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-====== Le Monde – Caricatures de presse : « Une certaine peur pèse sur les dessinateurs comme sur les responsables de journaux » ====== https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/03/caricatures-de-presse-une-certaine-peur-pese-sur-les-dessinateurs-comme-sur-les-responsables-de-journaux_6480196_3232.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default 
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-https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/03/caricatures-de-presse-une-certaine-peur-pese-sur-les-dessinateurs-comme-sur-les-responsables-de-journaux_6480196_3232.html 
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-Caricatures de presse : « Une certaine peur pèse sur les dessinateurs comme sur les responsables de journaux » 
-Propos recueillis par Marion Dupont 
-Propos recueillis par Marion Dupont 
-Propos recueillis par Marion Dupont 
-Aujourd’hui à 18h00, modifié à 18h22 
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-ENTRETIEN Si le dessin d’actualité connaît un déclin, à l’instar de son support historique, la presse écrite, il fait aussi, surtout depuis l’attentat de « Charlie Hebdo », le 7 janvier 2015, l’objet de réactions épidermiques, notamment en ligne, expliquent, dans un entretien au « Monde », les historiens Christian Delporte et Bruno Nassim Aboudrar. 
-Lecture 13 min 
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-OLIVIER BONHOMME 
-Dix ans après l’attentat perpétré contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, et près de cinq ans après l’assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre 2020, le dessin de presse, et en particulier la caricature – ce genre visuel satirique spécifique tourne sa cible en dérision en la représentant d’une manière grotesque –, se trouve dans une situation paradoxale. En effet, celui-ci n’a peut-être jamais autant focalisé l’attention – des pouvoirs publics, des médias, des citoyens, qui en ont fait un symbole de la liberté d’expression et de la libre critique de tous les pouvoirs. Pourtant, le nombre de dessinateurs de presse ne cesse de diminuer à travers le monde, comme la place accordée à leurs productions dans les médias. 
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-Certes, cette situation tient en grande partie à l’hostilité des régimes autoritaires, qui usent volontiers des ciseaux de la censure et des outils de la répression à l’encontre de tous les artistes et journalistes critiques du pouvoir. Mais la même tendance à la baisse s’observe dans les démocraties occidentales, où le dessin d’actualité n’en finit plus de susciter des réactions épidermiques, en particulier en ligne. 
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-En 2019, l’annonce par le New York Times, après la controverse déclenchée par une caricature représentant Benyamin Nétanyahou en chien tenu en laisse par Donald Trump, de ne plus publier de dessins satiriques dans son édition internationale − l’édition nationale y avait déjà renoncé des années plus tôt − avait ainsi ému la profession, qui y voyait un signe tangible de la perte de vitesse du médium, voire de son déclassement. 
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-Lire aussi (2019) 
-Après une polémique, le « New York Times » renonce aux dessins politiques 
-En France, une dynamique similaire semble être à l’œuvre : la place dévolue au dessin ne cesse de reculer dans les grands quotidiens et les hebdomadaires. Charlie Hebdo lui-même, malgré son statut de victime du terrorisme, n’est pas épargné, comme en témoignent le déclin des ventes et abonnements après la forte mobilisation de 2015, ou, récemment, les réactions indignées à sa couverture du procès des violeurs de Mazan et les questionnements quant à la place à donner, au sein de la future Maison du dessin de presse, aux caricatures du prophète Mahomet, qui avaient fait du journal la cible des djihadistes. 
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-Lire aussi 
-La Maison du dessin de presse bloquée à l’état d’esquisse 
-Au moment même où ce genre est investi d’une forte charge symbolique, sa pertinence et son actualité semblent ainsi mises en cause. Pour comprendre les ressorts de ce curieux désamour, l’historien Christian Delporte, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université de Versailles - Saint-Quentin-en-Yvelines, fondateur de la revue semestrielle Le Temps des médias, auteur de Charlie Hebdo. La folle histoire d’un journal pas comme les autres (Flammarion, 2020), dialogue avec l’historien de l’art Bruno Nassim Aboudrar, professeur à l’université Sorbonne-Nouvelle, auteur, notamment, des Dessins de la colère (Flammarion, 2021). 
