26/12/2025/H00:02:39
Le gouvernement abat ses cartes. Michel Barnier avait prévenu qu'il faudrait fournir un effort budgétaire inédit l'an prochain, pour faire face au dérapage massif du déficit public. Il avait dit que cela passerait en partie par des hausses d'impôts « temporaires » et « ciblées » sur les plus grandes entreprises et les particuliers les plus aisés.
Les contribuables savent désormais à quoi s'en tenir. Les ministres de l'Economie et du Budget ont dévoilé le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. L'horizon est sombre pour les contribuables.
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· Ce qui change pour les entreprises
Les entreprises - grandes et petites - vont être les premières affectées par le relèvement des impôts et taxes, mais aussi des charges sociales. Elles peuvent certes se féliciter que certaines niches aient été préservées dans le projet du gouvernement (notamment le crédit d'impôt recherche, le pacte Dutreil ou encore la « flat tax » sur les revenus du capital) et que des pistes d'économies sérieusement envisagées ne figurent finalement pas dans le texte - comme le relèvement des charges sociales sur les loteries et autres jeux d'argent. Mais le projet de loi doit maintenant être amendé par les parlementaires…
Tour d'horizon des changements prévus par le gouvernement :
Une surtaxe d'impôt sur les sociétés pour les grands groupes
C'est la mesure fiscale qui doit rapporter le plus : 8 milliards d'euros en 2025, puis 4 milliards en 2026. Pendant deux ans, les groupes réalisant plus de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires en France seront soumis à une surtaxe. Celle-ci sera calculée sur le montant d'impôt sur les sociétés acquitté. Son taux sera de 20,6 % et même 41,2 % pour les groupes réalisant plus de 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Ces taux seront divisés par deux en 2026 (10,3 % et 20,6 %). La surtaxe concernera 440 groupes, selon le ministre de l'Economie. « C'est un effort important, mais nécessaire et temporaire », insiste Antoine Armand.
La même mesure est déclinée pour les groupes de transport maritime qui réalisent plus de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires (comme CMA-CGM). En effet, les armateurs ne sont pas assujettis à l'impôt sur les sociétés : ils sont taxés sur le tonnage de leurs navires, et non sur les bénéfices de leur activité (ce qui leur avait procuré d'extraordinaires profits au plus fort de la crise énergétique, suscitant de nombreux débats sur la nécessité de les taxer). La taxe exceptionnelle les visant sera de 8 % du résultat d'exploitation de leur activité de fret maritime en 2025 (5,5 % en 2026) pour un rendement attendu de 500 millions d'euros (300 millions en 2026).
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Des rachats d'actions taxés
Discutée à de nombreuses reprises ces dernières années, et même promise par le gouvernement précédent sans jamais franchir le pas, la taxe sur les rachats d'actions verra finalement le jour en 2025 (toutes les opérations postérieures au Conseil des ministres du 10 octobre 2024 sont même concernées). Elle ne visera que les plus grandes entreprises (au chiffre d'affaires supérieur à 1 milliard d'euros), qui rachètent leurs propres titres avant de les annuler. L'Etat prélèvera alors 8 % sur le montant de la réduction de capital résultant de l'annulation des actions rachetées.
Cette nouvelle taxe n'est pas limitée dans le temps. Bercy en attend 200 millions d'euros l'an prochain.
Une hausse des cotisations sociales sur les bas salaires
Les employeurs dont les salariés sont payés au SMIC devront payer davantage de charges patronales. En s'inspirant du rapport remis récemment par les économistes Antoine Bozio et Etienne Wasmer, le gouvernement amorce en 2025 une refonte des allègements généraux de cotisations sociales « pour inciter notamment les employeurs à rehausser les salaires les plus bas - cette fameuse désmicardisation tant attendue », plaide le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin.
Un projet d'article du budget de la Sécurité sociale prévoit d'aboutir au 1er janvier 2026 à un dispositif unique de réduction générale dégressive des cotisations patronales jusqu'à 3 fois le SMIC. Il doit rapporter 4 milliards d'euros aux caisses de la Sécurité sociale dès l'an prochain (5 milliards en réalité, mais qui viendront minorer l'impôt sur les bénéfices d'environ 1 milliard).
Les « primes Macron » susceptibles de coûter plus cher en cotisations
Dans la même logique de mieux cibler les allègements de cotisations patronales, le gouvernement prévoit d'intégrer la prime de partage de la valeur à l'assiette du calcul des allègements généraux. Les employeurs qui versent ces « primes Macron » - qui ne sont déjà plus exonérées d'impôt et de cotisation sociale depuis 2024 - pourraient donc ne plus être éligibles - ou beaucoup moins - aux allègements généraux.
