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| ====== Le Monde – Auroville, la cité utopique indienne menacée par le désenchantement et le nationalisme hindou ====== | |
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| [Le Monde – Auroville, la cité utopique indienne menacée par le désenchantement et le nationalisme hindou](https://www.lemonde.fr/international/article/2024/04/25/auroville-la-cite-utopique-indienne-menacee-par-le-desenchantement-et-le-nationalisme-hindou_6229740_3210.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default ) | |
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| ABHISHEK VYAS / GETTY IMAGES | |
| Auroville, la cité utopique indienne menacée par le désenchantement et le nationalisme hindou | |
| Par Sophie Landrin (New Delhi, correspondante) | |
| Par Sophie Landrin (New Delhi, correspondante) | |
| Par Sophie Landrin (New Delhi, correspondante) | |
| Le 25 avril 2024 à 05h00, modifié le 25 avril 2024 à 11h43 | |
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| REPORTAGE La ville indienne imaginée par la Française Mirra Alfassa, patiemment bâtie depuis 1968, est le seul projet des années 1970 de ce genre encore en vie. Mais entre dissensions internes et attaques du gouvernement de Narendra Modi, son avenir est en péril. | |
| Lecture 7 min | |
| La rencontre a été fixée nuitamment dans une maisonnette cachée derrière une végétation luxuriante. Sept hommes et femmes attendent, assis derrière une table en bois. « Vous ne pouvez citer aucun nom, ni donner de précisions permettant d’identifier une personne. On marche sur de la glace qui menace de rompre à tout moment ! » Ceux qui ont parlé à visage découvert, nous prévient-on, en ont payé le prix immédiat. Ils ont perdu leur visa et ont été obligés de quitter le pays. | |
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| Le lieu secret abrite le QG des résistants d’Auroville, dans le sud de l’Inde. Ils combattent depuis trois ans une administration décidée à reprendre en main la cité utopique. Sis au Tamil Nadu, à moins de 10 kilomètres de l’ancien comptoir français de Pondichéry, le projet, lancé le 28 février 1968 par la Française Mirra Alfassa (1878-1973) et conçu comme « un lieu de paix, de concorde, d’harmonie », a pris des airs de champ de bataille. La communauté – quelques milliers d’habitants – est divisée, plusieurs procédures judiciaires sont en cours et les plus pessimistes ont déjà plié bagage. Il flotte sous l’extraordinaire canopée une atmosphère empoisonnée, mêlée de colère et de peur, de complotisme et d’autoritarisme. Auroville vit peut-être son crépuscule. | |
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| « Notre rêve est en train d’être brisé, 99 % de ce que vous verrez ici a été construit par les Aurovilliens et c’est cet héritage qui est en train d’être détruit sous nos yeux. C’est extrêmement traumatisant », affirme l’une des hôtes, née sur cette terre, de parents en quête de sens, débarqués aux premières heures de l’aventure pour créer un monde idéal, égalitaire et de partage. A l’époque, Auroville est un plateau semi-désertique, battu par les vents et les cyclones. Aucun Indien ne veut vivre sur une terre si peu gâtée, sans eau ni électricité. La première tâche des pionniers – une cinquantaine de personnes – va consister à stopper l’érosion des sols, transformés en amas de boue spongieuse à chaque mousson. Ils construisent des barrages et des buttes de rétention d’eau, plantent des arbres par milliers, banians, palmiers, neems, acacias d’Australie, bambous, eucalyptus. | |
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| Un combat idéologique | |
| Au petit jour, au lendemain de notre rendez-vous, on découvre les « cadavres » évoqués la veille dans le huis clos. Des centaines d’arbres, parmi les trois millions patiemment plantés durant plus d’un demi-siècle, ont été abattus pour la construction de la Crown Road, une large route équipée de lampadaires kitsch et prolongée de douze radiales. D’énormes balafres déchirent l’oasis de verdure, traversée jusqu’alors par des chemins bucoliques en latérite rouge. Les premières coupes ont été opérées voilà trois ans, dans la nuit du 4 décembre 2021, sur ordre de la secrétaire de la Fondation d’Auroville, Jayanti Ravi, malgré les protestations des résidents. | |
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| Lire aussi (2018) | |
| A Auroville, cinquante ans d’utopie (ou presque) | |
| Cette ancienne fonctionnaire du Gujarat a été nommée en juillet 2021 par le gouvernement de Narendra Modi, avec pour mission d’achever la cité imaginée par Mirra Alfassa, censée accueillir cinquante mille habitants. Cinquante-six années ont passé depuis la pose de la première pierre, et Auroville compte à peine 3 400 habitants permanents représentant une cinquantaine de nationalités. Cinq mille employés tamoul des villages voisins viennent y travailler quotidiennement. | |
