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| ====== [Goûts de luxe et victimes célèbres : dans les pas des voleurs de la Goutte-d’Or]( ====== | |
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| [Goûts de luxe et victimes célèbres : dans les pas des voleurs de la Goutte-d’Or](https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/03/02/les-gouts-de-luxe-des-voleurs-de-la-goutte-d-or_6219654_4500055.html?lmd_medium=pushweb&lmd_campaign=pushweb&lmd_titre=gouts_de_luxe_et_victimes_celebres_dans_les_pas_des_voleurs_de_la_goutte_d_or&lmd_ID=6219723# ) | |
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| Goûts de luxe et victimes célèbres : dans les pas des voleurs de la Goutte-d’Or | |
| Par Yann Bouchez | |
| Publié hier à 06h01, modifié hier à 18h08 | |
| Temps deLecture 14 min. | |
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| ENQUÊTELe rappeur Booba, les footballeurs Thiago Silva et Eric Choupo-Moting, le chef Jean-Pierre Vigato ou encore la princesse d’Arenberg… La liste des célébrités victimes de cambriolages dans les beaux quartiers de l’Ouest parisien ne cesse de s’allonger. Derrière ces vols, des hommes tous issus du quartier de la Goutte-d’Or, à Paris, au mode opératoire identique. | |
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| COLLAGE DE KALEN HOLLOMON POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE » À PARTIR DE PHOTOS DE WIRESTOCK INC., DANIELE MATTIODA, MARCUS MOK, MALCOLM PARK, CHRISTIAN DELBERT, GERARD FERRY, JOHN HENSHALL / ALAMY STOCK PHOTO | |
| Au deuxième étage du tribunal de Paris, dans une petite salle de l’immense édifice en verre, le procès vient de commencer. Les cinq prévenus finissent à peine de confirmer leur identité que, déjà, la présidente de la 23ᵉ chambre correctionnelle s’agace. Pour préparer l’audience, la magistrate a lu leurs dénégations. Des pages de procès-verbaux, par dizaines. Une litanie d’esquives verbales, un éventail de « Je n’ai rien à voir avec cette histoire », de « Je n’ai plus de souvenirs », de réponses monosyllabiques ou de « Je ne m’expliquerai que devant le juge ». En cette fin d’après-midi du 18 janvier, voici le moment venu. Lunettes et cheveux en désordre, la présidente met en garde : « Vos déclarations qui partent dans tous les sens et les ADN qui s’envolent, on ne va pas passer des heures là-dessus, je vous le dis tout de suite. » | |
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| L’avertissement glisse sur les solides épaules de Mamadou C. Non, il n’a pas participé, dans la nuit du 16 au 17 novembre 2022, au cambriolage du luxueux appartement de la princesse Patricia della Giovampaola d’Arenberg, à deux pas du parc Monceau, dans le chic 8e arrondissement. Cette nuit-là, puis la suivante, en l’absence de la propriétaire, ont été dérobés des bijoux, une quinzaine de sacs Judith Leiber – 4 500 euros l’unité –, des sacs Hermès en croco, certains marqués des initiales « PDG », des valises Louis Vuitton, des chaussures Louboutin, une veste en cuir Balmain d’une valeur de 13 000 euros et tout ce que la maroquinerie de luxe sait inventer. Le préjudice est estimé à plus de 300 000 euros. | |
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| Les cambrioleurs ont escaladé une grille, puis se sont introduits par un balcon et une fenêtre au premier étage. Deux semaines avant, dans le supplément hebdomadaire du journal espagnol El País, la princesse s’était prêtée aux jeux des photos, sur son balcon avec vue sur le parc, pour un article « décoration » offrant de précieux détails sur ce « merveilleux cabinet de curiosités ». De quoi donner des idées, du côté de la Goutte-d’Or. Car, depuis quelques années, le quartier populaire du 18e arrondissement de Paris a acquis une sérieuse réputation en matière de cambriolage de célébrités. | |
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| « Arrêtez de raconter n’importe quoi ! » | |
