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-====== [Le Monde – Derrière les fausses interviews d’Elise Lucet ou de Jamel Debbouze, les mafias des arnaques aux placements   ====== 
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-[Le Monde – Derrière les fausses interviews d’Elise Lucet ou de Jamel Debbouze, les mafias des arnaques aux placements](https://www.lemonde.fr/pixels/article/2024/03/26/derriere-les-fausses-interviews-d-elise-lucet-ou-de-jamel-debbouze-les-mafias-des-arnaques-aux-placements_6224203_4408996.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default ) 
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-https://www.lemonde.fr/pixels/article/2024/03/26/derriere-les-fausses-interviews-d-elise-lucet-ou-de-jamel-debbouze-les-mafias-des-arnaques-aux-placements_6224203_4408996.html 
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-LÉA GIRARDOT / « LE MONDE » 
-Derrière les fausses interviews d’Elise Lucet ou de Jamel Debbouze, les mafias des arnaques aux placements 
-Par Damien Leloup et Florian Reynaud 
-Par Damien Leloup et Florian Reynaud 
-Par Damien Leloup et Florian Reynaud 
-Aujourd’hui à 05h50, modifié à 10h11 
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-ENQUÊTE Depuis plusieurs mois, des publicités trompeuses usurpent l’image du « Monde » et d’autres médias français pour promouvoir sur les réseaux sociaux de supposés placements financiers. Des escroqueries liées au crime organisé, à travers un vaste système de sous-traitance que nous avons tenté de décrypter. 
-Lecture 13 min 
-Au téléphone, Jérôme Legrand était toujours charmant. Ponctuel, gentil, s’exprimant dans un français parfait, le représentant d’ICMarket Trading, à Londres, « inspirait une grande confiance », se souvient Louise D. Elle et son mari ont été victimes d’une escroquerie aux faux placements, une prétendue nouvelle méthode pour spéculer sur les cryptomonnaies grâce à une application révolutionnaire. « On a d’abord versé 250 euros, pour nous initier, et tout allait bien : très vite, on a vu que la valeur du placement montait. Jérôme nous a alors demandé si l’on avait des possibilités financières ; il nous a dit qu’il faudrait que l’on place 10 000 euros, puis il nous a conseillé de verser plutôt 15 000 euros. » 
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-Le couple suit ses conseils et envoie plusieurs virements, pour un total de 15 000 euros. D’après les jolis graphiques figurant sur l’application d’ICMarket Trading, ils ont fait une excellente affaire : « On s’est retrouvés à la tête de 52 284 euros, et l’on a voulu récupérer une partie de l’argent. C’est là que les choses se sont gâtées. » Leur placement est en cryptomonnaies, leur explique, toujours gentiment, « Jérôme » : il faut donc les échanger contre des euros, et cela a un coût, une « flat tax » de 30 %. Et 11 000 euros pour tout récupérer, c’est trop : le couple décide de sortir 10 000 euros de son placement et envoie donc un nouveau virement de 3 000 euros, toujours à la même banque, en Lituanie. 
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-Inforgaphie Le Monde 
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-« Là, notre banque s’est manifestée, poursuit Louise. Ils nous ont appelés en nous disant que l’on avait fait beaucoup de virements importants vers l’étranger et qu’ils nous conseillaient d’être prudents. On a été trop confiants, on a accepté de signer une décharge », demandée par la banque pour procéder au virement. Le couple part une semaine en vacances. Au retour, Jérôme Legrand, un faux nom, a disparu : « C’était le grand silence. Plus aucun moyen de le joindre, compte bloqué sur l’application, plus aucun numéro de téléphone ne répond… C’était terminé. » Louise et son mari ont perdu 18 250 euros. « On sait très bien qu’on ne les reverra jamais », soupire-t-elle. 
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-Le couple est loin d’être le seul à avoir subi ces escroqueries très efficaces qui fonctionnent grâce à un vaste écosystème d’intermédiaires spécialisés travaillant pour des structures criminelles. L’entreprise de cybersécurité Group-IB, qui suit, depuis six ans, les activités d’un groupe criminel opérant ce type d’arnaque à destination de la France et de la Belgique, estime que l’organisation en question a pu dérober, à elle seule, près de 500 millions d’euros. 