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| Dès son arrivée, Jayanti Ravi s’allie une poignée d’habitants frustrés par le développement trop lent du projet. Pour avoir les coudées franches et neutraliser l’assemblée des résidents, elle modifie les règles de gouvernance. C’est désormais dans son bureau que se décident l’avenir de la ville utopique, le choix des entrants et des sortants, le sort des permis de résidence, l’échange des terres. Derrière la bataille urbaine pointe, comme souvent dans l’Inde de Narendra Modi, un combat idéologique. Le Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), au pouvoir en Inde, qui prône la supériorité de l’hindouisme sur toutes les autres religions, se défie de cette communauté internationale adepte d’une spiritualité libre et se revendiquant d’un gourou, Sri Aurobindo, dont les nationalistes hindous veulent se réapproprier l’image. | |
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| Lire aussi le reportage | |
| En Inde, Modi lance sa campagne en instrumentalisant l’hindouisme | |
| « Nous ne sommes pas hostiles à l’agrandissement. Auroville est une ville évolutive, mais ce que fait la nouvelle administration est une trahison totale des idéaux d’Auroville, regrette Philippe (le prénom a été changé à sa demande), installé ici depuis trente ans, assis en position du lotus sur le muret de sa terrasse. La destruction des arbres, la construction de la route ne sont que le symptôme d’un coup d’Etat de la part de la nouvelle administration. Autrefois, les décisions se prenaient collectivement ; cette notion de mutualité a complètement disparu. » | |
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| Une communauté vieillissante | |
| La « ville de l’Aurore » ne ressemble en rien à l’idée commune d’une ville. S’étendant sur 20 kilomètres carrés, entourée d’une ceinture verte et de fermes, elle comprend quatre zones d’activité (industrielle, culturelle, internationale et résidentielle), des quartiers au nom évocateur – Aspiration, Fraternity, Revelation –, des maisons à l’architecture élaborée, des écoles, des ateliers, une unité de soins, une mairie, une cantine solaire, une supérette coopérative, des restaurants, des guesthouses, le tout disséminé dans la nature. « C’est une ville-forêt qui a la densité d’un village, mais les services culturels, touristiques et économiques d’une ville », soutient Aurel (prénom modifié), Aurovillien de naissance. | |
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| Lire aussi (1994) | |
| LOIN DES CAPITALES Auroville, vingt-cinq ans après | |
| Ses détracteurs dénoncent « une secte », ses partisans défendent un « modèle écologique » précieux dans une Inde abîmée par une urbanisation incontrôlée et anarchique, où l’habitat et la nature forment une symbiose. Pour ses habitants, Auroville reste une tentative de dépasser la société de marché, individualiste et matérialiste, par le levier de la spiritualité. Leur vocabulaire bannit toute évocation de l’argent, on parle ici de « maintenance » et non de salaire, de « contribution » et non de taxe. Les billets et pièces de monnaie n’ont pas cours. « Ce n’est pas une question de mots, les résidents ne travaillent pas pour gagner leur vie ou s’enrichir, mais pour se maintenir. Auroville est une communauté expérimentale, internationale et spirituelle qui œuvre pour l’humanité, et c’est le seul projet né des années 1970, de cette envergure, encore en vie », plaide Aurel. | |
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| Lire aussi (2019) | |
| La guerre du sable rouge dans le Tamil Nadu | |
| Mais l’utopie a ses revers. Faute de capacités financières pour construire des logements et d’une vision commune du développement urbain, la cité n’évolue plus guère et s’éloigne de la dimension voulue par la fondatrice. « Une minorité veut réaliser au détail près les plans initiaux avec des grandes barres d’immeubles. La majorité, au contraire, pense que cette vision des années 1960 est dépassée et qu’il faut la faire évoluer vers un modèle de logements plus écologiques, poursuit Aurel. C’est ce désaccord qui a retardé la construction, même si des immeubles denses ont été livrés. » Le mode de gouvernance horizontale avec ses palabres sans fin a ajouté aux lenteurs. « Notre défi, c’est de mettre en place une société avec une autre conscience, sans hiérarchie du haut vers le bas, basée sur la confiance », explique Anna (prénom modifié), née ici. | |
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| Lire aussi (1998) | |
