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-====== Le Monde: Les espoirs déçus de l’Ukraine, après trois mois d’une opération en Russie qui devait changer le cours de la guerre ====== https://www.lemonde.fr/international/article/2024/11/03/les-espoirs-decus-de-l-ukraine-apres-trois-mois-d-une-operation-en-russie-qui-devait-changer-le-cours-de-la-guerre_6373057_3210.html 
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-ADRIEN VAUTIER / LE PICTORIUM POUR « LE MONDE » 
-INTERNATIONAL 
-GUERRE EN UKRAINE 
-Les espoirs déçus de l’Ukraine, après trois mois d’une opération en Russie qui devait changer le cours de la guerre 
-Par Jacques Follorou (envoyé spécial à Iunakivka), Thomas d’Istria (Kiev, correspondant) et Faustine Vincent (envoyée spéciale à Soumy) 
-Publié aujourd’hui à 02h00, modifié à 03h57 
-Temps deLecture 14 min. 
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-RÉCITL’offensive ukrainienne lancée en direction de Koursk, début août, n’a pas modifié le rapport de force du conflit. Kiev, qui espère arriver à la table des négociations avec un acquis territorial, manque toujours de moyens humains et matériels. 
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-Le 10 octobre, une unité d’infanterie ukrainienne de trente soldats tient encore, pour quelques heures, le village de Snagost, sur le flanc ouest de l’incursion des forces de Kiev vers Koursk, en territoire russe. Son chef, « Kolot » de son nom de guerre, blessé par des éclats d’obus, parvient à éviter l’encerclement et à se replier avec ses hommes vers Lioubimovka, quatre kilomètres plus à l’est. 
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-Lire aussi | En direct, guerre en Ukraine : la Russie a utilisé près de 2 000 drones Shahed en octobre contre le pays, selon Kiev 
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-C’est là qu’est fixée, aujourd’hui encore, la nouvelle ligne de front latérale d’une attaque lancée par l’Ukraine, début août, dans l’espoir de changer le cours de la guerre. « Les Russes avancent lentement, mais ils avancent », énonce, ce 16 octobre, « Kolot », 37 ans, bonnet vissé jusqu’aux oreilles, revenu dans le bunker souterrain du deuxième bataillon de la 17e brigade de chars, dans le village ukrainien frontalier et désert de Iounakivka. 
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-A ses côtés, le responsable du bataillon, dit « le Grec » – pour saluer sa pratique de la lutte gréco-romaine –, ne se montre guère plus enthousiaste à l’égard de l’opération ukrainienne menée en territoire russe. « Lors des manœuvres autour de Lioubimovka, les documents et matériels abandonnés par les Russes nous ont fait comprendre leur niveau de renseignement sur nos forces et sur nos mouvements », raconte-t-il. Il déplore aussi le manque de moyens : « Là où nous mettons une section, ils mettent une compagnie ; là où nous creusons des abris sommaires, ils construisent des fortifications dignes d’un QG de bataillon. » 
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-Un tir de mortier sur une position proche de la frontière avec la Russie, dans la région de Soumy (Ukraine), le 23 août 2023. ADRIEN VAUTIER / LE PICTORIUM POUR « LE MONDE » 
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-Un soldat de la défense territoriale de l’Ukraine, près de la frontière avec la Russie, dans la région de Soumy, le 23 août 2024. ADRIEN VAUTIER / LE PICTORIUM POUR « LE MONDE » 
-Trois mois après l’attaque surprise en direction de Koursk, les officiers, soldats et civils rencontrés par Le Monde se montrent mitigés sur l’impact final de ce choix stratégique. « Le Grec » n’en fait pas mystère : « Seuls 56 % des objectifs ont été remplis, les Russes ont réagi vite, ils s’appuient sur des renforts que nous n’avons pas et ils utilisent leurs soldats comme de la chair à canon. » Cette incursion en Russie a certes remonté le moral des troupes et changé le regard de certains alliés sur le cours de la guerre, mais elle n’a pas inversé la tendance sur le plan militaire. 
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-Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Offensive ukrainienne à hauts risques pour Kiev en Russie 
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-Sur fond de grande lassitude, même les caractères les plus trempés ne cachent pas leur espoir d’en finir avec la guerre. Kiev voulait arriver autour de la table des négociations avec un acquis territorial pour prendre Vladimir Poutine à son propre jeu. Le président russe prône un accord sur les lignes figées du front. Mais acceptera-t-il de discuter avant d’avoir repris l’enclave de Koursk, surtout s’il reçoit l’aide de milliers de soldats nord-coréens, dont le déploiement en Russie a été confirmé, le 23 octobre, par les Etats-Unis et l’OTAN ? 
