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| ====== Le Monde – A l’affiche de « Monsieur Aznavour », Tahar Rahim, l’acteur studieux ====== https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/09/20/a-l-affiche-de-monsieur-aznavour-tahar-rahim-l-acteur-studieux_6325011_4500055.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default | |
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| A l’affiche de « Monsieur Aznavour », Tahar Rahim, l’acteur studieux | |
| Par Elise Karlin | |
| Par Elise Karlin | |
| Par Elise Karlin | |
| Hier à 05h45 | |
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| PORTRAIT Depuis sa révélation dans « Un prophète », de Jacques Audiard, en 2009, l’acteur de 43 ans est devenu l’un des visages incontournables du cinéma français. Ce succès, le comédien le doit à sa façon immersive de préparer ses rôles. Comme pour « Monsieur Aznavour », de Grand Corps Malade et Mehdi Idir, en salle le 23 octobre. | |
| Lecture 13 min | |
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| Tahar Rahim, à Paris, le 3 juillet 2024. PABLO DI PRIMA POUR M LE MAGAZINE DU MONDE. STYLISME LOUIS PRIER TISDALL | |
| « J’en peux plus d’entendre Charles Aznavour qui engueule les enfants à l’autre bout de l’appartement ! » Si ce texto faussement excédé de Leïla Bekhti, l’épouse de Tahar Rahim, a fait sourire Grand Corps Malade lorsqu’il l’a reçu, il ne l’a pas étonné. Le coréalisateur, avec Mehdi Idir, de Monsieur Aznavour, biopic consacré à l’un des derniers monstres sacrés de la chanson française, a vu comment l’acteur a travaillé son rôle. Il a observé Tahar Rahim se glisser lentement dans la peau de Charles Aznavour, l’accrocher par une mimique, un mot, un regard et habiter son corps pendant plusieurs semaines, au point de ne jamais quitter la prothèse buccale qui lui déformait la lèvre inférieure. | |
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| Le comédien n’a pas imité Charles Aznavour, il ne l’a pas joué non plus : il s’est réinventé en Charles Aznavour, jusque dans sa vie de tous les jours. Au point que Gérard Davoust, l’ancien producteur du chanteur décédé en 2018, à 94 ans, et qui a passé plus de quarante années à ses côtés, a presque failli en pleurer. « Le jour où j’avais été invité, quand je suis arrivé sur le plateau, j’ai aperçu une silhouette dans un décor mal éclairé… Mon cœur s’est arrêté : en face de moi, j’avais Charles », raconte-t-il, encore ému. | |
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| Et dire que, à l’origine, personne n’avait pensé à Tahar Rahim pour le rôle ! Lorsqu’ils commencent leurs recherches, Grand Corps Malade, Mehdi Idir et leur producteur, Jean-Rachid Kallouche, ont à cœur de trouver des inconnus, des artistes en devenir à qui donner leur chance, comme ils l’ont fait pour leurs deux précédents longs-métrages, Patients (2016) et La Vie scolaire (2019). Le temps passe. Le début du tournage se profile et toujours personne pour incarner la star. Jean-Rachid Kallouche en discute souvent avec Tahar Rahim, dont il est très proche. L’acteur suggère des noms, des pistes : « Est-ce que tu es allé voir au Conservatoire ? » En vain. | |
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| David Bertrand, le directeur du casting du film, finit par demander : « Mais pourquoi ne proposez-vous pas à Tahar ? » L’équipe est emballée, à une exception près : Jean-Rachid Kallouche. Le producteur a bien connu Charles Aznavour – il a épousé Katia, l’une de ses deux filles – et n’en démord pas : il ne « voit pas » son beau-père lorsqu’il « regarde Tahar ». Sur l’insistance des autres, il accepte finalement d’en discuter avec son ami, qu’il rejoint un soir au restaurant. Tahar Rahim arrive des Etats-Unis, où il a tourné Madame Web, une production Marvel réalisée par S. J. Clarkson. « Ils ont pensé à toi », lance Jean-Rachid Kallouche entre deux plats. Passé la surprise, son interlocuteur se montre hésitant, d’autant plus que le gendre d’Aznavour ne fait pas mystère de ses réticences. Quelques jours plus tard, le comédien répond pourtant qu’il est partant. « Et, là, on a découvert la “méthode Tahar’’ », se souvient Grand Corps Malade. | |
