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| - | Mediapart est en accès libre ce week-end | ||
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| - | DOSSIER | ||
| - | PROTECTION DE L’ENFANCE : UNE MISSION SACRIFIÉE | ||
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| - | Leurs décisions laissées en suspens, les juges des enfants sont gagnés par un sentiment d’impuissance | ||
| - | 30 juin 2024 | Par Mathilde Mathieu | ||
| - | Des mineurs maltraités censés bénéficier d’éducateurs ou de placements ne voient rien venir avant des mois, voire des années. Alors que les Assises de la protection de l’enfance se tenaient les 27 et 28 juin à Lyon, des magistrats décrivent les conséquences de ces délais indignes. | ||
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| - | Quand la fratrie se présente devant le juge des enfants, le contraste saute aux yeux. Les deux aînés « arrivent avec des vêtements sales et troués, les ongles noirs, des cernes, la peau pâle ». Les deux cadets « sourient, semblent en pleine forme, ont même le teint hâlé ». Neuf mois auparavant, ce magistrat avait ordonné le placement des quatre enfants, battus par leur mère. Mais seuls les petits ont pu être confiés à une famille d' | ||
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| - | « Dans l’attente, | ||
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| - | Les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE), qui dépendent des départements, | ||
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| - | Dans une salle d' | ||
| - | « Et personne n’en parle ? Ça ne fait pas scandale !? », s’est récemment indignée la vice-présidente de l’Union syndicale des magistrats (principale organisation), | ||
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| - | Trois jours plus tard, lors de sa conférence de presse, Emmanuel Macron a certes lancé : « Il nous faut rebâtir notre aide sociale à l’enfance. » Mais sans livrer la moindre piste. Les départements manquent d’argent, d’éducateurs, | ||
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| - | Par où commencer ? Il n’existe même pas de statistiques officielles sur ces délais de la honte, qui passent largement sous les radars des médias. Des délais qui s’étirent, | ||
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| - | Récemment, un diagnostic inédit a été fourni par le Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche), grâce à un questionnaire auquel un tiers des juges des enfants de France ont répondu. Verdict : au moins 3 500 enfants victimes d’inceste, | ||
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| - | Carte réalisée par le Syndicat de la magistrature en novembre 2023, sur la base d’un questionnaire adressé aux juges des enfants. | ||
| - | Quant aux mesures d’assistance éducative auprès des familles, une quarantaine de magistrats signalaient entre huit et douze mois d’attente en moyenne avant leur démarrage effectif ; et une quinzaine déploraient des retards de plus d’un an. | ||
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| - | Pour saisir les conséquences de cet effondrement silencieux, qui était sur toutes les lèvres lors des Assises nationales de la protection de l’enfance qui se sont tenues les 27 et 28 juin à Lyon, Mediapart a interrogé quatre juges (adhérent·es du SM ayant répondu au questionnaire). En poste en Seine-Saint-Denis, | ||
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| - | Juge à Nantes, Charlotte* a un dossier en tête, arrivé sur son bureau parce que le père battait les enfants. « Alors que le couple se sépare, on fait une évaluation : on comprend que la mère n’est pas très au clair sur la notion de violence, mais on n’est pas sûr qu’elle en commette. » La juge ordonne qu’un éducateur intervienne. Quatorze mois plus tard, « le petit de 9 ans est retrouvé dans la rue. Il avait subi des violences très graves de la part de sa mère, qui l’a frappé avec une ceinture. Il a eu tellement peur de mourir qu’il est parti de chez lui en courant, tout nu. J’ai dû placer les deux enfants en urgence et j’ai découvert à cette occasion qu’aucun travail n’avait en réalité commencé depuis ma décision. » | ||
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| - | Le service d’éducateurs saisi par la magistrate étant sous l’eau, aucun professionnel n’a pu se déplacer en quatorze mois. « Ça n’aurait peut-être rien évité, précise Charlotte. Mais si la mère avait été soutenue, elle aurait été moins dépassée peut-être... » « De plus en plus régulièrement », les délais d’exécution de ses décisions dépassent un an. | ||
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| - | Sentiment de gâchis | ||
| - | Ces visites d’éducateurs ou d’éducatrices, | ||
