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-[Les houthistes, des rebelles yéménites devenus d’incontournables acteurs du Moyen-Orient](https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/21/les-houthistes-des-rebelles-yemenites-devenus-d-incontournables-acteurs-du-moyen-orient_6212071_3210.html?lmd_medium=pushweb&lmd_campaign=pushweb&lmd_titre=les_houthistes_des_rebelles_yemenites_devenus_d_incontournables_acteurs_du_moyen_orient&lmd_ID=6212095 ) 
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-Les houthistes, des rebelles yéménites devenus d’incontournables acteurs du Moyen-Orient 
-Par Gilles Paris et Madjid Zerrouky 
-Publié aujourd’hui à 05h30, modifié à 11h51 
-Temps deLecture 17 min. 
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-ENQUÊTELe mouvement insurrectionnel – qui contrôle désormais la portion la plus peuplée du pays – s’est imposé dans le jeu régional à la faveur de la guerre opposant Israël au Hamas. Les attaques de navires en mer Rouge, qui menacent cet axe mondial du commerce et défient les Etats-Unis, ont révélé son pouvoir de nuisance. 
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-En lançant son offensive meurtrière sur Gaza après les massacres perpétrés par le Hamas, le 7 octobre 2023, Israël redoutait l’ouverture d’un second front, au nord, sur un théâtre d’opérations familier et prompt à s’enflammer. Depuis les violents affrontements de l’été 2006 opposant l’armée israélienne aux combattants chiites du Hezbollah libanais, les escarmouches entre ces deux ennemis historiques n’ont jamais cessé autour de la « ligne bleue » qui sépare le Liban et l’Etat hébreu – deux pays officiellement en guerre depuis 1948. 
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-Le sud d’Israël, en revanche, paraissait à l’abri d’interventions militaires extérieures, protégé par des accords de paix signés de longue date avec les voisins égyptien et jordanien et par le processus de normalisation engagé depuis 2020 avec plusieurs Etats du Golfe. 
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-C’est pourtant là que ce deuxième front tant appréhendé s’est concrétisé. Des attaques lancées depuis la lointaine côte yéménite par des miliciens houthistes ont d’abord ciblé le port israélien d’Eilat, sur la mer Rouge. L’extension de leurs frappes à des cargos à destination d’Israël et la riposte militaire américaine et britannique des 11 et 12 janvier font désormais planer le spectre d’une déstabilisation mondiale du commerce en raison de la potentielle paralysie d’un axe de navigation crucial. 
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-Lire aussi | Article réservé à nos abonnés La mer Rouge sous le feu des houthistes, en cartes 
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-Personne n’avait sérieusement anticipé cette menace. Le Yémen, pays miné par la pauvreté et fragilisé par les conflits internes, n’a jamais été considéré comme un acteur géopolitique prépondérant. La montée en puissance des houthistes, encore récemment perçus comme des rebelles aux ambitions nationales, la portée de leur arsenal et leur capacité de nuisance ont été négligées de tous – à l’exception peut-être de l’Arabie saoudite. Leurs liens avec l’Iran, alternativement qualifiés d’« inféodation totale » ou de « relation de pur opportunisme », n’ont pas non plus été évalués à leur juste mesure. 
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-Les Etats-Unis, désormais en première ligne de cette nouvelle déflagration régionale, paient aujourd’hui le prix de ce désintérêt. Et bien d’autres puissances avec eux. En quelques jours, les houthistes sont devenus des protagonistes incontournables au Moyen-Orient, d’autant plus menaçants que leur organisation demeure largement méconnue. 
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-Double trajectoire 
-Leur « promotion » sur la scène internationale est d’abord la traduction d’une réalité factuelle locale : en plus de s’être imposés comme maîtres incontestés de la capitale, Sanaa, ils contrôlent désormais la portion la plus peuplée du Yémen. Cette victoire est l’aboutissement de deux mécanismes. 
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-Le premier, sur le plan de la politique intérieure, a pris la forme d’une insurrection démarrée en 2004 contre le régime d’Ali Abdallah Saleh, président devenu indétrônable dans le Yémen unifié après la fusion, en 1990, de la République arabe du Yémen, au nord, et de la République démocratique populaire du Yémen, au sud. Le second, sur un plan plus idéologique, est la profession, dès les origines, d’un anti-impérialisme virulent dénonçant le rôle des Etats-Unis et de son allié israélien au Moyen-Orient. 
