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| | ====== [Le Monde – Enzo, 15 ans, poignardé à mort à l’été 2023 : les ressorts politiques d’un fait divers]( ====== |
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| | [Le Monde – Enzo, 15 ans, poignardé à mort à l’été 2023 : les ressorts politiques d’un fait divers](https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/14/affaire-enzo-les-ressorts-politiques-d-un-fait-divers_6222035_3224.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default ) |
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| | NOÉMIE LAIR / MAXPPP |
| | Enzo, 15 ans, poignardé à mort à l’été 2023 : les ressorts politiques d’un fait divers |
| | Par Ivanne Trippenbach (La Haye-Malherbe (Eure), envoyée spéciale) |
| | Par Ivanne Trippenbach (La Haye-Malherbe (Eure), envoyée spéciale) |
| | Par Ivanne Trippenbach (La Haye-Malherbe (Eure), envoyée spéciale) |
| | Aujourd’hui à 20h20, modifié à 21h26 |
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| | ENQUÊTE La mort d’un adolescent de 15 ans, poignardé dans l’Eure, à l’été 2023, avait nourri le récit d’une France en proie à l’« ensauvagement », amplifié entre autres par les médias du groupe Bolloré. Une version aujourd’hui contredite par les éléments de l’enquête et les témoignages des protagonistes. |
| | Lecture 8 min |
| | La colère gronde, bourdonne, pétarade. Ce 26 juillet 2023, deux cents motos font vrombir les moteurs en remontant la départementale qui fend La Haye-Malherbe (Eure), village normand de 1 400 habitants. Ainsi s’ouvre la marche blanche pour Enzo, 15 ans, tué d’un coup de couteau quatre jours plus tôt. Le bruit des cylindrées, hommage à l’adolescent féru de cross bitume, fait frémir un élu présent parmi le millier de personnes. |
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| | L’affaire Enzo a surgi dans l’actualité nationale vingt jours après les émeutes urbaines de l’été. Un prénom devenu symbole des fractures hexagonales. D’une France des campagnes, blanche et populaire, ignorée des élites, dont les médias du groupe Bolloré se sont fait la caisse de résonance. « Tué pour un regard », lit-on sur le bandeau blanc de la chaîne CNews. L’émission « L’Heure des pros » s’est ouverte sur la mort du garçon. « Pourquoi, pourquoi personne n’en parle ? », répète l’animateur. « On est les seuls à parler d’Enzo », conclut-il, bien que de nombreux médias aient rapporté la nouvelle, La Dépêche de Louviers, l’AFP, Le Parisien, BFM-TV ou TF1. |
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| | Le prénom d’Enzo s’affiche aussi en « une » du premier Journal du dimanche (JDD) de l’ère Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction venu de Valeurs actuelles. Le journal entré dans l’univers Bolloré reparaît le 6 août, après une grève historique. Un raté : dans les kiosques, c’est la photo d’un hommage à un autre Enzo, adolescent percuté par une voiture six mois plus tôt, dans les Landes, qui s’étale. Geoffroy Lejeune nie publiquement l’erreur d’illustration. Mais, sans bruit, l’iconographe du JDD est évincé. Sous le gros titre « Nous ne sommes pas un fait divers », une lettre ouverte à Emmanuel Macron, signée des parents d’Enzo, évoque des « criminels aux profils trop récurrents », oppose les victimes à « cette France dite prioritaire » et s’interroge sur ce qui « s’appelle l’Etat de droit ». Entre les lignes : le garçon aurait été la victime de délinquants multirécidivistes venus des cités. |
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| | Lire aussi : |
| | « Journal du dimanche » : une première édition de l’ère Lejeune en forme de manifeste |
| | A La Haye-Malherbe, bourgade où, disent les habitants, il ne se passe « jamais rien », l’émotion déborde. Le 23 juillet, lendemain du meurtre, le parquet annonce l’ouverture d’une enquête pour homicide volontaire. Deux mineurs sont en garde à vue. A 10 heures, France 3 Normandie rapporte un mot du maire, Serge Marais. « Il semblerait que l’agression ait eu lieu pour un simple regard, qui n’aurait pas plu », livre l’élu sans étiquette, choqué. La Dépêche du Midi titre : « L’agression a eu lieu pour un simple regard ». |
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| | « Francocide » |
| | Marine Le Pen est la première cheffe de file politique à réagir pour s’alarmer de voir le pays « sombrer dans l’anarchie de l’ultraviolence ». Sur les réseaux sociaux, le porte-parole de Reconquête !, Samuel Lafont, s’emploie à faire monter le mot-dièse #enzo. Le chef de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, lâche que « les médias ont caché ce crime atroce ». La sénatrice (Les Républicains) Valérie Boyer cible les « racailles » qui « tuent de braves gens ». Quand la mère d’Enzo, Sophie Goupil, publie un post sur LinkedIn pour réclamer justice, Le Figaro recueille ses propos, le 30 juillet : « Pourquoi ne parle-t-on pas de mon fils, parce qu’il ne vient pas d’une cité, mais d’une petite commune ? » Sur CNews, les invités agitent la peur d’un « ensauvagement », d’une menace à la « civilisation », de ces jeunes qui n’ont pas été élevés « dans le respect de la France ». |
