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[Le Figaro: À Sciences Po Paris, le wokisme pris à son propre piège](https://www.lefigaro.fr/actualite-france/a-sciences-po-paris-le-wokisme-pris-a-son-propre-piege-20231212?gaa_at=g&gaa_n=AYRtylZh8Nf6KXlNFtTVPrKlVJhIO_-_0v7MH44AeFih0pCAMW5PM5IK5x8yulMnww4NqwcCqbNVwst6C6WEwTDpIlUX3ul1GqQ2ne0%3D&gaa_ts=65796d47&gaa_sig=uNgzWXk07r1n0K0c0-2ax3YHjfbgNcoy48wp9qmiXuSxFrKf4_FL3-Dd-sc2QadfuQ5sC4ZUxEFgUGrJ1Y2N9w%3D%3D )
À Sciences Po Paris, le wokisme pris à son propre piège
Par Caroline Beyer
Mis à jour hier à 21:08
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Une banderole déployée par des étudiants sur la façade de l’école, le 7 décembre. DIMITAR DILKOFF/AFP
ENQUÊTE - Entendu dans une affaire de violences conjugales avant d’être mis en retrait, le directeur de l’IEP, Mathias Vicherat, se voulait intransigeant sur ces sujets depuis son intronisation.
Quand Sciences Po lave plus blanc que blanc. Entendu par la police il y a une semaine avec son ex-compagne dans une affaire de violences conjugales réciproques, Mathias Vicherat, le directeur de l’IEP de Paris, a proposé sa «mise en retrait provisoire» ce lundi. Le conseil de l’institut de Sciences Po, aussitôt réuni par Françoise Bertrand Dorléac, présidente de la fondation de droit privé de l’école (FNSP), a validé mardi - à 22 voix pour et 8 contre - cette mise en retrait jusqu’au 29 janvier. Une commission nouvellement créée, rassemblant les instances de l’institution, décidera des modalités d’un éventuel retour du directeur. Ou de la prolongation de sa mise en retrait…
Dans le même temps, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire. «Ça va s’arrêter quand? Certains nous expliquent que la confiance est rompue et que, même dans le cas où l’affaire serait classée sans suite, la question de la confiance se poserait encore. Cela m’interroge, en tant que citoyen, sur le rôle de la justice et de celui qu’entendent jouer les instances de Sciences Po», explique Quentin Coton, responsable de l’UNI, syndicat étudiant classé à droite.
#SciencesPorcs
Mathias Vicherat a contesté «les actes de violence rapportés par la presse et sur les réseaux sociaux». «Jamais et en aucune circonstance, je n’ai commis de tels actes. Je veux souligner qu’à l’issue de nos gardes à vue, aucune plainte n’a été déposée, nulle mesure de contrôle judiciaire ou d’éloignement n’a été prise», avait-il précisé aux étudiants. Le ministère public, de son côté, a indiqué que ni le directeur ni sa compagne n’avaient souhaité déposer plainte et qu’aucune incapacité totale de travail n’avait été relevée.
Seulement voilà: Mathias Vicherat, arrivé il y a deux ans à la tête de l’école, après l’affaire Olivier Duhamel et la déferlante de témoignages d’étudiantes sous le hashtag #SciencesPorcs, a fait de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes une priorité de son mandat. Malaise à Sciences Po, où les syndicats étudiants d’extrême gauche (L’Union étudiante et Solidaires) et le département de sociologie demandent sa démission. Dans les couloirs de l’école sont placardées des affiches représentant une silhouette noire sur fond orange, avec le message «Vicherat démission». La semaine dernière, le campus parisien a été bloqué par une cinquantaine d’étudiants que la députée écologiste Sandrine Rousseau est venue encourager. «Les partiels commencent, insiste Yanis Tabyaoui Thibert, de Nova, premier syndicat représentatif à Sciences Po. La mise en retrait du directeur est le juste équilibre entre la présomption d’innocence et le nécessaire retour au calme.»