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-Fausses publicités avec Elise Lucet ou Timothée Chalamet 
-Pour Louise, comme pour des milliers d’autres personnes en France et dans de nombreux pays, tout commence par une publicité vue sur Internet, l’un de ces encarts accrocheurs qui ont envahi, ces derniers mois, les fils d’actualité de Facebook ou de X, ou les « liens sponsorisés » de Google. 
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-Le schéma est toujours le même : la photo d’une célébrité – Jamel Debbouze, Timothée Chalamet, Elise Lucet, Cyril Lignac… – et un titre annonçant que celle-ci risque de graves ennuis judiciaires après avoir révélé en direct à la télévision les secrets de sa fortune. 
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-S’il clique, l’internaute est redirigé vers un faux article imitant à la perfection ceux du Monde et de Libération. La célébrité y « révèle » le nom d’une application d’investissement censée être révolutionnaire. L’article inclut aussi un « test » de ce nouvel outil de placement par des journalistes. Dans le cas de Louise, le piège consistait en un faux entretien du Monde entre la journaliste de BFM-TV Apolline de Malherbe et Marion Maréchal. Pour de très nombreux internautes, c’est une photo d’Elise Lucet qui est apparue dans ces publicités. Excédée, la journaliste d’« Envoyé spécial » a publié, le 6 mars sur X, un message de mise en garde du public contre ces escroqueries. Le Groupe Le Monde, de son côté, a porté plainte, le 22 mars, pour « usurpation d’identité numérique », « contrefaçon de marque », « pratiques commerciales trompeuses » et « escroquerie ». 
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-Les faux articles sont parfois écrits dans un français approximatif. 
-Ces faux articles du Monde et de Libération sont diffusés grâce à des encarts publicitaires, sur les réseaux sociaux ou sur Google, achetés par des centaines de comptes fictifs. Sur Facebook, des pages ayant parfois moins de dix abonnés, au nom de « Peter Parker », le nom civil du super-héros Spider-Man, ont pu acheter des dizaines de publicités. Quant aux adresses des sites hébergeant ces prétendues interviews d’Elise Lucet, de Jamel Debbouze ou de Francis Cabrel, elles imitent souvent celles de grands médias : lomonde.fr, lemonde.blog, liberationsnews.com… Ces noms de domaine sont achetés par dizaines et habilement masqués. Bref, tout est fait pour qu’il soit impossible de retrouver la trace des propriétaires. 
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-En collaboration avec l’ONG de défense des médias Qurium, Le Monde a cependant pu établir un lien technique direct entre de nombreuses publicités ciblant la France depuis plusieurs semaines et une entreprise basée en Russie. Cette petite société, baptisée RPT Company et inconnue du grand public, n’a pas donné suite à nos sollicitations. Fondée par deux Russes, Yakov Rutman et Leonid Belov, elle pratique un genre particulier de marketing. 
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-Les sous-traitants du « marketing d’affiliation » 
-Dans ce monde d’arnaques à tiroirs, de telles entreprises sont appelées des « affiliés ». Ce sont en quelque sorte des VRP anonymes, dont le rôle est d’amener les victimes, à l’image de Louise D. et de tant autres, vers les téléopérateurs chargés ensuite de les convaincre d’investir leur argent dans une fausse offre de placements financiers. 
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-Leonid Belov et ses associés n’entendront jamais le son de la voix de leurs proies. Leur mission, dans cette chaîne criminelle, se limite à acheter des publicités en ligne, à mettre en place de faux articles de presse pour appâter les internautes, à concevoir une fausse page d’accueil vendant des investissements aguicheurs, puis à inciter les « cibles » à fournir leurs coordonnées. Nom, prénom, numéro de téléphone et adresse e-mail, ces informations seront ensuite revendues aux clients, les beaux parleurs des centres d’appels, comme l’éphémère « Jérôme Legrand ». Le travail de RPT Company s’arrête là. 
