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« Qui va récolter nos olives ? » : l’Europe face aux dilemmes de l’effondrement de sa population active
Par Timothée Vilars

Publié le 7 novembre 2024 à 9h00

Un homme récolte des olives, en novembre 2023 à Athènes.
Un homme récolte des olives, en novembre 2023 à Athènes. COSTAS BALTAS / ANADOLU VIA AFP

Temps de lecture : 8 min.
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Décryptage Alors que le nombre de travailleurs européens va chuter sur le continent tout au long du siècle, de plus en plus de pays se tournent vers une immigration de travail « sélective et temporaire »… au détriment des autres arrivants.

Kyriakos Mitsotakis est inquiet. Dans une interview accordée au « Financial Times » le 17 octobre, au matin d’un conseil européen augurant un durcissement des politiques migratoires des Vingt-Sept, le Premier ministre grec mettait les pieds dans le plat. « Si vous voulez bâtir une grande barrière, il vous faut aussi une grande porte », avertit le conservateur. « Qui va récolter nos olives ? » La question qui fâche, et dont aucun dirigeant européen ne semble détenir la réponse : « Nous sommes un continent dont la population se rétrécit et tout le monde reconnaît que pour maintenir notre productivité, nous aurons besoin de main-d’œuvre, qualifiée ou non. »

Les taux de fécondité continuent de chuter partout en Europe et 27 pays du continent sur 45 ont déjà atteint leur pic de population, selon un rapport des Nations unies publié cet été. La conséquence la plus notable sera une chute du nombre de travailleurs tout au long du siècle. Selon Ylva Johansson, la commissaire sortante aux affaires intérieures, « 7 millions de travailleurs vont quitter le marché du travail dans les six ans à venir ». Si le nombre de seniors (plus de 65 ans) devrait se stabiliser à partir de 2050 selon les tendances actuelles, la population active va poursuivre sa baisse : environ 260 millions aujourd’hui, à peine 200 millions en 2100. Selon la banque américaine Morgan Stanley, cette évolution risque de coûter à l’Europe 4 % de son PIB d’ici à 2040.

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Une réunion des ministres de l’Economie de l’Union européenne s’est tenue à Budapest en septembre sur ce sujet complexe, dont les enjeux sont bien sûr socio-économiques mais aussi éminemment politiques : c’est dans les pays où les préoccupations démographiques sont les plus prégnantes que les mouvements nationaux-populistes ont gagné le plus de sièges lors des dernières élections européennes. Le Martens Centre, think tank du grand parti de la droite européenne, le PPE (Parti populaire européen) – le camp de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen – a multiplié les publications sur le sujet ces derniers mois en vue d’influer sur la mandature qui s’ouvre (2024-2029). Sa synthèse « la Démographie en profondeur » esquisse une idée des orientations à venir.

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Italie, le scénario catastrophe
Secrétaire général du Parlement européen de 2009 à 2022, l’Allemand Klaus Welle s’associe à l’expert tchèque des migrations Vít Novotný pour sonner l’alerte : « Nos institutions et nos politiques ne sont pas adaptées pour les développements à venir, écrivent-ils. Nos systèmes de sécurité sociale manquent de financements durables, et les politiques natalistes sous forme de transferts d’argent aux jeunes familles n’ont en général pas atteint leurs objectifs. »

C’est en Italie que « l’hiver démographique » s’annonce le plus dramatique, alerte le Martens Centre dans une analyse du statisticien milanais Gian Carlo Blangiardo. Sur la période 2014-2022, le pays a perdu 1,4 million d’habitants, soit autant qu’entre 1916 et 1918… au moment de la Première Guerre mondiale et de la grippe espagnole. Le nombre de naissances a été divisé de plus de moitié entre 1960 et 2020. Parallèlement, la proportion de personnes âgées a presque doublé en quarante ans, passant de 13 % au début des années 1980 à 24 % aujourd’hui. Elle devrait dépasser 33 % au début des années 2040.

Conséquence directe : la population en âge de travailler (15-64 ans) diminuera de plus de 6 millions au cours des vingt prochaines années. Une telle évolution entraînerait une chute de 16 % du PIB d’ici aux années 2040, et de 25 % d’ici aux années 2060. « La pandémie de Covid-19 continue à laisser des traces sur la démographie nationale, avec un impact significatif sur la mortalité mais aussi le nombre de naissances, de mariages et l’immigration, écrit Gian Carlo Blangiardo. Tous les acteurs nationaux doivent coopérer pour assurer la reprise du taux de natalité, exploiter les avantages économiques des nouveaux migrants et les expériences des personnes âgées. »

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L’immigration au cœur du débat
Ces dernières semaines pourtant, la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni impose sa ligne anti-immigration et son initiative d’ouvrir des camps de rétention en Albanie pour demandeurs d’asile fait des émules en Europe malgré les obstacles juridiques. Symptôme d’un cercle vicieux à l’œuvre sur tout le continent : plus la population d’un pays vieillit, plus elle devient conservatrice et plus sa natalité baisse, plus elle se préoccupe de son identité et développe une aversion à l’immigration.