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-Forts de cette double trajectoire, les houthistes – qui se désignent eux-mêmes par le nom d’« Ansar Allah » (« Partisans d’Allah ») et se considèrent comme les seuls représentants légitimes de l’Etat yéménite – se retrouvent à un carrefour incertain de leur histoire. Le défi lancé aux Etats-Unis ne sera-t-il que la manifestation d’une hubris, susceptible de causer leur perte dans ce pays qui n’a cessé d’être le jouet d’influences extérieures au prix d’un sous-développement endémique ? 
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-Un homme examine les débris d’un missile de fabrication américaine, sur une route du Djebel Marran, berceau de l’insurrection houthiste dans le gouvernorat de Saada, au Yémen, en 2015.  ALEX POTTER 
-« Les Etats-Unis ont parcouru 9 000 kilomètres pour apporter leur soutien à Israël. Pourquoi n’aurions-nous pas le droit de venir en aide aux Palestiniens alors que c’est pour nous une obligation morale ? », a fait mine de s’interroger Abdel Malik Al-Houthi, l’énigmatique chef d’Ansar Allah, dans un discours télévisé, diffusé le 18 janvier, sur la chaîne publique contrôlée par ses partisans. « Une confrontation directe avec les Etats-Unis n’effraie pas le peuple yéménite, bien au contraire ! Nous l’attendons depuis longtemps. Il était grand temps de combattre notre principal ennemi que nous affrontions jusqu’à présent indirectement », a-t-il martelé, en référence à la coalition des pays arabes dirigée par Riyad et soutenue par Washington pour contrer les houthistes à partir de 2015. 
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-Se posant en nouveau champion de la cause palestinienne, Abdel Malik Al-Houthi appelle même à une mobilisation internationale : « Les marches de solidarité avec la Palestine doivent se poursuivre, y compris dans les pays occidentaux, en Europe et en Amérique. » 
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-Lire : Pourquoi les rebelles houthistes défient le pouvoir au Yémen 
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-Le chemin parcouru est spectaculaire depuis les premiers slogans apparus au début des années 2000 sur les murs d’une petite ville du nord du Yémen jusqu’à ce discours plein d’assurance et de défis jeté à la face de l’Occident. 
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-Au départ, l’histoire des houthistes est liée au revivalisme du zaïdisme – une école de pensée de l’islam à la jurisprudence proche de celle du sunnisme chaféite dont se revendiquent une majorité de Yéménites –, se réclamant de la conception du chiisme telle qu’elle fut enseignée au VIIIe siècle par Zayd Ben Ali, descendant du gendre du Prophète. Pendant près d’un millénaire, ce courant chiite a rayonné sur les hautes terres du Yémen occidental sous la forme d’un imamat à l’organisation sociale très hiérarchisée. Aboli par un coup d’Etat militaire en 1962, il est alors remplacé par une république soutenue militairement par l’Egypte nassérienne, mais combattue par le royaume saoudien, inquiet à l’idée de voir prospérer un tel modèle politique à sa frontière. 
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-Cette même décennie voit le Sud, protectorat britannique organisé autour d’Aden, basculer dans la sphère d’influence soviétique après le départ du colonisateur. 
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-Contrer l’influence des sunnites 
-Le renouveau zaïdite s’est appuyé sur le sentiment de déclassement, qui ne cesse de s’exacerber après la création de la République arabe du Yémen. Dans son orbite, le mouvement des Jeunes Croyants, fondé en 1992 par Hussein Badreddine Al-Houthi, vise aussi à contrer l’influence de courants sunnites radicaux, salafiste et wahhabite, importés du voisin saoudien et qui s’implantent jusque dans son bastion septentrional du gouvernorat de Saada. Signe des complexités locales, les bénéficiaires de la jeune République – au premier rang desquels le président Ali Abdallah Saleh (1978-2012) – sont souvent de confession zaïdite, sans pour autant se définir exclusivement par cette variable d’ordre religieux. 
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-Le pluralisme politique, inscrit dans la nouvelle Constitution du Yémen unifié, et la diversité des lieux de pouvoir, assurée par la persistance d’un fort maillage tribal, permettent à Hussein Badreddine Al-Houthi d’être élu au Parlement, en 1993, sous les couleurs du Parti de la vérité. Les relations avec le pouvoir central vont se tendre après la tentative de sécession du Sud – motivée par des ressentiments que partagent les zaïdites militants (conviction d’une marginalisation politique, économique et sociale) – réprimée dans le sang, en 1994, par le président Saleh, avec le soutien des islamistes d’Al-Islah, un parti proche des Frères musulmans. 
