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-====== Le Monde – Les Dassault, la succession des mauvais sentiments  ====== https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2024/08/18/les-dassault-la-succession-des-mauvais-sentiments_6285711_3451060.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default 
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-https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2024/08/18/les-dassault-la-succession-des-mauvais-sentiments_6285711_3451060.html 
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-THIERRY ORBAN / SYGMA VIA GETTY IMAGES 
-Les Dassault, la succession des mauvais sentiments 
-Par Raphaëlle Bacqué et Vanessa Schneider 
-Par Raphaëlle Bacqué et Vanessa Schneider 
-Par Raphaëlle Bacqué et Vanessa Schneider 
-Aujourd’hui à 18h56 
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-ENQUÊTE « Successions saison III » (1/6). C’est l’histoire d’une famille où les pères sont durs avec leurs fils, jusqu’au mépris, que ce soit dans la vie privée ou dans la gestion du groupe médiatico-militaro-industriel, créé par Marcel Dassault en 1929. Et d’une troisième génération dévorée par les dissensions. 
-Lecture 16 min 
-Retrouvez tous les épisodes de la série « Successions » ici. 
-Le vent souffle violemment depuis plusieurs jours, mais le ciel est clair sur Deauville (Calvados), ce 7 mars 2021. La veille, lorsque Olivier Dassault est arrivé vers 18 h 30, à bord de son hélicoptère personnel, un Airbus AS350-B qu’il apprend à piloter avec un vieux copain aguerri, le soleil se couchait tout juste. Des curieux ont regardé l’appareil se poser presque à la verticale, un peu trop près d’un bouquet d’arbres. Au moment de repartir, il est toujours stationné là, dans la propriété d’un ami, à Touques (Calvados), sur les hauteurs de la cité balnéaire. A moins d’un mètre d’un grand frêne. 
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-L’aîné des héritiers Dassault adore se déplacer à bord de ses propres avions. A 69 ans, c’est sa façon à lui d’incarner sa prestigieuse ascendance, à défaut d’avoir pris les commandes du fleuron de l’industrie aéronautique française créé par son grand-père Marcel Dassault en 1929. Lorsqu’il arrive au Salon du Bourget, avec son blouson, ses lunettes fumées d’aviateur et ce nom, Dassault, qui charrie sa propre légende, il peut avoir l’illusion d’être un peu le patron. Et oublier ce que son père polytechnicien, Serge Dassault, lui a répété presque toute sa jeunesse : « Tu n’es pas un grand ingénieur puisque tu n’as pas fait l’X. » 
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-Le 100ᵉ Falcon 10 (Mystère 10) effectue son premier vol, piloté par Olivier Dassault (à gauche), petit-fils de Marcel Dassault, à Istres (Bouches-du-Rhône), le 22 février 1977. - / AFP 
-Pour avoir le plaisir de prendre les commandes d’appareils produits par Dassault Aviation, Olivier Dassault a dû vaincre un tenace mal de l’air qui l’a longtemps saisi au premier trou d’air. A 24 ans, alors qu’il terminait sa formation d’ingénieur et d’officier pilote de l’Ecole de l’air, son instructeur, qui le voyait verdir dès le décollage, lui avait lancé en guise de consolation : « Eh bien… vous ferez un bon réserviste… » Dix fois, l’héritier a raconté comment il avait alors montré sa barrette, sur sa poitrine : « Vous n’avez pas vu le nom qui est inscrit là ? Je serai pilote ! » 
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-« Tu ne travailles donc pas ? » 
-Début 2021, il ne manque que quelques heures de conduite en double commande à ce dandy touche-à-tout pour ajouter la licence de pilote d’hélicoptère à celles qu’il possède déjà sur différents types d’appareils. Et enrichir de ce talent supplémentaire la longue liste qu’il a lui-même rédigée sur son blog : « Homme politique, entrepreneur, il est aussi un pilote chevronné, un photographe prisé et un compositeur reconnu »… 