| Dans ce dossier, Mamadou C., 22 ans, traîne une kyrielle de boulets. Il y a, d’abord, son interpellation, le 17 novembre à 1 h 20 du matin, dans un parking du 13e arrondissement de Paris, à proximité d’une Mercedes noire où se trouvaient deux acolytes, jugés à ses côtés. A la vue des policiers de la brigade anticriminalité, « Mady » (son surnom) a tenté de fuir. Puis a donné une fausse identité, vite éventée. Il y a aussi, à l’intérieur de la Mercedes, des sacs de luxe, les mêmes que ceux de la princesse. Mais aussi des gants, des cagoules et un tournevis sur lesquels les enquêteurs ont trouvé son ADN. Comme sur le volet fracturé de l’appartement cambriolé. | |
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| « Peut-être que j’ai serré la main à quelqu’un, tente « Mady ». C’est de l’ADN transportable ! En tout cas, dans mes souvenirs, je suis jamais monté là-bas. » Et le voilà parti dans des explications confuses sur un tournevis, qui aurait tourné dans son quartier de la Goutte-d’Or, dans le 18e, et aurait pu être utilisé par les cambrioleurs. « Arrêtez de raconter n’importe quoi ! », s’emporte la présidente. La soirée est bien avancée quand se termine le procès. Tous les prévenus sont condamnés. Dix-huit mois de prison ferme, avec mandat de dépôt, pour Mamadou C. Mêmes peines pour Mamadou K., 23 ans, et Moussa S., 24 ans, deux amis de la Goutte-d’Or, comme pour Francis L., 22 ans, lui aussi une connaissance du quartier, même s’il vit dans le 13e arrondissement. | |
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| Le passé judiciaire de « Mady » n’a pas plaidé en sa faveur. A son casier, une dizaine de condamnations depuis 2016 – il avait 15 ans à l’époque. Dont une bonne partie pour VPE, l’abréviation de « vol par effraction », la qualification juridique des cambriolages. Au printemps 2023, Mamadou C. a été incarcéré à la Santé, à Paris ; là encore, une histoire de « cambu ». Le 19 mai, il s’est fait prendre, avec d’autres, en flagrant délit de cambriolage de l’appartement du styliste libanais Elie Saab, dans le 16e arrondissement. Depuis, les démêlés judiciaires volent en escadrille au-dessus de sa tête. | |
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| « Casseurs », selon le jargon policier | |
| Le 19 janvier, le voilà mis en examen pour un autre cambriolage chez une instagrameuse, en août 2023, qu’il aurait orchestré depuis la prison à l’aide de téléphones portables retrouvés dans sa cellule et sous le pseudo « ledyms18 » – il nie. La semaine suivante, fin janvier, il est convoqué dans une autre affaire, plus violente, d’intrusion chez un haut dirigeant de l’entreprise Bouygues, à Meudon, dans les Hauts-de-Seine, le 23 avril 2023. Ce jour-là, un dimanche matin, les victimes étaient présentes sur les lieux. Le père de famille, frappé par l’un des malfaiteurs, a perdu plusieurs dents. Mamadou C. a été confondu plus tard par la téléphonie – il dément encore toute implication. | |
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| Que ce soit à l’audience du 18 janvier ou lors de ses diverses convocations judiciaires, Mamadou C. en a dit le moins possible sur lui. Pas question d’évoquer ses neuf frères et sœurs, ou sa scolarité avortée en première année de CAP plomberie. Il n’a pas été plus loquace sur ses amis de la Goutte-d’Or, ce petit quartier populaire du nord de la capitale, où il est né et a grandi. Au cours d’une de ses nombreuses auditions, il a tout de même convenu : « Je fais des cambriolages, en gros. » Et puis cette confidence : « Quand j’étais plus jeune, je cassais des portes. » Son avocate, Me May Sarah Vogelhut, n’est pas allée jusqu’à plaider le déterminisme géographique. | |
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| Pourtant, à l’est de la butte Montmartre, entre le boulevard de la Chapelle et le périphérique, la Goutte-d’Or et ses « casseurs », selon le jargon policier, sont bien connus de la justice, même si Belleville, dans le 20e, ou le 10e, plus au sud, lui fait parfois concurrence. Pour avoir parmi ses clients plusieurs auteurs de vol par effraction issus de ce quartier, Mᵉ Vogelhut sait que « Mady », adolescent, a été fasciné par quelques figures locales. Comme d’autres gamins, il a vu de près des « grands » partir détrousser des personnalités dans les beaux quartiers. Et a rêvé de leurs histoires d’argent facile. | |