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-Lire aussi | Article réservé à nos abonnés L’impossible unité du Yémen, en cartes 
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-Un autre facteur de tension voit le jour lors de la « guerre contre le terrorisme » menée par Washington dans la foulée des attentats du 11-Septembre, perpétrés par la nébuleuse Al-Qaida, dont le chef, Oussama Ben Laden, est issu d’une famille yéménite originaire de l’Hadramaout. Dès lors, le pays n’est plus regardé par les Occidentaux qu’à travers le prisme des groupuscules djihadistes qui prospèrent dans des régions où l’Etat central peine à s’imposer. 
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-Pour préserver son pouvoir, le président Saleh a rompu avec la coûteuse politique de neutralité qu’il avait observée lors de la guerre du Golfe (1990-1991) – sanctionnée par l’expulsion de dizaines de milliers de Yéménites employés dans les monarchies pétrolières voisines –, pour miser sur une coopération sécuritaire avec les Etats-Unis, qui multiplient les opérations d’assassinats ciblés au Yémen. Une posture vivement dénoncée par les houthistes. 
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-Hussein Badreddine Al-Houthi produit alors « un ensemble de textes qui analysent les relations internationales, y compris à l’échelle régionale, à la lumière de la domination américano-sioniste », souligne Laurent Bonnefoy, spécialiste de la péninsule Arabique contemporaine au Centre de recherches internationales (CERI), une unité commune au CNRS et à Sciences Po. C’est à cette époque qu’apparaît, sur les murs de Saada, le slogan qui deviendra la signature des houthistes : « Dieu est le plus grand ! Mort à l’Amérique, mort à Israël, malédiction sur les juifs et victoire à l’islam ! » « Cette lecture s’articule très bien avec la grille fondée par l’Iran révolutionnaire. C’est à ce titre, et non principalement autour du chiisme, qu’a pu se structurer la relation [des houthistes] avec l’Iran », explique M. Bonnefoy. 
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-Des drapeaux américains et israéliens sont piétinés, lors d’un rassemblement houthiste, près de Sanaa, au Yémen, en 2015.  ALEX POTTER 
-Ce slogan est scandé lors d’une visite à Saada du président Saleh, en janvier 2003, qui l’interprète comme une remise en cause frontale de son autorité. S’ouvre alors une période de tensions, marquée par la mort d’Hussein Al-Houthi, en septembre 2004, tué par les forces de l’ordre. Elle est suivie de plusieurs cycles de guerre, au cours desquels le pouvoir pilonne sans répit les bastions houthistes, sans parvenir à éteindre l’insurrection. A Sanaa, un réquisitoire détaillé dépeint les houthistes sous les traits d’une faction totalement instrumentalisée par Téhéran – un argument dont Ali Abdallah Saleh sait l’impact qu’il peut avoir à Washington – et profondément réactionnaire, puisque leur combat, assure-t-il, vise à restaurer l’imamat et l’ordre social inégalitaire en vigueur avant la république. 
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-Plusieurs figures d’Ansar Allah ont tissé des liens avec l’Iran dans les années 1990. Hussein Badreddine Al-Houthi et son frère, Abdel Malik, actuel dirigeant du mouvement, accompagnèrent leur père, Allameh Badreddine, lui-même grand clerc zaïdite, lors d’un voyage en République islamique qui les mena dans la ville sainte de Qom. Mais c’est à Khartoum, au Soudan, que Hussein choisit de poursuivre des études en théologie. Aucun élément n’indique que Téhéran ait apporté une aide significative au cours des premières années de l’insurrection. 
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-La stratégie de Téhéran 
-L’intérêt que porte la République islamique à la mer Rouge, voie de transit pour les cargaisons d’armes qu’elle destine à ses alliés libanais du Hezbollah ou palestiniens du Jihad islamique et du Hamas, est ancien. Mais l’attention qu’elle prête au Yémen se manifeste à partir de la première intervention militaire saoudienne, en 2009, en soutien du gouvernement Saleh, alors en difficulté face à la rébellion houthiste. Téhéran voit dans la vulnérabilité du régime de Sanaa l’occasion inespérée de déstabiliser son grand rival régional grâce à une stratégie déjà éprouvée en Irak contre les forces d’occupation américaines : harceler l’ennemi en s’appuyant sur des groupes insurgés locaux. 