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| - | « J‘ai en tête un mineur de 9-10 ans plus ou moins délaissé par ses parents, qui avait de gros besoins en orthophonie et qui était en train de se “débiliser”, | ||
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| - | Elle durcit sa mesure : « J’opte pour un maintien à domicile sous conditions [express], notamment de soins. » Mais au moment où le suivi démarre vraiment, il s’est déjà passé plus d’un an. Les travailleurs sociaux constatent qu’il est trop tard. « Je dois alors ordonner un placement, qui n’est même pas effectif tout de suite..., se désole Stéphanie. C’est la cata à tous les étages. » | ||
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| - | Dans son département, | ||
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| - | Données du Syndicat de la magistrature, | ||
| - | Un sentiment de gâchis et d’impuissance étreint donc ces magistrat·es. Le plus rageant, peut-être ? Ces juges arrivent régulièrement à obtenir, lors de la première audience avec les parents, une forme d’acceptation du suivi éducatif. « On leur explique que c’est dans l’intérêt de l’enfant, qu’on va les aider, déclare Charlotte. La plupart des parents adhèrent, en fait. Notamment lorsqu’ils ont de grands adolescents aux manifestations “bruyantes”. » Mais quand ils ne voient personne sonner chez eux, « ils ne comprennent plus : “Vous nous avez dit que ça n’allait pas et vous nous abandonnez ?!” ». Certains finissent par écrire au tribunal pour réclamer eux-mêmes que les décisions de justice s’appliquent. | ||
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| - | Les magistrat·es, | ||
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| - | Des familles qui se braquent | ||
| - | « Il y a des familles en demande d’aide depuis des mois qui finissent pas se braquer, témoigne aussi Maxime*. On perd le lien de confiance. » Dans son département, | ||
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| - | « C’est terrible quand il y a des violences, mais pas seulement ; c’est terrible aussi quand un enfant est déscolarisé pendant un an, par exemple, insiste le magistrat. On finit par le retrouver au pénal. » C’est-à-dire comme auteur d’infraction. | ||
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| - | Car ces magistrats spécialisés « mineurs » jonglent avec deux casquettes : protéger (au civil) et juger (au pénal). Or, Maxime estime qu’environ 80 % des moins de 18 ans qu’il croise au pénal dans son cabinet sont suivis (ou ont été suivis) en assistance éducative. Alors ses poils se hérissent quand il entend le premier ministre (et d’autres) clamer qu’il faut « responsabiliser » les parents des jeunes délinquants, | ||
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| - | En Seine-Saint-Denis, | ||
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| - | Mode dégradé | ||
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| - | À force de déconvenues et de désillusions, | ||
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| - | « On essaie au maximum de ne pas renoncer à une mesure sous prétexte qu’elle ne va pas se mettre en œuvre, confie Sybille, en poste en Seine-Saint-Denis (et qui compte au moins 18 mois d’attente pour ses mesures d’assistance éducative). Mais c’est impossible de ne pas tenir compte du contexte. » | ||
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| - | Elle pense à un dispositif particulier : le « placement à domicile ». Étrange sur le papier, car l’enfant est « placé » chez lui. Mais cette bizarrerie va de pair avec un suivi hyper renforcé (en théorie), qui rend l’option intéressante. « Mais quand on sait ce qu’il en est... » | ||
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| - | Sybille cite le cas d’un enfant atteint d’une pathologie grave nécessitant des soins constants. « Il avait fait un coma à cause d’un défaut de soin, détaille la magistrate. On a d’abord fait un placement [hors de chez lui], d’autant que le parent qui le prenait en charge avait une pathologie psychiatrique non soignée. Mais cet enfant n’a pas adhéré, donc j’ai fini par faire un placement à domicile. Sauf qu’il n’était pas exécuté. Autrement dit : il est rentré à la maison quasi sans accompagnement, | ||
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| - | « Au bout d'un moment », ces dysfonctionnements « déforment totalement la pensée », souligne Sybille. « Imaginez un bébé pour lequel on se dit : “Avec un bon accompagnement, | ||
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| - | Par La rédaction de Mediapart | ||
| - | * Les personnes interviewées ont été anonymisées. | ||
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| - | Leurs propos ont été recueillis à la fin mai. | ||
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