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| En l’absence des propriétaires | |
| L’affaire la plus connue remonte à plus de cinq ans. A la fin 2018, puis durant l’été 2019, plusieurs célébrités se font cambrioler de nuit. Le 29 novembre 2018, c’est d’abord l’attaquant du Paris Saint-Germain Eric Choupo-Moting qui constate que son appartement, au quatrième étage d’un chic immeuble du 17e arrondissement, est complètement retourné. Soixante-deux sacs à main de luxe, des montres Rolex et Hublot, des stylos Montblanc et des bijoux pour un butin estimé à 600 000 euros. Le 9 décembre, le domicile, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), d’Elie Yaffa, plus connu sous son nom de rappeur, Booba, est dévalisé. Préjudice matériel évalué à 500 000 euros, dont la moitié pour une montre Corum en diamants. | |
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| Le 23 décembre de la même année, les monte-en-l’air parviennent à pénétrer dans la villa Montmorency, une rue fermée et protégée pleine d’hôtels particuliers et de résidences de luxe, dans le 16e arrondissement. Après avoir escaladé les hautes grilles, puis être montés par une gouttière jusqu’au cinquième étage, ils pillent l’appartement de Thiago Silva, défenseur du PSG – environ 1,2 million d’euros d’objets volés. Puis, entre le 2 août et le 21 août 2019, les domiciles de l’animateur Patrick Sébastien, du chef Jean-Pierre Vigato et l’appartement où réside un riche Saoudien de passage sont visités – 1,8 million d’euros de préjudice rien que pour ce dernier. A chaque fois, les vols sont commis en l’absence des propriétaires, sans violences physiques. | |
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| Dès le début 2019, la police fait le lien entre tous ces dossiers. L’étude de la téléphonie et les images de vidéosurveillance ont permis aux policiers de la brigade de répression du banditisme (BRB) d’identifier plusieurs hommes de la Goutte-d’Or. Le plus connu dans le quartier, où il est admiré et craint, s’appelle Mohamed S., alias « Jet Li », 27 ans, un âge respectable pour ce milieu. Il compte, entre 2006 et 2017, une trentaine de condamnations, dont huit pour « vol aggravé » devant le tribunal pour enfants. Placé en foyer à l’adolescence, il n’est pas allé jusqu’au bac. | |
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| « Bouks », « Daso », « Microbe » | |
| Autour de lui gravitent nombre de copains d’enfance tous « très défavorablement connus des services de police », note la BRB. Il y a là Kader B., alias « Derkus », qui végète la journée et affectionne, la nuit, les parties clandestines de poker, qu’il lui faut bien financer. Lui a grandi rue de Laghouat, au cœur du quartier. Le 9 mai 2019, au téléphone avec un détenu de la maison d’arrêt de Fresnes, il ne peut s’empêcher de parler « cambriolage » et « plans de fils de pute » qu’il enchaîne, avant de résumer : « Putain, c’était un bon hiver, hein ! » | |
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| Il y a aussi « Bidou », surnom d’Abdelazim G., venu se poser à la Goutte-d’Or à la fin des années 2000, après une enfance cabossée et des rêves de chef cuisinier vite envolés. Et puis « Bouks », « Daso », ou « Microbe », tous nés entre 1990 et 1993. Tous déjà condamnés dans d’autres affaires moins retentissantes. Ils forment ce que les enquêteurs appellent « une équipe à tiroirs » : ils sont parfois trois sur un coup, quatre ou cinq sur le suivant. Ils multiplient les cartes SIM, usent parfois de « lignes de guerre », ces numéros de téléphone utilisés juste avant et après le forfait, puis abandonnés. Pour communiquer, ils procèdent par applications cryptées, viennent parfois en voiture de location ou en Heetch, sous de fausses identités. Vaines précautions : la téléphonie ou quelques imprudences finissent par les trahir. | |
