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Le programme commun de la gauche aux législatives, dévoilé ce vendredi, revient sur presque toutes les réformes fiscales emblématiques d'Emmanuel Macron. Il se traduirait par des dizaines de milliards d'euros d'impôts supplémentaires pour financer l'agenda social du Nouveau Front populaire.
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L'alliance des gauches pour les législatives anticipées a validé un programme comprenant des hausses d'impôts massives.
L'alliance des gauches pour les législatives anticipées a validé un programme comprenant des hausses d'impôts massives. (JULIEN DE ROSA/AFP)
Par Sébastien DUMOULIN
Publié le 14 juin 2024 à 19:45Mis à jour le 18 juin 2024 à 19:41
Machine arrière toute. Si la gauche arrive au pouvoir, à l'issue des législatives anticipées, elle promet de revenir illico presto sur les baisses d'impôts massives des dernières années. Le programme du Front populaire, rendu public ce vendredi, prévoit de supprimer la plupart des mesures fiscales emblématiques de l'ère Macron : la réforme de l'ISF, l'allègement du barème de l'impôt sur le revenu, l'instauration de la « flat tax »…
Autant de gestes fiscaux que la gauche n'a cessé de dénoncer comme des cadeaux faits aux plus riches et un manque à gagner pour les finances publiques.
Big bang fiscal
Ces mesures fiscales feraient l'objet, en cas de victoire, d'un projet de loi de finances rectificatif dès le 4 août prochain. Aucun chiffrage des recettes attendues n'a été donné, mais « ce sont des mesures d'urgence, qu'il est assez facile de mettre en place et qui peuvent rapporter plusieurs dizaines de milliards d'euros », explique Eric Coquerel, député LFI sortant et ancien président de la commission des Finances de l'Assemblée sortante.
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Il est toutefois possible de se faire une idée de l'ampleur du big bang fiscal souhaité par la gauche en consultant le contre-budget que la Nupes (l'ex-alliance des mêmes partis) avait publié en 2022. Plusieurs mesures du nouveau programme étaient déjà au menu. En additionnant les chiffres publiés alors, les hausses d'impôts que compte adopter immédiatement le Front populaire se monteraient au moins à 50 milliards d'euros par an, Soit bien plus que les 30 milliards votés en 2012 à l'arrivée de François Hollande à l'Elysée (et à l'époque, l'objectif était de revenir sous les 3% de déficit).
Un « héritage maximum »
En tête des nouveaux prélèvements viendrait une réforme de la taxation de l'héritage (estimée à 17 milliards par la Nupes en 2022). Alourdir l'impôt sur les successions est certes très impopulaire, mais la gauche assure que sa refonte ménagerait les petits héritages et ne renforcerait que la fiscalité des plus gros patrimoines. Un « héritage maximum » est même prévu. Son montant n'est pas précisé, mais la Nupes l'avait fixé en 2022 à 12 millions d'euros, soit 100 fois le patrimoine net médian.
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En termes de recettes espérées viendrait ensuite le rétablissement de l'impôt sur la fortune (ISF). Sa transformation en 2017 en impôt sur le seul patrimoine immobilier (IFI) avait installé l'image du « président des riches » et concentré les attaques de la gauche. Malgré des effets limités sur l'investissement ou la création d'entreprises, ou encore les appels à recréer un « ISF vert » pour financer la transition écologique dans la foulée du rapport Pisani-Mahfouz , le camp présidentiel a toujours tenu bon.
Pour la gauche, rétablir l'ISF n'est pas que symbolique. En y ajoutant une composante « climatique », elle espère prélever chez les plus aisés 15 milliards d'euros par an (l'ISF rapportait moins de 5 milliards).
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Une somme équivalente proviendrait du renforcement de la taxe sur les transactions financières. Le programme du Front populaire n'en précise pas les contours, mais la gauche comptait il y a deux ans relever le taux de 0,2 point et inclure les transactions intrajournalières dans l'assiette, pour désinciter à la spéculation.
Autre totem de la Macronie dans le viseur : le prélèvement forfaitaire unique (PFU), autrement dit la « flat tax » à 30 % sur les revenus du capital. La mesure a pourtant été autofinancée, selon une étude récente de l'Institut des politiques publiques (IPP) pour France Stratégie, compte tenu de la forte hausse de versements de dividendes qu'elle a provoquée.
Son taux a certes été critiqué - jusque par le Modem qui souhaite le relever - comme accroissant le différentiel entre fiscalité du travail et du capital. Mais le gouvernement en a fait un pilier de sa politique en faveur de l'attractivité.
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Le Front populaire compte enfin s'attaquer aux « niches fiscales inefficaces, injustes et polluantes ». Le programme ne précise pas lesquelles. Mais les grandes entreprises ont de quoi s'inquiéter : le Crédit d'impôt recherche , critiqué depuis des années par les élus de gauche, devrait logiquement être sur la liste. Les particuliers adeptes du crédit d'impôt emploi à domicile, objet des mêmes foudres , pourraient également en pâtir.
Les entreprises temporairement épargnées
Curieusement, deux réformes majeures d'Emmanuel Macron concernant la fiscalité des entreprises ne sont pas abordées dans le programme législatif des gauches : la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés (IS) de 33 à 25 % et la baisse des impôts de production (via la suppression de la CFE et de la CVAE). Dans le programme de la Nupes de 2022, il était pourtant bien question de les détricoter.
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Les gauches voulaient alors instaurer une progressivité de l'IS, mais aussi un « impôt universel pour les entreprises », inspiré des travaux de l'économiste Gabriel Zucman. Ce nouvel impôt aurait fonctionné sur le même principe que l' « impôt minimum mondial » mis en place dans le cadre de l'OCDE, mais avec un taux de 25 % et non de 15 %.
« Ce sont des mesures dont nous pourrons discuter à l'automne, au cours de l'examen du projet de loi de finances, explique Eric Coquerel. Pour l'instant, cela ne fait pas partie des mesures d'urgence actées avec nos partenaires du Front populaire ».
Matraquage fiscal
Même sans ces mesures, le programme du Front populaire n'échappera pas aux accusations de matraquage fiscal. Le camp présidentiel, à l'unisson avec la droite et l'extrême droite, souligne que les prélèvements obligatoires en France (43 % du PIB en 2023) sont les plus élevés de l'Union européenne, après le Danemark. Et le « ras-le-bol fiscal » est toujours vif : trois Français sur quatre estiment que le niveau des impôts ou des charges est trop élevé, selon le baromètre des prélèvements fiscaux et sociaux, publié en janvier par le Conseil des prélèvements obligatoires.
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Pour ses opposants, le programme fiscal de la gauche est donc inopportun, en plus d'être destructeur - en ce qu'il menacerait l'investissement et la croissance économique. Paradoxalement, il serait aussi insuffisant - au vu des dépenses massives prévues dans le programme du Front populaire.
Ces critiques sont évacuées par la gauche, peu adepte de l'orthodoxie budgétaire ces dernières années et convaincue qu'il est aussi important de répartir équitablement les richesses que de les créer. « Le programme du Nouveau Front populaire est une excellente base pour répondre à la crise des inégalités et à la crise climatique » a par exemple salué Cécile Duflot, la directrice générale d'Oxfam France. Nulle mention d'une éventuelle crise de la dette, dont ne semblent s'inquiéter que le camp présidentiel et LR.
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