Selon Morgan Stanley, il ne sera pas aisé d’inverser la tendance. « Même s’il existait une politique efficace pour augmenter les taux de natalité et qu’elle pouvait être mise en œuvre immédiatement, il faudrait attendre plus de quinze ans avant qu’elle n’ait un impact sur la main-d’œuvre. C’est loin d’être une solution à court terme », écrivent ses analystes, qui estiment cependant utiles certaines mesures politiques comme le développement des services de garde d’enfants : « Nous pensons qu’il est possible que les taux de fécondité cessent au moins de baisser ». Le Martens Centre encourage de son côté à favoriser la sécurité de l’emploi et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Car les deux autres leviers pour pallier l’effondrement de la population active, l’immigration et le report de l’âge de la retraite, sont eux politiquement inflammables. En France, Emmanuel Macron a perdu sa majorité un an après avoir fait passé, au forceps, statisticien milanais Gian Carlo Blangiardo. En Allemagne, le paysage politique a été profondément transformé par la décision d’Angela Merkel d’accueillir 1 million de réfugiés syriens en 2015, avec l’essor, dès l’année suivante, du parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AFD).

« Il faut davantage d’immigration », martèle pourtant l’Allemand Rolf Strauch, économiste en chef du mécanisme européen de stabilité, dans son dernier rapport sur la démographie et la stabilité financière. « Les projections actuelles tablent déjà sur une immigration substantielle, mais elle ne suffit pas à inverser le processus de vieillissement global. » Dans son récent rapport sur la compétitivité européenne, l’ex-président de la Banque centrale européenne Mario Draghi fait le même constat : « Ce déclin contraste avec celui des Etats-Unis, dont la population devrait continuer à croître au cours des prochaines décennies », écrit-il, inquiet du fossé qui se creuse entre les deux côtés de l’Atlantique. Plus de 9 millions de personnes ont immigré aux Etats-Unis depuis 2020, soit autant en quatre ans qu’au cours de toute la décennie précédente.

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« Des migrations de travail sélectives et temporaires »
Mais deux éléments faussent le débat. Depuis une décennie, l’image des radeaux de migrants en Méditerranée ou dans la Manche est devenue le symbole politico-médiatique de l’immigration en Europe, poussant les dirigeants à mettre en avant leur volontarisme contre ces arrivées maritimes clandestines. « S’en prendre aux passeurs rend attractive l’initiative Meloni, mais il y a clairement un effet d’affichage. Les deux tiers des demandeurs d’asile arrivent en réalité en avion, avec ou sans visa », souligne Jérôme Vignon, conseiller à l’Institut Jacques-Delors. « La majeure partie des entrées dans l’Union européenne ne se fait pas aux frontières extérieures, mais par la transformation d’entrées régulières de courte durée en demandes de visas longue durée ou d’asile. »

Par ailleurs, cette immigration n’est pas de nature à combler les carences du marché de l’emploi européen. Dans une étude statistique publiée par le Martens Centre, l’expert des migrations Rainer Münz et l’analyste de données Jemal Yaryyeva calculent que sur les 22 millions de personnes immigrées dans l’UE entre 2013 et 2022, 49 % ont été admises pour des raisons humanitaires (7 millions de demandeurs d’asile et 4 millions de réfugiés ukrainiens), 27 % pour mariage ou regroupement familial (6 millions), contre seulement 17 % de travailleurs (3,8 millions) et 7 % d’étudiants (1,7 million).

La teneur des analyses publiées par le Martens Centre permet d’imaginer quel type de recours à l’immigration pourrait effectivement préconiser la Commission européenne dans les prochaines années. On peut ainsi y lire les préconisations de l’économiste néerlandais Paul de Beer, selon qui la migration économique n’est bénéfique pour le bien-être général du pays d’accueil qu’à la condition que les migrants soient plus qualifiés que la moyenne des autochtones. S’ils s’installent de manière permanente, le coût de la scolarisation des enfants et de la retraite pèse au final sur la société, avertit-il, concluant que « seules des migrations de travail sélectives et temporaires permettront d’alléger le fardeau d’une société vieillissante ».

