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====== Les Échos: Un mur entre la science et l'agriculture ====== https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/un-mur-entre-la-science-et-lagriculture-2135586

Par Gaspard Koenig (philosophe)

Publié le 3 déc. 2024 à 20:30
En pleine gronde agricole, les militants de la FNSEA, le syndicat majoritaire, ont érigé un mur de parpaings devant l'Inrae, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement. C'est une première, loin d'être anodine. Un mur se dresse entre l'agriculture et la science.

Créé après-guerre sous le nom d'Inra (sans le E de l'Environnement, ajouté en 2020), l'institut a pourtant été perçu comme un allié inconditionnel de la profession agricole durant un bon demi-siècle. Il s'agissait alors essentiellement de détruire les parasites et d'augmenter les rendements. C'était l'époque de la « révolution verte », où il allait de soi que l'agriculture moderne devait prendre le chemin de la chimie. Les esprits déviants qui s'intéressaient à la vie des sols, comme Claude et Lydia Bourguignon dans les années 1980, ont dû démissionner pour poursuivre leurs travaux de manière indépendante.

Agroécologie
Mais voilà, le consensus scientifique a évolué. Conscients des dégâts provoqués par les intrants chimiques sur la santé des sols, la qualité de l'eau, les écosystèmes, la biodiversité et le microbiome humain, les chercheurs s'appliquent désormais à donner les moyens aux agriculteurs de ne plus abîmer leur capital le plus précieux : la nature elle-même. L'Inrae multiplie ainsi les publications sur l'agroécologie, c'est-à-dire sur les manières de résoudre les difficultés posées par la nature grâce à des solutions fondées sur la nature.

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L'année dernière, une étude constatait que la quantité de produits phytosanitaires déversés sur les sols européens restait stable depuis dix ans (350.000 tonnes par an !). Elle envisageait différents scénarios pour s'en sevrer totalement d'ici à 2050, sans faire chuter pour autant les volumes de production ni déséquilibrer la balance commerciale de l'UE. La toute dernière étude postée sur le site de l'INRAE tente de mieux définir les indicateurs servant à mesurer la qualité des sols : belle revanche pour le couple Bourguignon !

Thalès et les récoltes
Rappelons que l'agriculture a toujours eu partie liée avec la science de son temps. Aristote raconte l'histoire de Thalès qui mobilisa ses compétences en astronomie pour prévoir les récoltes (et s'enrichir en constituant un monopole sur les pressoirs à huile !). Les physiocrates du XVIIIe siècle firent de l'agriculture le terrain de jeu de la macroéconomie moderne en rationalisant la profitabilité des exploitations. Et les chimistes du XXe mirent dans les champs des poisons souvent expérimentés sur les champs de bataille (le fameux DDT est ainsi issu du gaz moutarde). Aujourd'hui, biologistes, médecins et agronomes nous supplient de transformer notre modèle agricole.

Si elle inscrivait sa réflexion dans le temps long, la FNSEA aurait tout intérêt à prêter attention aux conclusions de la recherche contemporaine. Quant au gouvernement, au lieu de se précipiter pour faciliter les autorisations d'intrants, il devrait comprendre que la pérennité de nos sols et de notre alimentation n'est pas une question de bord politique. En 2017, Michael Gove, alors ministre de l'environnement dans un gouvernement britannique ultra-conservateur (celui de Boris Johnson), mettait en garde contre « l'éradication de la fertilité » d'ici quelques dizaines d'années, en ajoutant que les pays peuvent survivre aux guerres et aux coups d'Etat, mais pas à la perte de leur sol.

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Par quelle absurde régression les élites françaises, qui se piquent de culture scientifique, ont-elles décidé de fermer les yeux et de se boucher les oreilles ? Personne ne doit être montré du doigt pour les erreurs collectivement commises au siècle précédent. En revanche, ne pas les reconnaître aujourd'hui, en dépit des preuves qui s'accumulent, constitue une faute inexcusable et empêche le progrès.

Fatras
Il est entendu que le fatras actuel de règles absurdes et d'injonctions contradictoires rend la vie impossible aux agriculteurs. Mais débureaucratiser ne signifie pas laisser faire. Une norme simple est une norme à la fois plus contraignante et plus acceptable. Une norme simple nécessite également un plan clair. Comme à l'époque de la modernisation menée tambour battant par Edgard Pisani, ministre du général de Gaulle, un plan global de transition agroécologique s'impose.

Les opinions et les pratiques des agriculteurs français sont heureusement loin d'être monolithiques. On y trouve mille nuances, y compris parmi les « conventionnels ». Je laisse le dernier mot à la Confédération paysanne, qui représente tout de même 20 % du syndicalisme agricole, et qui a dénoncé le mur dressé devant l'Inrae en termes vifs : « S'attaquer à la science, quel obscurantisme ! »

Gaspard Koenig est philosophe.

Gaspard Koenig

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