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| | Pire, les identitaires fustigent un « francocide commis par deux racailles venues d’ailleurs », qui ne peut être l’acte d’un « Matteo ou d’un Kevin », mais inspiré des « pratiques de l’islam ». Un néologisme prisé d’Eric Zemmour, qui désigne un crime commis contre un Français par un étranger, ou par un Français perçu comme étranger du fait de son prénom ou de ses origines, et donne à la théorie raciste du « grand remplacement » la couleur du sang. L’égérie de l’extrême droite Charlotte d’Ornellas, chroniqueuse à CNews et rédactrice au JDD, en larmes, s’indigne au nom des victimes : « Est-ce qu’on peut seulement exister ? » Quand cette dernière sollicite les parents d’Enzo pour qu’ils signent la tribune du JDD qu’elle a rédigée, Sophie Goupil, dévastée, ne lit pas le texte qui prétend parler en son nom – son avocat donne le feu vert. |
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| | Lire aussi la tribune |
| | « Les téléspectateurs les plus fidèles de CNews confient volontiers leurs sympathies pour l’extrême droite » |
| | Sept mois ont passé. Et c’est une histoire sensiblement différente qui se dessine au fil des récits des familles, élus, fonctionnaires, et des procès-verbaux dont Le Monde a eu connaissance. Une tragédie locale, née d’une rencontre fortuite entre l’adolescent du coin, Enzo Parissot, dit affectueusement « Bezo », et l’adolescent venu de l’autre rive de la Seine, au patronyme qui ne dit rien d’une origine étrangère, Dave (le prénom a été modifié). Même âge, 15 ans, à dix-neuf jours près. Même passion pour la moto. |
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| | Ce samedi 22 juillet 2023, vers 18 heures, ils se croisent pour la première fois, sur le chemin situé derrière l’école au toboggan rouge, qui se perd dans les champs. Enzo, en CAP maçonnerie, sortant d’un chantier, y vient pour se détendre avec ses amis, près du stade communal. Dave accompagnait un copain à la patinoire de Louviers – ultime virée avant le début de son apprentissage dans un garage. Son ami a coiffé une casquette Gucci et acheté une rose : il veut passer voir une fille de La Haye-Malherbe. |
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| | Couche de rumeurs |
| | Ils se garent sur la place de l’église, passent devant la poste et gagnent le stade. Là se trouvent Enzo et sa petite bande. Les adolescents se toisent. Ambiance lourde. Enzo et ses amis décident de partir. Puis leur voiturette rebrousse chemin, Enzo en sort et lance au garçon à casquette : « Pourquoi tu me regardes mal ? » « On fait ce qu’on veut, c’est vous qui nous regardez de travers ! » Enzo s’approche du copain de Dave, front contre front, lui assène un coup de poing. Une bagarre éclate. Dave s’en mêle, frappe Enzo, qui le jette à terre et le cogne au visage. Soudain, Dave sort un couteau à cran d’arrêt de sa poche de jogging, une lame de 10 centimètres. Coup en plein cœur. « On voulait pas faire ça », lâchent les deux ados, qui s’enfuient et jettent l’arme dans la Seine. Quand les gendarmes les cueillent, Enzo a succombé à sa blessure. |
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| | Sur les lieux, la tristesse se lit encore aujourd’hui sur les briques rouges : « Bezo », « Mon pote je t’aime », « 250 CRF » – la moto Honda rêvée. Le crime a marqué les esprits dans ce coin de Normandie, seule des cinq circonscriptions de l’Eure à n’être pas tombée aux mains du Rassemblement national (RN), en 2022. Une couche de rumeurs subsiste, du Val-de-Reuil, où un père de famille croit savoir qu’« il y avait deux Maghrébins », jusqu’au village, où un voisin inquiet se demande si les deux inconnus étaient des immigrés, avant d’être repris par un acolyte – « Non, c’était des blancs-becs. » |
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| | « Il y a eu une manipulation de la droite identitaire, et les gens ont mordu, déplore le député socialiste Philippe Brun. Le message était : CNews en parle et pas les autres médias, parce que Enzo est blanc, contrairement à Nahel [l’adolescent tué à Nanterre par un policier, en juin 2023] qui est arabe. Ç’a infusé et laissé des traces. La peur de la violence brute, incontrôlée, qui arrive même chez nous, ça nourrit le sentiment que la société se délite. » |
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| | Lire aussi le récit : |
| | A Mont-Saint-Martin, la ténacité d’un maire après les émeutes urbaines : « La République ne recule pas » |
| | Dans la mairie, voisine du lieu de l’homicide, M. Marais confie son désarroi : « Je ne suis pas le Bon Dieu… Les gens vont se tourner encore plus vers le RN, c’est comme ça, avec l’insécurité. » Les violences physiques crapuleuses ont pourtant baissé de 12 % en 2023, dans ce département qui compte moins d’atteintes aux personnes que la moyenne nationale. « De plus en plus de jeunes se baladent avec des armes blanches, poursuit le maire. Ils disent aux gendarmes que c’est pour se défendre. Se défendre… Mais contre quoi ? » |