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-En octobre 2009, des milliers de munitions antichars sont saisies par la marine yéménite à bord d’un bateau civil à l’équipage iranien. « Il ne fait aucun doute que l’Iran soutient les houthistes. Ils ne peuvent quand même pas financer leur rébellion avec des grenades [le fruit] et du raisin, ou de la drogue, surtout si l’on considère les milliards que dépense l’Etat yéménite pour les combattre ! », s’exclamait le mois suivant, sur un ton rageur et méprisant, le général Yahya Saleh, patron du contre-espionnage de l’époque et neveu du président. 
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-En entretenant le discours sectaire d’une guerre menée contre des « chiites safavides » (un terme emprunté, notamment, au vocabulaire salafiste et qui fait référence à la dynastie perse qui se convertit massivement au chiisme entre les XVIe et XVIIIe siècles), en pillant et en bombardant des villages du sanctuaire houthiste du gouvernorat de Saada avec, de surcroît, le concours de milices tribales venues de régions lointaines et parfois salafistes ou djihadistes, le camp gouvernemental cumule les fautes stratégiques. En réaction, les tribus du nord du Yémen basculent, l’une après l’autre, du côté de la rébellion. 
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-En 2011, la déferlante des « printemps arabes » gagne le Yémen. Parmi la foule des manifestants qui réclame le départ du chef de l’Etat, les houthistes peuvent se prévaloir de l’ancienneté de la critique formulée à l’encontre du pouvoir autocratique d’Ali Abdallah Saleh. Alors que la radicalisation du mouvement de contestation menace de plonger le pays dans la guerre civile, le président est poussé vers la sortie par le Conseil de coopération du Golfe. Il démissionne, le 25 février 2012, après trente-trois ans de pouvoir sans partage. L’échec de la transition et l’alliance contre-nature conclue entre le raïs déchu et ses ennemis jurés de la veille ouvrent aux houthistes les portes de la capitale, dont ils s’emparent militairement en 2014. A la suite d’un nouveau revirement, Saleh est finalement assassiné trois ans plus tard. Mais les combattants zaïdites n’ont plus besoin de lui pour poursuivre leurs ambitions. 
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-Des houthistes regardent des photos de funérailles, tandis qu’en arrière-plan le porte-parole du mouvement, Mohammed Al-Bukhaiti, prononce une allocution télévisée, le 28 avril 2018. ALEX POTTER 
-« La question de la conquête territoriale n’est pas nouvelle au sein du mouvement houthiste. Certains de leurs discours évoquent la reconstitution d’un “Grand Yémen” qui s’étendrait jusqu’aux lieux saints, en particulier La Mecque, mais il ne faut pas leur donner trop d’importance, estime Laurent Bonnefoy. Au-delà de l’aspect idéologique, et on peut dire que l’appétit est venu en mangeant… Les houthistes ont hésité, avant de s’emparer de territoires et de mesurer les ressources que cela pouvait leur procurer ainsi que l’extension de leur capacité de nuisance, comme on le voit actuellement en mer Rouge. » 
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-Lire aussi notre archives (2017)| Article réservé à nos abonnés Dans le sud du Yémen, la tentation de la sécession 
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-Cependant, l’offensive victorieuse de 2014 déchaîne contre les nouveaux maîtres de Sanaa les forces saoudiennes, sous l’impulsion de Mohammed Ben Salman, dit « MBS » – alors futur prince héritier mais dirigeant de facto du royaume, nommé ministre de la défense en janvier 2015 –, et l’armée émiratie, sous l’influence de Mohammed Ben Zayed, « MBZ » – prince héritier et déjà homme fort d’Abou Dhabi. 
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-La coalition, incluant une dizaine d’Etats arabes, parvient à endiguer l’avancée houthiste, mais échoue à les chasser de Sanaa. La fragmentation du Yémen se traduit par la superposition de deux pouvoirs rivaux : celui des houthistes ancré dans la capitale, et celui qu’incarne Abd Rabbo Mansour Hadi, reconnu par la communauté internationale, cantonné dans le Sud, à Aden, ou réfugié dans un exil forcé à Riyad. 
