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Mafias serbe, bosniaque, albanaise… Ces clans venus des Balkans [ElseNews]

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Mafias serbe, bosniaque, albanaise… Ces clans venus des Balkans

[L'Obs: Mafias serbe, bosniaque, albanaise… Ces clans venus des Balkans](https://www.nouvelobs.com/justice/20231217.OBS82205/mafias-serbe-bosniaque-albanaise-ces-clans-venus-des-balkans.html? )

Mafias serbe, bosniaque, albanaise… Ces clans venus des Balkans
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Le « Gayane », de la compagnie MSC, amarré à Philadelphie. A bord, les autorités américaines ont fait une saisie record de cocaïne destinée au port de Rotterdam. (Matt Rourke/AP/SIPA)
Le « Gayane », de la compagnie MSC, amarré à Philadelphie. A bord, les autorités américaines ont fait une saisie record de cocaïne destinée au port de Rotterdam. (MATT ROURKE/AP/SIPA)
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Au Monténégro, en Serbie, en Bosnie, les groupes paramilitaires nés lors de la guerre de Yougoslavie se sont reconvertis en gangs mafieux et trafiquants de drogue sévissant sur toute la planète.

Par Vincent Monnier
Publié le 17 décembre 2023 à 8h43
Temps de lecture 8 min
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C’est une affaire digne du cinéma. Le 12 septembre 2023, un tunnel d’une trentaine de mètres est découvert dans les sous-sols de la Haute Cour de justice du Monténégro, à Podgorica, la capitale de ce micro-Etat des Balkans. Creusée durant deux mois depuis un appartement mitoyen, la galerie souterraine débouche dans la salle du tribunal où sont entreposées les pièces à conviction des procès à venir. Stupeur : à l’intérieur, des scellés issus de procédures visant des membres du clan Kavac, un gang mafieux réputé pour son extrême violence, ont été dérobés. Un vol qui menace la tenue des futures audiences.

Pour les nouvelles autorités monténégrines, le camouflet est terrible. Alors que les mondes politique, policier et judiciaire du pays ont été régulièrement accusés de collusion avec la pègre, elles s’évertuaient depuis plusieurs mois à donner des gages de changement. C’est raté. De forts soupçons de complicités internes planent en effet sur cet incroyable casse.

Il ne faut pas s’y tromper. Au-delà de son côté spectaculaire, l’affaire illustre la montée en puissance dans les Balkans de groupes criminels prêts à tout pour protéger leur empire. En une vingtaine d’années, ces gangs, ayant souvent débuté dans le trafic d’armes ou la contrebande de cigarettes, sont devenus des acteurs majeurs du trafic de cocaïne, l’activité criminelle la plus lucrative du monde.

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Une vaste enquête policière a consacré la place désormais prédominante de ces « cartels des Balkans » – une appellation regroupant des organisations principalement serbes, monténégrines et bosniennes – sur la scène criminelle internationale : il s’agit de l’affaire Sky ECC, du nom de cette messagerie cryptée canadienne prisée des narcos démantelée en mars 2021 par les polices belge, française et néerlandaise.

Ultraviolence et corruption
Parmi le 1,5 milliard de messages interceptés lors de cette opération hors norme, le serbo-croate et l’albanais sont en seconde position des langues les plus parlées, juste après l’anglais. « [Ces cartels] font désormais partie des trois principaux groupes criminels européens aux côtés des mafias italiennes et de la “Mocro Maffia” », confirme un policier français. Particularités de cette pègre balkanique : sa possibilité de s’appuyer sur une forte diaspora, son ultraviolence, mais aussi un recours massif à la corruption.

« La corruption systématique permet à ces cartels d’obtenir des appuis jusqu’aux plus hautes sphères étatiques et de devenir des acteurs clés dans les processus décisionnels », écrit ainsi le Sirasco, le service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée de la police judiciaire française, dans son dernier rapport.

Comment expliquer cette ascension éclair ? Les origines de ces clans criminels remontent souvent aux groupes paramilitaires apparus lors de la guerre civile qui a déchiré la Yougoslavie dans les années 1990. « Cette guerre a laissé derrière elle des soldats perdus, des amitiés et des armes », explique Jean-Philippe Lecouffe, directeur adjoint des opérations d’Europol.

C’est sur ce terreau fertile que fleurissent les premiers gangs. Certains de ces soldats en mal d’action se spécialisent dans les braquages de haut vol, à l’instar des Pink Panthers, forts d’une centaine de membres et célèbres pour leurs cambriolages spectaculaires de bijouteries un peu partout à travers le monde. D’autres groupes se lancent dans la contrebande de cigarettes, la vente d’armes ou le vol de voitures, la région ayant toujours été géographiquement une zone de transit pour différents trafics.

A l’époque, la Serbie fait l’objet d’un embargo dont profitent ces groupes pour développer leur business. En parallèle, ils rendent aussi de menus services aux services de renseignement de ces pays comme à certains partis politiques de ces démocraties balbutiantes.

