26/12/2025/H05:49:02
Au nom de la « justice fiscale », Michel Barnier compte prélever 2 milliards d'euros supplémentaires l'an prochain sur les particuliers aux plus hauts revenus . Face à la nécessité d'économiser 60 milliards d'euros en 2025 pour redresser les comptes publics, il estime légitime de faire participer les plus riches.
Les détails de cet « effort de solidarité » seront dévoilés jeudi prochain, dans le cadre du projet de loi de finances. Mais le Premier ministre a précisé sur France 2 qu'il serait « fondé sur un dispositif fiscal sur les très hauts revenus, mis en place par François Fillon et Nicolas Sarkozy il y a quelques années », auquel il compte « ajouter quelque chose pour la participation exceptionnelle et temporaire des personnes les plus fortunées ».
L'histoire se répète
L'ironie est qu'en 2012, lorsque ce dispositif a été instauré, il était déjà « temporaire » et visait déjà le redressement des finances publiques, à l'époque dégradées par la crise des dettes de la zone euro. La surtaxe imaginée par le gouvernement Fillon - baptisée « Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus » (CEHR) - devait avoir une durée limitée à trois ans. Mais un amendement parlementaire, porté à l'époque par Charles de Courson (l'actuel rapporteur général du Budget à l'Assemblée), avait finalement fixé l'extinction de la CEHR… au jour où le déficit public serait revenu à zéro. Inutile de préciser que depuis douze ans, jamais cet équilibre n'a été atteint.
La CEHR a donc prospéré, d'autant plus que ses paramètres n'ont jamais été modifiés. Depuis 2012, les contribuables concernés par la CEHR sont restés ceux dont le revenu fiscal de référence (RFR) dépasse 250.000 euros (500.000 euros pour un couple). Une taxe de 3 % s'applique alors, en sus de l'impôt sur le revenu déjà acquitté. Ce taux monte même à 4 % pour les contribuables dont le RFR dépasse 500.000 euros (un million d'euros pour un couple).
Un rendement plus que triplé
Ni les taux, ni les seuils de la surtaxe n'ont été réévalués depuis 2012, alors que l'inflation cumulée sur la période dépasse 20 %. Par conséquent, le nombre de redevables n'a cessé de progresser, ainsi que le rendement budgétaire. Environ 27.000 riches ménages étaient ciblés en 2012, pour une contribution totale de 420 millions d'euros. Depuis, Bercy se montre très avare de données. Mais selon les informations des « Echos », le nombre d'assujettis est passé à 40.000 en 2018, puis 50.000 en 2022 et atteindrait aujourd'hui 65.000. Quant au rendement, il a passé la barre du milliard d'euros en 2018, celle de 1,5 milliard en 2022, et se situe vraisemblablement au-dessus actuellement.
Avec sa nouvelle surtaxe, Michel Barnier prévoit donc de quasiment doubler le rendement de la CEHR. Reste à savoir en quoi consiste ce « quelque chose » qu'il compte ajouter. Le gouvernement a indiqué qu'il viserait les mêmes foyers que ceux aujourd'hui visés par la surtaxe. D'autre part, une hausse des taux est délicate, car l'imposition des revenus atteindrait alors des seuils qui risquent d'être jugés confiscatoires par le Conseil constitutionnel. Depuis 2013, la dernière tranche de l'impôt sur le revenu est taxée à 45 %. Pour les plus hauts revenus, l'imposition monte ainsi à 49 % (CEHR incluse) - et avoisine 66 % en intégrant les prélèvements sociaux.
Vers un taux « plancher »
Selon nos informations, la piste retenue serait donc celle d'un taux d'imposition « plancher ». Cette solution présentée par Matignon comme un mécanisme anti-optimisation empêcherait les plus fortunés - qui touchent fréquemment plus de revenus du capital que du travail - d'afficher un taux effectif d'impôt sur le revenu très faible en raison de la moindre imposition des premiers. Depuis 2018 en effet, les revenus du capital (dividendes, plus-values…) sont soumis à la « flat tax » de 30 %, composée de 17,2 % de prélèvements sociaux et « seulement » 12,8 % d'impôt sur le revenu.
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Ces mécanismes ne sont pas nouveaux. En 2011, le député Gilles Carrez - alors rapporteur général du budget - se félicitait d'avoir adopté une surtaxe calculée sur le revenu fiscal de référence (qui prend en compte tous les revenus - du capital et du travail) plutôt qu'une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu (qui n'aurait concerné presque que les revenus du travail). « Quand on examine la composition des revenus des ménages les plus aisés, on constate que l'élément patrimonial est prépondérant - et notamment les plus-values immobilières et mobilières - par rapport à la rémunération du travail, pointait le député. Cette assiette est donc profondément juste ». Un argument que reprendra certainement à son compte Michel Barnier, au moment de renforcer le mécanisme imaginé à l'époque.
Reste que certains contribuables peuvent aussi aménager leurs flux de revenus pour éviter de payer la surtaxe ou simplement trop d'impôts. « La plupart du temps, un dirigeant d'entreprise organise sa rémunération, c'est-à-dire crée une société holding qui ne lui verse que ce dont il a besoin pour vivre - sous forme de dividendes ou en tant que mandataire social, explique Gwendal Chatain, avocat fiscaliste chez Taylor Wessing. L'excédent tombe dans sa holding et sert à d'autres investissements ou opérations patrimoniales ». Tant que ce contribuable ne se verse pas de revenus substantiels, le fisc n'a rien à se mettre sous la dent. La CEHR est alors inopérante. Ce qui restera sans doute le cas avec le futur mécanisme anti-optimisation.
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