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| Durant plusieurs mois, à partir du début de l’année 2019, les policiers les observent, écoutent leurs nombreuses lignes téléphoniques. Les voient flamber, aussi : certains boivent du champagne sur les Champs-Elysées ou dépensent leur argent en soirée. Fin janvier, « Bidou » s’offre un voyage de trois semaines en Thaïlande avant de partir, au printemps, deux mois au Maroc, avec « Jet Li ». Les enquêteurs de la BRB en ont la certitude : ces hommes ont fait de la cambriole leur métier. Dans le langage des rapports de synthèse, les policiers résument : « Les mis en cause n’avaient manifestement aucune source de revenus légale et ne travaillaient pas. Ils vivaient essentiellement la nuit, ne fréquentant la plupart du temps que des lieux du 18e arrondissement (rue de Clignancourt, au bar Le Rugby, rue de Laghouat), et occasionnellement des quartiers plus festifs, tels que les Champs-Elysées ou Bastille. » A la Goutte-d’Or, la jeunesse désœuvrée aime se faire raconter leurs « exploits ». | |
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| Les réseaux sociaux, une mine d’informations | |
| « Le 18ᵉ, c’est la genèse, l’origine. Depuis cette affaire, ça a essaimé », estime un enquêteur habitué à ces dossiers. Les gars de la Goutte-d’Or n’ont rien inventé, le cambriolage est vieux comme la propriété privée. Mais le phénomène s’est intensifié ces dernières années, pestent les policiers. Ce business présente quelques avantages. Il nécessite moins de logistique qu’un braquage ou que le trafic de stupéfiants. Les peines encourues sont plus légères. Et si les bijoux sont plus durs à écouler, la maroquinerie de luxe « se revend très bien, à moitié prix », selon une source policière. | |
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| Les adresses des célébrités se trouvent notamment grâce à la complicité de livreurs à domicile ou sur des sites Internet comme Pappers, qui recensent les adresses des entreprises individuelles. Parfois, un contact aux impôts ou à l’Assurance-maladie peut fournir une précieuse source d’adresses. Surtout, les personnalités s’exposent sur les réseaux sociaux, offrant imprudemment une mine d’informations. A l’image de l’instagrameuse visée par « Mady » et ses complices, qui a depuis supprimé son compte sur le réseau social. | |
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| Le « métier » recrute très jeune : les « petits » de la Goutte-d’Or ont parfois une quinzaine d’années, à peine. Souvent encadrés par un « lieutenant » un peu plus âgé qu’eux le jour du vol, ils travaillent pour un « grand » du quartier, qui peut parfois même passer des consignes depuis la prison. Mᵉ May Sarah Vogelhut évoque des « équipes ad hoc », dont la composition varie selon les circonstances : « Vous éliminez ceux qui sont sous bracelet électronique ou sous contrôle judiciaire. Et puis il y a ceux qui ont un besoin urgent d’argent, ou pas. Ceux qui sont très jeunes et à qui maman a dit : “C’est fini !” Ou ceux qui ont grandi et à qui un autre type de maman, leur femme, dit : “C’est fini !” » | |
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| Soirées arrosées ou dépenses clinquantes | |
| Un bracelet électronique ou un contrôle judiciaire n’empêche pas toujours d’aller faire de la « grimpe ». Certains sont devenus accros. « Il y a parfois une addiction aux vols, relève Thomas Ramonatxo, avocat de plusieurs cambrioleurs. Ce sont des joueurs, plusieurs pratiquent d’ailleurs le poker. Quand ils rentrent dans un appartement, ils peuvent ressentir une adrénaline folle : qu’est-ce qu’il y a dans le coffre, dans les chambres ? C’est comme au casino, vous attendez les cartes et vous pouvez rafler la mise. Tomber sur pas grand-chose, ou gagner 1 ou 2 millions. Ça peut changer leur vie. » | |