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| | « Pas d’émeutes, pas de minute de silence » |
| | Aux gendarmes, le jeune Dave – toujours en détention provisoire – a déclaré avoir saisi son couteau dans la boîte à gants, de peur de tomber dans un guet-apens. Il l’avait acheté sur Amazon, puisque ses parents lui conseillaient d’en avoir un. « A la télé, ça n’arrête pas, les gens se font agresser tous les jours, même dans nos campagnes », confie la mère, qui reçoit Le Monde dans son salon, où la télévision est allumée. Cette famille enveloppante avait choisi une vie paisible, en lisière de forêt. Le père, ouvrier, avait cédé pour cette sortie à la patinoire en exigeant : « Pas de connerie ! » Eternel regret. Mais un couteau, quand le port d’une telle arme est illégal ? « On sait jamais », maintiennent les parents, persuadés qu’en cas d’attaque leur fils resterait sur le carreau. « Avec son 1,65 mètre, Dave n’est pas un dur à cuire. Une claque, et il tombe par terre », décrit la mère de ce garçon sans antécédents judiciaires et qui, en prison, a réclamé son doudou. Elle pense à l’autre mère : « Elle a perdu son fils, jamais je ne pourrai comprendre sa douleur. » |
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| | Sophie Goupil, de son côté, défend son enfant disparu, elle qui acceptait que « jeunesse se passe » avec un peu d’alcool et de cannabis. « Il fallait pas trop le titiller non plus, dit-elle. Enzo disait : “Si t’es un bonhomme, tu te bats avec tes poings.” Je ne vais pas décrire mon fils comme un ange, mais comme le fils parfait à mes yeux. » Au fil du deuil, elle a pris ses distances avec toute récupération politique. « Ça me mettait en colère de voir que le haut de l’Etat ne réagit que quand il y a des émeutes, dit-elle. Pas d’émeutes, pas de gouvernement, pas de minute de silence. » |
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| | Le drame a, en réalité, interpellé jusqu’à l’Elysée, où Emmanuel et Brigitte Macron ont demandé des remontées. Le ministre des armées, Sébastien Lecornu, ancien maire de Vernon, à 30 kilomètres de Louviers, a vu la mère d’Enzo trois fois. Au cœur de l’été, le procureur de la République d’Evreux a reçu les parents. Le préfet de l’Eure s’est rendu chez eux et à une marche blanche. « Le maire, le député, le préfet, ces personnes de l’Etat m’ont permis de voir les choses différemment », résume Mme Goupil, qui avait remercié Marine Le Pen dans son post de l’été 2023. |
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| | L’emballement se répète |
| | « On a fait notre travail pour remettre les choses à leur juste place, rappeler la procédure en cours et l’indépendance de la justice, détaille le préfet de l’Eure, Simon Babre. Avec la tourmente médiatique, il y a eu des raccourcis, de la confusion, des propos tonitruants erronés. » Alors que Dave devrait sortir de prison avant son procès, attendu début 2025 (la détention provisoire ne peut excéder un an pour un mineur), les pouvoirs publics redoutent l’étincelle des règlements de comptes. « Les jeunes ont envie de vengeance. Je leur dis : “Laissez faire la justice.” Mais il faut que ça bouge dans le bon sens », prévient la mère d’Enzo. |
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| | Au parquet d’Evreux, le procureur Rémi Coutin précise que l’instruction avance et qu’« on ne peut reprocher à l’institution judiciaire une quelconque inertie ». « Il y a eu une honteuse récupération politique, poursuit le magistrat. Rien ne permet de rattacher le suspect à l’immigration. Quelle que soit la peine prononcée, la douleur n’est jamais réparable. Cette douleur a été exploitée de façon indigne. » Dans cette affaire comme dans d’autres, s’étonne le procureur de la République, « le parquet n’a jamais été contacté par CNews et Le JDD, alors qu’ils surfent régulièrement sur des faits divers ». |
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| | Hier Enzo, demain Thomas… L’emballement se répète. Après la mort d’un autre adolescent de 16 ans, poignardé à Crépol (Drôme), le 18 novembre 2023, l’équipe du présentateur de CNews Pascal Praud avait appelé la mère d’Enzo pour l’inviter à l’antenne. Mme Goupil a décliné. Elle a quitté son emploi à l’usine pour créer une association de prévention de la violence des jeunes. Elle l’a baptisée « Plus jamais ça », comme dans la chanson de Calogero Un jour au mauvais endroit. Au Zénith de Rouen, en février, le chanteur avait affiché les prénoms d’enfants tués au cours de rixes. Dans le noir était apparu : « Enzo, 15 ans, 22 juillet 2023 ». |
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| | Ivanne Trippenbach (La Haye-Malherbe (Eure), envoyée spéciale) |
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