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«C’est le wokisme qui se mord la queue, ricane un professeur de l’école. Depuis son arrivée, Vicherat s’est montré intransigeant sur les violences sexistes et les signalements.» Parfois à tort, si l’on en croit plusieurs voix en interne. Un professeur de longue date à l’école de droit, avocat, a ainsi récemment claqué la porte après avoir fait l’objet d’une procédure classée sans suite. «Aujourd’hui, c’est l’arroseur arrosé», résume-t-on. «Une fois de plus, Sciences Po cède aux emballements médiatiques. Et depuis l’affaire Duhamel, elle a peur de son ombre», assène un connaisseur de la maison. Début 2021, l’institution avait perdu ses deux «têtes».
Les mérites du directeur de Sciences Po s’apprécient à l’aune des objectifs fixés et des résultats obtenus dans le cadre de ses fonctions et non de sa vie familiale
Nicolas Metzger, ancien président du conseil de l’IEP
Olivier Duhamel, alors président de la FNSP, avait démissionné, après les accusations d’inceste portées par Camille Kouchner dans son ouvrage La Familia grande. Dans la foulée, le directeur de l’IEP Frédéric Mion, successeur de Richard Descoings, avait suivi, admettant avoir eu connaissance, en 2018, de rumeurs mettant en cause Olivier Duhamel. «Aujourd’hui, l’école se rejoue le scénario, mais à l’envers, poursuit cette source En 2021, Frédéric Mion s’était accroché à son poste pendant des mois, soutenu par l’institution. Il avait pourtant menti dans l’exercice de ses fonctions. Ce n’est pas le cas de Mathias Vicherat, qui s’est mis en retrait et que l’on semble vouloir pousser vers la sortie.»
«Je crains que les gesticulations de l’école n’éludent à nouveau les questions de fond, poursuit cet habitué de l’IEP parisien. Quel est le bilan de Mathias Vicherat? La procédure de désignation du directeur de Sciences Po est-elle efficace? Quand cessera-t-on de nommer quelqu’un pour ce qu’il est et non pour ce qu’il fait?»
«Un effet de loupe»
En novembre 2021, à l’issue d’une procédure de plusieurs mois, avec 23 candidats en lice, c’est donc un certain Mathias Vicherat qui l’avait emporté. Une surprise qui, a posteriori, n’en était pas une. Un homme passé par la SNCF et Danone, sans expertise académique. Un énarque, comme ses prédécesseurs, Richard Descoings et Frédéric Mion, bien connu dans les cercles politico-mondains. Un homme de gauche, militant à l’Unef et Attac lorsqu’il était étudiant rue Saint-Guillaume, qui a ensuite œuvré pendant six ans à la mairie de Paris comme directeur de cabinet de Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo. Un camarade de promo d’Emmanuel Macron, Gaspard Gantzer et Boris Vallaud à l’ENA.
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À la tête de Sciences Po, il a eu pour mission de ramener le calme après la tempête. En s’engageant sur le terrain des violences sexuelles et sexistes et les questions environnementales. En faisant face aux récurrentes polémiques autour du wokisme, à propos duquel il évoquait, en janvier 2022, «un effet de loupe». «Il faut reconnaître à Mathias Vicherat qu’il a été attentif au pluralisme politique, relève Quentin Coton, à l’UNI, qui s’est vu interdire l’accès à une AG la semaine dernière. Mais il ne pensait pas que les gens étaient autant à gauche à Sciences Po!» Pour le reste, l’actuel directeur a poursuivi le chemin tracé par ses prédécesseurs: l’avènement d’une admission sur dossier et le renforcement du dispositif «égalité des chances». Mais il n’a pu tenir sa promesse de ne pas augmenter les frais d’inscription. Ils iront l’an prochain jusqu’à 20.000 euros en master. Ce que dénoncent, unanimes, les syndicats. Et si l’école invoque l’inflation, il n’est de secret pour personne que les coûts de fonctionnement de son nouveau campus parisien, à l’Hôtel de l’Artillerie, sont trop élevés.
«Les mérites du directeur de Sciences Po s’apprécient à l’aune des objectifs fixés et des résultats obtenus dans le cadre de ses fonctions et non de sa vie familiale», estime Nicolas Metzger dans un mail adressé mardi à l’ensemble de la communauté de Sciences Po. Dans ce courrier, l’ancien président du conseil de l’IEP, de 2016 à 2019, jette un pavé dans la mare: il appelle l’institution à ne pas «s’enliser à nouveau dans une bulle médiatique sordide» et dénonce des «calculs politiques» dont elle est «coutumière», sous couvert du «totem de l’exemplarité».
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