire aussi (2024) 
-Emprise du narcotrafic en France : chronique de quinze années d’un aveuglement collectif 
-G. T. : La ville s’est aussi modernisée, notamment grâce à une centrale de géothermie [inaugurée en 2018] qui permet de diminuer les factures de chauffage, et un nouveau cœur de ville a émergé. Beaucoup d’infrastructures se sont objectivement améliorées. Nous montrons comment une mise en perspective sur le temps long permet de visualiser ici une histoire de France en miniature, une histoire de l’exploitation de la périphérie par le centre : terres agricoles d’abord, pierre meulière pour construire Paris ensuite, parcage du surplus démographique avec deux grands ensembles imposés dans les années 1970, exploitation des hommes et des femmes qui transportent, réparent, prennent soin aujourd’hui. 
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-Toutes les transformations que nous avons pu observer en dix ans ne suffisent pas à absorber les besoins sociaux, sans cesse croissants, d’autant que la mobilité résidentielle des personnes en situation de stabilité, voire d’ascension sociale, vide la ville de ressources humaines précieuses. 
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-La défiance à l’égard des médias de masse, comme certaines chaînes d’information en continu, est particulièrement prégnante. Comment l’expliquez-vous ? 
-G. T. : Dans les quartiers populaires, il y a aujourd’hui une « conscience dédoublée » de soi, pour parler comme le sociologue états-unien W.E.B. Du Bois (1868-1963). Les habitants se savent regardés, scrutés en permanence, par certains médias qui ne rapportent que les aspects les plus sombres des quartiers populaires : délinquance, violence, islamisation. 
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-Lire aussi 
-La place croissante de l'islam en banlieue 
-Nous reproduisons dans le livre une carte subjective créée par des enfants grignois : si à l’intérieur de la ville, la peur (les espaces verts qui inquiètent la nuit, tout comme les caves, en raison de la présence des guetteurs et des dealeurs) coexiste avec la joie (incarnée par les parcs et les écoles), à l’extérieur, c’est la peur qui domine : les enfants dessinent une gigantesque télévision, aussi grande que le lac de Viry-Châtillon [Essonne], d’où sortent des flammes et des explosions. Dès le plus jeune âge, on se sait perçu négativement de l’extérieur par des adultes ayant accès à la parole publique et médiatique. 
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-Ce soupçon constant est une condition partagée : elle soude les habitants, qui se sentent régulièrement salis et insultés. C’est cela qu’ils partagent – beaucoup plus qu’une communauté de normes et de valeurs spécifiques qui feraient de ces quartiers des territoires en proie au « séparatisme ». 
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-Il y a tout de même une importante délinquance, des combats de rue, des femmes violentées et une empreinte forte de la religion musulmane dans ces quartiers, aspects et problèmes qui ne sont pas construits par la représentation médiatique… 
-F. T. : Il y a effectivement une multitude de formes de violence entremêlées, notre livre prend la peine de les définir, de les cartographier et de les relier. Le racisme, qui est une expérience commune à presque tous les habitants, s’exprime aussi à l’intérieur de la ville : les derniers arrivés peuvent souvent en être les victimes. Quant à la religion musulmane, elle n’est pas un monolithe : nombre de femmes voilées sont actives dans le tissu associatif, et tout à fait indépendantes. La question du virilisme est centrale, elle relie notamment policiers et jeunes hommes. Leurs affrontements chroniques mettent en jeu des manières communes d’« être mec » et d’occuper l’espace public. 
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-Lire aussi 
-« Les quartiers populaires sont une “France profonde” qu’on ne reconnaît pas comme telle » 
-Ces affrontements conduisent les femmes à être parfois prises dans des injonctions paradoxales : protéger « leurs » hommes contre d’autres hommes, les policiers, sur lesquels elles ne peuvent par ailleurs pas toujours compter quand certains de « leurs » hommes les violentent. Le patriarcat traverse les classes sociales, et les espaces et les quartiers populaires sont des lieux essentiels pour observer ce qui se transforme dans notre société depuis le mouvement #MeToo, qui les affecte en profondeur, et pas moins qu’ailleurs. 
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-En quel sens votre enquête est-elle également un plaidoyer pour les sciences sociales ? 
-G. T. : Nous avons cherché à éviter à la fois l’écueil de la dénonciation entêtée des « territoires perdus de la République » et la posture naïve du « romantisme de la résistance » et de la « créativité » des banlieues. 
