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L’arrondissement qui refusait de grandir
Pour la troisième fois en trois ans, des citoyens de Pierrefonds-Roxboro ont fait avorter le printemps dernier un projet d’immeuble de six étages. Il aurait remplacé un immeuble commercial abandonné depuis une décennie, coin Gouin et 4e Avenue, juste en face de la station qui accueillera le métro léger du Réseau express métropolitain (REM).
« Malheureusement, pour plusieurs raisons, les gens sont opposés à n’importe quelle construction dans leur secteur », a souligné le maire de l’arrondissement, Jim Beis, en entrevue avec La Presse. « On parle d’une artère principale qui est déjà commerciale pour le moment et on parle de cinq ou six étages. Ce n’est pas immense. »
Pourtant, 146 citoyens du secteur ont signé un registre exigeant un référendum sur l’autorisation du projet, faisant avorter ce dernier. Martha Bond, une résidante de l’arrondissement, a dénoncé lors de la dernière séance du conseil d’arrondissement une « surdensification » potentielle du secteur, qui pourrait à son avis entraîner des problèmes de stationnement et de circulation. « Un six étages derrière une unifamiliale, pour nous, c’est de la surdensification », a renchéri le citoyen Philippe Vincent. Beaucoup de ses voisins sont « très inquiets des bâtiments proposés dans le secteur ».
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE
Situé à l’angle du boulevard Gouin et de la 4e avenue, ce bâtiment commercial est laissé à l’abandon depuis une dizaine d’années.
En entrevue, le promoteur s’est dit amèrement déçu. « On avait commencé le travail avec la Ville il y a quatre ans. Quatre ans d’allers-retours, avec des plans, a dit Labid Aljundi. Avec tout ce qu’on a eu de délais et de frustrations, il n’y a pas du tout de volonté de notre part de continuer le projet. » Les six étages constituaient déjà un compromis avec la Ville : M. Aljundi avait initialement proposé un édifice de dix étages.
« Les gens ne veulent pas de densité »
Avant le projet d’immeuble de M. Aljundi, deux autres avaient déraillé à proximité d’une des deux futures stations du REM de l’arrondissement.
En 2022, un projet de quatre immeubles comptant chacun huit étages à proximité de la future station Pierrefonds-Roxboro a avorté en raison d’une opposition citoyenne. Mené par le promoteur Brivia, il aurait créé 414 logements.
« C’est un projet gigantesque donnant l’impression qu’il vise à tasser le plus de gens dans un espace donné », dénonçait Pierre Paquette sur la plateforme de consultation de l’arrondissement. « Pas besoin de plus de condos dans ce secteur », ajoutait Helena Sysoeva.
En 2023, c’est un projet de 111 logements près de la future station Sunnybrooke qui a pris le dalot après la signature d’un registre référendaire par 26 citoyens. En entrevue avec La Presse il y a un an, le promoteur Maxime Laporte indiquait que le projet était « complètement abandonné ». Il dénonçait aussi le fait qu’une proposition en droite ligne avec les objectifs prônés par la Ville de Montréal se fasse « dire non ».
PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE
En 2023, des citoyens ont bloqué un projet immobilier comptant 111 logements près de la future station Sunnybrooke.
« Les gens ne veulent pas de densité à proximité de chez eux. Oubliez ça. Ce n’est pas juste à Pierrefonds, c’est partout pareil. Les gens n’en veulent tout simplement pas », analysait alors Stéphane Quesnel, de la division urbanisme, permis et inspection de Pierrefonds-Roxboro.
Ces trois projets sont les seuls d’envergure proposés dans les dernières années à proximité immédiate de stations du REM, selon le maire Beis. Tous ont été refusés.
Le manque d’immeubles de logements est pourtant criant dans l’arrondissement, a souligné M. Beis. Les personnes âgées qui veulent quitter leur bungalow doivent souvent se déraciner de leur milieu parce que Pierrefonds-Roxboro manque d’appartements et de condos.
« C’est dommage »
Ce que M. Beis craint par-dessus tout, c’est l’effet que ces revers peuvent avoir sur les promoteurs immobiliers comme MM. Aljundi et Laporte.
PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE
Le maire de Pierrefonds-Roxboro, Jim Beis
Quand les projets sont refusés dans ces secteurs-là, je ne pense pas qu’un autre propriétaire ou un potentiel développeur va prendre une chance. Pour créer des plans, pour passer dans un processus, ça coûte quand même de l’argent. Ils savent déjà qu’on a eu des projets refusés et ils vont peut-être se dire : oublie ça, je ne vais jamais aller à Pierrefonds-Roxboro.
Jim Beis, maire de Pierrefonds-Roxboro
« Quand les gens disent ‟pas dans ma cour” et préfèrent avoir des bâtiments vacants que des projets qui ont du sens […], c’est dommage, a-t-il continué. On ne parle pas de dizaines d’étages, on essaie de garder ça à des hauteurs qui ont du sens. »
Une réforme de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme votée à l’Assemblée nationale l’an dernier a bien donné des pouvoirs aux municipalités pour limiter la possibilité d’exiger des référendums. Elle ne serait pas applicable dans ces cas-ci, parce que les terrains en jeu nécessitent un changement de zonage, selon les analyses fournies à M. Beis.
Il refuse toutefois de lancer la pierre à ses citoyens ou de les traiter d’égoïstes. Lui-même « demeure dans un secteur hyper résidentiel » et ne sait pas s’il s’opposerait à un projet de six ou huit étages qui pousserait à côté de chez lui. « Je ne pense pas, mais je ne sais pas », a-t-il laissé tomber.
Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme de l’Université de Montréal, affirme qu’il est beaucoup trop tôt pour faire un bilan global de l’impact du REM sur les quartiers qu’il traverse.
PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE
Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme de l’Université de Montréal
« Penser qu’avant même la mise en service du REM on soit capable de voir la réussite ou l’échec de la densification, c’est trop rapide », a-t-il expliqué en entrevue téléphonique. « Si je prends l’exemple du métro à Laval, on commence à peine aujourd’hui à voir comment il transforme l’espace urbain en surface, alors que sa mise en service remonte à 2008. »
Par ailleurs, il n’est pas surprenant de voir certains projets d’envergure provoquer une levée de boucliers, a continué le professeur. « Il y aura toujours une grosse résistance, parce que les gains de la densification sont captés par des gens qui vont venir habiter les lieux et que les coûts sont absorbés par ceux qui habitent déjà les lieux. Comme on est dans un processus démocratique, ceux qui vont en profiter n’ont pas le droit de vote », a souligné M. Meloche.
Avec André Dubuc, La Presse
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170 millions
Ce sont les revenus fonciers générés jusqu’ici par les projets immobiliers qui s’installent près du REM. Les stations du centre-villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia
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Source : ARTM
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Revenus de captation foncière pour les projets immobiliers à proximité des deux stations du REM situées à Pierrefonds-Roxboro
Source : ARTM
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