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-Les territoires saoudien et émirati ciblés 
-Mais la régionalisation du conflit yéménite ne s’opère pas à sens unique. Les houthistes, appuyés de plus en plus ouvertement par l’Iran, notamment en matière d’armements, ont acquis les moyens de frapper au-delà des frontières de leur pays et multiplient les tirs de missiles et l’envoi de drones armés, ciblant les territoires saoudien et émirati. 
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-Plusieurs faits documentés attestent du rapprochement qui s’opère entre Ansar Allah et la République islamique. Durant quelques mois de 2014, à Sanaa, une liaison aérienne bihebdomadaire avec Téhéran avait été assurée par la compagnie Mahan Air, liée aux gardiens de la révolution. Le 25 septembre de cette même année, deux membres du Hezbollah libanais et trois gardiens de la révolution iraniens avaient été libérés d’une prison de la capitale sous contrôle houthiste, selon un rapport remis par le panel d’experts de l’organisation des Nations unies pour le Yémen au Conseil de sécurité. En janvier 2018, ce même panel concluait, après l’analyse des débris provenant d’une dizaine de missiles balistiques Burkan-2 tirés contre l’Arabie saoudite, que ces engins étaient des dérivés du Qiam-1 iranien d’une portée de 700 à 800 kilomètres, introduits clandestinement au Yémen en pièces détachées, avant d’être soudés sur place par une même équipe d’ingénieurs. 
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-Les houthistes vont même revendiquer l’attaque dévastatrice perpétrée contre deux installations pétrolières du géant saoudien Aramco, en septembre 2019, dans l’est du royaume. Une affirmation reléguée, l’année suivante, au rang de fanfaronnade par un nouveau rapport des experts de l’ONU affirmant que « les annonces [des houthistes] sur le nombre et les systèmes d’armes utilisées ne correspondent pas aux informations dont nous disposons », ajoutant que « les Etats-Unis ont partagé des informations concernant les débris de l’un des drones, qui indiquent que ce dernier a traversé une zone située à environ 200 kilomètres au nord-ouest [du point d’impact] peu avant la frappe ». Et non au sud, comme l’aurait impliqué un tir en provenance du territoire yéménite. Qu’importe, la campagne de harcèlement porte ses fruits. 
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-Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’Arabie saoudite sort de la guerre au Yémen 
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-La coalition renonce à reprendre militairement le port stratégique de Hodeïda, sur les rives de la mer Rouge, tombé aux mains d’Ansar Allah en janvier 2019, et enterre ses espoirs d’une déroute de ces combattants encore qualifiés dans le reste du monde de « rebelles ». 
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-Ces derniers profitent aussi des divergences croissantes entre les deux principaux acteurs régionaux, « MBS » et « MBZ ». Le premier, désormais absorbé par un projet de développement du royaume saoudien, redoute que les attaques sur son territoire rebutent les investissements étrangers. Le second, échaudé par la perte de Hodeïda et méfiant à l’égard du poids de l’islam politique, octroyé par Riyad, au sein du gouvernement yéménite en exil, a amorcé un retrait de ses troupes, tout en continuant de soutenir, depuis Abou Dhabi, les dirigeants sudistes – y compris quand ils affichent une volonté sécessionniste renouvelée. 
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-« La capacité de mobilisation des houthistes doit beaucoup à la confrontation avec l’Arabie saoudite. Leur discours nationaliste centré sur la défense du Yémen face à l’agression étrangère a pu rallier des acteurs, notamment tribaux, qui leur avaient longtemps été hostiles, explique Laurent Bonnefoy. Parallèlement, la faiblesse de l’opposition dans les zones qu’ils détiennent s’explique par la constitution d’un appareil sécuritaire – et même d’institutions – efficace. Ils répriment leurs opposants, mais certains leur reconnaissent aussi un sens de l’Etat, un professionnalisme qui tranchent avec d’autres acteurs yéménites. » 
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-La guerre opposant Israël au Hamas, en se régionalisant dans les eaux stratégiques de la mer Rouge, a interrompu les tractations en cours, depuis la trêve conclue en avril 2022 sous les auspices des Nations unies, entre les belligérants yéménites. Face à Ansar Allah, bloc cohérent sur les plans politique et religieux, le gouvernement « officiel » offre le piètre visage d’une assemblée hétéroclite, englobant des acteurs mus par des intérêts divers, voire personnels, au sein d’un Conseil de direction présidentiel. Dirigé par Rachad Al-Alimi, un proche du défunt président Saleh, il se compose de huit membres, dont des sudistes, des chefs de factions confessionnelles ou militaires. 
