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-====== [Le Monde – Pochoirs d’étoiles de David à Paris : la piste d’une opération d’ingérence russe privilégiée ======
-[Le Monde – Pochoirs d’étoiles de David à Paris : la piste d’une opération d’ingérence russe privilégiée](https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/11/07/pochoirs-d-etoiles-de-david-a-paris-la-piste-d-une-operation-d-ingerence-russe-privilegiee_6198775_3224.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default )
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-SOCIÉTÉ
-Pochoirs d’étoiles de David à Paris : la piste d’une opération d’ingérence russe privilégiée
-Les actions auraient été commanditées par l’homme d’affaires moldave Anatolii Prizenko et, selon les informations du « Monde », largement relayées par le réseau de propagande prorusse « Doppelgänger ». L’enquête est désormais confiée à un juge d’instruction.
-Par Antoine Albertini, Damien Leloup et Florian Reynaud
-Par Antoine Albertini, Damien Leloup et Florian Reynaud
-Par Antoine Albertini, Damien Leloup et Florian Reynaud
-Aujourd’hui à 19h14, modifié à 20h32
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-Un couple interpellé le 27 octobre, un autre en fuite : quatre personnes de nationalité moldave sont fortement suspectées d’être à l’origine d’une partie des 250 pochoirs figurant des étoiles de David retrouvés sur des murs parisiens et en proche banlieue depuis dix jours. Aux yeux des services de renseignement français, la piste d’une tentative de déstabilisation orchestrée de l’étranger ne fait plus de doutes. Dans un communiqué diffusé mardi 7 novembre en fin d’après-midi la procureure de Paris a révélé que « les recherches téléphoniques permettent de penser que les deux couples d’auteurs ont été en relation avec la même tierce personne ». Elle précise également qu’« à ce stade, il n’est donc pas exclu que le marquage des étoiles de David bleues en région parisienne ait été réalisé à la demande expresse d’une personne demeurant à l’étranger ». L’enquête est désormais confiée à un juge d’instruction.
-D’après l’analyse du Monde confirmée par deux expertises indépendantes, cette opération a été exploitée par le réseau « Doppelgänger », également appelé RRN (pour Reliable Recent News : « Nouvelles récentes fiables »). De très nombreux comptes X (anciennement Twitter) et Facebook qui y sont affiliés ont diffusé à grande échelle, à partir du 28 octobre, deux photos des pochoirs apposés sur les murs d’un bâtiment de la rue de Rocroy, dans le 10e arrondissement de Paris – des dégradations qui avaient mené à l’interpellation d’un couple de ressortissants moldaves âgés de 28 et 33 ans.
-L’infrastructure de propagande RRN, qui outre des « bots » (logiciels conçus pour réaliser des tâches automatiques) publiant de grandes quantités de messages sur les réseaux sociaux, anime aussi de faux sites d’informations en français et avait créé des contrefaçons de grands médias (dont Le Monde), avait été publiquement dénoncée le 13 juin. Dans une déclaration rare, le Quai d’Orsay avait à l’époque attribué la paternité de cette opération d’influence à la Russie, y voyant « une nouvelle illustration de la stratégie hybride que la Russie met en œuvre pour saper les conditions d’un débat démocratique apaisé et donc porter atteinte à nos institutions démocratiques ».
-Lire l’enquête :
-« Doppelgänger » : autopsie de l’opération de désinformation russe
-Des images des pochoirs d’étoiles de David diffusées exclusivement par des comptes de propagande russe du réseau « Doppelgänger ».
-Élément troublant : les photos de tags représentant des étoiles de David diffusées par les comptes liés au réseau « Doppelgänger » ne semblent avoir été publiées par personne d’autre. Elles n’ont été publiées par aucun média et Le Monde n’est pas parvenu à trouver d’autres sources les ayant mises en ligne sur les réseaux sociaux. Entre-temps, le couple moldave a pu être interpellé mais les premières constatations menées par les services d’enquête laissent penser qu’une troisième personne a été missionnée, en vertu du principe de cloisonnement de toute action clandestine, pour prendre les clichés des tags et les adresser au commanditaire de l’opération afin qu’il puisse en assurer la diffusion et en guise de preuve du service effectué.
-Goûter au « romantisme » de Paris
-Selon Europe 1, ce dernier serait « Anatoli P. », un ressortissant moldave animateur de cercles prorusses. Plusieurs sources au sein de l’appareil de renseignement confirment au Monde l’identité d’Anatolii Prizenko, un homme d’affaires moldave prorusse, spécialisé dans le marketing en ligne. M. Prizenko a été, en 2015, candidat du Parti des socialistes de la République de Moldavie (eurosceptique, pro-Moscou).