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| « J’ai pris le temps de m’installer dans ses pompes » | |
| A priori, sa « méthode » n’a rien de révolutionnaire : du travail, encore du travail, toujours du travail. C’est le degré d’engagement qui fait la différence. Il a une façon de se fondre dans un rôle, de se glisser dans la tête et dans la peau de ses personnages, à la manière de l’Actors Studio, qui en fait le plus américain des acteurs français de sa génération. Tahar Rahim, 43 ans, se prépare au tournage comme un athlète se met en condition pour une compétition olympique, en y consacrant chaque seconde de son temps. | |
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| Tahar Rahim, à Paris, le 3 juillet 2024. PABLO DI PRIMA POUR M LE MAGAZINE DU MONDE. STYLISME LOUIS PRIER TISDALL | |
| Evidemment, il prend des cours de chant, des leçons de danse et de piano. Mais, surtout, il traque les biographies, les shows, les interviews, les concerts, les reportages, la moindre seconde d’apparition du chanteur pour en saisir le phrasé particulier, la voix voilée, la manière de cligner des yeux ou d’agiter les mains. L’acteur perd du poids, change de maintien, se déplace différemment. Anthropologue familial, il rencontre la dernière épouse de l’artiste, Ulla Thorsell, et les enfants nés de ce troisième mariage, avant de partir à Los Angeles s’entretenir avec Seda Aznavour, la première fille du chanteur, née en 1947, mieux à même de le renseigner sur les difficultés des débuts. Il rend aussi visite à Aida, la sœur aînée d’Aznavour, âgée de 101 ans, dont le chanteur était très proche, pour comprendre ce qui le touchait, l’agaçait. « J’ai pris le temps de m’installer dans ses pompes », résume Tahar Rahim le 15 juillet, assis dans le canapé d’un appartement parisien où se déroule l’entretien. | |
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| Pendant sa préparation, il échange beaucoup avec le coach de jeu Pascal Luneau, qui a notamment préparé Marion Cotillard pour La Môme (2007), réalisé par Olivier Dahan : « Il m’a aidé à désacraliser le mythe, à le mettre à ma hauteur. » Pascal Luneau l’assoit en face d’une chaise vide : « Tu parles à Charles. » Puis il le fait changer de chaise : « Tu parles à Tahar. » Le coach imagine des interviews, encourage l’acteur à monologuer, à se servir du piano pour aiguiser son sens du rythme… Il lui fixe des rendez-vous en précisant : « Tu arrives en Charles. » « Un jour, je me suis rendu compte que j’étais Charles même quand je n’y pensais pas. J’étais prêt », raconte Tahar Rahim. | |
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| Se plonger dans la psychologie | |
| Le plus compliqué, se souvient le comédien, a été de saisir les ressorts émotionnels d’un homme mondialement célèbre mais dont la vie privée est peu connue. Il suggère à Medhi Idir et à Grand Corps Malade de demander à une psychologue de procéder à une analyse des ressorts intérieurs du chanteur, un procédé dont il s’est déjà servi sur des tournages précédents et qui l’a aidé. « J’avais besoin de comprendre d’où venait son abnégation, l’importance qu’il accordait aux liens familiaux, sa détermination, ses colères et sa part sombre. La psychologie retourne des pierres auxquelles on n’avait pas pensé, elle permet de s’inscrire dans l’ADN d’un personnage. » | |
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| Tahar Rahim, à Paris, le 3 juillet 2024. PABLO DI PRIMA POUR M LE MAGAZINE DU MONDE. STYLISME LOUIS PRIER TISDALL | |