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-Lire aussi notre archive (2022) : Article réservé à nos abonnés Au Yémen, combat de « squales » dans la baie d’Aden 
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-« Les houthistes sont convaincus qu’ils sont en position de force, face aux membres du Conseil qui dépend cruellement de Riyad et face aux Saoudiens, estime un observateur en poste au Yémen, qui souhaite conserver l’anonymat pour s’exprimer plus librement. Ils font l’analyse que l’escalade en mer Rouge reçoit le soutien populaire au Yémen et dans le monde arabe, qu’elle est totalement cohérente avec leur idéologie et qu’elle ne remet pas en cause les négociations en cours sur le sort du pays. » Il ajoute : « On peut d’ailleurs formuler l’hypothèse qu’ils comptent se servir de leur nouvelle stature pour obtenir davantage : plus de fonds, alors que les négociations portent notamment sur le versement, par Riyad, de milliards de dollars aux fonctionnaires yéménites qui n’ont pas été payés depuis longtemps, ou plus d’influence au niveau territorial. » 
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-Changement de vision américaine 
-Leur montée en grade sur l’échiquier régional a aussi provoqué un changement drastique de la vision américaine du Yémen. Après l’avoir observé à la loupe de la lutte contre le djihadisme, les Etats-Unis le scrutent désormais sous l’angle des ambitions de l’Iran. Cette vision irrigue d’ailleurs deux notes publiées le 9 janvier, la veille des bombardements de l’US Navy sur des positions houthistes, produites par l’American Enterprise Institute et la Heritage Foundation – deux cercles de réflexion conservateurs, basés à Washington. La rupture est nette. 
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-Alors que la politique américaine concernant le Yémen a longtemps été alignée sur celle de l’Arabie saoudite, selon Bruce Riedel, expert de la Brookings Institution après trente ans de services passés au sein de la CIA, Washington est désormais en tête de pont pour contrer l’emprise des houthistes en mer Rouge. A l’inverse, Riyad plaide désormais pour une désescalade. Et se tient à distance de la coalition que tentent de mettre sur pied les Etats-Unis pour sécuriser cet axe commercial stratégique. 
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-Les notes des deux cercles de réflexion appelaient respectivement Washington à s’engager militairement aux côtés du gouvernement yéménite « officiel », et à réintégrer les houthistes parmi les « entités terroristes ». Le groupe yéménite avait fait irruption sur cette liste noire à la fin du mandat de Donald Trump (2017-2021), avant d’en disparaître au début de celui de Joe Biden – officiellement pour faciliter l’acheminement d’une indispensable aide humanitaire dans les zones qu’il contrôle. Leur réinscription a été annoncée, le 17 janvier, par le département de la défense américain. 
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-Les attaques menées par Ansar Allah en mer Rouge témoignent d’un armement de plus en plus sophistiqué. « En l’espace de quelques années seulement, les rebelles houthistes du Yémen se sont dotés d’un arsenal remarquablement diversifié d’armes antinavires, comprenant à la fois des missiles de croisière et des missiles balistiques », écrit Fabian Hinz, chercheur à l’International Institute for Strategic Studies. Ce vaste arsenal, ajoute-t-il, « soulève des questions sur la stratégie plus large de l’Iran dans la région ». 
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-Bien que les houthistes aient lié leurs attaques contre le transport maritime à l’offensive israélienne en cours dans la bande de Gaza, « les armes ont été fournies par l’Iran bien avant que le conflit entre Israël et le Hamas n’éclate, en octobre 2023. Cela suggère que l’Iran se concentre, fortement et à long terme, sur le renforcement des capacités antinavires des houthistes et qu’il pourrait tenter d’exporter son modèle de coercition navale [la capacité de bloquer une voie de navigation] du golfe Persique et du détroit d’Ormuz vers la mer Rouge et le détroit de Bab Al-Mandab, qui revêtent une grande importance géopolitique ». 