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-Partagez-vous le constat d’une forme de désamour croissant en France, et plus généralement dans les sociétés démocratiques occidentales, envers le dessin de presse et la caricature ? 
-Christian Delporte : Oui, mais précisons que cette tendance s’inscrit dans le temps long. Dans les années 1950, les dessinateurs détenteurs de la carte de presse étaient plus de 230 en France ; ils n’étaient plus qu’une cinquantaine à la fin des années 1990, et l’on n’en compte que 34 aujourd’hui. La place du dessin, quant à elle, n’a cessé de reculer dans la presse, notamment dans les grands quotidiens, où le dessin a été concurrencé, puis éclipsé, par la photographie. 
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-Ce phénomène n’est donc pas nouveau. L’attentat contre Charlie Hebdo a braqué les yeux du grand public sur un journal peu lu, au tirage hebdomadaire plafonnant à 30 000 exemplaires avant janvier 2015. Le succès de l’édition du 13 janvier 2015, vendue à 8 millions d’exemplaires, reflétait moins la soudaine passion du public pour le dessin de presse que la charge symbolique désormais attachée à ce journal, et qui le dépassait de beaucoup. 
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-OLIVIER BONHOMME 
-Bruno Nassim Aboudrar : Le dessin de presse à l’ancienne, dans la tradition de L’Assiette au beurre [ce magazine satirique illustré a paru de 1901 à 1936, avec des interruptions après 1912], du Canard enchaîné ou de Charlie Hebdo, est sans doute en déclin, mais il faut effectivement contextualiser cette perte de vitesse. La presse écrite en général et les quotidiens en particulier sont eux-mêmes en déclin depuis le milieu du XXe siècle, réduisant du même coup la part du dessin de presse. Et le dessin politique satirique a sans doute trouvé d’autres supports comme les sites d’information sur Internet et les réseaux sociaux. 
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-Le désintérêt est-il donc palpable, tant du côté du public que de celui des professionnels des médias ? 
-C. D. : Il y a une désaffection du public et des journaux, mais également une désaffection de la part des dessinateurs. Le dessin politique d’actualité est un exercice compliqué : il faut suivre les informations de très près, avoir la bonne idée au bon moment et, pour ceux qui font un dessin par jour, ne pas céder à l’angoisse de la page blanche… Car un dessin de presse, c’est d’abord une idée : le dessinateur doit avoir un certain esprit, faire une synthèse de l’actualité qui soit, comme disait François Cavanna [1923-2014, cofondateur de Charlie Hebdo], « un coup de poing dans la gueule ». L’émotion suscitée doit être forte, immédiate : tout le monde n’est pas capable de faire ça, même en ayant un bon coup de crayon. Les dessinateurs peuvent donc se tourner vers d’autres formes, comme la bande dessinée, qui sont à la fois moins risquées et moins exigeantes en termes de réactivité. 
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-B. N. A. : Je ferai aussi une hypothèse : il n’est pas exclu que la fadeur du personnel politique européen actuel n’inspire pas particulièrement les dessinateurs. Il y a aujourd’hui moins de personnages hauts en couleur, caricaturables, et donc drôles. Lisses, stéréotypés, ils restent aussi moins longtemps en poste, et ils nous sont donc moins familiers, presque interchangeables. On retient à peine leur nom et moins encore leurs visages, et leur seule personne ne dit plus rien de la situation française. A l’époque de François Mitterrand, de Jacques Chirac ou de Margaret Thatcher, un certain nombre de figures politiques étaient reconnaissables, caricaturables, et le public avait avec elles une sorte de rapport à la fois ironique et affectueux. 