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-L’aîné des enfants Dassault n’a pas prévu de s’éterniser en Normandie ce 7 mars. Depuis que son père est mort, trois ans plus tôt, d’une crise cardiaque qui l’a terrassé à son bureau du Rond-Point des Champs-Elysées, à l’âge de 93 ans, il pourrait pourtant se sentir libre d’occuper son temps comme il le veut. A vrai dire, il a toujours mené la vie privilégiée des héritiers fortunés : bureaux somptueux, voitures de sport, chasse en Sologne, musique et photographie en guise de passe-temps. Mais du vivant de Serge Dassault, il se surprenait à mentir, comme ses deux frères, Laurent et Thierry, et leur sœur, Marie-Hélène, pour cacher un week-end au soleil, afin d’éviter d’entendre son père persifler : « Tu ne travailles donc pas ? » 
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-Serge Dassault, après avoir acquis 30 % du capital de la Socpresse, société éditrice du « Figaro », le 5 février 2002, dans son bureau, à Paris. JOEL ROBINE / AFP 
-En cette fin d’hiver 2021, l’atmosphère à Deauville est cependant un peu trop morne à son goût. L’épidémie de Covid-19 connaît une reprise, les restaurants n’ont pas rouvert et Olivier Dassault a décidé de repartir vingt-quatre heures après son arrivée, avant la tombée de la nuit. D’autres obligations l’attendent. Elu, depuis 1988, député dans la première circonscription de l’Oise – celle de son grand-père Marcel –, il a l’habitude de faire la tournée des associations et des marchés pour saluer ses électrices le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes. 
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-Lire aussi (2018) 
-Mort de Serge Dassault, ancien sénateur et industriel de l’aéronautique 
-Chaque année, son épouse l’accompagne. Cela fait douze ans que ce séducteur invétéré s’est remarié avec Natacha Nikolajevic, une ancienne conseillère en communication et marketing, rencontrée en 2003 lors d’une vente aux enchères chez Artcurial, dont le groupe Dassault est l’un des principaux actionnaires. Il avait déjà deux enfants d’un premier mariage, Helena et Rémi. Ensemble, ils ont eu un garçon, Thomas, né en 2011. Chaleureuse et gaie, sa seconde épouse a rapidement compris les douleurs intimes de cette famille où personne ne manifeste jamais un quelconque geste de tendresse, offrant le spectacle de relations froides et pleines de non-dits. « Vous devriez lui dire que vous l’aimez », a-t-elle glissé un jour à son beau-père, en désignant son mari. L’intéressé a-t-il deviné qu’elle était à l’origine de ce mot gentil lâché enfin, quelque temps avant sa mort, par Serge à son fils Olivier ? 
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-Les petits pieds de son mari 
-Ce samedi, donc, l’aîné des héritiers Dassault a déposé un plan de vol pour repartir le lendemain avec Natacha et le jeune Thomas dans l’Oise. Mais maintenant que l’heure du retour approche, il lâche à sa femme : « Exceptionnellement, je te dispense de l’Oise. » Et Thomas ? « Tu as dit qu’on ne montait jamais l’un sans l’autre dans l’hélico ! », chouine le gamin devant sa mère. C’est décidé, Natacha et leur fils rentreront à Paris en voiture pendant qu’Olivier rejoindra l’Oise. « Il est parti la fleur au fusil, avec son copain pilote… », se souvient-elle. La suite est figée dans sa mémoire, mais aussi dans le rapport minutieux du Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA). 
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-Olivier Dassault a quitté la maison de Deauville pour rejoindre Touques depuis à peine trente minutes quand le nom de son assistant s’affiche sur le téléphone de sa femme. « Olivier a été éjecté de l’hélico ! », annonce l’homme d’une voix blanche. L’épouse saute dans sa voiture et roule à fond de train jusqu’à la propriété où était stationné l’hélicoptère. Les gendarmes sont déjà là. Se fiant au plan de vol déposé la veille, ils cherchent une femme et un enfant dans les débris fumants et les taillis environnants. Impossible d’approcher : « Il y a du kérosène partout, cela pourrait s’enflammer. » De loin, Natacha Dassault reconnaît les petits pieds de son mari – il chausse du 39 – et comprend l’inéluctable. Le pire, confie-t-elle aujourd’hui, c’est le sentiment terrible qui la déchire alors, « entre la douleur infinie qu’il soit mort et le soulagement immense que Thomas ne soit pas monté avec lui… ». 
