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| - | « Avez-vous le moindre élément qui laisse penser que nos positions ont pu être influencées de quelque manière que ce soit par l’obtention d’un prêt d’une banque tchéco-russe ? la réponse est non ! », s’était agacée Marine Le Pen devant la commission d’enquête parlementaire sur les ingérences étrangères, | ||
| - | L’ancienne présidente du Rassemblement national (RN) l’a répété : le prêt de 9 millions d’euros décroché par son parti en 2014 a été conclu « avec une banque » et pas « avec Vladimir Poutine », et il s’est fait « sans contrepartie ». | ||
| - | De nouveaux documents obtenus par Mediapart montrent pourtant que les positions prorusses du négociateur du prêt, l’ancien eurodéputé Jean-Luc Schaffhauser, | ||
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| - | Marine Le Pen avec Jean-Luc Schaffhauser, | ||
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| - | Dans des mails échangés en 2014 avec le chef de cabinet d’Alexandre Babakov – le conseiller « coopération internationale » de Vladimir Poutine qui a débloqué le prêt –, l’élu estime à « 300 000 euros » ses besoins pour réaliser notamment des interventions prorusses au Parlement européen sur la situation en Ukraine. Dans la foulée, la fondation de Jean-Luc Schaffhauser a plus précisément perçu 255 998 euros. | ||
| - | Cette somme vient s’ajouter à la commission de 140 000 euros qu’il avait déjà reçue pour la négociation du prêt russe, soit près de 400 000 euros qui ont été touchés au total par sa fondation ou lui. « Je n’ai jamais reçu 400 000 euros à titre personnel pour le prêt russe », se défend Jean-Luc Schaffhauser, | ||
| - | Un premier projet de prêt russe au FN via l’Académie européenne | ||
| - | Pour comprendre les coulisses de ces versements, il faut remonter à l’année 2013. À l’époque, | ||
| - | Le consultant propose alors de se tourner vers la Chine, l’Iran ou la Russie. « Marine considère, et moi aussi, que la Russie, c’est sans doute ce qu’il y a de mieux, car c’est quand même l’Europe, et puis reste cette tradition de liens avec la Russie », a relaté l’ancien eurodéputé devant la commission d’enquête. À Moscou, Jean-Luc Schaffhauser possède un épais carnet d’adresses, | ||
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| - | À lire aussi Prêt russe : des mails hackés révèlent la proximité entre Marine Le Pen et le pouvoir poutinien | ||
| - | 14 septembre 2023 | ||
| - | Parmi ses contacts privilégiés se trouve l’homme d’affaires et sénateur Alexandre Babakov, rencontré par le biais de l’Église orthodoxe dans les années 2000, et avec lequel il partage le même projet de grande Europe chrétienne. Cet ancien vice-président de la Douma vient de prendre du galon : en 2012, il est devenu le représentant spécial du président Poutine pour la coopération avec les organisations de Russes à l’étranger. C’est lui qui va débloquer le prêt de 9 millions d’euros pour le Front national. | ||
| - | Pendant des mois, les négociations avancent par l’intermédiaire de deux collaborateurs d’Alexandre Babakov : son chef de cabinet Alexander Vorobyev et un autre conseiller, Mikhail Plisyuk. | ||
| - | En juin 2014, reste à caler le montage financier. Il est d’abord envisagé de ne pas passer par une banque et de faire transiter les 9 millions par l’Académie européenne, | ||
| - | Le 29 juin 2014, le contrat, que Mediapart s’est procuré, est prêt à être signé. L’eurodéputé réunit le conseil d’administration de l’Académie à son domicile, à Strasbourg, pour entériner l’octroi du prêt au Front national et l’entrée des deux collaborateurs d’Alexandre Babakov dans ses instances, qui figurent dans les documents sous l’appellation « Russe 1 » et « Russe 2 ». Le trésorier du FN, Wallerand de Saint-Just, est présent, ainsi que Mikhail Plisyuk : « M. Russe 2 expose qu’il souhaite que l’Académie soutienne l’action du Front national en France et en Europe dans le but de voir émerger une Europe des peuples et des nations permettant de construire un monde multipolaire équilibré », peut-on lire dans le procès-verbal de l’assemblée générale, obtenu par Mediapart. | ||