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-Lire aussi : 
-Sur Internet, le nouvel âge de l’arnaque à grande échelle : faux sites Web, voix clonée, e-mail usurpé… 
-En principe, ces « affiliés » masquent plutôt bien leurs traces. Rien ne doit permettre, par exemple, de savoir que ces prétendues interviews de l’animateur Yann Barthès sont en réalité montées de toutes pièces par une entreprise russe. Sauf qu’au détour d’une page, Leonid Belov a commis une erreur, en l’occurrence un bout de code informatique renvoyant vers un nom de domaine réservé avec son adresse e-mail personnelle. Cette gaffe a permis au Monde et à Qurium d’établir des liens techniques entre RPT Company et une fourchette de 500 à 1 000 noms de domaine enregistrés au cours des derniers mois, conçus pour servir un vaste réseau d’escroqueries. Il faut dire que la petite société russe connaît bien ce milieu : active depuis 2018 au moins, elle donne régulièrement des interviews à la presse du secteur et était jusqu’ici spécialisée dans le « nutra », c’est-à-dire la promotion de produits de santé douteux. Ses zones géographiques favorites : l’Amérique latine et, dans une moindre mesure, l’Europe. 
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-Leonid Belov (tout à gauche) et Yakov Rutman (à sa droite), lors d’un événement organisé aux Emirats arabes unis pour les acteurs du secteur du marketing d’affiliés. 
-Les sites pour initiés regorgent d’articles sur la success story de Leonid Belov et de ses comparses. En mars 2023, ils ont même remporté un concours organisé à Abou Dhabi par un acteur important du marketing d’affiliés. Sur une vidéo de l’époque, toute l’équipe, vêtue de costumes chics, est célébrée sur scène. Alors que retentit la chanson We Are the Champions, du groupe Queen, Leonid Belov exulte, les larmes aux yeux, et enlace ses compagnons. Parmi les prix mis en jeu ce soir-là, une Aston Martin et plusieurs dizaines de milliers de dollars. « Ce furent cinq longues années, nous avons travaillé jour et nuit pour passer de 5 000 roubles [50 euros] de revenus à cette victoire », explique l’entreprise sur les réseaux sociaux. 
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-RPT Company n’est pas la seule société à s’activer dans ce secteur ultra-compétitif et très lucratif. Plusieurs dizaines d’autres, pour la plupart immatriculées à Chypre, dans les pays de l’ex-bloc soviétique ou en Israël, sont à la lutte, cherchant sans cesse à « recruter » de nouvelles victimes pour des escroqueries, mais aussi pour des sites de jeux d’argent ou de pornographie. Ce milieu si particulier a ses rendez-vous, ses conventions à Chypre, à Dubaï ou en Pologne, sa presse spécialisée, ses forums et ses canaux sur la messagerie Telegram. 
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-La France, cible de choix 
-Qui conçoit ces faux articles ? Le Monde n’est pas parvenu à identifier les auteurs de ces modèles. Une certitude : une fois conçus, ceux-ci sont souvent aspirés et repris par d’autres affiliés, les formules à succès étant souvent pillées sans vergogne. Il existe même des articles pédagogiques expliquant, pour chaque pays, les sites populaires et les célébrités nationales susceptibles d’être utilisées. 
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-La France y est décrite comme un marché risqué, mais juteux. « En France, les publicités sont onéreuses et la compétition très élevée entre affiliés, explique, sur son site, Swanker, un important acteur dans la promotion des cryptomonnaies et des placements financiers, mais il s’agit d’une des [zones géographiques] avec les profits les plus importants. » 
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-Sur le site Swanker, on trouve de nombreuses études de cas sur les marchés les plus juteux. 
-Ces « affiliés » font du marketing « blackhat », c’est-à-dire qu’ils agissent en toute conscience en infraction totale avec les règles d’utilisation de Facebook, d’Instagram, de X et de Google. Mieux, les boucles de discussion et les articles de blogs pour initiés sont remplis de conseils pour échapper à la vigilance des plates-formes. Ils mettent également à l’honneur un outil appelé Dolphin, jugé idéal pour gérer plusieurs comptes Facebook à la fois. De son côté, le groupe Swanker, spécialisé dans la promotion des placements financiers, répertorie sur son site les meilleurs endroits où acheter de faux comptes sur les réseaux sociaux, voire des profils piratés, puis revendus sous le manteau. 
