25/12/2025/H20:59:59
Avec les sécheresses plus longues et sévères, les « méga-bassines » telle que celles du Poitou sont jugées « insuffisantes » et « coûteuses » par les experts.
DAMIEN MEYER / AFP Plusieurs milliers de personnes ont convergé le samedi 20 juillet vers La Rochelle pour s’opposer aux « méga-bassines ». (Photo : Cette vue aérienne prise le 11 avril 2023 montre une réserve d’eau pour l’irrigation agricole en cours de construction, à Sainte-Soline)
DAMIEN MEYER / AFP
Plusieurs milliers de personnes ont convergé le samedi 20 juillet vers La Rochelle pour s’opposer aux « méga-bassines ». (Photo : Cette vue aérienne prise le 11 avril 2023 montre une réserve d’eau pour l’irrigation agricole en cours de construction, à Sainte-Soline)
ENVIRONNEMENT - La guerre de l’eau douce a déjà commencé. Pour preuve, ce samedi 20 juillet, plusieurs milliers de personnes ont convergé vers le port de commerce de La Rochelle pour s’opposer aux « méga-bassines » construites ou en projet dans le Poitou et à l’« accaparement » de l’eau par l’agro-industrie. Alors que la manifestation était interdite par la préfecture de Charente-Maritime, les forces de l’ordre ont répondu en évacuant les militants, paysans, syndiqués qui bloquaient certaines zones jugées « sensibles » par les autorités.
Avec le changement climatique et les bouleversements du cycle de l’eau, ces affrontements entre militants écologistes et certains agriculteurs autour de l’eau douce, qui représente moins de 0,1 % de l’eau sur terre, ne vont aller qu’en s’intensifiant.
Pour répondre à ces tensions et à la pénurie de ce bien commun, les solutions privilégiées par les gouvernements successifs ont été jusqu’à présent d’augmenter la quantité disponible en stockant toujours plus d’eau via des barrages ou des réservoirs, ou en apportant des réponses techniques (forage ou dessalement par exemple). À cet égard, le sixième rapport du Giec est néanmoins clair : ces solutions technologiques paraissent insuffisantes avec un climat qui se réchauffe.
Rendues inefficaces avec le changement climatique
Pour rappel, les « bassines » stockent en plein air l’eau puisée dans les nappes superficielles en hiver, lorsque la ressource est plus abondante, pour irriguer en été. Assurance-récolte « face au changement climatique » pour leurs partisans, les scientifiques du climat du Giec évaluent au contraire que ces réservoirs « sont coûteux, ont des effets négatifs sur l’environnement et ne seront pas suffisants en cas de réchauffement plus important dans toutes les régions du monde ».
Et pour cause, si les réservoirs artificiels semblent être une solution efficace à court terme pour arroser les cultures en manque d’eau pendant l’été, en cas de sécheresse sur le long terme, le modèle tombe à l’eau.
Avec le réchauffement climatique, les sécheresses vont en effet être de plus en plus intenses et « l’eau perdue dans les réservoirs artificiels par évaporation peut être conséquente », abonde Gonéri Le Cozannet, co auteur du Giec sur le chapitre « adaptation », contacté par Le HuffPost. La sécheresse historique de l’hiver 2022-2023 a ainsi démontré que lors d’hivers secs, les nappes sont vides, et les bassines ne peuvent donc pas assurer le stockage de l’eau pour l’été.
Avec les températures qui augmentent, le stockage artificiel de l’eau sera de toute manière insuffisant, note Gonéri Le Cozannet sur son compte Twitter. « Autour de 3 °C de réchauffement global, même un très grand nombre de mesures d’adaptations cohérentes ne peuvent plus garantir d’éviter des pénuries d’eau. Notamment dans le sud de l’Europe », appuie le scientifique.
C’est pourquoi l’hydroclimatologue Florence Habets estime que le modèle de la mégabassine est une « maladaptation » au changement climatique. Dans The Conversation, la chercheuse revient sur le cercle vicieux du stockage artificiel : pour répondre à nos besoins en eau grandissant, plus on stocke, et plus le déficit hydrique se creuse. Et lorsqu’il y a déficit, on augmente de nouveau les capacités de stockage pour répondre à nos nouveaux besoins. C’est un cycle sans fin, jusqu’à épuisement complet de la ressource.
Le cas de Sainte-Soline
À tous ces arguments, les « pro-bassines » des Deux-Sèvres et de la Vienne rétorquent qu’ils représentent « un modèle d’agriculture familiale et diversifiée » et qu’y renoncer favoriserait à l’inverse les grosses exploitations, mieux équipées et aux assolements - blé, colza, tournesol - plus gourmands en eau. Ils défendent « un accélérateur de transition » dans un territoire où la surface de maïs irrigué a déjà été divisée par trois depuis les années 2000.
Les promoteurs de la construction de 16 méga-bassines à Sainte-Soline ajoutent que leur construction permettrait d’assurer au contraire une réserve en eau en période de sécheresse. Pour appuyer leur propos, ils citent un rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) qui estime que le projet dans les Deux-Sèvres pourrait, par rapport à 2000-2011, augmenter « de 5 % à 6 % » le débit des cours d’eau l’été, contre une baisse de 1 % l’hiver.