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-Lire aussi (2021) 
-Mort d’Olivier Dassault, l’héritier qui avait fait de la politique un hobby 
-Que s’est-il passé ? A 17 h 43, décrit l’enquête du BEA, « lors du décollage vertical de l’appareil, à une hauteur d’environ 19 mètres, le rotor de l’hélicoptère a heurté les branches du grand frêne de 23 mètres de hauteur près duquel il s’était posé la veille ». L’appareil s’est littéralement délité, la queue s’est détachée, les glissières et le plancher de la cabine ont été arrachés et cette dernière est tombée jusqu’au sol en tournant sur elle-même. Les enquêteurs ne peuvent certifier qui pilotait alors, mais les résultats de l’autopsie montrent que « les lésions internes subies par des deux personnes à bord ne laissaient aucune possibilité de survie ». 
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-Les obsèques d’Olivier Dassault sont célébrées le 12 mars, au sein de la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais, chef-lieu de la circonscription de l’élu. De nombreux politiques de droite comme de gauche sont présents, par exemple Jean-Luc Mélenchon, qui prend la veuve dans ses bras et lui glisse : « C’est le seul mec de droite que j’aimais. » A l’issue de la cérémonie, deux avions de chasse de l’armée de l’air survolent le parvis de l’église en hommage autant à la famille Dassault qu’au pilote Olivier. 
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-Poison de la division 
-Le monde des affaires ne tarde pas à se demander comment la famille va gérer la disparition de l’aîné. Car Dassault est l’un des groupes les plus puissants et les plus stratégiques pour la France. Présent dans la conception et la fabrication d’avions militaires et civils ainsi que de systèmes spatiaux (Dassault Aviation, 12 400 collaborateurs et 7,2 milliards de chiffre d’affaires), dans la conception de logiciels de haut niveau (Dassault Systèmes, 20 496 collaborateurs, 4,86 milliards de chiffre d’affaires), il l’est aussi dans les médias, avec son fleuron Le Figaro, l’immobilier, l’art, avec Artcurial, et le vin. Savoir par qui le conglomérat sera dirigé est crucial. 
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-Les enfants de Serge Dassault, Thierry, Marie-Hélène, Olivier et Laurent à l’hôtel Dassault, à Paris, lors d’une soirée contre le cancer, le 12 octobre 2010. LUC CASTEL /GETTY IMAGES 
-Si Olivier a toujours été le plus connu des héritiers de Serge Dassault, il y a derrière lui deux frères, Laurent et Thierry, ainsi qu’une sœur, Marie-Hélène. Il y a aussi treize petits-enfants, à qui leur grand-père a transmis dès la fin des années 1990 la quasi-totalité du capital du groupe médiatico-militaro-industriel. A eux tous, ils détiennent la sixième fortune française, selon le classement du magazine Challenges de 2024, avec un patrimoine évalué à 26,16 milliards d’euros. La direction opérationnelle du groupe est, elle, entre de solides mains que le patriarche avait pris soin de choisir hors de la famille : celles de Charles Edelstenne, longtemps considéré comme le « double » de Serge Dassault. 