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-Lire aussi : 
-« Je souffrais de solitude, il m’a fait voir la vie en rose » : les ravages des escrocs de l’amour en ligne 
-Cet écosystème semble aujourd’hui déborder les géants du Web. Facebook, X ou même Google sont inondés, ces derniers temps, de publicités frauduleuses. Sollicité, Meta (Facebook) a supprimé plusieurs pages sur la foi de données collectées par Le Monde, tout en précisant poursuivre son enquête. L’entreprise rappelle par ailleurs qu’elle a, par le passé, engagé des actions en justice contre des sociétés ayant diffusé des publicités malveillantes ou exploité les outils du réseau social. Des publicités de ce type sont toujours omniprésentes sur X, qui a largement démantelé ses équipes de sécurité et ne répond plus aux sollicitations des médias depuis son rachat par Elon Musk. 
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-Une analyse du ratio entre coûts et bénéfices d’un ciblage des internautes français, sur une chaîne Telegram spécialisée dans les arnaques aux faux placements. 
-Jusqu’à peu, la France était moins touchée par ces escroqueries que d’autres pays européens. Mais, depuis deux ans, la donne a changé, les cibles ont évolué. Ainsi, le Canada, plutôt épargné, fait désormais face à une avalanche d’arnaques aux faux placements. 
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-« Nous avons constaté que certains de ces groupes se sont aussi récemment réorientés vers des pays d’Europe de l’Est, ajoute Anton Ushakov, de Group-IB. Il y a sans doute plusieurs raisons à ces évolutions, mais, du point de vue des escrocs, il est intéressant de s’attaquer à des pays peu touchés auparavant : le grand public est moins informé des risques, cela rend leur tâche plus facile. » 
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-Jusqu’à 1 000 euros par victime pour les rabatteurs 
-Combien gagnent ces affiliés ? Dans ce milieu, tout est question de « coût par acquisition » : l’intermédiaire – par exemple, la société russe RPT Company – est payé en fonction du nombre de personnes ayant in fine effectué un versement sur l’une des plates-formes de trading frauduleuses. Les tarifs français avancés par les acteurs du secteur oscillent entre 850 et 1 000 dollars (de 785 à 925 euros environ) par « client » rabattu vers la plate-forme. Un tarif si élevé qu’il incite, par ailleurs, les téléopérateurs et escrocs à l’œuvre en bout de chaîne à mettre la pression sur leurs victimes pour rentabiliser l’achat des coordonnées. 
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-Ce marché ne fait pas beaucoup d’efforts pour se cacher. Ainsi, en se faisant passer pour une entreprise désireuse de promouvoir des investissements en cryptomonnaies, Le Monde a pu approcher une société ukrainienne, dont l’objet est de mettre en relation des « affiliés » et des acheteurs de coordonnées de clients, autrement dit les escrocs, comme le dénommé Jérôme Legrand. « Il vous faut des médias locaux, qui instaurent la confiance du client potentiel. Vous pouvez utiliser des célébrités et leurs success stories d’investissements », conseille « Tanya », un contact commercial de la société ukrainienne. Le prix demandé aux clients par cette entreprise est, pour le marché français, de 850 dollars par acquisition d’internaute piégé. 
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-Au cours d’une conversation sous couverture, « Tanya », commerciale pour un réseau d’affiliés, détaille les produits de l’entreprise mais aussi les tarifs pratiqués et les résultats atttendus. 
-Une première réunion est organisée avec les « commerciaux » ukrainiens, sur Telegram. Au moment où l’on finit par se présenter comme journaliste, le ton, jusque-là amical, devient plus sérieux. Tanya assure que son entreprise n’a pas la main sur la façon dont les affiliés partenaires travaillent, et que, lorsque certains d’entre eux franchissent la ligne ou se montrent trop « agressifs », ils sont évincés de leur carnet d’adresses. 
