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Ils sont tous là pour l'investiture de Trump. Les cinq présidents américains toujours en vie. Bill Clinton et George W. Bush, Barack Obama et les deux plus récents, qui sont aussi les deux plus âgés : Joe Biden et Donald Trump. Biden a célébré ses 82 ans fin novembre, et Trump aura quelques mois de plus que lui lorsqu'il quittera pour la dernière fois la Maison-Blanche, en janvier 2029. L'un de ces records dont il se serait probablement bien passé.
Est-ce de la nostalgie ? Le reflet du poids électoral des seniors ? La conséquence d'un système politique verrouillé ? Depuis 1992 et l'élection de Bill Clinton, tous les présidents américains sont nés dans les années 1940, à l'exception de Barack Obama. Le fringant sexagénaire, qui a quitté la Maison-Blanche il y a huit ans, reste, et de loin, le plus jeune de ces boomers présidents. Les Américains semblent incapables de tourner la page des « boomers », quitte à transformer la Maison-Blanche en Ehpad et la démocratie américaine en gérontocratie.
Les discours de Donald Trump trahissent son âge
Le rejet de Joe Biden laissait pourtant entrevoir une lassitude des électeurs. « Le premier parti à mettre à la retraite son candidat de 80 ans sera le parti qui gagnera l'élection », avait fameusement prédit Nikki Haley, qui a défié Trump durant les primaires républicaines. Mais une fois que Joe Biden, visiblement affaibli lors de son débat face à Trump, a passé le flambeau à Kamala Harris, l'âge des candidats est passé au second plan. Harris était en réalité bien incapable de reprendre cet argument à son compte. Elle ne pouvait pas attaquer Trump sur son âge sans reconnaître les problèmes, bien plus apparents, de Joe Biden. Ce qu'elle s'est toujours refusée à faire, par loyauté et pour ne pas être accusée d'avoir couvert un Biden diminué mais encore formellement aux manettes du pays.
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Donald Trump a pour le moment largement échappé à ce type de critique. Ses gaffes durant la campagne ont été éclipsées par ses dérapages constants et sa manière de passer du coq à l'âne durant ses discours, sans cohérence, ce qu'il appelle « the weave », tisser une trame. Difficile d'isoler un incident lorsque c'est dans sa manière d'être de déblatérer, d'exagérer et de se lancer dans des à-côtés ubuesques, comme lorsqu'il se demandait si le risque de se faire électrocuter était plus important que celui de se faire attaquer par un requin en cas de naufrage d'un bateau à batterie électrique ou lorsqu'il évoquait la taille du pénis du golfeur star des années 1970 Arnold Palmer.
Les discours de Donald Trump sont difficiles à suivre, et encore plus à analyser, mais avec l'aide de l'IA, le « New York Times » s'y est essayé. Résultat, « avec le temps, les discours de l'ancien président, âgé de 78 ans, sont devenus plus sombres, plus durs, plus longs, plus colériques, moins ciblés, plus vulgaires et de plus en plus tournés vers le passé ». Un signe clair de sénilité, pour les experts interrogés par le journal américain.
Au Congrès, un passage de témoin superficiel
La classe politique américaine dans son ensemble peine à se renouveler. Le Congrès actuel est le troisième plus vieux depuis 1789, après ceux de 2017 et de 2021, d'après une analyse de NBC News. 49 sénateurs ont plus de 65 ans, un âge où la plupart des Américains ont pris leur retraite. Le doyen, Chuck Grassley, aura 95 ans lorsque son mandat de sénateur de l'Iowa arrivera à son terme, en 2028. En décembre, une représentante texane a été « retrouvée » dans une maison de retraite, souffrant de démence, d'après son fils, après avoir disparu des radars pendant près de six mois.
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Mitch McConnell a pris du champ après avoir dirigé pendant dix-huit ans les républicains au Sénat, et Nancy Pelosi a passé la main chez les démocrates de la Chambre après vingt ans à leur tête. Mais les deux sommités restent au Congrès et continuent de peser, dans l'ombre, malgré leurs problèmes de santé de plus en plus sévères. Nancy Pelosi, la « marraine » des démocrates, a joué un rôle clé dans le retrait de Biden de la course à la présidence et a récemment empêché Alexandria Ocasio-Cortez, la jeune star de l'aile gauche du parti, de prendre la tête d'un comité influent à la Chambre, lui préférant un élu de 74 ans. Au Sénat, l'opposition de Mitch McConnell à Matt Gaetz a été déterminante pour l'empêcher de prendre la tête du département de la Justice, et il a imposé son choix comme successeur, contre le candidat préféré des proches de Trump.
Un choc des générations en 2028
La relève se prépare malgré tout, par la force des choses. Pour la première fois, la Chambre compte davantage d'élus de la « génération X » que de boomers, 180 contre 170. Le gouvernement Trump 2 s'est considérablement rajeuni. Trump lui-même n'étant pas autorisé à se représenter, le nouveau vice-président, J. D. Vance, fait figure d'héritier présomptif chez les républicains. De quoi présager d'un brusque changement de génération, sans trop de déchirements internes. A 40 ans seulement, il est le troisième plus jeune « VP », et le premier « millennial » à atteindre ce niveau de responsabilités.
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Le champ est bien plus ouvert côté démocrate, et, là aussi, le changement d'ère se profile. La spéculation va bon train sur le futur porte-drapeau du parti, mais les « boomers » comme Bernie Sanders ne sont plus vraiment dans la discussion. Kamala Harris réfléchit à retenter l'aventure. Plusieurs gouverneurs de sa génération auraient également des visées sur 2028 : Gavin Newsom en Californie, Josh Shapiro en Pennsylvanie ou Gretchen Whitmer au Michigan.
Mais des jeunes stars montantes du parti pourraient leur couper l'herbe sous le pied, de l'ancien secrétaire aux Transports, Pete Buttigieg, aux sénateurs Jon Ossof, en Géorgie, ou Ruben Gallego, en Arizona. Après trente ans de « boomers » à la tête du pays, le passage de témoin s'annonce chaotique entre les « Gen X » qui ont patiemment attendu leur heure, et les « millennials », pressés de prendre le pouvoir.
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