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-Dans le secret 
-Officiellement, les troupes ukrainiennes ont franchi la frontière russe, au nord de la ville ukrainienne de Soumy, le 6 août, mais des unités de reconnaissance avaient déjà exploré, les jours précédents, les lignes adverses. Le secret qui entoure l’opération sème la confusion dans les esprits. Des raids avaient certes déjà été menés en territoire russe, mais, cette fois, les soldats ukrainiens déployés se comptent par milliers. Pour autant, nulle image de terrain n’apparaît sur les réseaux sociaux habituels. 
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-Volodymyr Zelensky, le chef de l’Etat, évoque l’objectif de cette incursion sans la reconnaître lors de son adresse à la nation du 7 août : « Plus la pression sera forte sur la Russie – l’agresseur qui a porté la guerre en Ukraine –, plus la paix sera proche. » Les officiels ukrainiens n’en parlent alors que de manière sibylline. Le 9 août, Oleksandr Syrsky, chef des forces armées, décrit des « actions défensives dans les directions à partir desquelles la Russie a attaqué le territoire ukrainien ». Le même jour, les premières images de soldats arborant le drapeau bleu et jaune devant une installation gazière de Soudja, et ailleurs en Russie, commencent à circuler. 
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-Lire aussi | Article réservé à nos abonnés A Kiev, le « plan de la victoire » de Zelensky suscite des réserves 
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-Les villages ukrainiens frontaliers de la Russie avaient bien repéré un nombre inhabituel de blindés traversant les hameaux pour se cacher dans les bois, mais, au nom du secret, les autorités locales n’ont pas évacué les civils, comme le confirme, le 15 août, au Monde le gouverneur de la région, Volodymyr Artioukh, qui n’a pas été mis dans la confidence. Il faut attendre le début de l’offensive pour que des milliers de villageois, partagés entre fierté et crainte de représailles russes, se réfugient dans la grande cité voisine de Soumy, qui avait, elle aussi, repéré l’afflux de militaires. 
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-Sur la route entre Soumy, en Ukraine, et la frontière russe, le 12 août 2024. ADRIEN VAUTIER / LE PICTORIUM POUR « LE MONDE » 
-Dmytro (un prénom d’emprunt), 41 ans, qui commande une unité de reconnaissance déployée au début de l’opération, se souvient d’avoir appris, deux jours auparavant, qu’il allait entrer en territoire ennemi : « Je peux vous dire qu’en apprenant où on allait on y a couru, tellement on était heureux ! » Il affirme avoir affronté des conscrits inexpérimentés à Soudja, première ville russe de l’autre côté de la frontière : « Beaucoup de soldats russes avaient fui, c’était très facile d’avancer. Il n’y avait presque pas de tranchées ni de mines. » 
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-« Les villages sont intacts, mais vides » 
-Mi-août, entre Soumy et le poste-frontière russe, sur une route crevée de trous, le défilé de véhicules blindés, de chars et de voitures militaires banalisées affichant un triangle, symbole de l’opération, est incessant. En sens inverse, les ambulances filent, toutes sirènes hurlantes, en provenance de Russie. 
