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Il y a une certaine harmonie, peut-être même de la poésie, dans l'incohérence architecturale de Marseille. Les grands gestes urbanistiques qui ont façonné le littoral du sud de la villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia
WikikPedia, celui des beaux quartiers et des calanques, ont été menés de manière anarchique, à grands coups d'opportunités foncières. Pêle-mêle, on peut citer la création de l'avenue du Prado, du château et du parc Borély, de la Corniche, des 50 hectares de plages gagnées sur la mer grâce aux déblais du chantier du métro…
Les concessions de l'escale Borély et de l'Hippodrome arrivant bientôt à leur terme (2026 pour l'une, 2028 pour l'autre), la villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia
WikikPedia a décidé de profiter de l'occasion pour remettre un peu d'ordre. Alors début octobre, elle a lancé un appel d'offres pour travailler à l'élaboration d'un « plan guide d'aménagement et de développement durable ». Peut-être, enfin, une preuve d'intérêt pour les quartiers sud ?
Priorité aux quartiers nord
Depuis son élection en 2020, le maire, Benoît Payan (Printemps Marseillais, union des gauches hors LFI), a beau répéter sur tous les tons être venu « recoudre la villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia
WikikPedia, retisser les liens », il s'agissait avant tout de réarrimer les quartiers nord, qui comptent parmi les plus pauvres d'Europe et partaient à la dérive, au centre-villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia
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Pour réancrer le nord, le jeune quadra n'a pas ménagé ses efforts, parvenant à gagner l'aide de l'Etat avec le plan « Marseille en Grand ». Des milliards d'euros de prêts garantis par l'Etat aux collectivités locales pour multiplier les transports en commun, rénover les écoles, réparer l'habitat indigne. Pendant ce temps, plus rien ne bougeait dans les quartiers sud, à l'exception de deux nouvelles infrastructures : l'extension de la ligne 3 du tram et la nouvelle marina, grâce à la tenue des Jeux Olympiques.
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Territoire aisé, où l'on compte plus de diplômés de l'enseignement supérieur, plus de chefs d'entreprise, de professions libérales, de foyers imposables, de propriétaires que partout ailleurs dans la villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia
WikikPedia, ils n'étaient ni l'urgence, ni la priorité.
La rénovation des hôpitaux sud ? A l'arrêt depuis le Covid. La piscine Luminy ? Toujours fermée depuis 2009. Le boulevard urbain sud, une autoroute urbaine pour mettre fin aux immenses embouteillages des heures de pointe ? La discussion est bloquée depuis des années, la droite poussant, au nom de la fluidité du trafic automobile, la gauche bloquant, pour la même raison exactement. Le tram de la corniche ? C'est non pour la villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia
WikikPedia, qui veut des bus à haute densité, ce que refuse la métropole. La rénovation du parc Chanot ? La délégation de service public arrive à son terme fin décembre et on n'a pas encore la moindre idée de ce que va devenir le dernier gros territoire foncier de la villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia
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Des quartiers aisés mais délaissés
« On ne peut pas tout faire en même temps », se défend Eric Mery, l'adjoint à l'urbanisme. Ainsi, pour le tram de la corniche, la Ville voudrait déjà que les travaux en cours de la ligne 3 du tram soient terminés avant d'en planifier d'autres. L'adjoint rappelle aussi que la rénovation de la piscine Luminy est prévue pour 2027, quand un partenaire sera choisi. La lenteur du processus s'explique selon lui par la complexité du dossier : « Nous n'avons pas les moyens financiers pour faire les travaux tout seuls, et le cahier des charges est difficile parce que le terrain jouxte le parc national des Calanques. Le parc aura donc son avis à donner, le préfet aussi… C'est difficile. »
La piscine du parc aquatique de Luminy est fermée depuis 2008.
