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Slate : Guerre en Ukraine: la réalité que Vladimir Poutine tente de cacher [ElseNews]

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25/12/2025/H21:10:55


Slate : Guerre en Ukraine: la réalité que Vladimir Poutine tente de cacher

Sur le front ukrainien, la situation semble de nouveau bloquée. Après l'échec de la contre-offensive de Kiev à l'été 2023, puis l'enlisement et la nouvelle offensive russe dans la région de Kharkiv (nord-est de l'Ukraine), il semblerait que nous soyons repartis pour un nouveau statu quo. Alors que la Russie attendait l'épuisement de son adversaire en hommes et en matériel, le Congrès des États-Unis a voté le retour d'une aide militaire de 61 milliards de dollars, le 20 avril. De plus, le président Volodymyr Zelensky a abaissé l'âge de la conscription de 27 à 25 ans et le Parlement ukrainien a validé le fait que l'armée puisse avoir recours, sous certaines conditions, à des prisonniers.
Au même moment, la président russe Vladimir Poutine procédait au remaniement de l'establishment politico-militaire. Le 12 mai, le ministre de la Défense Sergueï Choïgou a été remplacé par Andreï Belooussov et muté au poste de secrétaire du Conseil de sécurité. Dans un jeu de chaises musicales, Nikolaï Patrouchev (ancien secrétaire du Conseil de sécurité de Russie) et Alexeï Dioumine (nouveau secrétaire du Conseil d'État) deviennent les conseillers particuliers du président. Tandis que, pour l'heure, Valeri Guerassimov reste le chef d'état-major des forces armées russes.
Bien que le budget consacré à la défense ne cesse d'augmenter, tous attendent une réforme fiscale visant à accroître les recettes de l'État russe de façon à financer l'effort de guerre. Le message du «remaniement» est clair: pour gagner sur le temps long, il faut préparer la Russie à l'économie de guerre. Or, cette guerre en Ukraine, Vladimir Poutine ne peut la gagner. Il n'en a pas les moyens économiques.
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L'économie russe a déjà payé un prix énorme pour la guerre en Ukraine
Le prix humain d'abord. Si les estimations varient beaucoup, des chiffres oscillant entre 300.000 et 450.000 soldats russes morts ou blessés (dont au moins 50.000 soldats tués et identifiés) depuis le début du conflit sont régulièrement avancés. De plus, selon le ministère de la Défense britannique, le chiffre des pertes tendrait à augmenter. Il est maintenant estimé à 1.000 à 1.200 soldats russes morts ou blessés par jour, la moyenne la plus élevée depuis le début de la guerre en février 2022, d'après le renseignement britannique. Latest Defence Intelligence update on the situation in Ukraine – 31 May 2024.
Find out more about Defence Intelligence's use of language: https://t.co/YKHA9tWEzu #StandWithUkraine 🇺🇦 pic.twitter.com/3dR2JmVWsL— Ministry of Defence 🇬🇧 (@DefenceHQ) May 31, 2024
Quant aux pertes matérielles de la Russie, elles sont toujours aussi difficiles à évaluer. Également selon le ministère de la Défense britannique, dans des estimations rendues publiques le 27 avril, l'armée russe aurait perdu au moins 10.000 véhicules blindés, dont près de 3.000 chars de combat (à peu près quinze fois la totalité du parc français!), 109 avions, 136 hélicoptères, 346 drones, 23 navires de guerre de toutes classes et plus de 1.500 pièces d'artillerie de tous types.
Pour faire face à la situation, la Russie a multiplié les initiatives. D'abord, de façon à contourner les sanctions occidentales, une véritable économie parallèle a été mise en place. Ainsi, la mer d'Azov est devenue un haut lieu de la contrebande –pétrole russe et composants électroniques en tête.
Ensuite, depuis le mois d'avril, une purge a commencé au sein du ministère de la Défense. L'objectif est de mettre un frein à la corruption endémique et de préparer le pays à une véritable économie de guerre. Depuis le début, on nous explique que le temps joue en faveur de Vladimir Poutine comme il avait joué en faveur d'Alexandre Ier (empereur entre 1801 et 1825) et de Joseph Staline. Le problème, c'est que ce n'est pas vrai.