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-Le 12 août, le char de Viktor, un Biélorusse de 24 ans, mécanicien et conducteur, qui a choisi de combattre au côté de l’Ukraine au sein de l’unité logistique TUR (chargée d’évacuer et de réparer les véhicules de la zone de combat) du 225e bataillon d’assaut, est garé sur le bas-côté de cette route. « Jusqu’à présent, nos gars parlent positivement de l’offensive (…), rapporte-t-il alors. J’ai ressenti de la joie en traversant la frontière. » Son unité s’est enfoncée jusqu’à vingt kilomètres en territoire russe. « Nous n’avons vu aucun civil, les magasins sont fermés, décrivait-il encore. Les villages sont intacts, mais vides. » 
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-Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Guerre en Ukraine : les Occidentaux confirment le déploiement de soldats nord-coréens en Russie 
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-« Zherar », son nom de guerre, âgé de 39 ans, est un autre Biélorusse du 225e bataillon d’assaut. Celui-ci, affirme-t-il, est le premier à avoir pénétré, le 1er août, en Russie. Ce commandant de l’unité TUR montre les photos des médailles qu’il dit avoir reçues depuis le début de l’invasion russe, en février 2022. « Au début de l’incursion, notre bataillon a capturé, à lui seul, 400 soldats russes », avance-t-il, se disant surpris par l’estimation du président Zelensky de 600 prisonniers de guerre. « Un jour, on est tombés sur trente-cinq conscrits encadrés par deux gardes-frontières, poursuit-il. On leur a dit de se rendre, malheureusement ils ont tiré. Trois d’entre eux ont survécu, l’un âgé de 18 ans, les deux autres de 19 ans. » 
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-« Zherar », Biélorusse de 39 ans, a choisi de combattre au côté de l’Ukraine. Il est commandant de l’unité logistique TUR du 225ᵉ bataillon d’assaut. Dans la région de Soumy (Ukraine), le 23 septembre 2024. LAURENCE GEAI / MYOP POUR « LE MONDE » 
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-Un soldat ukrainien transporte un soldat de la marine russe, fait prisonnier dans la région de Koursk, en Russie. Près de Soumy (Ukraine), le 15 août 2024. ADRIEN VAUTIER / LE PICTORIUM POUR « LE MONDE » 
-Le 15 août, sur cette même route, « Saïgon », la trentaine, membre d’une brigade d’assaut aérien, est de retour de Russie avec ses camarades. Ils ont jeté, comme du gibier, un marine russe dans le coffre de leur pick-up. Ce jour-là, neuf jours après le déclenchement de l’opération, il reconnaît que « le rythme de l’avancée a ralenti (…), mais les Russes sont complètement désorganisés : ils tendent des embuscades à leurs propres unités et ne parviennent toujours pas à comprendre la ligne de front ; beaucoup de soldats sont perdus et errent, souvent habillés en civils ». 
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-« Saïgon » explique qu’il a « arrêté de compter à 100 le nombre de militaires russes » capturés par son unité. A cette époque, de nombreuses vidéos circulent sur les réseaux sociaux montrant des files de soldats russes détenus, mine basse – des images fortes qui remontent le moral des troupes ukrainiennes sur la défensive sur tous les autres fronts. Les autorités de Kiev, par la voix du chef des armées, Oleksandr Syrsky, donnent, le 27 août, le chiffre officiel de 594 prisonniers. 
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-« La Russie a échoué » 
-Le 20 août, « Flint », chef du renseignement d’un bataillon de la 92e brigade d’assaut, arrivé de Kharkiv une semaine plus tôt pour combattre sur le sol russe, dit son « impression de revenir vingt ans en arrière avec des combats entre tanks, sans Starlink [le service d’accès à Internet par satellite d’Elon Musk, qui permet aux troupes de Kiev de coordonner leurs actions] ». Il ne claironne pas : « On verra bien comment ça évolue… Ce qui est certain, c’est que nous sommes meilleurs en mouvement quand nous avons l’initiative que sur un front statique, où nous sommes forcément perdants. » 
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-Encore porté par l’espoir de voir l’incursion dans la région de Koursk modifier le cours de la guerre, le pouvoir ukrainien livre, le 19 août, au Monde, le cœur de sa stratégie. « En contre-attaquant, vous créez bien sûr beaucoup plus de problèmes pour le commandement opérationnel russe, qui doit redéployer ses troupes et penser à la façon de défendre son territoire », détaille Mykhaïlo Podoliak, conseiller du président Zelensky. Pour lui, la Russie ne pourra pas éternellement résister à la double stratégie de l’Ukraine – opérations défensives et contre-offensives simultanées. 
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-Un mois plus tard, le 19 septembre, Mikhaïlo Samus, directeur adjoint du Center for Army, Conversion and Disarmament Studies, un groupe de réflexion privé sur les questions de défense, très écouté en Ukraine, assure qu’« il y aura d’autres opérations, ailleurs, en particulier en Crimée, qui est le centre de gravité de cette guerre ». Si, pour lui, l’objectif de l’attaque vers Koursk est de montrer que les forces ukrainiennes ne se contentent pas d’attendre l’aide des alliés, « il s’agissait aussi, dit-il, de prouver qu[’elles sont] capables de mener à bien une opération en Russie et qu[’elles n’ont] pas peur de franchir les lignes rouges », édictées par les alliés de Kiev, mais aussi par le chef du Kremlin. 