La piscine du parc aquatique de Luminy est fermée depuis 2008. AFP
Cette lenteur agace profondément Lionel Royer-Perreaut, ancien maire du 9/10, qui y voit une succession de prétextes. « Le concept imaginé à Luminy par la mairie est hallucinant de fantaisie : il est prévu de créer un complexe aquatique, alors qu'il est loin, très difficile d'accès. Et pour cela, il faudrait dépenser 40 millions d'euros, quand on cherche des financements dans tous les sens, dans un contexte de restrictions budgétaires. Cela n'a aucun sens ! »
En conseil municipal, dès que j'évoque les quartiers sud, on me renvoie la situation des quartiers nord au visage.
Lionel Royer-Perreaut Ex-député macroniste
Et l'ancien député macroniste, défait en juillet par un adversaire RN, de déplorer, au passage, que les écoles des quartiers sud à rénover soient dans la dernière tranche de Marseille en Grand - « les travaux ne démarreront donc pas avant très longtemps » -, ou encore le choix de construire la nouvelle cité judiciaire à Euroméditerranée, dans les quartiers nord, plutôt qu'à la Capelette, dans les quartiers sud, « un quartier en friche, avec énormément de place, qui aurait permis de mixer les populations ». Lionel Royer-Perreaut soupire : « De toute façon, en conseil municipal, dès que j'évoque les quartiers sud, on me renvoie la situation des quartiers nord au visage. »
Les « gated communities » se multiplient
Le résultat de ces interminables discussions, c'est que ces arrondissements du sud de la villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia
WikikPedia ne voient rien bouger chez eux et se replient sur eux-mêmes. La partie la plus visible de ce phénomène a démarré il y a environ quinze ans, avec la fermeture massive des résidences privées et l'apparition de « gated communities » à l'américaine. « Aujourd'hui, les deux tiers environ de ce territoire sont fermés », reconnaît Eric Mery.
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« Nous faisons ce que nous pouvons pour refuser les demandes des copropriétés, mais se clore est un droit et il est difficile de lutter. J'ai pu retoquer les demandes les plus récentes au nom de l'esthétique. Par exemple, les Bâtiments de France ont été si exigeants avec une copro qui est le long du Prado que cela aurait coûté trop cher aux propriétaires de payer les portails que réclamaient les ABF. »
Parfois, il ne s'agit que d'une simple barrière, qui n'empêche pas les passants de traverser. Dans d'autres endroits, comme la colline Périer, ce sont des portails gigantesques, surveillés par des gardiens dans une guérite, avec patrouilles régulières la nuit, en voiture, dans les allées des résidences quadrillées par des caméras. Il y a généralement au moins une piscine (sans compter celles des villas), et parfois un petit centre commercial, ou au moins un restaurant et un bar, comme à la Cadenelle.
Une residence fermée (« le parc Montvert »), avec portail de sécurité et gardien dans le quartier chic de Bompard, à Marseille.
Une residence fermée (« le parc Montvert »), avec portail de sécurité et gardien dans le quartier chic de Bompard, à Marseille. Anthony Micallef/Haytham-rea
C'est dans ces résidences que vivent les principaux chefs d'entreprise de la villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia
WikikPedia, beaucoup de politiciens, de magistrats, d'avocats, d'acteurs connus et de sportifs de haut niveau. L'ancien entraîneur de l'OM, l'Argentin Jorge Sampaoli, y vivait quand il était en fonction à Marseille. Le chanteur Jean-Jacques Goldman, qui vit aujourd'hui à l'étranger, y habitait également. Le couple Macron y séjourne régulièrement, que ce soit pour des visites ponctuelles ou des vacances privées, dans la résidence du préfet située dans le parc Talabot.
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La toute dernière fermeture date de début 2024 : un propriétaire a posé des grilles empêchant l'accès au sommet de la colline Périer, l'un des plus beaux endroits de la villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia
WikikPedia pour admirer la rade de Marseille. Quand le chemin était encore ouvert, les promeneurs du dimanche l'utilisaient pour rejoindre, plus bas, la marina et la mer. C'est terminé. « Nous essayons de travailler sur les servitudes de passage, de faire évoluer les PLU. Mais pour faire rouvrir un passage fermé, parfois sans autorisation, il faut au moins deux ans de travail au service juridique ! » rappelle Eric Mery.