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-Le fils aîné avait néanmoins une place à part au sein de la fratrie. Il ne s’installait pas seulement dans le fauteuil de son défunt père lors des déjeuners de famille. Il était aussi le véritable président au conseil de surveillance de la holding familiale, même lorsque la troisième génération Dassault avait organisé en son sein une présidence tournante. Lui seul pouvait ramener un peu de concorde entre Laurent, Thierry, Marie-Hélène et le conjoint de cette dernière, Benoît Habert. Car il n’est un secret pour personne que le poison de la division s’est installé au sein de la famille actionnaire depuis des décennies… 
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-« Les Dassault, c’est la succession des mauvais sentiments », résume un connaisseur de la dynastie. Pour comprendre ce qu’il veut dire, il faut remonter au père fondateur, Marcel Dassault, que tous vénèrent. Ce formidable concepteur d’avions incarne une histoire à la fois héroïque et tragique. Né en 1892 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) au sein d’une famille juive, Marcel Bloch est le dernier de quatre enfants. C’est un élève brillant, entré à l’Ecole supérieure d’aéronautique et de construction mécanique (Supaéro) dont il sort diplômé un an avant la première guerre mondiale. Pendant la Grande Guerre, il se lance, avec son camarade Henry Potez, dans la conception d’une hélice puis d’un avion complet destiné à l’armée française. Onze ans après la fin de la guerre, il monte sa propre entreprise, la Société des avions Marcel-Bloch, qui a produit plusieurs bombardiers bimoteurs pour l’Etat et que la course à l’armement des années 1930 va rendre très rentable. 
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-Marcel Dassault, fondateur de Dassault Aviation, lors de la livraison aux Américains de l’avion Mystère IV A, en présence des généraux Parker et Prickett, à Mérignac (Gironde), le 18 juin 1954. KEYSTONE-FRANCE 
-Dans cette époque où le fascisme et le nazisme prospèrent, ce chef d’entreprise juif est sans cesse pris pour cible par les journaux d’extrême droite. Dès 1940, son frère Darius Paul Bloch rejoint Charles de Gaulle à Londres après son appel du 18 juin. Marcel, lui, rallie la villa qu’il possède à Cannes, en zone libre, avec femme et enfants, mais il est arrêté dès octobre. Après de multiples épisodes, il sera déporté au camp de concentration de Buchenwald. A la Libération, âgé de 53 ans, il fait figure de véritable miraculé. 
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-Conversion au catholicisme 
-La guerre lui a fait prendre des résolutions importantes pour sa famille. Sur les quatre fils Bloch, Darius Paul est devenu général après sa résistance courageuse, mais René, qui était chirurgien des hôpitaux de Paris, est mort à Auschwitz. Lui-même sait bien à quoi il a réchappé. Il décide donc de renoncer à la fois à son patronyme et au judaïsme. Dans la Résistance, le nom de code utilisé par son frère Darius Paul était « Chardasso » (tiré de « char d’assaut »). En 1946, Marcel fait changer son patronyme en Bloch-Dassault, puis en Dassault tout court, dès 1949. L’année suivante, il se convertit au catholicisme. 
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-En 1951, il propose à son fils Serge d’entrer dans la société d’aéronautique qu’il a créée et dirige toujours d’une main de fer. Cela devrait être une chance pour le père et le fils, autant que pour l’entreprise : Serge Dassault, après être sorti bien classé de l’Ecole polytechnique, a choisi Supaéro. Il a le goût de la technique, des capacités de haut niveau en mathématiques et en physique et ce souci de l’esthétique en matière d’aérodynamisme que chérit tant son père, qui professe que « chaque fois qu’un avion est beau, il vole bien ». 
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-Cependant, il n’échappe à personne que Marcel Dassault tient son fils à distance. C’est qu’un drame personnel pèse sur la famille. L’aîné, Claude, né en 1920, est atteint d’autisme sévère. Est-ce la douleur constante de voir les insuffisances de Claude qui le fait mépriser ce cadet dont la naissance, cinq ans plus tard, n’a rien guéri ? L’industriel n’est pas du genre à partager son autorité. Ni à établir la moindre complicité avec son fils. Lorsqu’il lui écrit, il commence ses lettres par « Monsieur », comme s’il s’adressait à un étranger. Serge Dassault est pourtant une bonne recrue. Au début des années 1960, il a largement contribué à la création du Mystère 20, qui ouvrira la voie à l’aviation d’affaires et arrondira largement la fortune de l’entreprise. Mais il n’a pas voix au chapitre. Pis, son père ne perd jamais une occasion de le traîner plus bas que terre en public. « Il ne m’a jamais dit qu’il était fier de moi, n’a jamais été prolixe en compliments », confiera Serge Dassault à Mireille Dumas dans une interview télévisée, en 2011, sur France 3. 