Pour éviter les effets d'aubaine, la mesure prévue s'applique à partir du 10 octobre 2024. Elle doit rapporter 600 millions d'euros aux caisses de la Sécurité sociale en 2025.
La baisse de la CVAE attendra encore trois ans
Le report était annoncé. Le taux de la Contribution sur la valeur ajoutée (CVAE) restera inchangé jusqu'en 2027, au lieu de diminuer progressivement jusqu'à l'extinction de cet impôt de production décrié des entreprises. « Nous n'avons pas changé d'avis sur cet impôt qui pénalise en particulier notre industrie, a précisé Antoine Armand. Cette baisse reprendra dans trois ans. Nous l'inscrivons dans la loi, même si nous ne pouvons pas nous le permettre budgétairement aujourd'hui ». La mesure représente un manque à gagner de 1,1 milliard d'euros pour les entreprises.
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· Ce qui change pour les particuliers :
Le gouvernement ne s'en est jamais caché : il veut faire porter une large partie de l'effort demandé aux ménages sur les plus aisés, au nom de la « justice fiscale ». Mais à bien y regarder, les mesures envisagées toucheront un public beaucoup plus large. Tour d'horizon des principales mesures du PLF :
Le barème de l'impôt sur le revenu est indexé sur l'inflation
C'est l'une des rares bonnes nouvelles du PLF pour les contribuables. Les différentes tranches de l'impôt sur le revenu augmentent toutes de 2 % dans la copie du gouvernement. D'après Bercy, cela évite à un demi-million de foyers de devenir imposable l'an prochain. Cette indexation représente un « manque à gagner » de 3,7 milliards d'euros pour l'Etat.
Un taux « plancher » de 20 % d'impôt sur les plus hauts revenus
Pour mettre à contribution les plus aisés, le PLF prévoit un « filet » fiscal qui empêche les plus hauts revenus d'afficher un niveau d'imposition inférieur à 20 % . Les contribuables visés sont ceux dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 250.000 euros pour un célibataire et 500.000 euros pour un couple, soit les mêmes seuils que ceux de la CEHR (Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus) - une surtaxe en vigueur depuis 2012.
Elle s'appliquera pendant trois ans (sur les revenus de 2024, 2025 et 2026) et doit rapporter 2 milliards d'euros au fisc l'an prochain.
Les taxes sur l'électricité remontent en flèche
L'accise sur l'électricité, sur laquelle l'Etat s'était assis presque intégralement au début de la crise énergétique pour soulager les ménages, va remonter au-delà de son niveau d'avant crise, dès le 1er février 2025. La mesure doit rapporter plus de 6 milliards d'euros à l'Etat l'an prochain (même si le gouvernement n'inscrit que 3 milliards à ce stade), et représentera un surcoût de plus de 120 euros pour un ménage moyen, selon un calcul des « Echos ».
Du fait de la baisse des prix de l'électricité sur les marchés, le gouvernement assure toutefois que les ménages au tarif réglementé verront leur facture baisser de 9 %.
L'avantage fiscal de la location meublée rogné
Pour rapprocher les régimes de la location meublée et de la location nue, le projet gouvernemental réintègre les amortissements dans l'assiette de la plus-value imposable au moment de la cession. La mesure est réclamée de longue date par de nombreux élus, qui critiquent l'essor de la location meublée de courte durée au détriment de l'offre locative de longue durée. La mesure s'applique aux cessions réalisées après le 1er janvier 2025. Elle doit rapporter 200 millions d'euros à l'Etat l'an prochain.
La TVA réduite sur les chaudières au gaz est supprimée
Installer une chaudière au gaz deviendra plus cher au 1er janvier. Le PLF met la France en conformité avec le droit européen sur le sujet et fait remonter le taux de TVA applicable à la fourniture et l'installation de ces chaudières utilisant des énergies fossiles de 5,5 % au niveau normal de 20 %. L'entretien et la réparation des équipements existants resteront éligibles au taux réduit. La mesure rapportera 200 millions d'euros à l'Etat en 2025.
La taxe sur les billets d'avion va flamber
La mesure ne figure pas dans le texte initial du gouvernement. Mais il déposera bien un amendement pour relever la Taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) dès l'an prochain - et inclure les jets privés dans son périmètre. Les modalités sont encore en discussion avec la filière aéronautique, assure Bercy. « L'augmentation sera mesurée, assure Antoine Armand, mais il est normal que nos compatriotes qui voyagent beaucoup en avion contribuent davantage aux investissements que nous devons faire pour la transition énergétique ».
La hausse de la TSBA devrait rapporter 1 milliard d'euros à l'Etat l'an prochain. D'autres mesures de hausse de fiscalité sur les énergies fossiles, pour 500 millions d'euros supplémentaires, doivent également faire l'objet d'amendements gouvernementaux.
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