Des accords passés dans le monde entier
Le gouvernement néerlandais, sous la pression de l’extrême droite de Geert Wilders, a présenté en septembre un projet de loi lui permettant de déroger à certaines règles de la « loi sur les étrangers » en vigueur, et d’imposer des mesures plus strictes. Parmi celles-ci, l’abrogation d’une « loi sur la distribution » – qui oblige les municipalités à créer des places d’accueil pour demandeurs d’asile – ou un durcissement des règles sur le regroupement familial. Le gouvernement suédois a également annoncé cet été des restrictions au regroupement familial, estimant que ses règles étaient plus généreuses que la norme européenne. La coalition gouvernementale, composée de la droite et de l’extrême droite, veut aussi « réduire l’immigration du travail peu qualifiée ».

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Se dirige-t-on vers une remise en cause du regroupement familial, un droit pourtant inscrit dans la Convention européenne des Droits de l’Homme ? Ce dernier a pour principal tort de ne pas contribuer à améliorer le ratio entre travailleurs et non-travailleurs, insistent Münz et Yaryyeva. Le taux d’emploi chez les migrants non-européens ne s’élève en effet qu’à 59 %, en raison, expliquent les auteurs, des normes culturelles islamiques qui empêchent les femmes originaires de Turquie, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient d’accéder à l’emploi. Or cet emploi des femmes migrantes, mais aussi des jeunes et des personnes âgées, doit être augmenté, insiste le Centre. L’accueil des migrants devrait en réalité se faire en utilisant « l’employabilité comme critère clé d’admission », résume le think tank, qui suggère la création d’un « bureau au niveau de l’UE […] chargé d’échanger les meilleures pratiques entre les organismes nationaux compétents en matière de politique démographique ».

Des pays empruntent déjà cette voie d’une immigration davantage « triée sur le volet ». Poussé par son opinion publique après une nouvelle série d’attaques de migrants islamistes cet été en Allemagne, le chancelier Olaf Scholz a annoncé le rétablissement des contrôles aux frontières nationales en septembre. « Mais dans le même temps, l’Allemagne a annoncé de manière ostentatoire qu’elle initiait une nouvelle politique migratoire avec le Kenya, l’Inde et plusieurs pays d’Amérique latine, souligne Jérôme Vignon. « Il y a au Kenya un nombre incroyable de spécialistes en informatique hautement qualifiés », déclarait Olaf Scholz lors d’une conférence de presse avec le président kényan William Ruto, à Berlin le 13 septembre. Après la Géorgie et l’Ouzbékistan, le gouvernement allemand négocie également des traités du même type avec la Moldavie, le Kirghizistan et les Philippines. La tractation est la suivante : une plus grande coopération en matière de retour des ressortissants déboutés, en échange d’une ouverture plus systématisée de l’immigration légale avec les pays en question. En janvier, le Bundestag a adopté une loi qui permet à un étranger de devenir Allemand cinq ans après son arrivée sur le territoire, contre huit auparavant.

Pressés par leurs secteurs d’activité, d’autres gouvernements de toutes couleurs politiques modifient déjà leurs législations pour pallier en urgence les pénuries de main-d’œuvre. Fin 2023, les trois quarts des PME du continent déclaraient chercher en vain à recruter. Les manques de bras sont surtout criants dans l’informatique, la santé, l’éducation, la métallurgie, la mécanique et les transports. La Grèce, qui a besoin chaque année de 180 000 travailleurs agricoles selon le ministère de l’Agriculture, a passé des accords avec le Bangladesh et l’Egypte. Cette année, le Premier ministre Mitsotakis a fait régulariser à tour de bras les migrants sans papiers : des permis de séjour de trois ans sont accordés, immédiatement rompus en cas de perte d’emploi. La Belgique mène quant à elle des négociations avec le Mexique. Après des années d’opposition acharnée à toute forme d’immigration, le Premier ministre hongrois Viktor Orban lui-même a dû subitement ouvrir les portes à des dizaines de milliers de travailleurs étrangers pour satisfaire les besoins du patronat. Ces travailleurs ne pourront rester que deux ans en Hongrie, sans pouvoir y faire venir leur famille, insiste Budapest. Fin 2023, ils étaient déjà près de 100 000 – avec la possibilité d’aller jusqu’à 500 000 –, principalement originaires de pays asiatiques comme les Philippines, l’Indonésie, le Vietnam ou la Corée du Sud. Pour les migrants africains en revanche, la porte est restée fermée.

Par Timothée Vilars

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