Au tournant des années 2000, un changement majeur survient sur les routes de la cocaïne. A l’époque, la voie navale commence à supplanter l’aérien. Profitant de l’explosion du commerce maritime, les trafiquants dissimulent la drogue dans des conteneurs, au milieu des différentes marchandises. Pour cela, ils doivent disposer de complicités internes sur les navires. En la matière, les organisations serbo-monténégrines disposent d’un avantage concurrentiel.

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« C’est une région qui, depuis longtemps, fournit de nombreux marins servant dans la plupart des compagnies maritimes », fait remarquer Jean-Philippe Lecouffe. Petite nation de 600 000 habitants, le Monténégro dispose en effet d’une vielle tradition maritime héritée en partie de ses liens passés avec Venise. Plusieurs compagnies ont même installé des centres de formation sur place. C’est le cas de la MSC, un des principaux armateurs du monde.

20 tonnes de poudre blanche
En juin 2019, le « Gayane », un navire de la compagnie, est arraisonné à Philadelphie. A son bord, près de 20 tonnes de poudre blanche sont retrouvées, la plus grosse saisie jamais réalisée aux Etats-Unis. L’enquête démontrera la complicité de plusieurs membres monténégrins de l’équipage, laissant penser à une possible infiltration de la compagnie par des groupes criminels – ce que la MSC a toujours nié.

Au Monténégro, plusieurs agences de recrutement de marins seraient sous la coupe des cartels. Comme un symbole : en 2019, 60 kilos de cocaïne avaient aussi été découverts sur un bateau-école de la marine monténégrine en partance pour la Turquie.

Selon des sources policières, les clans criminels des Balkans occuperaient aujourd’hui une position dominante dans la chaîne logistique nécessaire aux importations de cocaïne. Certaines organisations disposeraient même de leur propre cargo.

« Des enquêtes récentes ont démontré que ces cartels ont noué des liens étroits avec des groupes sud-américains, comme le Clan del Golfo [un redoutable cartel colombien, NDLR] ou bien le PCC [le réseau criminel le plus puissant du Brésil]. Ils disposent même de représentants sur place », avance Jean-Philippe Lecouffe.

De la même manière, ces organisations balkaniques travailleraient en étroite collaboration avec les mafias italiennes, considérées comme les principaux distributeurs de cocaïne en Europe. S’appuyant sur une importante diaspora locale, ces gangs tiendraient également les rênes du trafic de cocaïne en Australie, un pays où la poudre blanche se vend à des prix nettement supérieurs en raison de la difficulté pour l’importer.

Ce paysage criminel balkanique reste toutefois « balkanisé ». Pour l’ONG Global Initiative against Transnational Organized Crime, si ces différents clans collaborent entre eux, souvent au-delà des frontières et des divisions ethniques, reconstituant une sorte de « Yougoslavie du crime », il n’existe néanmoins pas encore de structure de commandement unique ni de figure de parrain à proprement parler.

Sur cet échiquier criminel, un homme semble toutefois avoir, un temps, occupé une position centrale : Darko Saric, un Monténégrin naturalisé serbe, surnommé « le Pablo Escobar des Balkans » ou « le roi de la coke ». Originaire de Kotor, une charmante station balnéaire du Monténégro, considérée comme une des perles de l’Adriatique, l’intéressé s’est allié avec le clan serbe de Zemun, une villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia

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de la banlieue de Belgrade.

Au début des années 2000, cette organisation paramilitaire recrutant dans les rangs des supporters violents de l’Etoile rouge de Belgrade s’est retrouvée impliquée dans l’assassinat d’un Premier ministre serbe et d’un ancien président de la République de Serbie. Cette alliance permet à Saric de constituer le groupe le plus puissant de la pègre locale. Le patron serbe de la lutte contre la criminalité organisée sera même photographié à l’une des fêtes organisées par le clan. Une mission d’infiltration, tentera-t-il pour se justifier.

Le Serbe Darko Saric, surnommé « le Pablo Escobar des Balkans », lors de son procès, en 2014.
Le Serbe Darko Saric, surnommé « le Pablo Escobar des Balkans », lors de son procès, en 2014. (OLIVER BUNIC/AFP)
En mars 2014, Darko Saric est arrêté au Venezuela après cinq années de cavale. A l’époque, la presse serbe estime que les bénéfices de son organisation atteignent le milliard de dollars par an. Des sommes folles dont une partie aurait été réinvestie dans la privatisation d’entreprises publiques, les bars, les hôtels. Via une kyrielle de sociétés off shore, Darko Saric est même le propriétaire d’une garderie d’enfants. Son arrestation ouvre la voie à une sanglante guerre de succession.

Fin 2014, une cargaison de 300 kilos de cocaïne est dérobée à Valence (Espagne). A la suite de ce vol, les héritiers de Saric se scindent en deux groupes rivaux : d’un côté, le clan Skaljari, du nom d’un village proche de Kotor ; de l’autre, le clan Kavac, du nom d’un autre village situé à proximité. A ce jour, cette rivalité aurait fait plus de 70 morts, les deux groupes se poursuivant de leur haine jusqu’en Turquie, en Grèce, en Espagne, en Ukraine, aux Pays-Bas, en Autriche…

(IMAGEBROKER/ANDIA.FR – INFOG. MEHDI BENYEZZAR)
En 2021, une « maison de l’horreur » est découverte à Ritopek, dans la banlieue de Belgrade. Cet ancien bunker a été transformé en lieu de torture et d’exécution par le clan Kavac. Les cadavres étaient passés dans un hachoir à viande. Sur la messagerie Sky ECC, les membres du gang échangeaient des clichés des corps suppliciés de leurs victimes.