| La préparation dure six mois, pour deux mois de tournage. « Je n’ai jamais vu quelqu’un fournir un travail aussi colossal, insiste Grand Corps Malade. Tahar a saisi toutes les occasions d’explorer une nouvelle facette d’un personnage d’autant plus difficile à incarner qu’il était une star dans le monde entier. Avant le tournage, quand on a répété, il lui est arrivé de nous dire : “Charles aurait plutôt utilisé cette expression’’. A chaque fois, il avait raison. Pendant le tournage, non seulement il arrivait au moins deux heures avant les autres pour être maquillé, mais, quand nous avions tous terminé, lui enchaînait avec des cours de chant. Et toute la journée, il était Charles, parlant comme lui, blaguant comme lui, marchant comme lui. C’était fou. » A tel point que le comédien a troublé jusqu’aux enfants du chanteur. « Leur confiance m’a permis de déployer mes ailes », reconnaît Tahar Rahim, avec un grand sourire de gosse. | |
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| Voilà quinze ans maintenant qu’il les déploie, ses ailes, depuis que Jacques Audiard en a fait « un prophète » dans son film sorti en 2009. « C’est un jeune homme qui n’a pas d’histoire et qui va s’en écrire une sous nos yeux », indiquait le réalisateur dans le dossier de presse de l’époque, sans savoir que c’est en réalité une double histoire qui commençait à s’écrire : celle, fictive, d’un jeune taulard de 19 ans et celle, bien réelle, d’un comédien encore inconnu, alors âgé de 28 ans, auquel ce film a ouvert un chemin vers son destin. | |
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| Modèles américains | |
| Né en 1981 à Belfort de parents émigrés d’Algérie, père ouvrier chez Alstom, mère au foyer, Tahar Rahim est le dernier d’une fratrie de dix élevée aux Résidences, une cité en périphérie de la ville. A l’adolescence, il échappe à l’ennui en découvrant l’ivresse des salles obscures, ébloui par Jean Gabin et Lino Ventura, et, au-delà de l’Atlantique, par les figures du Nouvel Hollywood – Robert De Niro dans Taxi Driver (de Martin Scorsese, 1976), Christopher Walken dans Voyage au bout de l’enfer (de Michael Cimino, 1978), Al Pacino dans Scarface (de Brian De Palma, 1983). Tahar Rahim est fasciné par cette génération de comédiens qui n’ont jamais l’air de jouer et dont tout le travail consiste à s’imprégner d’un rôle pour exprimer au plus près la vérité d’un personnage. | |
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| Tahar Rahim, à Paris, le 3 juillet 2024. PABLO DI PRIMA POUR M LE MAGAZINE DU MONDE. STYLISME LOUIS PRIER TISDALL | |
| Lui aussi, annonce-t-il à sa mère, il sera acteur ! Après un détour par une fac de sport, puis de maths et d’informatique avant de faire une licence de cinéma dans une université de Montpellier, il débarque à Paris en septembre 2005, à la recherche d’une école d’art dramatique. Ce sera le Laboratoire de l’acteur d’Hélène Zidi qu’il intègre avec une scène de Tchao Pantin (de Claude Berri, 1983), répétée sur les marches d’escalier du métro République, à Paris. Sa mère croit dur comme fer à sa réussite : elle a pleuré de fierté en le voyant à ses tout débuts faire quelques secondes de figuration dans un clip de Sniper, groupe de hip-hop qui a connu son heure de gloire à l’aube du XXIe siècle. | |
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| Tahar Rahim a souvent raconté l’anecdote : à la fin d’une journée de tournage, lui et un autre jeune comédien rentrent en voiture avec Jacques Audiard, venu en visite sur le plateau de la série La Commune, diffusée sur Canal+ en 2007. Tahar Rahim choisit de rester silencieux, quand son camarade tente d’attirer l’attention du réalisateur par un long bavardage. Une bonne option : c’est le passager qui n’a pas prononcé un mot que Jacques Audiard va rappeler pour incarner son « prophète ». | |