Les problèmes économiques de la Russie sont beaucoup plus graves qu'ils n'y paraissent
Comparé à 2021, la Russie aura multiplié par trois ses dépenses militaires. L'estimation du budget consacré à la défense et à la sécurité était de 3,9% du produit intérieur brut (PIB) en 2023, contre 2,7% en 2021, et aux alentours de 6% en 2024, ce qui représenterait entre 30 et 40% des dépenses de l'État.
Mais cette image d'une Russie qui passe en «économie de guerre» occulte la réalité. Le produit national brut (PNB) russe correspond à peu près aux PNB belge et néerlandais combinés, pour une population de près de 146 millions de personnes contre 30 millions pour la Belgique et les Pays-Bas réunis. La Russie est donc un pays pauvre, dont l'économie dépend avant tout de la production et des réserves de gaz et de pétrole. Si les sanctions ne l'ont pas mise à genoux, en raison notamment de la propension des acteurs non occidentaux ou même occidentaux à les contourner (Allemagne, Grèce, etc.), elles l'ont tout de même beaucoup affectée.
D'abord, il y a eu le pari manqué du Kremlin qui ne pensait pas que les gouvernements européens auraient le «courage» de se passer du gaz russe. En conséquence, le prix du gaz a beaucoup baissé en 2023 par rapport aux hausses de 2022 (40% du gaz européen venait de Russie avant la guerre, contre 15% fin 2023). Toutefois, le prix du baril de brut de l'Oural est resté à des niveaux très élevés (il n'est jamais descendu en dessous de 55 dollars le baril). Mais le résultat, c'est que l'excédent commercial de la Russie serait de 50 milliards de dollars en 2023, contre 238 milliards en 2022. L'inflation vient de passer les 8% en mai, le taux directeur de la Banque centrale de Russie est à 16%, ce qui nuit naturellement à l'investissement du secteur privé.
Isolée du système financier international contrôlé par l'Ouest, la capacité d'endettement de la Russie est très limitée ou nulle. Qui lui prêtera? En conclusion, avec une inflation importante, des taux d'intérêts prohibitifs, une capacité d'endettement nulle ou quasi nulle, la Russie en est réduite à faire du troc (armes contre accès à de la haute technologie militaire avec l'Iran et la Corée du Nord) et à puiser dans son fonds souverain, le «bas de laine» russe destiné en théorie aux retraites d'une population vieillissante.
Pourtant, à première vue, le fonds serait globalement stable, voire même en légère hausse, et s'élève à 141,5 milliards de dollars au 1er juin. Mais ceci serait le produit d'un tour de passe-passe comptable. Selon le média en ligne Business Insider, qui cite l'agence Bloomberg, 44% des liquidités du fonds auraient disparu. Et ce sont les liquidités qui comptent, pas les actions des sociétés russes, dont la valeur est dure à estimer. À ce rythme, selon Bloomberg, la Russie en aurait pour un ou deux ans avant de se retrouver (qui sait?) en cessation de paiement.
La Russie puise dans le fonds souverain… et dans les stocks d'armes soviétiques
Le Kremlin était tellement convaincu de la victoire au début de son «opération militaire spéciale» qu'il avait engagé ses matériels les plus modernes et ses meilleures troupes. Le but était non seulement de décapiter le gouvernement de Volodymyr Zelensky et de mater l'Ukraine, puis de s'en prendre à la Moldavie, à la Géorgie et aux pays baltes, mais aussi de démontrer au monde que la Russie était de retour parmi les plus grandes puissances.
Les conséquences de cette monumentale erreur furent des pertes énormes en matériels modernes, des tanks T-72B3M, T-80BVM et T-90, par exemple, aux véhicules blindés dernier cri. En conséquence, depuis 2022, le ministère de la Défense russe aurait mobilisé 40% des tanks et véhicules blindés de transport de troupes soviétiques, qui attendaient dans la principale base d'équipements située en Bouriatie (Extrême-Orient russe).