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| D’autant que la justice retrouve rarement la totalité du butin des vols, loin s’en faut. Soit parce que l’argent a été dilapidé, en soirées arrosées ou en dépenses clinquantes. Soit, plus rare, parce qu’il a été blanchi. Afin de brouiller les pistes, certains « casseurs » évitent les structures bancaires classiques et privilégient l’ouverture de multiples comptes Nickel qui font le bonheur des bureaux de tabac. Une pièce d’identité et un téléphone suffisent pour en créer un en cinq minutes. Le buraliste prendra une commission sur le cash déposé – le système est légal, si on élude la question de l’origine de l’argent liquide. | |
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| Pour la bande de « Jet Li », constituée de majeurs expérimentés, l’aventure a pris fin le 22 août 2019. Au lendemain du cambriolage du domicile du Saoudien, Mohamed S. et ses acolytes sont interpellés. Lors d’une perquisition matinale au domicile d’Emma H., une de ses amies, les policiers découvrent des dizaines de bijoux, des pièces de maroquinerie de luxe, un pistolet automatique, des gilets pare-balles, 4 000 euros et 9 000 dollars (8 300 euros) en liquide, une dizaine de supports de cartes SIM, mais aussi une valise contenant notamment un pied-de-biche, un burin, une pointerolle… | |
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| Et, dans un agenda de 2017-2018, plusieurs feuilles volantes sur lesquelles sont listées à la main des adresses. Celles des animateurs Thierry Ardisson, Laurent Ruquier et Benjamin Castaldi ou encore du président du PSG, Nasser Al-Khelaïfi, y figurent. Deux ans plus tard, à l’été 2021, sept hommes et une femme comparaissent devant le tribunal correctionnel de Paris. Tous sont jugés coupables. « Jet Li » et « Bidou », les plus lourdement condamnés, prennent six ans chacun, après l’appel. Dans son arrêt du 17 mai 2022, la cour d’appel de Versailles note « les aveux tardifs, manifestement concertés » des coprévenus, qui ont refusé « de s’exprimer sur le rôle de leurs coauteurs ». | |
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| « C’est mieux que de voler des gens au RSA » | |
| Les hommes de la Goutte-d’Or n’ont livré aucune explication sur la liste d’adresses trouvée par les enquêteurs, dont ils assurent ne pas s’expliquer la présence. Mohamed S. a seulement reconnu avoir participé aux cambriolages chez Thiago Silva et Jean-Pierre Vigato. Comme les autres, il a souvent nié ou minimisé tout repérage préalable et toute coordination. A écouter les prévenus, il s’agissait de simples « plans » parfois donnés par des « grands » du quartier jamais nommés, ou des balades dans des beaux arrondissements qui ont suscité de soudaines envies de « grimper ». A propos du vol dans l’appartement de Booba, qu’il a reconnu, Abdelazim G. a indiqué : « Lui gagne des millions et c’est mieux que de voler des gens touchant le RSA. » | |
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| Dans son bureau, où un tableau représente Al Pacino en gangster, Mᵉ Karim Morand-Lahouazi évoque une délinquance « d’opportunité, de quartier, pour certains d’amitié ». L’avocat a défendu « Bidou » lors de ses procès en 2021 et en 2022. Il s’est aussi occupé, avec son associé Valentin Guégan, du cas de Reda B., surnommé « Souris », un autre gars de la Goutte-d’Or. Cet ami de « Jet Li » a été condamné, entre autres, pour le cambriolage, en mars 2021, de la maison du joueur argentin du PSG, Angel Di Maria. M Morand-Lahouazi gère également les nombreuses procédures judiciaires visant Amir E. S., un jeune homme qui traîne souvent dans le même quartier, mis en cause dans des cambriolages, parfois violents, dont celui du domicile yvelinois de la famille du capitaine du PSG, le Brésilien Marcos Aoas Correa, dit Marquinhos, en mars 2021. | |