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| Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes en mai 2009, le film obtient le Grand prix du jury. Quant à Tahar Rahim, il gagne quelques mois plus tard en une seule soirée le César du meilleur espoir masculin et celui du meilleur acteur… Sa carrière débute de manière fracassante, mais elle consiste surtout, au départ, à refuser les rôles de dealeurs, de tueurs, de petites frappes ou encore de taulards. Le 9 mars 2014, il est obligé de rappeler, dans un entretien accordé à l’hebdomadaire britannique The Observer : « Je suis un acteur, point final. Pas un acteur arabe. Pas un acteur d’origine algérienne. Juste un acteur. » | |
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| Une part de « free style » | |
| Et acteur, il veut l’être avec le même souci de justesse que ces Américains pour lesquels il a tellement d’admiration. Sur le tournage des Hommes libres (2011), d’Ismaël Ferroukhi, inquiet de surjouer la douleur, il demande à l’un de ses partenaires de le cogner pour de vrai. Même pour quelques instants de danse dans Samba (2014), d’Eric Toledano et Olivier Nakache, il prend de nombreuses heures de cours. Résultat : une scène mémorable où on le voit se déhancher, en équilibre sur une plate-forme de laveur de carreaux. | |
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| « Tahar ne fait pas du Tahar, souligne Serge Bozon, qui l’a dirigé dans Don Juan (2022). Ce qui l’intéresse, c’est d’être une page blanche, qu’il investit de A à Z, impressionnant dans sa puissance de travail. Il repart de zéro pour chaque film, avec la même ardeur et une capacité intacte à interpréter des personnages très différents, auxquels il donne de la profondeur. » Don Juan, encore un film (en partie chanté) pour lequel personne n’avait pensé à lui et dans lequel le comédien a convaincu le réalisateur. « Il a déporté le rôle vers ce à quoi je ne m’attendais pas et je me suis laissé entraîner », confie Serge Bozon. | |
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| Joachim Lafosse, qui l’a dirigé dans A perdre la raison (2012), inspiré d’une histoire d’infanticide, confirme : « Tahar est l’un des acteurs les plus exigeants que j’ai rencontrés. Il a l’intelligence de transformer ses peurs par une capacité de préparation et de travail rare dans ce métier. » Ce perfectionnisme rassure le comédien. Sur chaque tournage, lorsque le réalisateur a obtenu ce qu’il attendait de lui, Tahar Rahim demande une dernière prise, celle qu’il appelle « le free style » et qu’il joue à l’instinct. « J’adore ! s’enthousiasme Virginie Efira, sa partenaire dans Don Juan. Cette prise représente bien Tahar et ses contrastes : la grande application dans le travail et le laisser-aller total, la réponse au désir des autres et la capacité à laisser ses propres envies vivre aussi. » | |
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| Excès de zèle | |
| Ceux qui ont travaillé avec lui en dressent un portrait qui tient du long panégyrique : il est ponctuel, joyeux, toujours d’humeur égale ; il connaît ses textes, il est respectueux du travail des autres et curieux de leurs univers, il est attentif à saluer tous les techniciens, il est… « Ne cherchez pas : Tahar, c’est un type bien, au cinéma et dans la vie, coupe en riant François Quiqueré, qui a monté trois des longs-métrages de sa filmographie, Les Anarchistes (2015), d’Elie Wajeman, Joueurs (2018), de Marie Monge, et Don Juan (2022). Sur un plateau, il sait ce que chacun, décorateurs, éclairagistes, monteurs, apporte au film : il ne fait pas semblant de croire qu’il est génial d’un bout à l’autre, même si c’est un acteur capable d’intégrer dans son jeu tout ce qui se passe autour de lui. » | |
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| PABLO DI PRIMA POUR M LE MAGAZINE DU MONDE. STYLISME LOUIS PRIER TISDALL | |