De plus, selon les estimations de février 2024 du Royal United Services Institute (RUSI), groupe de réflexion britannique spécialisé dans la défense et la sécurité, environ 80% de la production mensuelle d'équipements (chars, blindés, etc.) seraient en réalité des véhicules datant de l'ère soviétique qui auraient été modernisés et réactivés.
Quant aux missiles, la Russie reste dépendante des composants électroniques occidentaux, d'où la multiplication des affaires de contrebande. Et même la production de munitions souffre de carences. Toujours selon le RUSI, l'industrie d'armement russe peine à remplir les cahiers des charges. En attendant, le ministère de la Défense doit de nouveau puiser dans les stocks de l'ancienne URSS, estimés à trois millions d'obus. En résumé, les stocks soviétiques s'épuisent plus rapidement que la capacité de l'appareil industriel à les remplacer avec des matériels modernes. C'est donc une situation intenable sur le temps long.
Quelles sont les pistes du Kremlin pour sortir de l'impasse?
Comment faire la guerre à un pays pourtant doté d'une population et d'une armée trois fois moins importante, mais qui dispose de soutiens financiers et militaires énormes (ceux des États-Unis et de l'Union européenne, entre autres), quand on dirige un pays au ban (financier) des nations et souffrant de désinvestissement industriel, d'un appareil de production vétuste, de graves problèmes de main-d'œuvre (un million de Russes, la plupart du temps jeunes et bien formés, ont quitté le pays en 2022 et 2023), un pays dont l'économie dépend presque exclusivement du prix des hydrocarbures et qui est réduit à faire appel à l'Iran et à la Corée du Nord pour suppléer une partie de ses besoins militaires? Voici la situation que le Kremlin cherche absolument à nous cacher. Face à cela, le président Vladimir Poutine dispose de plusieurs options.
Tout d'abord, il y a le financement chinois. Pékin pourrait financer une partie de l'effort militaire russe, investir dans l'économie russe, acheter des actifs de sociétés, voire s'implanter dans le secteur énergétique. Cela semble peu probable. Les Chinois ont très peur des sanctions américaines qui pourraient avoir un effet négatif sur leur économie et leur balance commerciale et ainsi ralentir leur montée en puissance militaire, instrument de leur ultime objectif stratégique, le retour à la «pax sinica» sur l'Asie-Pacifique.
Ensuite, le prix du pétrole. Il suffirait d'un prix du baril de brut qui s'envole. Soudain, les recettes russes augmenteraient mathématiquement, reconstituant le fonds souverain et permettant de moderniser un outil de production vétuste. Or, vu le nombre de catastrophes et de guerres depuis quelques années, les marchés ont tendance à garder leur sang-froid… Toutefois, rien n'est impossible: une guerre entre l'Iran et Israël, un ralentissement de la production saoudienne, un attentat terroriste majeur dans une capitale occidentale ou encore l'assassinat d'un chef d'État, feraient les affaires du Kremlin.
Puis il y a l'option de la re-soviétisation du pays. Avec un appareil de production qui doit être modernisé, des problèmes de main-d'œuvre et pas de capacité d'endettement, Vladimir Poutine pourrait être tenté de renationaliser complètement l'économie russe. À défaut de retrouver la grandeur de l'Union soviétique, il pourrait ressusciter son modèle économique moribond.
Enfin, l'interférence dans les élections aux États-Unis ou dans les pays européens. C'est le nerf de la guerre hybride. On peut parler d'ingérences directes (élection présidentielle américaine de 2016, Brexit, etc.), indirectes (crises migratoires) ou encore plus indirectes (reprise en main de pays d'Afrique francophone par des mercenaires provoquant l'anarchie et donc accélération de la crise migratoire). Tout ce qui fait monter l'extrême droite en Europe, ou encore l'extrême gauche, fait les affaires de Vladimir Poutine. Avec la dissolution de l'Assemblée nationale prononcée par Emmanuel Macron en France, attendons-nous à un déchaînement des trolls russes et de leurs alliés, iraniens, azerbaïdjanais et autres, pour influencer le scrutin national des 30 juin et 7 juillet prochains.
slate

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