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-INTERNATIONAL
-Etats-Unis : les médias de gauche lèvent le silence sur la santé du président Biden
-ANALYSE
-Arnaud Leparmentier
-New York, correspondant
-Jusqu’au débat, raté, du 27 juin qui l’opposait à Donald Trump, l’âge du président américain, 81 ans, et son état cognitif n’ont guère suscité de commentaires dans la plupart des médias.
-Le 04 juillet 2024 à 21h02, modifié le 05 juillet 2024 à 08h04
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-Le président américain, Joe Biden, à la sortie de la Maison Blanche, à Washington, le 20 février 2024. CHIP SOMODEVILLA / GETTY IMAGES VIA AFP
-Le 21 juin, le New York Times dénonçait les vidéos mettant en scène le vieillissement de Joe Biden. « Comment les vidéos trompeuses traquent Biden, alors qu’il lutte contre les doutes liés à son âge », titrait le quotidien new-yorkais, dénonçant, à juste titre, « une série de clips récents, dont beaucoup ont été édités ou manquent de contexte ». C’était avant le 27 juin, jour du calamiteux débat de Joe Biden face à Donald Trump, qui a mis en évidence les faiblesses du président sortant. Le 2 juillet, avec le zèle de ceux qui ont longtemps nié, le quotidien mène l’enquête. « Les défaillances de Biden seraient de plus en plus fréquentes et inquiétantes », titre un nouvel article.
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-Les Américains sont furieux, ayant le sentiment d’avoir été bernés par la Maison Blanche et les médias. Le milliardaire Bill Ackman, suivi par 1,3 million d’internautes, sonne l’hallali et accuse les médias de complaisance : « “60 minutes” [émission sur la chaîne CBS] savait ; CNN savait ; MSNBC savait, les médias de gauche avaient un accès complet au président, ses équipes et son administration. Ils savaient tous, mais ils vous ont dit le contraire. Ils vous ont menti éhontément. » « Le New York Times doit s’expliquer. Il fait un revirement total sur une histoire majeure en un peu plus d’une semaine », s’agace aussi sur X Alex Tabarrok, professeur d’économie à l’université George Mason, à Fairfax (Virginie).
-Plus précisément, les médias sont accusés de ne pas avoir enquêté pour des raisons politiques, comme le déplore l’ancienne directrice de la rédaction du New York Times Jill Abramson. « Honte à la presse [qui suit] la Maison Blanche de ne pas avoir percé le voile du secret entourant le président… Je crains que trop de journalistes n’aient pas essayé de le trouver, parce qu’ils ne voulaient pas être accusés d’avoir contribué à l’élection de Donald Trump. Je comprends cela. Mais ce n’est pas une excuse pour abandonner notre premier devoir, qui est de rapporter la vérité et de demander des comptes aux autorités », accuse Mme Abramson sur Semafor, qui concède que l’affaire était difficile.
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-« Politique partisane »
-Seul le Wall Street Journal a publié, le 4 juin, une longue enquête : « A huis clos, Biden montre des signes de détérioration », accusait le quotidien des affaires, précisant que la Maison Blanche voyait dans ces critiques « de la politique partisane ». De fait, l’enquête citait essentiellement des sources républicaines, ce qui a permis aux démocrates de dénoncer un article à charge.
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-« Beaucoup d’entre nous ont passé du temps avec le Wall Street Journal pour partager officiellement nos expériences de première main avec le président Biden, où nous avons pu voir sa sagesse, son expérience, sa force et sa pensée stratégique, cinglait Nancy Pelosi, ancienne speaker de la Chambre des représentants, le 5 juin. Au lieu de cela, le journal a ignoré les témoignages des démocrates, s’est concentré sur les attaques des républicains et a publié un article à sensation. » Quelques jours après le débat calamiteux sur CNN, Mme Pelosi a estimé qu’il était « légitime de se poser des questions ».
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-Après l’article du Wall Street Journal, les médias de gauche, au lieu d’enquêter, se sont empressés de voler au secours des démocrates. « L’article du Wall Street Journal sur l’acuité mentale de Biden souffre de problèmes flagrants : la plupart de ses sources étaient républicaines », accusait, le 6 juin, CNN. Sur cette même chaîne, à la seconde où s’achevait le débat Trump-Biden, une dizaine de commentateurs criaient haro sur le président démocrate.
-« Crise de nerfs » des médias
-Les retournements sont impressionnants, tel celui de Joe Scarborough, présentateur de « Morning Joe » sur la chaîne orientée à gauche MSNBC et grand soutien démocrate, qui affirmait, en mars : « Biden est bien plus que convaincant. Il est meilleur qu’il ne l’a jamais été intellectuellement et analytiquement. Il est le meilleur de tous les temps. » Au lendemain du débat, il s’interrogeait : « S’il était PDG et qu’il réalisait une telle performance, une entreprise du Fortune 500 le garderait-elle ? »
-L’agence Associated Press analyse « la crise de nerfs » des médias. Soucieuse de faire battre Donald Trump, la presse n’a jamais eu avec Joe Biden les exigences habituelles, qu’il s’agisse de vérification des informations ou d’interrogations sur la santé du plus vieux président des Etats-Unis.