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| « Il n’y a pas de spécialisation de la Goutte-d’Or dans les cambriolages, ça se fait dans tous les quartiers », assure l’avocat, à rebours de l’analyse des policiers et de certains de ses confrères. Avant de tempérer : « Mais il y a peut-être des jeunes qui se sont dit : “Tiens, il y en a qui ont fait ça.” Et ont pensé : “Pourquoi pas moi ?” » A propos de ses clients condamnés dans ce genre d’affaires, il relève leurs enfances cabossées. Parmi eux, plusieurs ont été placés en foyer à l’adolescence : « Il y a des failles chez eux et le quartier devient leur famille. Ils trouvent un refuge dans les relations qu’ils tissent les uns avec les autres. » Me May-Sarah Vogelhut observe elle aussi une forme de solidarité : « Il faut voir comment ils montent au front les uns pour les autres. Ils se cherchent aussi un entourage affectif. » | |
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| S’entraîner sur le grand mur d’escalade | |
| A la Goutte-d’Or, entre « casseurs », on se protège, souvent. On se tire la bourre, parfois, aussi. Et, régulièrement, on se partage des « plans ». L’emprise du quartier, peu la racontent à la justice. Le 14 octobre 2020, dans le cabinet d’une juge d’instruction, Billel F. s’est aventuré sur ce terrain, encouragé par son avocat, Thomas Ramonatxo, qui le défend depuis une décennie. Alors âgé de 29 ans, Billel F. vient de déménager à Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis. Sa jeunesse, il l’a passée à Paris, de l’autre côté du périphérique, dans le 18e. Il y est devenu l’un des meilleurs « grimpeurs » du quartier. | |
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| Comme d’autres, il lui arrivait, pour préparer un coup, de s’entraîner sur le grand mur d’escalade du centre sportif des Poissonniers, au nord de la Goutte-d’Or. D’année en année, il a vu son casier judiciaire s’épaissir ; une douzaine de condamnations depuis 2012. En cet automne 2020, le 9 octobre, il vient de prendre deux ans de prison, dont un avec sursis, pour le vol de 500 000 euros chez un joueur brésilien du PSG, Dani Alvès, à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Il avait escaladé deux portails avant de rentrer par une fenêtre. | |
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| Mais le 14 octobre, dans le huis clos du cabinet de la juge, il doit s’expliquer pour un autre vol, commis quelques mois plus tôt, celui d’un coffre-fort et d’objets de luxe chez une richissime Française, à l’époque mariée à un milliardaire américain propriétaire de la tour Chrysler, à New York. Un « plan », pour lequel il prendra un an de prison, proposé par un vieil ami de la Goutte-d’Or, Foued B., et ses frères. Cette fois-là, le choix de l’adresse relève d’un concours de circonstances : le père de la victime, acheteur régulier de drogue auprès de Foued B., avait eu la mauvaise idée de lui faire visiter l’appartement de sa fille, sans penser à mal. | |
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| « Il y a tout le temps la tentation » | |
| Dans son audition, Billel F. refuse de donner les noms de ses acolytes, d’en dire trop sur les histoires du quartier. Alors il décrit juste une ambiance, sans entrer dans les détails : « Dans le 18ᵉ, j’habitais dans un studio, rue Ernestine. Là-bas, c’est plus des bandes de voleurs ou de cambrioleurs. Il y a tout le temps la tentation quand on est dans le quartier, tout le temps quelque chose à faire. » Selon le récit de Billel F. : « Au dernier moment, je me suis dit que j’allais me faire un petit billet et je suis monté. » | |
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| En pleine pandémie de Covid-19, explique-t-il, impossible de continuer ses boulots dans les restaurants. Lui, qui avait failli suivre une formation pâtisserie à l’école Ferrandi, s’est laissé tenter, une fois de plus, « même si personne ne m’a mis de couteau sous la gorge ». « Le problème, c’est que j’ai toujours été un voleur depuis tout petit, confie-t-il à la magistrate. Mais au bout d’un moment, il faut… arrêter. » Aujourd’hui, il travaille à nouveau, dans la restauration. Mais ses ennuis judiciaires ne sont pas terminés ; il a depuis été mis en cause dans une autre affaire, pas encore jugée. Dans le quartier, les histoires de cambrioleurs sont souvent un éternel recommencement. | |
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| Yann Bouchez | |
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