« C’est le niveau de violence qui interpelle, couplé à un recours à la torture, à l’humiliation des victimes et à des mises en scène macabres, support d’une stratégie d’intimidation des opposants et de leurs familles, à l’instar des cartels latino-américains », écrit le Sirasco.

Bouille de poupon, corps de Musclor
Depuis novembre 2022, Veljko Belivuk, un des principaux bourreaux du clan Kavac, comparaît en compagnie d’une trentaine de comparses devant le tribunal spécialisé dans le crime organisé de Belgrade.

A l’ouverture des débats, cet ancien leader d’une frange ultra des supporters du Partizan Belgrade, surnommé « Velja le problème », bouille de poupon sur un corps de Musclor, affirme avoir notamment mené des opérations d’intimidation pour le parti d’Aleksandar Vucic, l’autoritaire président de la Serbie depuis 2017, livrant même des détails sur des rencontres avec ce dernier. Qui s’empressa de démentir, allant même jusqu’à proposer d’être soumis au détecteur de mensonges. Sans vraiment convaincre.

Veljko Belivuk (« Velja le problème »), un des « héritiers » de Saric, arrêté au stade du Partizan Belgrade en 2021.
Veljko Belivuk (« Velja le problème »), un des « héritiers » de Saric, arrêté au stade du Partizan Belgrade en 2021. (PEDJA MILOSAVLJEVIC/AFP)
Les révélations de l’enquête Sky ECC ont conduit les polices européennes à réévaluer le niveau de menace associé aux cartels des Balkans. En décembre 2021, Europol a ainsi mis en place une « opération task force » spécialement destinée à la lutte contre ces groupes. Pas moins de 47 interventions d’ampleur ont déjà été menées.

A ce jour, personne n’est toutefois parvenu à mettre la main sur Edin Gacanin. Présenté comme le chef du cartel « Tito et Dino », un clan originaire de Sarajevo, cet Hollando-Bosnien se prévalant de liens privilégiés avec des producteurs de cocaïne du Pérou est considéré par la DEA, l’agence antidrogue américaine, comme l’un des principaux trafiquants de drogue du monde.

Arrêté à Dubaï en novembre 2022 dans le cadre d’un vaste coup de filet d’Europol, Gacanin a été relâché quelques semaines plus tard par la justice locale dans des conditions opaques, après avoir réglé une caution de quelques milliers d’euros. Demandé par les Pays-Bas, il a mystérieusement disparu de la circulation depuis lors.

Outre ces cartels des Balkans, les polices européennes surveillent également la montée en puissance, dans la même région, des mafias albanaises. Présentes dans les trafics de cocaïne, d’héroïne et de cannabis (cultivé en Albanie), celles-ci seraient devenues des acteurs clés du paysage criminel italien, suscitant une inquiétude croissante de la part des autorités locales, selon une récente note de Global Initiative against Transnational Organized Crime.

« Ces groupes criminels sont actifs non seulement dans les Balkans, mais également dans plusieurs pays d’Europe, en Grande-Bretagne, en Turquie, aux Etats-Unis et disposent d’accès directs aux pays producteurs de cocaïne, confie une magistrate albanaise. Si on ne peut pas encore parler de “mafias” au sens italien du terme, on note toutefois une augmentation de leur niveau de sophistication criminelle, de leurs connexions avec des organisations internationales et de leur système de blanchiment. » Deux tiers des caïds albanais se cacheraient ainsi aux Emirats arabes unis.

Du côté d’Eurojust, l’unité de coopération judiciaire de l’Union européenne, le projet « Western Balkans Criminal Justice » a été mis en place depuis quelques mois afin d’améliorer la collaboration judiciaire entre et avec les pays de région. Pas simple. « Les juges locaux travaillent souvent sans grands moyens et sans protection », confie une magistrate française.

Le Mexique et la « guerre contre la drogue » : autopsie d’un fiasco
Outre les menaces physiques, l’enquête Sky ECC a également mis en lumière la corruption qui frappe le monde judiciaire dans ces pays. En Bosnie, quinze policiers ont récemment été arrêtés, et deux procureurs de hauts rangs, démis de leurs fonctions en raison de liens supposés avec des trafiquants locaux.

Au Monténégro, les révélations de l’affaire Sky ECC ont entraîné la chute de la présidente de la Cour suprême, le plus haut magistrat du pays : son fils et son garde du corps profitaient de sa protection pour développer leurs trafics, et elle-même semblait prendre une commission de 15 % pour arranger certaines affaires. La plupart candidats à l’Union européenne, ces pays des Balkans le savent : la corruption et l’impunité dont semble jouir chez eux la criminalité organisée constituent les principaux handicaps à leur adhésion.

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