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-En 2020, Joe Biden a mené toute sa campagne électorale depuis le sous-sol de sa maison dans le Delaware, ne faisant aucun meeting ouvert à un large public – à la différence de Donald Trump –, en raison de la pandémie due au Covid-19. Pendant tout son mandat, il a tenu bien moins de conférences de presse que ses prédécesseurs : trente-trois au total, contre 88 pour Trump, 163 pour Obama, selon le décompte de l’université de Californie à Santa Barbara, au point que le Washington Post en avait fait un éditorial en mai 2023 : « Biden ne donne plus de conférences de presse. Ce n’est pas acceptable. »
-Ses interventions sont régulièrement moquées, en raison d’erreurs de lecture de son prompteur. Mais, dans son équipe, l’explication est toute trouvée : Biden bafouille, gaffe depuis toujours. Après avoir trébuché ou être tombé – comme en juin 2023, lors d’une cérémonie de remise de diplômes militaires –, la presse constate qu’il a troqué ses souliers pour des chaussures de sport plus stables. Cette chronique du vieillissement physique est racontée, mais les questions sur son affaiblissement intellectuel ne sont pas posées.
-« Le président est vieux. Rien de neuf »
-Une alerte a lieu en février, lorsque le procureur spécial Robert Hur a publié son rapport sur les documents conservés illégalement par Joe Biden. Il ne proposait pas de procès, car, « sur la base de [leurs] interactions directes avec lui et de [leurs] observations, lors d’un procès [éventuel], M. Biden se présenterait probablement au jury, comme il l’a fait lors de [son] entretien avec lui, comme un homme âgé, sympathique et bien intentionné, avec une mauvaise mémoire ». Cela avait provoqué un tollé sous prétexte que M. Hur était républicain : « Le procureur spécial affirme que le président est vieux. Rien de neuf », éditorialise alors le Washington Post.
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-Le président multiplie les erreurs, évoquant une rencontre avec le président François Mitterrand et le chancelier Helmut Kohl, décédés depuis longtemps ; il parle même, en avril, de son oncle mangé par des « cannibales », devant des représentants de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Mais, selon le Washington Post, « les trous de mémoire, les divagations et les anecdotes décousues, parfois exagérées, de M. Biden n’ont rien de nouveau. C’est un aspect de son personnage politique depuis qu’il est beaucoup plus jeune ».
-Lors de son discours sur l’état de l’Union, début mars, Joe Biden affiche une forme resplendissante et réduit au silence ceux qui s’inquiètent de son âge. Pris à revers, Donald Trump, qui fait campagne depuis des années sur « Joe l’endormi », avec l’aide de la chaîne conservatrice Fox News, exige un « test de drogue », avant de débattre avec M. Biden.
-L’état cognitif du président s’est-il dégradé brutalement ?
-Le président étant inaccessible, la presse doit s’en remettre à ceux qui le rencontrent. « Etre vieux ne signifie pas être non fonctionnel », nous expliquait, dans un article publié le 8 avril, Reid Hoffman, le capital-risqueur fondateur de LinkedIn : « En décembre [2023], j’ai passé des heures à discuter avec lui de choses qu’il ne connaissait pas comme l’intelligence artificielle. Pourquoi avais-je besoin de déjeuner avec lui ? J’avais besoin de savoir cela. »
-L’état cognitif du président s’est-il dégradé brutalement depuis ? Nul ne peut le prouver, si ce n’est l’entourage proche de M. Biden. Mais c’est ce que laisse croire la multiplication de vidéos devenues virales et instrumentalisées par les républicains pour étayer une possible détérioration : en juin, au G7, perdu, il est ramené dans le cercle des dirigeants par l’Italienne Giorgia Meloni ; et, lors de la fête de Juneteenth, à la Maison Blanche, il apparaît figé au milieu d’invités qui dansent.
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-Finalement, la presse a fini par ouvrir les yeux, lors du débat du 27 juin. Le 3 juillet, un article du New Yorker demande même de démettre le président de ses fonctions pour raison d’incapacité en invoquant le 25e amendement de la Constitution.
-La Maison Blanche, elle, continue d’être dans le déni, prétendant, par la voix de sa porte-parole, Karine Jean-Pierre, que Joe Biden n’a pas vu de médecin depuis février et se satisfait du rapport médical publié à l’époque. « Février, c’était cette année. Il n’y a pas si longtemps. Et nous avons fourni un rapport transparent, un rapport complet… »
-Arnaud Leparmentier (New York, correspondant)
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