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-Il y a en banlieue de la violence et de la solidarité, et ces phénomènes tiennent ensemble, de façon relationnelle et structurelle. Ce n’est pas tout l’un ou tout l’autre, mais l’un avec l’autre ; ce qui permet par ailleurs de comprendre la fabrique sociale d’un affect puissant aux conséquences politiques encore incertaines : le ressentiment. Quoi qu’on puisse en dire, c’est le geste même de l’enquête en sciences sociales qui permet de saisir ces réalités tout en nuances et ambivalences, à rebours des clichés médiatiques qui, trop souvent, servent encore de boussoles politiques. 
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-« Grands ensemble » : portrait sensible de Grigny, une ville « en état d’urgence » 
-Cela ne s’invente pas. Gérôme Truc et Fabien Truong, coauteurs de Grands ensemble (La Découverte, 386 pages, 22 euros), ont commencé leur enquête à Grigny (Essonne) le 13 novembre 2015, quelques heures avant que la nouvelle vague d’attentats djihadistes ensanglante Paris et l’Ile-de-France. La ville, qui fut autrefois un haut lieu de la modernisation agricole, puis de l’extraction de la pierre de meulière, venait tout juste de se remettre de la commotion nationale du mois de janvier, puisque le tueur de l’Hypercasher, Amedy Coulibaly, a grandi à Grigny. 
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-Invités à analyser un « mur de paroles » où s’inscrivent les réactions des habitants, les sociologues y sont restés dix ans. Dix années d’arpentage, de discussions et de déambulations : dans la voiture de « tonton Vikash », patriarche d’origine indienne au cœur de la mobilisation citoyenne, en compagnie de Foued, éducateur de rue et pilier du lien social grignois, et le plus souvent à pied afin de se laisser accoster et susciter des rencontres impromptues. Le lecteur suit les sociologues marcher parmi les vendeurs de maïs et de brochettes grillés chauffés sur des caddies retournés, cheminer à travers « l’esthétique brutaliste » de certains grands ensembles surveillés par les rondes des hélicoptères de la police, afin de comprendre l’appréhension des jeunes envers la nature et les espaces verts, leur rejet des contrôles humiliants et ces dessins d’enfants qui cartographient une cité entremêlée de violence, de précarité et de solidarité. 
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-Violence : le trafic de drogue, le marchandage de sommeil et le proxénétisme en sont les principales causes. Sans oublier les règlements de compte : Philippe Rio, l’édile communiste originaire du quartier de la Grande-Borne, pourtant qualifié de « meilleur maire du monde » par le City Mayors Foundation en 2021, fut, par exemple, menacé de mort. Une mort qui rôde et fauche les jeunes « au coin de la rue », écrivent les chercheurs – si le nombre d’homicides en France a été divisé par deux depuis le début des années 1990, ces quartiers concentrent la plupart des homicides masculins sur la voie publique (315 homicides liés au narcotrafic en 2023). 
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-Précarité : dans cette « ville-monde » où la moitié de la population est de nationalité étrangère, le taux de chômage est environ de 25 % et la part de personnes non diplômées (qui n’ont pas le niveau bac ou équivalent) est de 68 %. 
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-Solidarité : elle se manifeste chaque jour, par exemple auprès d’un voisin désargenté qui, sans la mobilisation de son immeuble de la cité de Grigny 2, aurait enterré sa mère dans le dénuement et la solitude. « Malgré le caractère désespérément endémique de la violence dans ces zones de relégation urbaine, leurs habitants tiennent », résument les auteurs. Si les Grignois tiennent, c’est grâce aux fils que Fabien Truong et Gérôme Truc ont su tirer dans cette enquête sensible et empathique, aussi éloignée du catastrophisme que de l’angélisme. 
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-« Grands ensemble. Violence, solidarité et ressentiment dans les quartiers populaires », de Gérôme Truc et Fabien Truong (La Découverte, 386 pages, 22 euros). 
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-« Grands ensemble. Violence, solidarité et ressentiment dans les quartiers populaires », de Gérôme Truc et Fabien Truong (La Découverte, 386 pages, 22 euros). LA DÉCOUVERTE 
-Nicolas Truong 
-NOS LECTEURS ONT LU ENSUITE 
-Al-Ula, l’aventure des Français dans le Far West de l’Arabie saoudite 
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