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| - | Extrait du procès-verbal de l’Assemblée générale de l’Académie européenne qui s’est réunie le 29 juin 2014. © Document Mediapart | ||
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| - | Questionné sur cette réunion, Wallerand de Saint-Just évacue : « C’est Schaffhauser qui gérait tout, il m’a invité, je suis venu pour faire connaissance avec les gens de l’Académie, | ||
| - | De fait, ce circuit échoue : les Russes veulent passer par une structure offshore ou par Chypre, ce que le Front national refuse. C’est donc finalement une banque – la FCRB (First Czech-Russian Bank) – qui prêtera les fonds au RN. Le prêt est signé le 11 septembre 2014, à Moscou. | ||
| - | Près de 400 000 euros versés par une société luxembourgeoise | ||
| - | Lorsque Mediapart révèle cet emprunt russe, deux mois plus tard, Jean-Luc Schaffhauser se plaint que cela fragilise leurs « amitiés et réseaux », et assure qu’« il n’y a rien de répréhensible ». L’élu est moins disert sur la commission qu’il a touchée : 140 000 euros, « avec accord avec le Front », finira-t-il par confirmer à l’AFP. À l’entendre, | ||
| - | Selon nos informations, | ||
| - | Ce n’est pas tout. Entre octobre 2014 et juin 2015, d’autres versements arrivent de la société luxembourgeoise dans les caisses de l’Académie européenne, | ||
| - | Des mails dont Mediapart a eu connaissance établissent un lien entre l’argent reçu et les prises de position de l’élu. Le 5 octobre 2014, Jean-Luc Schaffhauser écrit au chef de cabinet de Babakov. Dans un mail en anglais intitulé « Quelle est la situation dans l’est de l’Ukraine ? », il déplore qu’une seule voix soit entendue, celle « de l’Amérique », et présente trois axes de travail pour y remédier : se déplacer en Ukraine pour suivre les élections organisées par les séparatistes ; rédiger des ouvrages et participer à des « reportages » afin de rendre compte de la situation sur place ; intervenir sur le sujet au Parlement européen lors des sessions plénières. « Pour toutes les dépenses », écrit-il en citant un « film » et « un jour en plénière en novembre, février, juin », il faut prévoir « 300 000 euros ». | ||
| - | Deux semaines plus tard, l’investissement dans l’Académie européenne des Russes est formalisé, par mail, par un bulletin d’adhésion à hauteur de quelque 250 000 euros. | ||
| - | Une intervention au Parlement dictée par les Russes | ||
| - | La suite montre que l’eurodéputé a tenu ses promesses. Le 30 octobre 2014, Jean-Luc Schaffhauser s’envole pour le Donbass comme observateur des élections organisées par les séparatistes, | ||
| - | L’opération de propagande est réalisée avec une petite équipe liée au Front national qui est discrètement du voyage : Nicolas Lesage – un ami de Louis Aliot qui deviendra quelques mois plus tard le directeur de cabinet de Marine Le Pen – et le prestataire vidéo du parti accrédité comme « journaliste » de Nations presse info, un site alors supervisé par Louis Aliot. Le tout avec l’aval du vice-président du FN, comme l’atteste un mail dans lequel Lesage écrit à Schaffhauser qu’il a vu « Louis » la veille, « comme prévu », et qu’il va l’appeler « pour quelques derniers réglages et précisions ». Dans un autre mail, Nicolas Lesage promet de livrer « un produit professionnel et attractif ». Les billets d’avion ont quant à eux été envoyés par le collaborateur de Babakov. | ||
| - | Six mois plus tard, Jean-Luc Schaffhauser se rend de nouveau à Donetsk pour organiser un « forum » de partisans européens des séparatistes, | ||
| - | Parallèlement, | ||
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| - | Marine Le Pen et Jean-Luc Schaffhauser au Parlement européen à Strasbourg le 23 novembre 2016. © Photo Badias / ANDBZ / Abaca | ||
