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| ====== Le Monde – Vincent Ravalec, écrivain : « J’utilise l’intelligence artificielle de façon totalement décomplexée » ====== https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/05/vincent-ravalec-ecrivain-j-utilise-l-intelligence-artificielle-de-facon-totalement-decomplexee_6483170_3232.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default | |
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| Débats | |
| Vincent Ravalec, écrivain : « J’utilise l’intelligence artificielle de façon totalement décomplexée » | |
| Tribune | |
| Vincent Ravalec | |
| écrivain | |
| Les créateurs devraient apprendre à composer avec les outils de l’intelligence artificielle, pour en faire ce qu’elle peut être : un outil de création, estime l’écrivain dans une tribune au « Monde ». | |
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| Les artistes et les créateurs sont confrontés à une situation inédite. Un mécanisme inanimé est capable d’émettre des propositions qui ressemblent fort à ce qu’il est usuel de considérer comme de la création. Bien entendu, au cours de l’histoire, de nombreuses avancées technologiques ont modifié le champ des possibles de l’expression artistique, mais jamais en interférant avec ce processus si particulier qui nous permet de concevoir des œuvres. Même si l’on considère des adjuvants comme l’alcool ou d’autres psychotropes comme des alliés puissants de l’inspiration, force est de constater qu’ils n’ont jamais pondu une idée, un texte, un dessin ou un morceau de musique à partir d’un prompt. | |
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| Or, c’est ce qu’il se passe aujourd’hui. A partir d’une requête formulée intelligiblement, en moins de temps qu’il ne le faut pour le penser, une réponse souvent époustouflante de pertinence jaillit de la boîte magique. A tel point que si l’on n’était pas au fait du sortilège technologique qui le permet, on pourrait vite imaginer une inquiétante diablerie, voire convoquer le bûcher. | |
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| Personnellement, j’utilise l’intelligence artificielle (IA) de façon totalement décomplexée depuis qu’elle a été rendue accessible au public. J’ai contribué abondamment à l’un des premiers livres au monde à compte d’éditeur entièrement illustré par l’IA (une biographie de Jésus, qui plus est). Je distille des images animées dans des films. Je fais des voix off. Des morceaux de musique. Plusieurs IA sont maintenant mes fidèles partenaires pour l’écriture de scénario. Et je donne des formations dans lesquelles je partage ces nouvelles pratiques. J’ai également participé, depuis deux ans, à des tables rondes ou à des master class sur le sujet. Je suis donc amené à côtoyer de nombreux artistes et à en discuter. | |
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| Les réactions sont diverses, mais se décomposent en catégories assez identifiables. Il y a les violemment contre. La plupart du temps, ils n’ont pas utilisé l’IA, et en ont une idée aussi précise que floue : celle d’une entité métallique et sans âme qui risque de les supplanter à brève échéance. Ceux qui mettent un doigt dedans en douce, mais sans trop communiquer dessus, par crainte d’être mis au ban de leur communauté – c’est le cas de plusieurs illustrateurs, dessinateurs de BD et musiciens de ma connaissance. Ceux qui n’ont pas d’avis, parce qu’ils n’ont pas saisi qu’une révolution avait lieu sous leurs yeux. Et enfin, ceux, pas très nombreux, qui commencent à essayer de l’utiliser. | |
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| Mon sentiment est que nous sommes face à un moment important. Il serait judicieux pour les artistes de s’emparer des potentialités hallucinantes permises par notre civilisation (qui a commencé le jour où l’un de nos ancêtres a trouvé plus pratique de tailler un silex pour s’en faire un outil plutôt que de servir uniquement de sa main, et ma foi, cela a donné ce que nous sommes, pour le pire comme le meilleur). Il paraît peu probable que nous arrivions à endiguer la diffusion de l’IA. Son taux de pénétration est sans commune mesure avec ce que nous avons connu jusqu’à présent. Nous pouvons descendre dans la rue, tempêter, voire légiférer, le fait est là, nous devons composer avec ce nouveau paramètre. | |
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| Des dangers sont cependant évoqués régulièrement, allant de la prolifération des fake news, l’asservissement par les machines, jusqu’à un risque létal et définitif pour notre espèce. Je me garderais bien d’émettre un avis sur ces questions, et bien malin qui peut dire ce qu’il adviendra. En revanche, sur ce sujet qui m’importe, la création, il me semblerait plus judicieux que mes camarades artistes de tous bords s’emparent de cette technologie et en fassent ce qu’elle peut être : un outil de création. | |
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| Inventer de nouvelles directions | |
| Car il y a un risque réel, c’est un nivellement de la production artistique dans une qualité lambda qui sera plus ou moins toujours la même. C’est déjà, il faut bien le dire, une tendance dans plusieurs domaines, notamment l’audiovisuel. Mais l’IA peut accélérer le processus. Car si ce qu’elle produit est ébouriffant, sans une main et un esprit original qui la guide, elle tourne vite en rond. Il n’y a qu’à visiter les groupes de « dessinateurs IA » ou lire les livres écrits par ChatGPT pour s’en convaincre. C’est consternant de platitude. | |
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| Et là nous touchons à un point fondamental de notre fonctionnement. Tous ces livres, ces films, ces séries, ces musiques, ces œuvres constituent, certes, un aimable divertissement. Mais c’est aussi bien plus que cela. Comme nous l’explique l’historien Yuval Noah Harari au fil de ses livres, cette pléthorique production tisse notre grand récit commun. Et le récit, c’est ce qui permet de nous relier, de solidifier nos mémoires et, surtout, d’inventer de nouvelles directions. | |
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| Si les artistes ne prennent pas en main les IA, pour inventer avec elles des œuvres à couper le souffle, qui nous emmènent vers des firmaments auxquels nous n’aurions même pas songé, alors, oui, le risque sera patent. Mais ce n’est pas si évident. L’IA arrive à un moment où les formes et la substance même du récit ont considérablement évolué, là encore pour le meilleur et pour le pire. | |
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| La multiplicité des images, leur simultanéité, abolissant la chronologie, leur absorption en rafale, la mondialisation des informations, ajoutées à l’abandon des mythologies structurantes, la porosité entre fiction et réel, vrai et faux, l’absence de hiérarchisation, tout cela place le challenge à un niveau élevé, rendant, n’en déplaise à l’industrie et à sa vision court-termiste, l’exigence d’originalité indispensable. Car la production des IA génératives est dans un premier temps tellement spectaculaire qu’elle peut vite prendre le pas sur notre créativité et amener les créateurs à s’en contenter. Et là, ce ne serait pas l’intelligence artificielle qui aurait gagné, mais juste notre bêtise ordinaire. | |
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| Vincent Ravalec est écrivain. Il a notamment publié « Mémoires intimes d’un pauvre vieux essayant de survivre dans un monde hostile » (Fayard, 2023). | |
| Vincent Ravalec (écrivain) | |
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