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25/12/2025/H23:16:11
Pas d’intellectuels en Lozère ? La profonde inculture de Jean-Luc Mélenchon
C'est une petite phrase parmi tant d'autres. De celles qui blessent, méprisent et creusent un peu plus la distance séparant certains politiciens du monde rural. Nous la devons à Jean-Luc Mélenchon, lequel déclarait récemment, lors de l'université d'été de LFI, à propos des Martiniquais, citant au passage le psychiatre Fanon, les écrivains Césaire, Glissant et Chamoiseau : « Ils ont toujours cultivé un certain sentiment d'élite intellectuelle. » Et le leader de La France insoumise d'ajouter : « Vous ne pouvez pas dire “on est n'importe où”. » Compliment pouvant, bien sûr, être décerné de façon universelle. Seulement voilà, dans la foulée, monsieur Mélenchon ne put s'empêcher de déraper en citant de façon peu amène un autre département français : « En Lozère, vous n'avez pas ça, vous avez juste à vous en rendre compte. »
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Évidemment, ladite tirade ne passa pas inaperçue et souleva une vague d'indignation, du haut plateau de l'Aubrac, dont l'écrivain Julien Gracq disait qu'il était un formidable « pays de plein vent », aux Cévennes parcourues par Robert Louis Stevenson, qui déclarait : « La politique est peut-être la seule profession pour laquelle nulle préparation n'est nécessaire. »
Inculture ou provocation ?
Nous y voilà ! Car, effectivement, comment celui qui occupa de multiples fonctions au sein des collectivités territoriales, qui fut député français et européen, sénateur et même ministre délégué peut-il se permettre d'évaluer à la cantonade le coefficient intellectuel d'un département ? En quoi est-il qualifié pour oublier, de facto, le médecin et homme politique Théophile Roussel, le scientifique Jean-Antoine Chaptal, le chirurgien Gui de Chauliac, l'écrivain Jean Larteguy, l'ingénieur Léon Boyer, l'anatomiste Henri Rouvière ou, entre autres personnalités natives de Lozère, Marie-Rose Brugeron, Juste parmi les nations, et le résistant Henri Bourrillon ? Que dirait monsieur Mélenchon si je venais à sous-estimer la matière grise des gens de Murcie, en Andalousie, où naquit son grand-père paternel comme mes grands-parents maternels virent le jour dans une petite commune près d'Aumont-Aubrac, où ils reposent pour l'éternité, en Lozère justement ? Évidemment, il trouverait l'analyse ridicule et l'allégation déplacée.
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Pour prendre la mesure de son propos, monsieur Mélenchon devrait donc se transporter en Margeride ou au Gévaudan. Il devrait y discuter avec ceux qui, le soir venu, sous la lampe jaune des cuisines de campagne, ont pris l'habitude de passer une main entre le front et le béret, autrement dit de réfléchir avant de parler. Ceux-là, de surcroît souvent excellents conteurs, ne confondent jamais la fable et l'effet, ont le sens de la parole donnée, se moquent des considérations folkloriques, savent encore où se trouvent les limites de l'affliction et celles de la réalité.
Sectarisme intellectuel
Citoyens trop souvent considérés comme subalternes, pourtant sollicités au moment des suffrages, ils ne réunissent peut-être pas, selon l'admirateur de Castro, Chavez et Trotsky réunis, les critères nécessaires à la construction de l'esprit. Et ils ne seraient donc pas suffisamment instruits pour être considérés comme des intellectuels. Ils ont néanmoins su maintenir et développer une économie tout comme ils ont su, notamment grâce à leur savoir, préserver un territoire. Intellectuels du terroir, loin de l'entre-soi parisien où barbotent quelques diplômés en palinodies grotesques, ils ont su résister face aux lubies encouragées par monsieur Mélenchon et ses alliés écologistes qui ne savent, je tiens à le répéter ici, de l'outil ni l'usage ni le prix.
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Il faut être, à ce titre, face à ceux qui passent leur temps à les dénigrer et à les stigmatiser, équipé d'une intelligence et d'une abnégation redoutables afin de pouvoir garder ses enfants au pays. Oui, il faut être suffisamment éclairé, lucide et perspicace pour préserver l'induction sur ce territoire parfois rugueux et hostile, séduire les nouveaux venus tout en jugulant le tourisme de masse et offrir un panorama à couper le souffle aux photographes du monde entier sans que les vaches aux yeux d'onyx soient dérangées.
Voilà, Monsieur Mélenchon, où gîte l'intelligence, non pas dans l'instruction de ceux dont il faut parfois se méfier car ils n'ont jamais quitté l'école, mais sur cette terre de granit où l'odeur de genêts, de pins Douglas, de gentiane et de foin coupé se mêle aux conversations qui façonnent le monde au coin des cheminées. Loin, bien loin, de ces outrages dont vous êtes décidément devenu bien coutumier.
* Jean-Paul Pelras, tour à tour maraîcher, syndicaliste agricole, écrivain, auteur d'une vingtaine d'ouvrages et journaliste, est régulièrement sollicité par les médias pour s'exprimer sur les questions agricoles et sur la ruralité.
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