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-Agriculteurs en colère : Marc Fesneau, un ministre discret contraint de monter au front
-En poste depuis 2022, l’ancien député MoDem du Loir-et-Cher va devoir faire ses preuves lors de ce premier grand test pour le gouvernement Attal. « Il faut y aller modestement, c’est plutôt mon genre », assure-t-il, promettant des annonces avant la fin de la semaine.
-Par Claire Gatinois et Nathalie Segaunes
-Publié aujourd’hui à 05h27
-Temps deLecture 4 min.
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-Le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, à la sortie du premier conseil des ministres du gouvernement Attal, au palais de l’Elysée, à Paris, le 12 janvier 2024. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »
-Il aura fallu deux heures pour « dépiauter les choses », selon les mots du ministre de l’agriculture, Marc Fesneau. Deux heures pour gagner du temps, aussi. Ce lundi 22 janvier, il est près de 20 h 30 quand la réunion qui s’est tenue à Matignon avec le locataire de l’hôtel de Villeroy, le premier ministre, Gabriel Attal, et Arnaud Rousseau, président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), accompagné d’Arnaud Gaillot, président des Jeunes Agriculteurs (JA), s’achève pour tenter de circonscrire la colère du monde agricole. Une épreuve aux allures de test pour Gabriel Attal, qui affronte là sa première grande crise depuis son arrivée, quinze jours plus tôt, rue de Varenne.
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-Aucune annonce fracassante n’émerge de Matignon. Sur le perron, Marc Fesneau promet simplement une réponse « dans les prochains jours ». « Il faut y aller modestement, c’est plutôt mon genre », confie-t-il au Monde, vingt-quatre heures avant d’affronter les attaques de l’opposition dans l’Hémicycle. « Il faut d’abord qu’on entende, collectivement, la colère qui s’exprime », enjoint-il. « Il y a une exaspération, un cri qui dit “écoutez-nous”, on a besoin d’envoyer des signaux pour redonner confiance », poursuit le ministre, conscient que les solutions qui seront proposées « jeudi ou vendredi » ne seront pas à même d’éteindre totalement le feu naissant.
-Avant même de rencontrer les représentants de l’Etat, le patron de la FNSEA avait appelé à mener des actions « toute la semaine ». « Il faut laisser purger la colère », préconisait auprès du premier ministre, lundi avant la réunion, l’ancien député Renaissance de la Creuse Jean-Baptiste Moreau, qui fut rapporteur général de la loi EGAlim en 2018. « Le mouvement va s’étendre de toute façon, faire des annonces lundi soir ne changerait rien », estime cet ancien éleveur.
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-En finir avec « la France des tracas »
-Parti d’Occitanie, le mouvement de colère paysanne fait écho à des manifestations dans d’autres pays européens, comme l’Allemagne. Pour éviter l’embrasement, l’exécutif cherche, à très court terme, des mesures de simplification des normes pour témoigner de sa bonne volonté vis-à-vis de la profession. Il s’agit d’en finir avec « la France des tracas », comme l’assenait Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse du 16 janvier.
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-Si Marc Fesneau a renoncé à se rendre à Bruxelles mardi pour assister au Conseil européen, l’élu du Loir-et-Cher sait qu’à plus long terme, il devra aussi démontrer aux exploitants, à cinq mois des élections européennes, que l’Europe est un atout et que le Green Deal, épouvantail brandi par les oppositions, n’obéit pas à une logique de décroissance. Il est urgent de calmer le jeu pour éviter la contagion à d’autres secteurs (pêche, artisanat…).
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-Dans ce contexte inflammable, le projet de loi préparé depuis des semaines par le ministre de l’agriculture est reporté de « quelques semaines » pour être complété d’un volet « simplification », a annoncé Marc Fesneau dimanche. Ce texte « en faveur du renouvellement des générations en agriculture », moins ambitieux que la « loi d’orientation agricole » initialement prévue, avait suscité les critiques de la FNSEA, qui menaçait de perturber la visite d’Emmanuel Macron au prochain Salon de l’agriculture, qui ouvrira ses portes le 24 février.
-La « démagogie » du RN dénoncée
-En première ligne, Marc Fesneau joue une partition délicate pour maîtriser une situation qui échappe en partie à la FNSEA et tenter de concilier les injonctions souvent contradictoires qui pèsent sur le monde agricole (contrainte écologique et recherche de souveraineté alimentaire ; baisse des prix réclamée par les consommateurs et revenus décents dus aux producteurs).
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-Depuis la citadelle de Bercy, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, ancien ministre de l’agriculture sous la présidence Nicolas Sarkozy, invitait au printemps 2023 les industriels de l’agroalimentaire et de la grande distribution à baisser leurs tarifs pour juguler une inflation galopante, faisant mine d’ignorer que les agriculteurs trinqueraient en bout de chaîne. Marc Fesneau a dénoncé lundi « ceux – parmi les acteurs de la distribution et de l’agroalimentaire –, qui ne respectent pas la loi ».
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-Discret depuis sa prise de fonctions, le 20 mai 2022, l’ancien maire du village de Marchenoir ( Loir-et-Cher), amateur de chasse à l’arbalète dans la forêt de Chambord, est, à 53 ans, l’un des ministres les plus réservés du gouvernement. Le voici désormais omniprésent dans les médias pour contrer l’offensive du Rassemblement national (RN), qui s’est opportunément placé au chevet de cette France rurale. « On s’est mis au travail, ça peut paraître long », reconnaissait-il lors d’un déplacement lundi en Vendée, dénonçant la « démagogie » du RN qui profite, selon lui, du désarroi des agriculteurs sans proposer aucune solution viable.
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-« Une crise de la considération »
-Remonté en cinquième position dans l’ordre protocolaire à l’occasion du remaniement du 11 janvier, l’ancien président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale convoitait depuis longtemps le ministère de l’agriculture. Mais celui qui a grandi politiquement dans l’ombre de François Bayrou n’a pas su faire oublier son prédécesseur, Julien Denormandie, dans le cœur des agriculteurs. Au point qu’Emmanuel Macron a imaginé le remplacer, pensant confier à Marc Fesneau le ministère des relations avec le Parlement, que ce dernier a occupé quatre ans lors du premier mandat.
-« A part insulter le RN, je ne vois pas quelle est sa fonction », cingle Jean-Philippe Tanguy, député RN de la Somme, qui accuse le démocrate-chrétien de se moquer du sort d’agriculteurs parfois réduits à la « misère » dans sa circonscription. « Il y a un sujet identitaire mais ce n’est pas une remise en question de son travail », défend Erwan Balanant, député (MoDem) du Finistère. Marc Fesneau est « the right man at the right place », insiste Loïc Signor, porte-parole du parti présidentiel Renaissance.
-Dans cette crise où le gouvernement donne raison à ceux qui bloquent les autoroutes, Marc Fesneau s’approprie la doxa « attaliste » : « Il faut que nos paroles se transforment en actes, que les choses se voient concrètement », dit-il. « Il va se révéler dans cette crise, veut croire son collègue MoDem Jean-Noël Barrot, ex-ministre délégué chargé du numérique. C’est une crise de la considération, elle sera surtout résolue par des mots. »
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