Mais cette modélisation n’intègre ni l’effet du changement climatique ni le risque de sécheresses récurrentes, a admis la présidente du BRGM lors d’une audition au Sénat le 15 mars 2023. « Nous n’avons pas simulé les conséquences du réchauffement climatique, et nous n’avons pas non plus dit qu’on pouvait nécessairement réaliser des prélèvements en hiver », développe-t-elle dans l’extrait ci-dessous. « Si on construit ces bassines, faut-il encore pouvoir les remplir », conclut Michèle Rousseau.
Le #GIEC instrumentalisé, le #BRGM instrumentalisé dans le débat sur #megabassines! 👇interview de la présidente BR… https://t.co/in1SLdCMT0 — Christophe Cassou (@cassouman40)
Voir le tweet
Agir sur la demande
Faut-il pour autant faire une croix sur les méga-bassines dans les années à venir ? Dans un texte coécrit dans le média Bon Pote, Magali Reghezza, géographe et membre du Haut Conseil pour le climat (HCC) et Florence Habets, directrice de recherche CNRS expliquent qu’un plan d’adaptation « eau » efficace peut inclure « un peu » de barrages réservoirs et des méga-bassines. « Mais il faut bien se rendre compte que leur efficacité lors des sécheresses sévères ne sera effective que si leur eau est réellement disponible (… )», arguent-elles.
Surtout, ces solutions techniques ne doivent être que des compléments à la réduction de notre consommation d’eau : « Le rapport du GIEC montre qu’agir sur la demande en eau, permet de réduire les conflits », avance Gonéri Le Cozannet. En d’autres termes, il faut tendre dans nos pratiques individuelles, mais aussi industrielles et agricoles, vers la sobriété hydrique.
Les scientifiques du Giec ont par ailleurs évalué d’autres solutions efficaces pour préserver cette ressource telles que « l’alimentation à base de plantes -pas nécessairement strictement végétarienne-, l’agroécologie, l’agroforesterie, des systèmes agricoles mixtes et diversifiés… », énumère Gonéri Le Cozannet. « Si l’on veut financer de manière efficace l’adaptation au changement climatique, ce sont vers ces pratiques que devraient aller les financements. »
Pour s’adapter à un climat qui change, il faut aussi savoir protéger nos réservoirs naturels d’eau douce, comme les fleuves, rivières, nappes, ajoutent Magali Reghezza et Florence Habets : « Les seuls réservoirs qui peuvent stocker l’eau longtemps et avec une bonne qualité sont les nappes souterraines ».
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huffingtonpost
Les militants anti-bassines se sont une nouvelle fois fortement mobilisés, notamment à La Rochelle.
Ils exigent un moratoire sur les méga-bassines, dénoncées comme des fausses solutions pour l'agriculture.
En cause notamment, l'impact sur les nappes phréatiques et les pertes liées à l'évaporation.
À 40 km de Sainte-Soline, en Charente, une réserve d'eau construite il y a plus de dix ans cristallise toujours les tensions entre les associations écologistes et les agriculteurs. L'un des sujets de division, c'est l'impact sur les nappes phréatiques. Ce n'est pas la pluie qui permet de remplir les bassines, mais bien l'eau pompée dans les rivières ou les nappes phréatiques pendant l'hiver. Elle est ensuite stockée dans des réservoirs dont le fond, recouvert d'une bâche, est imperméable. Quand arrive l'été, cela permet aux agriculteurs de continuer à irriguer malgré la sécheresse.
“On aurait du mal à s'en passer”
Guillaume Chamouleau cultive le maïs en Charente. Il a accès à l'une des réserves d'eau de substitution, surnommée “bassine” ou “méga-bassine” pour les plus grandes. “On aurait du mal à s'en passer aujourd'hui, assure-t-il. Cette eau qu'on a prélevée, on n'aura pas besoin de la prélever l'été. On aura prélevé qu'une fois, et au moment où ça a l'impact le plus faible.”
Mais les écologistes pointent un gâchis. Sous l'effet du soleil, de l'eau va s'évaporer : “Certaines études estiment que c'est 5% du volume d'eau stocké qui va s'évaporer, certains estiment que c'est 10 voire 15%. Quand on a des canicules, cette proportion peut monter jusqu'à 20%”, explique Charlène Descollonges, hydrologue et autrice de L'eau, fake or not ?.
“Les petits agriculteurs bio n'en bénéficient pas”
Qui peut s'en servir ? Ce sont uniquement les personnes autorisées. Un système dénoncé par des militants rencontrés à La Rochelle, car il ne profiterait qu'aux grandes exploitations. “Cette eau, elle ne va pas aux petits agriculteurs bio, ils n'en bénéficient pas”, pointe Rémy Antille, de l'association Alternatiba. En revanche, la facture est assumée collectivement : une bassine est financée à 70% par l'État via ses agences de l'eau.
Quelles sont les alternatives ? Il n'y en a pas beaucoup à part mieux stocker l'eau dans les sols grâce à de bonnes pratiques agricoles. Les militants anti-bassines, eux, estiment qu'il faut complètement changer notre modèle. “Il ne faut plus qu'on cultive autant de maïs pour l'exporter vers l'étranger, préconise Perrine Julien, de l'association Alternatiba. Il faut qu'on cultive du maïs de manière plus raisonnée, ou d'autres céréales qui sont moins demandeuses en eau.”
En France, certains commencent à s'adapter. En Haute-Garonne, un ancien céréalier vient ainsi de se mettre au pois chiche et aux légumes secs, des cultures moins gourmandes en eau.
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