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-Des véhicules endommagés sont remorqués vers les lignes arrières ukrainiennes, près de Soumy, le 12 août 2024. ADRIEN VAUTIER / LE PICTORIUM POUR « LE MONDE » 
-L’homme se félicite aussi de ce qu’il qualifie alors d’échec de la contre-offensive russe dans l’enclave occupée par les Ukrainiens : « La Russie a échoué, car elle a pris de mauvaises décisions, en août, en décidant d’ignorer l’offensive de Koursk et de continuer à attaquer le Donbass. Au bout d’un mois, ils ont essayé de [récupérer leurs territoires], mais ils n’ont pas envoyé assez d’hommes. Les Russes sont environ 30 000 actuellement [à la mi-septembre], alors que le double, au moins, aurait été nécessaire ! » 
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-Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Les Européens s’accordent sur une nouvelle aide financière à l’Ukraine 
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-Mikhaïlo Samus ajoute que l’objectif final n’est pas de conserver ce territoire russe, mais d’établir une zone tampon pour protéger les régions de Soumy et de Kharkiv des bombardements et de forcer les Russes à déplacer des forces du Donbass vers la région de Koursk. Finalement, Moscou n’a dégarni le front de l’Est qu’en partie, avec un mois de retard sur les prévisions ukrainiennes, et sans perdre, pour autant, leur avancée dans le Donbass. 
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-« Non, ce n’est pas un échec pour l’Ukraine, jure-t-il alors. Si la Russie ignore l’offensive à Koursk, nous élargirons davantage la zone tampon, c’est tout ! Les Russes peuvent prendre autant de villes qu’ils veulent dans le Donbass, ils perdent des territoires dans la région de Koursk. » Des prévisions qui apparaissent, aujourd’hui, très optimistes. 
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-« C’est David contre Goliath » 
-Fin octobre, en effet, le ton a changé. Le temps joue contre l’Ukraine. Rencontré dans un café de Soumy, « Shen », 30 ans, originaire de Lviv, appartient à une brigade d’assaut expérimentée. Tout en parlant, il triture ses lunettes de combat : « Quand j’ai appris où on allait, j’ai trouvé ça insensé. Ils nous ont retirés du Donbass pour venir ici et ils nous ont remplacés par des troupes tout juste enrôlées qui créent plus de problèmes qu’autre chose, qui manquent d’entraînement, de maîtrise des communications et de connaissance du front. » 
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-Symbole, pour lui, de cette fragilité, le suicide, fin septembre, du lieutenant-colonel Ihor Hryb, pris entre le devoir de protection de ses hommes, peu aguerris au combat, et l’ordre donné par le sommet de la hiérarchie militaire de tenir une position sous un déluge de feu russe, près de Vouhledar, qu’il a refusé. 
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-Les funérailles du lieutenant-colonel Ihor Hryb, qui a préféré se suicider qu’exécuter des ordres qui auraient conduit à la mort de ses hommes. A Kryve Ozero, dans la région de Mykolaïv (Ukraine), le 5 octobre 2024. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » 
-L’affaiblissement, à cause de l’incursion de Koursk, des positions ukrainiennes dans le Donbass ou plus au sud, est un reproche récurrent adressé à l’état-major. « Le Grec », dans son bunker, à Iounakivka, relève que « les Russes ont quand même retiré leur 83e brigade de la région de Zaporijia », avant d’admettre que, « c’est vrai, l’offensive de Koursk a affaibli [les forces ukrainiennes] dans le Donbass ». L’unité logistique du 225e bataillon d’assaut, composée essentiellement de Biélorusses, dont Viktor et « Zherar », combattait jusque-là dans la zone de Tchassiv Yar, ville ciblée par le Kremlin dans le Donbass depuis la chute de Bakhmout, en mai 2023. Après son départ, les Russes ont réussi à percer. 