-LA SUITE APRÈS CETTE PUBLICITÉ
-Les enquêteurs doutent fortement de la version initiale livrée par les deux ressortissants moldaves, auditionnés après leur placement en centre de rétention administrative : alors qu’ils effectuaient un voyage en France pour goûter au « romantisme » de Paris, un inconnu les aurait abordés dans la rue en les entendant parler russe, pour leur proposer d’effectuer des tags au pochoir contre une somme d’argent de l’ordre d’une cinquantaine d’euros. Depuis, les services spécialisés s’interrogent sur l’éventuelle « projection » du couple en France depuis l’étranger en compagnie d’un second couple de Moldaves, logés dans le même hôtel que leurs compatriotes, et qui est parvenu à prendre la fuite.
-Le premier couple est, en outre, soupçonné d’avoir déjà effectué des missions identiques dans d’autres pays européens et des rapprochements sont en cours pour tenter de déterminer si plusieurs autres actions de propagande clandestine menées ces derniers mois en France, sans rapport avec la situation au Proche-Orient mais « lié[e]s aux grands thèmes d’actualité qui font débat dans le pays » selon une source au ministère de l’intérieur, pourraient avoir été organisées sur le même modèle, en particulier à travers des campagnes d’affichage d’autocollants à grande échelle.
-La coordination de plusieurs groupes, signe d’une opération élaborée et réfléchie, est désormais considérée comme une piste de travail « très sérieuse » par les enquêteurs de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Non seulement en raison de l’identification du second couple mais également du fait de nouveaux modes opératoires mis en œuvre par les services russes, affaiblis par l’expulsion d’au moins quarante et un de leurs agents de renseignement sous couverture diplomatique depuis le début de l’offensive russe en Ukraine le 24 février 2022.
-Lire aussi :
-L’Europe débusque les espions russes sous couverture diplomatique
-Ceux-ci s’appuient désormais sur des « proxys », des relais locaux actionnés par des intermédiaires basés à l’étranger, souvent dans d’anciens pays satellites de l’Union soviétique ou issus de l’éclatement des pays du bloc de l’Est. Chargés du recrutement de « petites mains », ils assurent également l’organisation opérationnelle de ces campagnes de manipulation de l’opinion, ce qui rend le lien entre la Russie et les exécutants particulièrement complexe à établir.
-« Créer de l’anxiété chez les Européens »
-Le choix d’une étoile de David, qui peut être perçue comme un soutien à Israël ou une menace à l’adresse de la communauté juive, remplit en outre un objectif classique des opérations de désinformation russe en Europe : tenter d’attiser tensions et conflits au sein de la population. « Notre interprétation est que le but est de créer de l’anxiété chez les Européens, de leur dire “Ne pensez pas que le conflit au Proche-Orient ne vous affectera pas.” », analyse un porte-parole du projet « Bot Blocker », qui rassemble des russophones opposés à la guerre en Ukraine et travaille sur les « fermes à trolls » prorusses.
-En parallèle de la diffusion, sur Facebook et X, des photos des tags faits dans le 10e arrondissement de Paris, plusieurs faux sites d’information attribués à l’opération « Doppelgänger » ont multiplié, ces dernières semaines, les articles mettant l’accent sur la montée de l’antisémitisme en France depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre. Des articles qui s’appuient, cette fois, sur des chiffres officiels et des faits bien réels, tout en accusant les autorités françaises de ne rien faire pour protéger sa population, voire en faisant craindre un risque de guerre civile sur le territoire.
-A la même période, des comptes Telegram russophones identifiés comme diffusant régulièrement des contenus de « Doppelgänger » ont relayé une image présentée comme un graffiti antisémite sur un immeuble parisien (dont il n’a pas été possible d’attester la véracité), et sur laquelle a été frauduleusement ajouté le logo de la radio RFI. Ces mêmes comptes Telegram ont aussi diffusé, à partir du 19 octobre des photos d’autocollants apposés sur des murs près de la Grande Mosquée de Paris, arborant des drapeaux palestiniens flanquant deux sabres entrecroisés et une mention « France, tu es la prochaine ». Des faux, reprenant l’esthétique du Hamas, dont il est difficile d’affirmer avec certitude s’ils font partie de la même opération de déstabilisation que les pochoirs d’étoiles de David.
-Un commanditaire basé dans un pays de l’Est, des personnes souvent précaires embauchées pour la journée ou la soirée – ou, désormais, des groupes plus structurés – une exploitation d’images à des fins de propagande : le mode opératoire rappelle aussi largement de précédentes opérations d’ingérence russes. En mai, Le Monde et plusieurs médias européens avaient révélé que des agents russes avaient recruté, par le biais de petites annonces sur Facebook, des étrangers vivant en France ou en Allemagne pour organiser de fausses manifestations de soutien à la Russie dans le contexte de la guerre en Ukraine.
-Contre une centaine d’euros, ces acteurs d’un jour devaient se rassembler avec des panneaux affichant des messages prorusses, et se prendre en photo. Les images étaient ensuite diffusées sur leurs comptes personnels sur les réseaux sociaux, où leur visibilité était augmentée par des fermes de comptes automatisés. Avec, pour un officiel français, toujours le même but, « insécuriser la population et tenter d’accroître les divisions en son sein ».
-Antoine Albertini, Damien Leloup et Florian Reynaud
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