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-Avec les années, les relations entre Marcel et Serge Dassault ne se sont pas arrangées et elles ont pris une tournure plus cruelle encore lorsque Serge a lui-même eu des enfants. « Coco » – c’est ainsi que ses petits-enfants appellent Marcel – adore Olivier plus qu’il n’a jamais aimé son propre fils. Il répète sans cesse qu’il laissera à l’aîné de ses petits-fils la présidence de son groupe, alors qu’il n’a jamais rien dit de semblable au sujet de son propre fils. Il s’applique même à saboter son rôle de père et à prendre sa place auprès d’Olivier. Quand ce dernier a voulu monter une petite société de publicité, il a laissé une ardoise conséquente que son grand-père s’est empressé d’éponger, alors que son père voulait le laisser se débrouiller par lui-même. C’est aussi Marcel qui offre à son petit-fils adoré les voitures de sport que Serge lui refuse. En somme, personne n’est vraiment à sa place dans cette lignée d’hommes. 
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-Marcel Dassault, fondateur du groupe Dassault Aviation, fête ses 94 ans, aux côtés de son fils Serge et de son petit-fils Olivier, à l’Alcazar, à Paris, le 22 janvier 1986. THIERRY ORBAN / SYGMA VIA GETTY IMAGES 
-« Serge est véritablement né à 60 ans, quand son père a disparu », résument parfois les héritiers Dassault. Rien n’est plus vrai. La mort de Marcel Dassault, le 17 avril 1986, donne lieu à un hommage exceptionnel aux Invalides de la part du premier ministre d’alors, Jacques Chirac. Marcel Dassault n’a pourtant rien prévu pour sa succession. C’est au conseil d’administration de décider. Serge Dassault est finalement élu à une voix près PDG du groupe, à un âge où les ouvriers de ses usines sont déjà à la retraite… 
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-Lire aussi notre archive (1986) 
-Marcel Dassault, l'homme et sa légende 
-Il est difficile pour un homme qui n’a pas été aimé de témoigner de l’amour à ses propres enfants. Dans un infernal processus de répétition, Serge Dassault se comporte à son tour en autocrate avec sa descendance, méprisant ouvertement ses enfants comme son père le faisait autrefois. Tous ceux qui fréquentent alors la famille se souviennent, mal à l’aise, des humiliations infligées à ses enfants. « Un jour, alors que je venais voir Serge dans son bureau, je me retrouve avec son cadet Laurent qui attendait sagement son tour, raconte un proche de la famille. Je lui ai dit : “Votre fils d’abord !” Il m’a répondu aussitôt : “Il peut bien attendre encore !” » Olivier n’a pas droit à plus d’égards. Au printemps 2004, alors qu’il est censé être chargé du pôle presse du groupe (qui gère notamment Valeurs actuelles et Spectacles du monde), il est convoqué par son père pour une annonce surprise : « Nous avons racheté Le Figaro ! » Il n’avait pas pris la peine de lui en parler avant. 
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-Jalousie paternelle 
-Comment expliquer, sinon par la jalousie, la façon dont le patriarche observe la carrière politique de son fils Olivier ? Pendant des années, Serge Dassault a essayé de s’installer durablement comme élu dans l’Oise. Battu plusieurs fois, souvent en ballottage, il a parfois « assuré » son élection en distribuant des enveloppes de billets pour mieux s’attacher les électeurs, ce qui lui vaudra en 2009 l’annulation de son élection par le conseil d’Etat et une inéligibilité d’un an. 
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-Lire aussi (2016) 
-Au procès de Serge Dassault : « Beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses à dire » 
-D’emblée, il voit d’un mauvais œil qu’Olivier envisage à son tour de se présenter, lors des législatives de 1988. Serge, espérant trouver des obstacles, consulte Jacques Chirac, qui préside alors le RPR et veille sur ces Dassault qui ont toujours été les compagnons de route de la droite. Pour le tranquilliser, Chirac lui dit : « Laisse-le faire, il va être battu, ce sera une bonne leçon et il reviendra dans la boîte. » Seulement, Olivier est élu. Dès le lendemain, il trouve sur son bureau ses affaires dans un carton. 