| Le comédien Karim Leklou, qui a tourné avec Tahar Rahim à plusieurs reprises, se souvient ainsi d’une scène de Joueurs dans laquelle ils sortent d’une boîte de nuit. En plein tournage nocturne, alors que les acteurs, censément ivres, se montrent bruyants, un riverain, excédé, ouvre sa fenêtre et leur hurle de se taire. « Tahar, dans l’instant, à l’instinct, a inclus le type dans le jeu, en lui lançant : “Désolé, il est un peu éméché !” Evidemment, la réplique n’était pas dans le scénario et on a continué. C’était de l’impro pure, la réactivité d’un acteur qui a tellement creusé son personnage en amont qu’il peut prendre cette liberté. Tahar, c’est plus qu’un partenaire de jeu, c’est un partenaire du film, dont il partage la grammaire avec le réalisateur. » | |
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| Au risque, parfois, de se montrer trop zélé… Avant de commencer à tourner Joueurs, la réalisatrice Marie Monge raconte avoir expliqué à Tahar Rahim, qu’elle qualifie dans un sourire d’« extrêmement irrésistible », son souhait de faire de lui l’objet du désir de sa partenaire de jeu. Elle lui a conseillé de regarder In the Cut (2003), de Jane Campion, dans lequel Mark Ruffalo est affolant de sensualité. Le Français, qui mémorisait les répliques de ses idoles pour séduire les filles du lycée, s’est inspiré tant et si bien du jeu de l’Américain que Marie Monge a été obligée de lui rappeler : « Si j’ai choisi Tahar Rahim, ce n’est pas pour avoir Mark Ruffalo ! » L’acteur, connu pour sa pudeur, a posé une seule limite à la réalisatrice : que le film puisse être vu par ses proches sans qu’il ait à en rougir. Leïla Bekthi dira plus tard à Marie Monge, en sortant d’une projection de Joueurs : « J’ai oublié que c’était mon mari. Je suis retombée amoureuse de lui ! » | |
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| Envergure internationale | |
| Est-ce ce tropisme américain qui doit à Tahar Rahim d’être peu demandé en France, même s’il tourne en ce moment dans Alpha, le prochain film de Julia Ducournau, la réalisatrice de Titane (Palme d’or du Festival de Cannes en 2021) ? « Ce qui m’étonne, confirme le producteur David Thion, c’est que Tahar, un comédien formidable et l’un des visages les plus connus du cinéma français, ne suscite pas encore plus de désir chez les cinéastes français, alors que, dès le début de sa carrière, il a pris une dimension internationale : normalement, c’est un facteur d’engouement important. » | |
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| PABLO DI PRIMA POUR M LE MAGAZINE DU MONDE. STYLISME LOUIS PRIER TISDALL | |
| Très vite, en effet, Tahar Rahim a tourné sous la direction de réalisateurs étrangers : l’Ecossais Kevin Macdonald, qui l’a repéré dans la bande-annonce d’Un prophète, lui donne un rôle dans L’Aigle de la neuvième légion (2011). Il est l’un des personnages principaux du Passé (2013), du cinéaste iranien Asghar Farhadi, de The Cut (2015), du Germano-Turc Fatih Akin, ou encore du Secret de la chambre noire (2017), du Japonais Kiyoshi Kurosawa. | |
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| Mais c’est aux Etats-Unis qu’il explose grâce à une série qu’il a commencé par refuser, The Looming Tower (2018), dans laquelle il joue un agent musulman américano-libanais du FBI et pour laquelle il a appris l’arabe libanais et l’anglais. « Tahar a étudié avec acharnement, au point qu’aujourd’hui il peut adopter n’importe quel accent », souligne Peggy Hall, coach de jeu anglophone qu’il rencontre en 2015 et avec laquelle il s’est par la suite préparé pour ses rôles dans la série Extrapolations (2022), les films Napoléon (2023), de Ridley Scott, et Madame Web (2024). « En anglais comme en français, précise la coach, il cherche ce que ses personnages ont dans le ventre, leur humanité, leurs petites lâchetés, tout ce qui va lui permettre de se connecter à eux. » | |
