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« Beaucoup se réveillent parce qu’ils ont trouvé un bouc émissaire »
Police et places Beaucoup se réveillent parce qu’ils ont trouvé un bouc émissaire »
Police et places de prisonde prison. La réponse est essentiellement répressive mais l’origine des violences est bien sociale et politique. Après le meurtre de trois petites filles de 6, 7 et 9 ans le 29 juillet dernier, à Southport, de violentes émeutes ont éclaté un peu partout au Royaume-Uni. De Belfast à Londres en passant par Bristol, Manchester ou Liverpool, des groupes d’hommes blancs et souvent cagoulés s’en prennent à l’aide de briques ou de cocktails Molotov à des véhicules de police, des mosquées ou des centres accueillant des migrants, chauffés à blanc par des discours d’extrême droite véhiculés sur les réseaux sociaux.
Si c’est une fake news qui a déclenché cette explosion de violence, ces émeutes se sont nourries pendant des années de multiples facteurs. « Ça va très mal en Grande-Bretagne », résume pour 20 Minutes Monia O’Brien Castro, maître de recherches en civilisation britannique et irlandaise à l’université de Tours.
Un profil d’émeutiers différent
C’est loin d’être la première vague de violences qui secoue le paysage britannique. Des émeutes ont déjà, par le passé, marqué les esprits. 1958, 1981, 1983, 1985, 2001, 2011… « Des violences très emblématiques » mais avec un point de départ bien différent de celui que l’on connaît aujourd’hui, souligne Monia O’Brien Castro. « A chaque fois ou presque, elles étaient déclenchées par un jeune homme noir issu des milieux populaires tué ou blessé par la police. C’est pour cela qu’on qualifie ces émeutes d’urbaines, raciales et sociales », explique-t-elle.
L’événement déclencheur tout comme le profil des émeutiers sont, cette fois, bien différents. « D’habitude, ces violences rassemblent de très jeunes gens, des adolescents, voire des enfants, les plus vieux ont une petite vingtaine. Là, on voit aussi des personnes plus âgées qui n’habitent pas forcément dans les quartiers, qui ne sont pas forcément perçues comme des délinquants », développe la maîtresse de recherche.
L’immigration en ligne de mire
« Enough is enough » (« assez c’est assez »), peut-on lire sur certaines pancartes d’émeutiers qui portent un discours anti-immigration, anti-islam et anti-étrangers décomplexé. Les premières violences ont débuté sur fond de rumeurs sur le profil du suspect de la tuerie de Southport, présenté à tort comme un demandeur d’asile de confession musulmane. Le jeune homme de 17 ans est en fait né à Cardiff, au Pays de Galles, et sa famille est d’origine rwandaise. Mais le mal était fait.
Les discours d’extrême droite se sont matérialisés dans les rues britanniques. « Depuis les années 1980 et Margaret Thatcher, les immigrés sont stigmatisés par les discours politiques et le Brexit n’a fait qu’enfoncer le clou contre les étrangers, issus de la communauté non-blanche ou pas », rappelle Monia O’Brien Castro. La campagne en faveur de la sortie de l’Union européenne, portée par Boris Johnson promettait notamment de mettre un terme à l’immigration clandestine, du moins de la réguler. L’échec de cette promesse a pu, selon l’experte, échauffer les esprits.
Des restes « de la culture impérialiste »
La haine de l’autre s’est aussi nourrie de cette idée que les étrangers sont mieux traités que les ressortissants britanniques. Certains manifestants brandissent ainsi des slogans comme « les maisons pour les Britanniques sur liste d’attente » ou « logez nos vétérans sans-abri, pas les migrants illégaux ». « Peu importe qu’elle soit vraie ou fausse, l’idée est ancrée », pointe Monia O’Brien Castro.
De plus, dans la société britannique « l’héritage impérialiste est manifeste », ajoute Monia O’Brien Castro. « En termes culturels, l’antagonisme à l’encontre des populations noires est assez clair. Certains politiciens et journalistes ne se sont jamais gênés pour suggérer que la culture noire est criminogène. Il existe toujours cette distinction entre ceux qui descendent des colons et ceux qui descendent des populations colonisées, ça a toujours été sous-jacent dans la société britannique », explique-t-elle encore.
L’extrême droite décomplexée
Il y a un mois, l’arrivée du parti d’extrême droite Reform UK au parlement britannique « a probablement décomplexé certains individus », estime la maîtresse de recherche. D’autant que l’une des premières et seules décisions du nouveau Premier ministre Keir Starmer a été d’annuler le projet, voté, de renvoyer les immigrés clandestins vers le Rwanda. Les groupes d’extrême droite, grâce aux réseaux sociaux notamment, ont, de plus, élargi leur influence et diffusé plus facilement leurs discours « et leurs idées gagnent du terrain », selon la spécialiste. Certaines personnalités comme Tommy Robinson, activiste islamophobe et anti-immigration, ont ainsi pu émerger et gagner en popularité.
Ce rejet de l’étranger s’explique aussi par une situation sociale qui s’aggrave entre la progression de la pauvreté, les conflits raciaux, les problèmes d’immigration… « Beaucoup se réveillent parce qu’ils ont trouvé un bouc émissaire », résume Monia O’Brien Castro.
https://www.20minutes.fr/monde/royaume-uni/4104728-20240807-emeutes-royaume-uni-beaucoup-reveillent-parce-trouve-bouc-emissaire
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