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-C. D. : Rappelons enfin que la presse papier est aujourd’hui un média au lectorat vieillissant. Le lectorat actuel de Charlie Hebdo est bien plus âgé qu’il ne l’était dans les années 1970, quand le journal arrivait à vendre de 120 000 à 160 000 exemplaires par semaine. Les jeunes générations ne sont pas très intéressées par la presse papier, y compris la presse satirique, ce qui explique en partie le désintérêt croissant pour la caricature. En revanche, les jeunes sont loin d’être imperméables à l’humour : les formes humoristiques et satiriques continuent à se développer sur d’autres canaux, à commencer par les réseaux sociaux. 
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-L’humour propre à ce médium, notamment l’humour « Charlie », souvent violent, ne fait-il plus rire ? 
-C. D. : Chaque génération a son humour. L’équivalent des caricatures de Napoléon III, surnommé « Badinguet », qui faisaient hurler de rire les lecteurs de la presse de la seconde moitié du XIXe siècle, ne ferait plus rire du tout ! Je ne crois pas que cela soit dû au refus de la violence : les mèmes [des images souvent humoristiques diffusées au sein de communautés en ligne] contemporains peuvent être extrêmement violents. Mais il y a aujourd’hui des formes de violence qui choquent alors qu’elles ne choquaient pas avant. 
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-B. N. A. : Je dois dire que je comprends ce dédain ; nombre de dessins qui pouvaient me faire rire quand j’avais 20 ans ne m’amusent plus. Nos sensibilités ont changé et il y a des sujets sur lesquels il n’est plus bienvenu d’ironiser : on ne rit plus des blagues sexistes, racistes ou homophobes, par exemple. Il ne s’agit pas vraiment d’un interdit moral : on n’en a juste plus envie. Et c’est très bien comme ça. Je n’adhère pas à l’idée que les nouvelles générations seraient trop « sérieuses », qu’elles feraient la fine bouche ou, pire, qu’elles seraient trop « woke ». 
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-Lire aussi (2022) 
-Le péril largement exagéré d’une jeunesse « woke » en rupture 
-C. D. : Personnellement, les dessins du Charlie Hebdo des années 1970 me font toujours rire – mais déjà, à l’époque, Charlie ne faisait pas rire tout le monde, loin de là. Hara-Kiri [le journal satirique dont Charlie Hebdo est le successeur] non plus : c’est même pour ça qu’il a été interdit en 1970, sous la présidence de Georges Pompidou (1969-1974). Et le dessinateur a toujours dû s’adapter, tant à son public spécifique qu’à la ligne éditoriale du journal : le Cabu du Canard enchaîné n’était pas celui de Charlie Hebdo ; le Plantu du Monde n’était pas celui de La Grosse Bertha [hebdomadaire satirique paru en 1991 et 1992]. La différence, aujourd’hui, c’est que ces images circulent hors du contexte pour lequel elles ont été pensées. 
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-Le journal constitue un cadre au sein duquel un contrat de lecture unit le dessinateur et les lecteurs – qui, rappelons-le, ne sont pas si nombreux que ça dans le cas de Charlie Hebdo. Ils partagent des codes, des habitudes, des sensibilités, des valeurs, et ce socle commun permet le rire. Or, autrefois, il fallait acheter Charlie Hebdo pour en voir les dessins. Les non-lecteurs de Charlie n’étaient que rarement exposés à ces images : ils voyaient éventuellement la couverture en kiosque et s’en tenaient là. Les autres médias, eux, ne les diffusaient pas. 
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-Aujourd’hui, les dessins de Charlie et des autres circulent largement sur le Net. Pire, ces dessins sont décontextualisés – car un dessin de presse, surtout dans un journal satirique comme Charlie Hebdo, se lit en regard d’un cadre qui le dépasse : une rubrique, une page, un dossier, un numéro. Regardé hors contexte, dépourvu de la connivence qu’établit le dessinateur avec son lecteur, le dessin est à la merci des interprétations les plus erronées, jusqu’à lui faire dire le contraire de ce qu’il voulait exprimer. De cette difficulté actuelle découlent les formes de pression qui s’exercent sur les dessinateurs sur les réseaux sociaux. 