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-« Tu as choisi, maintenant tu t’en vas, lui lance son père. 
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-– Mais tu m’avais dit oui ! 
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-– Je t’ai dit oui, mais je pensais non ! » 
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-Olivier Dassault racontait une autre histoire, plus terrible encore, survenue vingt ans plus tard, après l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République. L’aîné des Dassault espère alors devenir ministre du commerce extérieur. Mais son père assure au chef de l’Etat que l’affaire est impossible, puisqu’il s’apprête à le nommer président du groupe. Le gouvernement est donc annoncé sans lui. Evidemment, jamais Olivier Dassault n’est devenu le patron de l’entreprise… 
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-La famille Dassault avec le maire de Paris, Jacques Chirac, et le député Pierre Guillain de Benouville, le 22 janvier 1992, pour l’inauguration de la nouvelle plaque du Rond-Point des Champs-Elysées qui porte désormais le nom de Marcel Dassault. MICHEL GANGNE / AFP 
-Serge Dassault n’a jamais eu confiance dans les capacités de ses enfants. « Il avait l’idée qu’il fallait ériger une muraille de Chine entre la famille et l’entreprise et que, pour attirer des types brillants, il ne fallait pas mettre la famille au milieu », l’excuse aujourd’hui un haut cadre du groupe. Ni Thierry – qui s’est un temps spécialisé dans les activités multimédias du groupe – ni Marie-Hélène – qui semblait plus tentée par le mécénat – n’ont jamais revendiqué le pouvoir. Pendant longtemps, il n’est donc resté que les deux aînés pour tenter d’exister l’un contre l’autre, affichant une rivalité que leur père prenait un malin plaisir à exacerber. 
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-Si encore Nicole Dassault avait compensé la dureté de son mari… Mais elle ne s’est pas montrée plus douce avec ses quatre enfants. A Laurent, le cadet de la fratrie, elle est capable de dire devant témoins : « D’un mot, Olivier peut embellir les choses, mais toi, d’un regard tu les salis… » Pour les 50 ans de Laurent, la famille au grand complet se retrouve dans la brasserie Chez Miocque, une institution deauvillaise. Alors que le père de famille se lance dans un discours dans lequel il rabaisse férocement son fils, un invité se penche vers Nicole : « Il y va fort quand même ! » Réponse de la mère : « Il est en dessous de la vérité… » 
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-Lorsqu’il lui revient aux oreilles que ses fils se plaignent, le patriarche s’agace : « Oh, ça va, hein, ils ont tout ! » Et c’est vrai qu’ils vivent dans l’opulence, de restaurants étoilés en palaces, entretenant une écurie pour le polo et collectionnant des œuvres d’art. Le père, lui, vit comme un bon bourgeois de province. Chez les Dassault, boulevard Suchet, dans le 16e arrondissement de Paris, aucun signe extérieur de richesse. Mme Dassault utilise bien une voiture avec chauffeur, mais elle peut également aller acheter elle-même un paquet de lessive au supermarché du coin. 
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-Le 21 novembre 2011, Serge Dassault se laisse filmer par les caméras de Mireille Dumas, la grande spécialiste des confessions intimes, devant des millions de téléspectateurs. Le soir de la diffusion du documentaire sur France 3, les quatre enfants sont devant leur téléviseur comme s’ils attendaient un oracle. Justement, voilà que le patriarche les compare : « Il faut d’abord quelqu’un de compétent. Olivier a fait l’Ecole de l’air, les autres n’ont rien fait d’intéressant, cingle-t-il. Ou du moins pas d’études techniques. » Enfin, il paraît rendre son verdict en faveur de l’aîné : « Sa façon de bien parler, sa connaissance des avions font qu’il est plus apte que les autres… » L’aîné jubile. Le lendemain, alors qu’il retrouve son père lors d’un déjeuner avec des journalistes, il glisse tout haut : « Acceptes-tu que le dauphin s’asseye à tes côtés ? » Son triomphe, cependant, est de courte durée. Dans les quarante-huit heures, son père publie un communiqué affirmant que la succession n’est pas ouverte… « C’est une famille où les pères ont tué les fils », résume un ancien ministre de l’économie. 