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-« La proximité avec l’Iran n’est en rien une nouveauté et ne découle pas directement de la guerre [entre l’Etat hébreu et le Hamas], nuance Laurent Bonnefoy. Ce qui est à l’œuvre, c’est surtout une conjonction d’analyses, sur le plan notamment idéologique, et d’intérêts que chacun [de ces deux partenaires, Téhéran et Ansar Allah] a pu instrumentaliser au fil du conflit. Il demeure nécessaire de lire la stratégie houthiste dans le contexte yéménite, particulièrement au moment où se détermine l’avenir du mouvement en tant que force dominante. » 
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-Les violentes tensions en mer Rouge ont redonné de la légitimité aux houthistes, à un moment où leur autorité était contestée dans les régions qu’ils contrôlent au Yémen. Depuis la trêve de 2022 et la quasi-cessation des hostilités dans le pays, leur popularité était en berne, la population leur reprochant des lacunes de gouvernance, notamment leur incapacité à fournir des services publics au quotidien. 
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-« En septembre [2023], le groupe était fébrile. Il déployait ses forces de sécurité aux abords de certaines mosquées, de peur que les gens ne sortent manifester dans les rues après la prière du vendredi », se souvient un avocat de Sanaa. 
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-Regalvanisation du mouvement 
-Depuis le début de la guerre à Gaza, le vendredi est redevenu un jour de mobilisation, mais les foules qui se rassemblent sont dorénavant des sympathisants houthistes. Le 11 janvier, au lendemain des premières frappes américano-britanniques, la capitale yéménite a connu une mobilisation record : des centaines de milliers de personnes sont sorties dans les rues pour protester contre l’agression étrangère et soutenir la Palestine. 
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-« La guerre, comme par le passé, regalvanise le mouvement. Et la répression s’accroît sur ses détracteurs », relève l’avocat. Dans la capitale, le tribunal de première instance enchaîne les condamnations, certaines pour « collaboration avec l’ennemi en temps de guerre » – des « procès politiques », dénoncent les opposants. En décembre 2023, la peine de mort a ainsi été requise à l’encontre de la militante des droits de l’homme Fatima Saleh Al-Arwali, pour « intelligence avec l’ennemi ». 
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-Deux décennies après son apparition, cette rébellion devenue centrale a fait preuve d’une exceptionnelle résilience, qui ne s’est pas accompagnée du dépassement de sa forte identité confessionnelle dans la mosaïque culturelle et religieuse qui caractérise le Yémen. L’empreinte du renouveau zaïdite s’affirme dans tous leurs territoires. 
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-Alors qu’à l’origine ce courant est très éloigné de la branche principale du chiisme tel qu’il est enseigné dans la République islamique, son revivalisme s’est traduit, sous le joug des houthistes, par la multiplication des rites et des symboles mobilisateurs pratiqués par les chiites iraniens. L’Achoura, qui commémore le martyre de l’imam Hussein, petit-fils du Prophète, est désormais l’occasion de démonstrations de force dans le Yémen houthiste. Chaque année est également célébré l’Aïd al-Ghadir, en souvenir du « sermon de l’Adieu » que prononça Mahomet peu avant sa mort et qui intronise, dans l’interprétation chiite, son gendre Ali comme son successeur politique et religieux. 
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-« L’affiliation idéologique [d’Ansar Allah] génère un plafond de verre, juge Laurent Bonnefoy. Le pourrissement du conflit yéménite, commencé il y a bientôt une décennie, fait que la société est plus polarisée que jamais et qu’il est extrêmement difficile d’envisager un Etat unifié autour des houthistes. Il leur faudra composer avec d’autres forces et, dans le même temps, ces dernières devront elles aussi intégrer les houthistes – signe de l’échec de l’opération militaire lancée en 2015, dans la mesure où l’objectif de la coalition était bien une annihilation du mouvement. » 
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-« Il n’est pas exagéré de dire que les houthistes sont nés et ont grandi avec la guerre », note pour sa part Maysaa Shuja Al-Deen, chercheuse au Center for Strategic Studies, à Sanaa. De leur structuration en groupe politico-militaire, pendant les guerres de Saada à partir de 2004, à leur engagement dans le soulèvement populaire de 2011, jusqu’à l’échec du processus de transition politique en 2014, « les houthistes n’ont jamais cessé leurs opérations militaires au nord de Sanaa », rappelle la chercheuse. 
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-Le conflit armé a façonné le mouvement, sa nature méfiante, sa structure militaire. Depuis près de vingt ans, il n’a jamais cessé de combattre. « Tous ses succès politiques ont été conditionnés par des victoires militaires », ajoute Maysaa Shuja Al-Deen. Au point qu’un processus de paix constituerait aujourd’hui le plus grand défi auquel pourraient être confrontés les houthistes depuis leur apparition dans les hautes terres du Yémen. 
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-Gilles Paris 
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