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-Se soucient-ils aussi de savoir si les entreprises qui les sollicitent pour mener des campagnes de publicité sont honnêtes ? Tanya n’a pas répondu à cette question, mais ses collègues, un peu plus tôt, l’ont fait à sa place en détaillant les placements financiers déjà promus par leur réseau en Allemagne et en Belgique : Immediate Bitwave, Immediate Code et Immediate Matrix. Rien que des noms renvoyant vers des offres et des marques faisant l’objet d’alertes de l’Autorité des marchés financiers. 
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-Des centres d’appels liés au crime organisé 
-« Oui, bonjour monsieur, je vous appelle, car vous avez laissé vos données sur notre site Immediate Avis 360. Vous avez de l’expérience par rapport aux placements en Bourse ? » Ces dernières semaines, Le Monde a beaucoup entendu cette présentation, après s’être inscrit sur de multiples sites consacrés à de telles arnaques. En bout de chaîne, les centres d’appels spécialisés jouent un rôle crucial dans le processus d’escroquerie. Leurs opérateurs doivent convaincre les victimes d’effectuer un premier dépôt de 250 euros, puis d’augmenter la mise. Le Monde a pu consulter plusieurs dizaines d’annonces de recrutement pour ces centres et participer, sous une identité d’emprunt, à des préentretiens d’embauche, pour des entreprises basées, pour la plupart, en Ukraine, en Israël ou à Chypre. Des centres similaires existent aussi ailleurs : en Moldavie, en Russie, en Géorgie et en Bulgarie. 
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-Tous proposent un intéressement à leurs employés, avec des bonus en complément de salaires déjà fort généreux. Ainsi, un centre d’appels basé à Kiev offre une rémunération variable en fonction du nombre de first time deposit (le « premier dépôt » d’une victime) obtenus par le conseiller : les meilleurs « vendeurs », qui parviennent à convaincre vingt personnes de transférer de l’argent, perçoivent 3 000 euros par mois, une belle somme dans une ville où le salaire moyen avoisine les 800 euros. Au-delà, les bons employés sont chouchoutés : iPhone de fonction dernier cri, ordinateurs MacBook offerts, repas gratuits ; certains centres mettent en avant la présence d’une salle de sport ou d’un psychologue d’entreprise dans les locaux, comme dans une start-up. 
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-En pratique, les conditions de travail dans ces centres sont pourtant loin d’être agréables, comme l’ont révélé plusieurs enquêtes sous couverture de la presse ukrainienne ou israélienne. Cadences infernales, harcèlement, intimidation… La litanie des petites annonces révèle des exigences draconiennes. Dans certains centres, les employés travaillent sept jours sur sept, sans congés, et doivent passer les appels debout, pour que leur voix soit plus naturelle. Des offres d’emploi assurent que, contrairement à ce qui se pratique ailleurs, il n’y a « pas de bizutage », « pas d’amendes si vous êtes en retard », que « les locaux sont particulièrement bien sécurisés » et que « vous avez le droit de garder votre téléphone personnel », ou encore que les manageurs sont « sympathiques et compréhensifs ». 
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-Cette dernière promesse est particulièrement sujette à caution. Depuis la mi-2023, la cyberpolice ukrainienne a procédé à plusieurs dizaines de perquisitions dans de tels centres à travers le pays, et arrêté des responsables faisant partie, selon elle, du crime organisé national. L’ampleur du problème est gigantesque : le 30 décembre, la police, avec l’appui du SBU, le renseignement intérieur, a annoncé avoir démantelé cent centres d’appels en une seule journée. Et encore, cette opération coup-de-poing est loin d’avoir mis fin aux activités des groupes criminels. 
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-Perquisition conjointe de la police ukrainienne et du SBU dans un centre d’appels consacré aux escroqueries, à Kiev, fin décembre 2023. UKRAINIAN CYBERPOLICE 
-Pendant longtemps, ce « business » figurait en bas de la liste des priorités de la police ukrainienne. Mais la guerre avec la Russie a tout changé : ces escroqueries sont aujourd’hui considérées comme présentant un risque pour la sécurité nationale, surtout lorsqu’elles s’attaquent aux citoyens ukrainiens. Le SBU lui-même participe donc désormais aux enquêtes visant ces organisations mafieuses. Au passage, il accuse le renseignement russe d’avoir monté des centres d’appels pour des arnaques ciblant les Ukrainiens, par exemple en promettant de faire revenir du front un proche mobilisé contre le versement d’une importante somme d’argent. 