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-Lire aussi | Article réservé à nos abonnés « Opération Koursk » : les combattants ukrainiens veulent y voir un tournant dans la guerre 
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-Rencontré dans un autre café de Soumy, Serhiy, officier de la 21e brigade d’infanterie, arrivée, début septembre, du Donbass pour soutenir le front ukrainien de Koursk, perçoit bien la vulnérabilité de ce repositionnement. « Depuis qu’on est partis du Donbass, les Russes ont avancé de un à deux kilomètres sur le secteur où nous étions positionnés, souligne-t-il. Mais, dans la balance, perdre un village dans le Donbass vaut largement le gain de territoire sur Koursk en vue d’une future négociation. » 
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-Les chefs de l’armée ukrainienne n’esquivent pas non plus la question. Vadym Mysnyk, 54 ans, porte-parole du commandement opérationnel de la zone nord, était à la retraite lors de l’invasion russe, en février 2022. Il a passé toute sa carrière dans l’armée soviétique et compte d’anciens camarades d’école dans les troupes adverses. « On nous reproche d’avoir affaibli notre front sur le Donbass, mais il faut garder à l’esprit qu’ici c’est David contre Goliath, se défend-il. On fait ce qu’on peut. Nous avons lancé l’incursion de Koursk avec un nombre limité de ressources. » 
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-L’homme paraît goûter le parler-vrai : « Il faut arrêter de dire qu’on est entrés facilement sur le sol russe ! A côté des conscrits, des Tchétchènes et des gardes-frontières, il y avait des marines russes aguerris. Le risque n’était pas nul. Cette guerre est une horreur, elle use tout le monde. Mais on n’a aucun droit de laisser aux futures générations une guerre gelée. La Russie ne comprend que la force. » Serhiy, l’officier de la brigade d’infanterie croisé à Soumy, tient aussi à démystifier cette incursion : « Soudja a été prise sans combat de rue. La ville et les forces russes ont été contournées et encerclées. » 
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-Un soldat sur une position ukrainienne, proche de la frontière avec la Russie, dans la région de Soumy, le 23 août 2024. ADRIEN VAUTIER / LE PICTORIUM POUR « LE MONDE » 
-De même, l’ancien champion de lutte gréco-romaine, « le Grec », coupe court à tout sentiment d’euphorie lié à cette offensive : « Je n’ai ressenti aucune émotion en passant la frontière avec mes gars. Cela fait longtemps que je n’éprouve plus ce genre de sentiment. J’ai vécu trop de choses. En une seule journée, au printemps 2023, près de Bakhmout, dans le Donbass, j’ai perdu cinquante hommes. Comment s’enthousiasmer, quand on sait ce qui est en jeu ? Mes soldats sont fatigués de cette guerre, et moi aussi. » 
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-Une déconvenue 
-L’offensive de Koursk a connu par ailleurs une véritable déconvenue largement restée sous silence, mais qui contraint le commandement ukrainien à admettre aujourd’hui que seule la moitié des objectifs militaires a été atteinte dans cette opération. Lorsque les troupes de Kiev, le 6 août, traversent la frontière, l’objectif consiste, notamment, à progresser à l’ouest de ce nouveau front, sur une profondeur de dix à vingt kilomètres jusqu’à la Seïm, une rivière qui traverse le territoire russe avant de rejoindre l’Ukraine et qui constitue une barrière naturelle idéale pour contenir les troupes de Moscou sur une largeur de 80 kilomètres. 
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-Les espoirs de conquête de cette « poche de la Seïm », nés de la destruction de quatre ponts reliant les deux rives de ce cours d’eau, ont vite été douchés. « Le Grec », dont le bataillon était censé progresser dans cette zone, explique que les Russes sont vite parvenus à envoyer des renforts. « En deux heures, ils installaient un nouveau ponton mobile, raconte-t-il. Et, en moins de cinq heures, ils faisaient passer plusieurs brigades. Or, avant de taper, il nous faut du renseignement et de la surveillance aérienne. Notre objectif, c’était Glouchkovo, un gros village collé à la Seïm. Mais, quand mes gars avançaient, ils se retrouvaient encerclés, comme le 10 septembre à Komarovka, puis le 10 octobre à Snagost. » 
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-Vadym Mysnyk ne fait pas mystère, non plus, de ce raté. « On a réussi, au début, à frapper les ponts puis les premiers pontons mobiles, après on a été dépassés, on a manqué de moyens. Sur l’ensemble du front, dont celui-là, on a relevé, en tout, près de 50 000 hommes en renfort, dont des troupes d’assaut. Le ratio des pertes est, certes, de 1 à 5 ou 7, en notre faveur, mais cela ne suffit pas pour équilibrer les forces. » Résultat, la « poche de la Seïm » est restée sous contrôle russe et permet à Moscou, aujourd’hui, de grignoter le flanc ouest de l’enclave occupée, sur leur sol, par les Ukrainiens. 