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-Christian Delporte, en 2011. MAURICE ROUGEMONT / OPALE.PHOTO 
-Est-ce, selon vous, la tolérance à l’offense qui a changé, dans une société prônant le respect des individus, des identités et des corps, ces derniers constituant le sujet central de la caricature ? 
-C. D. : A ce sujet, les enquêtes se répètent : il y a effectivement une rupture générationnelle. Les moins de 35 ans acceptent mal ce qui apparaît, à leurs yeux, comme le renforcement des stéréotypes, ce qui n’est pas le cas des générations plus âgées, notamment celles qui ont connu le premier Charlie Hebdo. 
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-B. N. A. : Oui, et cela pourrait prouver que les dessins qui suscitent la polémique sont tout simplement surannés, car s’ils ratent cette cible, c’est probablement qu’ils ne l’ont pas comprise, ou qu’ils n’ont pas cherché à la comprendre. Peut-être qu’un certain dessin de presse n’a pas voulu, ou pas su, évoluer, qu’il est resté sur des façons de faire et de voir qui parlent à des gens d’un certain âge. Les jeunes générations rient de bien des choses, et il n’y a aucune raison de s’indigner qu’elles ne rient pas des mêmes choses que leurs aînés. 
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-C. D. : Mais ça n’est pas rien, car, avec cette coupure générationnelle, on assiste au renversement de la proposition de Cabu et de Pierre Desproges [1939-1988], c’est-à-dire : « On peut rire de tout », même si pas avec tout le monde. Les plus jeunes considèrent que l’on ne peut pas rire de tout, ce qui remet en cause le dispositif du dessin satirique et de Charlie Hebdo. 
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-« Le Paradoxe du rire », d’Olivia Gazalé : rire de tout, avec tous, mais pas n’importe comment 
-Comment comprendre cette inflexion ? A quoi est-elle due, selon vous ? 
-C. D. : Sans doute à une plus grande sensibilité des sociétés aux questions des minorités discriminées ou dominées, avec la crainte que la caricature ne participe à nourrir les discriminations. C’est oublier que la satire, par nature transgressive, appuie là où cela fait mal, confronte notre regard aux cruautés du réel et nous renvoie à nos propres turpitudes collectives. 
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-« Les préjugés. Bienvenue au pays des idées reçues ! », sur Paris Première : quand les clichés confinent à la discrimination 
-B. N. A. : C’est surtout la conséquence d’une prise de conscience : c’est-à-dire que ceux qui proclamaient que l’on pouvait rire de tout ne parlaient pas, comme ils le croyaient, depuis une position universelle, mais au contraire très spécifique. Il s’agissait d’hommes blancs, d’un certain âge et d’un certain statut social, qui appartenaient notamment à de grands organes de presse parisiens. Les femmes, elles, ne pouvaient pas rire ou faire rire de tout, car très peu d’entre elles étaient dessinatrices de presse. C’était un milieu masculin. Du coup, elles ne faisaient pas de dessins obscènes représentant des hommes impuissants, ridicules, bedonnants, ou moches, tandis que des dessinateurs comme Reiser [1941-1983] ne se privaient pas d’exprimer sous le couvert de l’humour et de « rire de tout » un point de vue machiste. Les personnes racisées – d’origine africaine ou asiatique – ne faisaient pas non plus de dessins de presse en France. Ils ne dessinaient donc pas les Blancs avec des gros nez, des petits yeux et un accent débile. 