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-Lire l’enquête : 
-« Doppelgänger » : autopsie de l’opération de désinformation russe 
-A l’inverse, des centres gérés par le crime organisé ukrainien ont opéré un revirement « patriotique » et orchestrent des arnaques contre le public russe. Des entreprises du secteur en viennent même à se présenter comme des « bienfaiteurs » de l’armée et du peuple. Ainsi, le 16 février, un grand réseau d’affiliation, Affhub, a organisé une soirée de boxe à Kiev. Au programme : networking, cocktails, matchs avec certaines des meilleures boxeuses du pays et une vente aux enchères caritative d’objets patriotiques, dont un canon 2A72 pris sur un blindé russe « abattu en septembre 2023 par des soldats de la troisième brigade ». 
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-Réseaux de blanchiment d’argent 
-Il reste donc le dernier maillon de la chaîne : les grands bénéficiaires, ceux qui empochent l’argent des victimes à la fin, après avoir rémunéré les téléopérateurs et les « experts » en marketing. Dans ces affaires, ce sont les protagonistes les plus difficiles à identifier, tant ils ont l’art de se cacher derrière des sites anonymisés et des sociétés-écrans. 
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-« Les perquisitions de centres d’appels ont un impact, mais il est limité, car, en général, seules les petites mains sont arrêtées, note Anton Ushakov, de Group-IB. La seule manière de stopper ces organisations est d’interpeller les têtes de réseau, mais c’est particulièrement difficile, parce qu’il faut les identifier et collecter énormément de preuves solides. » 
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-En règle générale, les victimes déposent les fonds sur de fausses plates-formes de trading, parfaitement maquillées pour paraître légitimes. L’analyse approfondie de leur fonctionnement aide à mesurer l’aspect tentaculaire du dispositif d’arnaque. Les éléments collectés par Qurium révèlent des centaines de plates-formes similaires, souvent gérées par un même acteur. Un exemple : une victime ayant investi la somme minimale de 250 euros avant de s’arrêter a été rabattue sur un site utilisant la marque Tradezilla, que des indices techniques relient à… 186 autres faux portails d’investissement ! Un autre portail, que Le Monde a identifié directement cette fois, en s’inscrivant sur une plate-forme gérée par des escrocs, renvoie à plus d’une centaine d’adresses différentes. Des traces retrouvées par Qurium suggèrent que la structure de ces derniers portails a été développée par une entreprise russe, Elmsoft. 
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-Lire aussi 
-Numéros surtaxés : la nouvelle combine des arnaqueurs pour escroquer les ados 
-Où va l’argent, une fois investi ? Le fonctionnement des plates-formes de paiement montre qu’il passe par des circuits de blanchiment complexes. Ainsi, l’analyse des transactions effectuées par des portefeuilles de cryptomonnaies liés à un faux site d’investissement identifié par Le Monde révèle que l’argent a convergé vers des plates-formes d’échange pour être converti en monnaies classiques. En trois mois, ce porte-monnaie numérique a brassé, à lui seul, plus de 1,6 million d’euros. 
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-D’autres plates-formes de paiement utilisent une infrastructure que l’on retrouve dans les casinos en ligne illégaux liés au crime organisé russe. Le Monde a pu consulter des informations de paiement d’un site d’escroquerie : en une journée, il a généré près de 12 000 euros de revenus, en provenance d’une dizaine de pays. Les fonds semblent avoir été réceptionnés par plusieurs sociétés-écrans roumaines, lesquelles s’affichent sur Internet comme des vendeurs de livres électroniques. 
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-Dans le cas de Louise D., les escrocs lui ont fourni un RIB, derrière lequel se trouve une société lituanienne enregistrée par un prête-nom. L’adresse officielle de l’entreprise correspond à la cabane en bois d’un jardin situé dans une lointaine banlieue de Vilnius. 
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