Le RN gagne du terrain
L'autre manifestation de ce repli se constate dans les urnes depuis des années : le RN y est en progression constante depuis 2017. Un vote qui pourrait bien être une manifestation de colère face à l'attention portée aux quartiers nord, vus comme la priorité des pouvoirs publics au détriment des autres parties de la villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia
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« Les électeurs qui votent RN ont le sentiment que la redistribution sociale ne se fait pas à leur avantage. C'est un sentiment construit par le discours du RN, qui provient en réalité davantage de la visibilité d'une pauvreté, souvent racisée », analyse Christelle Lagier, chercheuse en science politique et maître de conférences à l'université d'Avignon.
En bref, les quartiers sud ont le sentiment qu'il n'y a pas grand-chose à attendre du public, que la redistribution sociale n'est pas pour eux, et se tournent vers le RN pour manifester leur désaccord et leur colère. Entre 2017 et 2022, Marine Le Pen a gagné entre 3 et 6 points par arrondissements au second tour de l'élection présidentielle, la faisant frôler les 50 % des voix dans les 9e et 10e arrondissements. Aux législatives de juillet dernier, l'inconnu Olivier Fayssat, envoyé par Eric Ciotti et présenté par le RN, a tranquillement remporté la 6e circonscription. C'est la première fois dans l'histoire des quartiers sud que la population y choisissait un député d'extrême droite.
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« Entre le deuxième tour des législatives de 2022 et le second tour des législatives de 2024, l'extrême droite a gagné 12.000 voix, compte Lionel Royer-Perreaut. Les gens faisaient des scandales dans les bureaux de vote parce qu'ils ne trouvaient pas le bulletin Bardella. J'y vois un effritement de l'électorat de la droite classique, traditionnellement ancrée dans le sud de Marseille, qui a vieilli ou a disparu. »
Une nouvelle donne avec les néo-Marseillais
Pour Lionel Royer-Perreaut, il s'agit d'un vote de réaction : il pointe du doigt la paupérisation de certaines cités des quartiers sud et la multiplication des points de deal, qui créent un sentiment d'insécurité croissant - provoquant de nouvelles demandes de fermetures de résidences privées, à proximité. Christelle Lagier, elle, pense plutôt qu'il y a une extrême-droitisation globale des électeurs de droite sous l'effet de la légitimation du RN : « Ces électeurs-là sont conscients de leurs intérêts et souhaitent continuer à les défendre, même si cela passe par quelques arrangements avec un racisme dont ils ont le sentiment qu'il devient assez unanime. »
Un retour dans l'arc républicain pourra se faire plus spontanément si certains projets finissent par avancer. François Crémieux, nommé directeur de l'AP-HM en 2021, a enfin finalisé le projet de rénovation des hôpitaux sud : « Nous avons changé de méthode et choisi de faire les travaux nous-mêmes, grâce au financement de Marseille en Grand, assuré par la Sécurité sociale, plutôt que de vendre les terrains à la métropole pour qu'elle s'en charge : cela a pris du temps. Mais le transfert de spécialités, en santé publique notamment, le regroupement des services de pédopsychiatrie, la création d'un service de soins palliatifs vers les hôpitaux sud, sont actés. » Sur la Corniche, la métropole étudie déjà différents tracés pour un éventuel tram.
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Quant à la population, elle se renouvelle. « Les néo-Marseillais arrivés dans les quartiers sud sont venus chercher une meilleure qualité de vie et sont sensibles aux mobilités douces, à la villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia
WikikPedia du quart d'heure que nous essayons de construire. Ils sont plutôt favorables à notre politique. Oui, les néos, j'y crois beaucoup », se rassure Eric Mery.
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