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-« La majorité de la population ne comprend toujours pas » 
-Enfin, si spectaculaire soit-elle, cette incursion de Koursk est loin d’avoir suscité dans la population ukrainienne l’engouement escompté. Svetlana Rezvan, 49 ans, sommelière dans la vie civile devenue officière porte-parole de la 61e brigade, le constate aussi : « Une majorité de la population ne comprend toujours pas la raison de l’opération, elle pense qu’on veut prendre Koursk, alors que ce n’est pas le but. Ce sentiment est aussi présent chez les volontaires qui soutiennent notre armée. Les soldats ne sont pas loin de ressentir la même chose. Ils reflètent la société, même s’ils font quand même leur job. » 
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-Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Guerre en Ukraine : l’offensive à Koursk, un pari risqué pour Kiev 
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-C’est pourquoi le soutien des familles de soldats reste un sujet sensible, y compris pour cette offensive. Cela explique aussi l’embarras de l’état-major ukrainien, pris, malgré lui, dans l’affaire du « silence radio » imposé à tous les militaires postés dans l’enclave russe. Leurs familles dénoncent l’impossibilité de les joindre sur le front, alors qu’elles pouvaient le faire quand ils se battaient en Ukraine. Starlink et les réseaux téléphoniques ukrainiens ne fonctionnent pas dans cette zone. Les unités peuvent communiquer entre elles par talkie-walkie, mais pas avec les familles. 
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-Des déplacés des zones frontalières de la Russie attendent de recevoir une aide humanitaire, à Soumy (Ukraine), le 12 août 2024. ADRIEN VAUTIER / LE PICTORIUM POUR « LE MONDE » 
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-Un bâtiment touché par un bombardement, à Soumy (Ukraine), le 17 août 2024. ADRIEN VAUTIER / LE PICTORIUM POUR « LE MONDE » 
-L’officier Serhiy, de la brigade d’infanterie, le confirme : « Les familles font des scandales, elles appellent partout, y compris le haut commandement ou même le ministre de la défense. Des centaines de personnes cherchent des informations. Nous, on leur répond que “no news is good news”, mais ça ne suffit pas. On devrait réintroduire le courrier à l’ancienne. » Chacun y va de sa solution. 
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-Manque de moyens 
-Trois mois après un lancement réussi, l’offensive de Koursk ne paraît pas avoir changé la donne dans cette guerre qui s’enlise. D’autant que les Occidentaux refusent toujours à Kiev le droit de frapper le territoire russe en profondeur avec des missiles – une « ligne rouge » que l’Ukraine espérait faire sauter avec son offensive. De quoi faire dire au « Grec », dans son bunker souterrain de Iounakivka, que « cette opération n’est pas un tournant militaire, seulement un atout politique, et un symbole ». 
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-Elle a allongé les lignes de défense, insiste-t-il, « or nous avons le même nombre de forces qu’avant ». « Si nous avions eu le réservoir en hommes, l’opération aurait été un tournant majeur, mais il s’agit d’une guerre de réserves, regrette-t-il. C’est à qui aura le plus de ressources, et, pour l’heure, ce sont les Russes. » « Quant au symbole, souligne-t-il, personne n’avait conquis une portion du territoire russe depuis la seconde guerre mondiale. Cette guerre va durer et, quand l’infanterie ne pourra plus bouger, on ira négocier. » 
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-Ce manque de moyens, en hommes et en missiles de longue portée, pèse sur cette incursion comme sur la guerre en général. « Nous avons maintenant 950 kilomètres de front, remarque, songeur, Vadym Mysnyk, du commandement opérationnel de la zone nord. En tant que militaire, je pense qu’il aurait fallu lancer cette offensive un an plus tôt. Si nous y sommes allés, ce n’était pas pour conquérir la Russie, mais pour montrer qu’on savait se battre et affirmer notre identité ukrainienne. » 
- 
-Finalement, l’issue de cette incursion n’est peut-être pas dans les mains des Russes ni des Ukrainiens. Selon l’officier Serhiy, « la date cruciale, c’est l’élection présidentielle américaine. Si Kamala Harris gagne, la guerre ne finira pas en 2025, si c’est [Donald] Trump, elle peut s’arrêter dès la fin 2024 ». La pertinence, au regard de l’histoire, de cette brèche ouverte sur le sol russe dépend aussi de la capacité de Moscou à reconquérir cette enclave avant de commencer à négocier. Le président russe a toujours affirmé que, au moment des discussions, les lignes de front seront considérées comme acquises. On voit mal comment il pourrait tenir cette position, tant que Kiev contrôle une partie de son territoire. 
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-Retrouvez l’intégralité de nos dossiers géopolitiques ici. 
-Jacques Follorou 
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