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-Lire aussi (2023) 
-Au Québec, l’humour inclusif, ça s’apprend 
-Donc, tout le monde ne pouvait pas rire de tout : certaines personnes s’arrogeaient la possibilité de rire de tout – c’est-à-dire de tous les autres. Nous sommes aujourd’hui dans une société multiperspectiviste, et c’est une bonne chose. Cela ne veut pas dire pour autant que nous sommes condamnés à un humour communautaire, qui nous conduirait à ne pouvoir rire qu’avec notre communauté. Mais il n’est plus possible qu’une minorité détermine le « tout » ou « tous » dont on peut rire. 
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-« Charlie Hebdo » défend, pour la caricature, le droit de tout dire. Or, la loi met des limites, d’ailleurs de plus en plus nombreuses, à la liberté d’expression. La tolérance sociale plus grande dont a bénéficié la caricature en ce qui concerne la liberté d’expression s’amenuiserait-elle ? 
-C. D. : Quand on demande aux dessinateurs de Charlie Hebdo quelle est la limite à la liberté d’expression, ils répondent invariablement : « La limite, c’est la loi. » Ils ne dépassent jamais ce cadre. 
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-Ce qui a changé, c’est qu’à l’époque du premier Charlie Hebdo, dans les années 1970, l’Etat censurait une société qui aspirait à la liberté : le journal était attaqué par l’Etat, poursuivi en justice, et voyait donc sa liberté d’expression contestée. Cabu a reçu neuf plaintes de l’armée et perdu neuf procès ! De telles attaques n’ont plus cours depuis les années 1990, remplacées par des procès communautaires. Le rapport s’est donc inversé. Désormais, c’est la société, notamment des associations religieuses, mais plus seulement, qui fait pression de manière plus ou moins organisée pour censurer des libertés, notamment celle d’expression, que l’Etat protège. La question est de savoir si l’opinion publique va tenir et continuer à « être Charlie ». Le dernier sondage sur le sujet date de 2020 et montrait que, sur la période 2015-2020, ce soutien s’était singulièrement effrité, notamment chez les plus jeunes. 
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-B. N. A. : La position de Charlie Hebdo, quant à la liberté d’expression, au droit de se moquer des religions, est extrêmement importante à défendre. Je ne suis pas personnellement amateur de ce journal, mais le fait qu’il reste en France un organe de presse pour tenir cette ligne, tout en restant dans le cadre de la légalité, me paraît essentiel. Charlie Hebdo a aujourd’hui un rôle de témoignage, que l’on peut défendre sans être obligé de goûter son humour. 
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-Cependant, quand on vous entend, on a l’impression que l’Etat est devenu le grand défenseur des libertés publiques fondamentales et lutte contre une opinion publique conservatrice. Ce serait formidable. Mais, malheureusement, je ne pense pas que l’Etat, depuis une dizaine d’années, se soit réellement posé en défenseur des libertés individuelles et publiques – pensons à la liberté de manifester, ou aux libertés académiques, sérieusement mises à mal. Charlie Hebdo est pris dans un jeu compliqué où l’Etat mais aussi la droite, voire l’extrême droite, prétendent défendre certaines libertés aux dépens d’autres. Par leur soutien affiché à Charlie, ils défendent ainsi, au nom de la liberté d’expression, une vision clivante de la laïcité dont Charlie Hebdo est devenu l’étendard, sans doute en partie malgré lui, mais pas complètement. 
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-Dans ce contexte difficile, les dessinateurs ont-ils tendance à s’autocensurer ? 
-C. D. : La position de Charlie est de refuser toute autocensure. Ce n’est pas le cas partout : une certaine peur pèse sur les dessinateurs comme sur les responsables de journaux. C’est peut-être là l’une des raisons expliquant le déclin du dessin dans la presse : c’est devenu risqué ! Cette nouvelle attention accordée par l’opinion publique au dessin est assez étonnante, quand on sait que lors des deux guerres mondiales, qui ont vu le rétablissement de la censure, personne ne s’y intéressait. La focalisation sur ces productions est récente : c’est le statut même du dessin qui a complètement changé. 