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| - | Ce lobbying a commencé dès son arrivée au Parlement européen, en juillet 2014, en parallèle de la finalisation du prêt russe. À deux reprises, le chef de cabinet de Babakov lui adresse par mail des éléments de langage sur le conflit en Ukraine, que l’élu reprend dans sa première intervention en séance plénière, tout en les transférant à Marine Le Pen et à son conseiller international. « Marine est prête à envoyer un communiqué à Reuters [l’agence de presse internationale – ndlr], il faut lui en préparer [un] qu’elle finalisera », écrit Jean-Luc Schaffhauser à son assistant parlementaire le 2 juillet. | ||
| - | Ce dîner était clairement une opération d’influence, | ||
| - | Un ancien assistant de Jean-Luc Schaffhauser | ||
| - | Il donne aussi des gages à ses contacts russes, qu’il nomme parfois ses « amis » : il les met en copie de certains échanges avec ses collaborateurs parlementaires, | ||
| - | L’eurodéputé est aussi sollicité pour favoriser certaines rencontres. Le 30 juillet, Paul Chachkin, secrétaire du responsable de l’Église orthodoxe russe, mais aussi membre de l’Académie européenne et conseiller de Babakov, l’informe que celui-ci finalise les questions financières, | ||
| - | Sans doute aurais-je dû demander des moyens à la CIA ou aux services Russes ou à la Fondation Soros ? | ||
| - | Jean-Luc Schaffhauser à Mediapart | ||
| - | Contacté par Mediapart, l’élu se retranche derrière les activités de l’Académie européenne, | ||
| - | Sollicités, | ||
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| - | Jean-Luc Schaffhauser dispose d'une fondation qui a touché des centaines de milliers d’euros en échange d’interventions en faveur de Moscou au Parlement européen ou de ses « reportages » dans le Donbass. | ||
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| - | Questionnée par Mediapart sur ces éléments, Marine Le Pen n’a pas donné suite. Devant la commission d’enquête parlementaire, | ||
| - | Elle n’avait en revanche pas condamné les missions de caution électorale dans le Donbass de l’élu : « Je considère que chaque député a le droit d’aller où il veut. [...] En l’occurrence, | ||
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| - | Cet activisme de Jean-Luc Schaffhauser s’est accompagné, | ||
| - | En novembre 2014, deux mois après la signature du prêt, elle convie même une délégation russe et offre une tribune au vice-président de la Douma, qui livre un discours virulent. Deux ans plus tard, elle signe à nouveau un projet de prêt russe – finalement resté sans suite – qui prévoit le versement de 3 millions d’euros pour « financer la campagne électorale présidentielle ». | ||
| - | En 2017, un mois avant le premier tour de l’élection présidentielle française, la candidate est reçue au Kremlin par Vladimir Poutine. « Je sais que vous représentez un spectre de forces politiques européennes qui se développent assez rapidement. Je suis très content de vous voir », lui dit le président russe. En février 2022, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Marine Le Pen est contrainte d' | ||
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| - | Il reviendra à la justice française d’estimer si Jean-Luc Schaffhauser – qui est présumé innocent – s’est rendu, ou non, coupable de corruption. En 2016, le Parquet national financier (PNF), destinataire d’un signalement de la cellule antiblanchiment Tracfin, a ouvert une enquête préliminaire sur les sommes perçues par les structures de l’élu après l’obtention du prêt russe. | ||
| - | En dehors de ce volet pénal, des questions déontologiques se posent aussi. En tant que député européen, Jean-Luc Schaffhauser était soumis au code de déontologie du Parlement, qui oblige chaque élu à mentionner ses rémunérations dans sa déclaration d’intérêts, | ||
| - | Dans les déclarations d’intérêts successives qu’il avait faites auprès de l’institution, | ||
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| - | À lire aussi À l’Assemblée, | ||
| - | 5 mai 2023 Le Pen-Poutine : dix ans de soutien que la candidate du RN veut faire oublier | ||
| - | 3 avril 2022 | ||
| - | À l’époque, | ||
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