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-Comité des sages 
-De son vivant, Serge Dassault avait mis en place un comité des sages. A sa mort, ce comité a décidé que Charles Edelstenne, l’homme-clé de l’entreprise, continuerait à diriger le groupe et que la holding familiale serait présidée tour à tour par chacun des enfants, qui continuent de se détester. Ainsi, lorsque Martine, l’épouse de Laurent, est décédée, Thierry ne s’est pas rendu à ses obsèques. Alors que son frère lui reprochait vivement son absence, il lui a rétorqué : « Je ne viendrai pas non plus à ton enterrement ! » Ambiance. 
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-Lire aussi 
-Mort de Serge Dassault  : une succession sous surveillance 
-Il y a quelques mois, ce comité des sages, présidé cette fois par Henri Proglio, a convaincu les enfants de désigner Eric Trappier, actuel PDG de Dassault Aviation, pour succéder à Charles Edelstenne, le jour des 87 ans de ce dernier, le 9 janvier 2025. 
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-Le directeur général du groupe Marcel Dassault SAS, Charles Edelstenne, le PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier, et le directeur des opérations de Dassault Aviation, Loïk Segalen, à l’assemblée générale de Dassault Aviation, à Paris, le 16 mai 2024. STEPHANE DE SAKUTIN / AFP 
-Au sein de la holding familiale, c’est sa fille aînée, Helena, diplômée de l’Institut supérieur de gestion, qui a pris la place d’Olivier Dassault, plutôt que sa veuve. Charles Edelstenne s’est chargé de l’initier. Les héritiers se sont partagé les conseils d’administration du groupe. Laurent Dassault se présente parfois à l’étranger comme s’il était le patron de l’entreprise familiale et en France comme s’il était celui du Figaro, alors qu’il ne siège même pas au conseil d’administration du groupe de presse, où la famille est représentée par Thierry Dassault et Benoît Habert. 
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-Au « Figaro », un éditorial d’Alexis Brézet sur Europe 1 réveille la crainte d’une droitisation de la ligne éditoriale 
-Thierry et Marie-Hélène s’arrangent entre eux pour tenir leur frère à l’écart, craignant ses déclarations intempestives et le scandale des compagnes d’un soir affriolantes avec lesquelles il s’affiche sans prudence ni pudeurs. Mis sur la touche, Laurent se contente de financer de temps à autre un film dans lequel il réclame un petit rôle de figuration, quand il ne joue pas au polo. 
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-Parmi les treize petits-enfants, plusieurs ont fait des « stages découverte » au sein du groupe, cornaqués par Charles Edelstenne. Il n’y a cependant aucun ingénieur spécialiste d’aéronautique, comme l’étaient Marcel et Serge, dans cette quatrième génération. Certains ont opté pour la finance, d’autres investissent dans des start-up. Personne ne semble intéressé par les avions, les vignobles, ni même la presse. S’accorderont-ils pour vendre Le Figaro ? A Vincent Bolloré ? En 2021, la rumeur était si forte que Charles Edelstenne a dû la démentir dans une lettre adressée à tous les collaborateurs du journal. Les connaisseurs des entreprises militaro-industrielles n’y croient d’ailleurs pas. « Un groupe comme Dassault qui vend des avions militaires, notamment grâce à la commande publique, a besoin d’avoir un petit pistolet pointé sur l’Etat », glisse l’un d’eux. 
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-« Les Dassault, c’est une histoire qui commence par une famille et qui finit avec des administrateurs », souffle le ministre de l’économie démissionnaire Bruno Le Maire. Au Rond-Point des Champs-Elysées, dans ce splendide hôtel de cocotte un peu vieillot décoré de toiles de maître qui abrite la direction du groupe, se trouve toujours le bureau qu’occupait autrefois Serge Dassault. Il n’a jamais été vidé, mais aucun de ses enfants ne s’y sera installé. 
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-Retrouvez tous les épisodes de la série « Successions » ici. 
-Raphaëlle Bacqué et Vanessa Schneider 
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