| Auroville, cité-laboratoire | |
| La communauté a vieilli, et l’on croise fréquemment sur les chemins sableux des motos chevauchées par des seniors à la chevelure grisonnante. Après la génération des pionniers et de leurs enfants, formés dans les écoles d’Auroville et dans les universités occidentales, la cité a attiré une seconde vague tentée par l’aventure écologique ou par une autre vie, mais trop peu nombreuse. Devenir résident nécessite des moyens importants : après une année probatoire comme bénévole, chaque candidat doit investir entre 20 000 et 30 000 euros pour disposer d’une parcelle et construire son logement, dont il n’aura jamais la possession. La ville idéale a été bâtie sur la non-propriété. | |
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| Le « rêve » de la « Mère » | |
| Les principes fondateurs ont été formulés au soir de sa vie par Mirra Alfassa, surnommée « Mère » par ses adeptes. Née en 1878 à Paris, épouse du peintre français Henri Morisset (1870-1956), amie de l’exploratrice Alexandra David-Néel (1868-1969), cette spécialiste de l’occultisme a découvert l’Inde avec son deuxième mari, Paul Richard (1874-1967), en 1914. A Pondichéry, elle rencontre Aurobindo Ghosh (1872-1950), connu sous le nom de Sri Aurobindo, un révolutionnaire, un temps proche des milieux nationalistes, devenu philosophe et adepte du yoga intégral, un programme spirituel complet, dont elle devient la parèdre à l’ashram de Pondichéry. | |
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| En 1954, elle évoque pour la première fois un « rêve », celui de bâtir une cité universelle pour un « homme nouveau », un « surhomme » débarrassé de tout égoïsme, de l’avidité. Un lieu « où hommes et femmes apprendraient à vivre en paix, dans une parfaite harmonie, au-delà de toutes croyances, opinions politiques et nationalités ». « Un lieu qui n’appartiendrait à personne, mais à l’humanité sans hiérarchie extérieure, sans argent, un lieu de fraternité et de liberté. » La légende raconte qu’elle a indiqué de son doigt sur une carte l’endroit où se trouvait un banian centenaire, large comme un terrain de tennis, dont les racines ont l’épaisseur d’un tronc. | |
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| Son idéal est soutenu par le président de l’Inde, présent à la cérémonie inaugurale, en 1968, ainsi que par l’Unesco et les représentants de 124 pays. Les plans sont confiés à Roger Anger (1923-2008), un disciple de Le Corbusier (1887-1965). L’architecte dessine une ville en forme de « galaxie », des cercles concentriques autour d’un centre spirituel, le Matrimandir, « le temple de la Mère ». Il faudra quarante ans pour achever ce bâtiment en forme de sphère de 36 mètres de diamètre, recouvert de panneaux d’or et entouré d’un jardin en forme d’étoile. L’intérieur abrite une salle de méditation, à laquelle on accède, pour un quart d’heure minuté, en chaussettes et en silence, par une rampe ascendante et descendante, blanche du sol au plafond. Au centre de la chambre intérieure, totalement nue, une sphère de cristal reçoit un trait de lumière. | |
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| Mirra Alfassa est morte – ses disciples disent qu’elle a « quitté son corps » – en 1973, sans avoir jamais vu Auroville. Dès sa disparition, l’ashram de Pondichéry tente de prendre le contrôle de la société qui a acquis les terres ; un violent conflit éclate avec les résidents. La Cour suprême indienne arbitrera en faveur de ces derniers. Pour sécuriser Auroville, la cité est dotée du statut d’une fondation autonome, approuvé par le Parlement indien en 1989, composée de trois entités : une assemblée de résidents, un conseil international et une direction. C’est cette architecture de gouvernance que le BJP a mise en pièces. | |
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| Après trente-quatre années passées à Auroville, Satprem Maïni a dû partir, la mort dans l’âme, le 23 octobre 2023. Son visa, valide jusqu’en 2025, lui a été retiré. Cet architecte renommé s’est efforcé durant trois ans de démontrer les malfaçons et la corruption dans la construction de la Crown Road. A 64 ans, il est retourné vivre chez sa mère, près de Lyon, avec l’espoir de revenir en Inde le plus vite possible. « Auroville, c’est ma place, c’est là que je dois vivre. Ici, je n’ai rien, aucune économie. J’ai donné tous mes honoraires pendant trente-quatre ans à Auroville. » La cité idéale se referme comme un piège pour ces résidents, comme Satprem, obligés de la quitter. | |
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| Sophie Landrin (New Delhi, correspondante) | |
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