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| Engagement discret | |
| Mais c’est grâce à Bob Meyer, coach anglophone avec lequel il a entretenu une amitié quasi filiale jusqu’à son décès, en 2021, que l’anglais est devenu, dit Tahar Rahim, un « instinct de jeu ». C’est avec « Bob » qu’il a préparé le film de Kevin Macdonald Désigné coupable (2021), adapté du témoignage de Mohamedou Ould Slahi, Mauritanien détenu à tort dans le camp de Guantanamo. Fidèle à sa méthode de travail, Tahar Rahim, qui a de nouveau failli refuser le rôle, persuadé qu’il s’agissait d’une énième histoire de terroristes islamistes, a tenté d’approcher l’état physique de prisonnier, affamé, menotté, enchaîné, isolé dans une chambre à 6 °C, aspergé d’eau pour maintenir la sensation violente de froid. Il a même demandé à faire l’expérience de la torture par l’eau. « Ça ne relève pas du masochisme mais d’un abandon dans le travail très intense qui suscite une forme de jouissance », précisait-il au moment de la sortie du film, dans une interview accordée aux Echos week-end le 2 avril 2021. | |
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| C’est le seul rôle dont il a eu du mal à sortir, le laissant déphasé pendant plusieurs semaines. Mais il lui vaut d’être en lice en février 2021 pour le prestigieux Golden Globe du meilleur acteur dans un film dramatique. Il est à nouveau nommé en 2022 dans la catégorie téléfilm ou série, cette fois pour son interprétation de Charles Sobhraj, tueur en série des années 1970, dans la série Le Serpent, diffusée en avril 2021 sur Netflix. Depuis longtemps, Tahar Rahim voulait jouer un méchant, comprendre l’absence d’empathie totale, remonter aux racines du mal. Avec sa boulimie coutumière, l’acteur a avalé des documentaires entiers consacrés aux plus grands serial killers. Il a même rencontré Stéphane Bourgoin, expert mondial soi-disant formé par le FBI et qui a reconnu depuis, en mai 2020, avoir menti… | |
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| Aujourd’hui, lorsqu’on l’interroge sur l’avenir, Tahar Rahim réfléchit : « J’ai envie de surprises ! Rebondir, expérimenter un genre de cinéma que je ne connais pas ou bien découvrir le matin même ce que le réalisateur attend de moi, pourquoi pas ? » Le gamin qui resquillait pour passer l’après-midi devant un grand écran a-t-il enfin confiance en lui ? Le fils d’immigrés algérien mesure-t-il qu’il est devenu, en quinze ans, l’un des acteurs emblématiques du cinéma français ? Il sait pour autant préserver sa vie privée aussi bien dans la presse que sur les réseaux sociaux. La seule fois où il a posé en couple avec Leïla Bekhti, c’était à l’occasion de la promotion d’une série Netflix dans laquelle ils avaient tourné ensemble, The Eddy (2020), de Jack Thorne, coréalisée par Damien Chazelle (La La Land…). | |
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| PABLO DI PRIMA POUR M LE MAGAZINE DU MONDE. STYLISME LOUIS PRIER TISDALL | |
| Son compte Instagram n’en dit pas plus sur lui, si ce n’est, depuis quelques mois, des stories qui relaient des appels au cessez-le-feu à Gaza et des posts qui alertent sur la situation dramatique des enfants palestiniens : « On ne peut pas rester silencieux face au déluge d’images quotidiennes qui défilent sur nos téléphones portables. » Pour le reste, il ne parle pas de politique, estimant que ses rôles témoignent tous de son engagement citoyen. A une question sur le score de l’extrême droite aux élections législatives de cet été, Tahar Rahim répond juste en insistant sur l’importance d’un film comme Monsieur Aznavour. Une histoire qui rappelle ce qu’un immigré a apporté à la France. | |
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| Elise Karlin | |
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