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-Lire l’entretien (2024) 
-Riss, dix ans après l’attentat contre « Charlie Hebdo » : « Le plaisir du dessin est plus fort que la peur ! » 
-B. N. A. : Le ton des textes s’est effectivement adouci de manière pratiquement constante au cours du XXᵉ siècle, pour arriver à une assez grande retenue au XXIᵉ siècle. Il n’y a presque plus de satire, et peut-être qu’un certain dessin de presse, et c’est tout à son honneur, n’a pas accompagné cet adoucissement constant – qui, lui aussi d’ailleurs, est tout à fait défendable. Il y avait, sous la IIIe République, un ton extrêmement violent qui a pratiquement disparu dans l’écriture. Des tracts comme Un cadavre, d’André Breton, à la mort d’Anatole France, les pamphlets antisémites de Céline ou les invectives à l’égard de Léon Blum, par exemple, ne seraient plus tolérés aujourd’hui. Il est possible que, dans le contexte textuel, le dessin, moins policé et plus immédiat, ait semblé plus violent par contraste – et soit, à son tour, moins toléré. 
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-Bruno Nassim Aboudrar, en 2014. PHILIPPE MATSAS / OPALE.PHOTO 
-L’épineuse question de mettre en avant, ou non, les caricatures de Mahomet réalisées par Charlie Hebdo est de nouveau au centre des débats aujourd’hui, dans le cadre du projet de Maison du dessin de presse. Si le comité de pilotage du projet s’est tout de suite prononcé pour que ces caricatures soient présentées au public dans la muséographie, la question semble avoir suscité des résistances chez ses interlocuteurs. Montrer ces dessins dans le cadre de ce musée est-il important ? 
-C. D. : Oui, car la Maison du dessin de presse présentera une exposition permanente sur l’histoire du dessin de presse. Il serait paradoxal, pour ne pas dire incompréhensible, que les dessins pour lesquels les dessinateurs de Charlie ont été assassinés n’y soient pas exposés ! Ce lieu ne constituera pas seulement un hommage, ou un mémorial : il mettra ces dessins en perspective, de manière à révéler l’absurdité de ce qu’il s’est passé en 2015. 
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-Lire aussi (2015) 
-« Charlie Hebdo » visé par une attaque terroriste, deuil national décrété 
-B. N. A. : Evidemment, il faut que ces dessins soient présentés. Bien sûr, il faut qu’ils le soient dans un contexte qui replace ces productions dans le temps long. On pourra ainsi voir à quel point, encore une fois, L’Assiette au beurre [Religions, n° 162, 7 mai 1904] pouvait s’en prendre de manière extrêmement violente à la figure du Christ, par exemple, et montrer qu’une telle transgression était admise sous la IIIe République. C’est une démonstration qu’il faut absolument faire et c’est à cela que sert un musée de la presse. Ce serait terrifiant – et inutile – de céder à la pression. 
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-Quel avenir peut-on encore imaginer pour le dessin de presse en général et pour la caricature en particulier ? 
-B. N. A. : Une partie de la profession, artistes et dessinateurs, se tourne vers d’autres formats – je pense notamment au roman graphique, devenu le support privilégié de toute une production sociologique et philosophique. Mais elle se tourne aussi vers d’autres canaux de diffusion : ce fut un temps le cas des blogs et aujourd’hui des réseaux sociaux. 
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-C. D. : Toutes les raisons que nous avons évoquées pour expliquer la baisse de l’intérêt pour le dessin de presse ne doivent pas nous faire dire qu’il se meurt. Seulement, ses modes de diffusion se renouvellent profondément : il ne s’épanouit plus dans la presse papier, mais sur le Net, les réseaux sociaux. C’est sur ce type de plateforme qu’un dessinateur peut désormais bâtir sa notoriété. Les perspectives sont simplement en train de changer. 
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-Marion Dupont 
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