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| ====== [Le Monde – A Saint-Etienne, le scandale de la « sextape » n’en finit plus de traumatiser la ville]( ====== | |
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| [Le Monde – A Saint-Etienne, le scandale de la « sextape » n’en finit plus de traumatiser la ville](https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/08/a-saint-etienne-le-scandale-de-la-sextape-n-en-finit-plus-de-traumatiser-la-ville_6198904_823448.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default ) | |
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| https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/08/a-saint-etienne-le-scandale-de-la-sextape-n-en-finit-plus-de-traumatiser-la-ville_6198904_823448.html | |
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| RÉMY PERRIN / LE PROGRES / MAXPPP | |
| A Saint-Etienne, le scandale de la « sextape » n’en finit plus de traumatiser la ville | |
| Par Vanessa Schneider (Saint-Etienne, envoyée spéciale) | |
| Par Vanessa Schneider (Saint-Etienne, envoyée spéciale) | |
| Par Vanessa Schneider (Saint-Etienne, envoyée spéciale) | |
| Aujourd’hui à 05h23 | |
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| RÉCIT Le maire (ex-LR) de la cité forézienne, Gaël Perdriau, et son ancien directeur de cabinet sont accusés d’avoir orchestré un chantage à caractère sexuel contre un élu centriste. Dans cette ambiance délétère, qui dure depuis août 2022, M. Perdriau refuse toujours de démissionner. | |
| Lecture 14 min | |
| La Fête du livre vient à peine d’ouvrir ses portes, ce matin d’octobre, quand deux souriantes jeunes femmes arpentent le chapiteau principal pour distribuer des marque-pages au public. Des signets pas comme les autres : l’affiche officielle de cette 42e édition y a été détournée avec des slogans chocs, « Perdriau démission », « Perdriau dégage ». La cible du Comité Défaite à l’origine de cette action : le maire de la ville, Gaël Perdriau, 51 ans, mis en examen pour chantage dans une histoire de « sextape » révélée par Mediapart en août 2022. Une affaire aussi effrayante qu’abracadabrante qui s’est déroulée au sein même de l’hôtel de ville et n’en finit pas de secouer la cité stéphanoise. | |
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| Pour comprendre comment Saint-Etienne s’est retrouvée au cœur d’un scandale où le malsain le dispute au grotesque, il faut revenir en 2014, année où Gaël Perdriau, un ex-commercial chez EDF, est élu maire sous l’étiquette Les Républicains (LR). Une victoire obtenue contre le sortant socialiste, Maurice Vincent, grâce à une alliance avec les centristes, conduits par l’ancien député Gilles Artigues. A peine ce dernier nommé premier adjoint, selon l’accord conclu entre les deux partis, la situation se dégrade dans le huis clos de la mairie. M. Perdriau et son directeur de cabinet, Pierre Gauttieri, semblent s’être donné pour objectif d’éradiquer toute concurrence ou opposition potentielles. « J’étais plus connu que lui, j’avais davantage de réseaux, ils se sont dit : “Il faut qu’on l’élimine” », décrypte Gilles Artigues, la victime de la « sextape », devant Le Monde. | |
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| En janvier 2015, un terrible piège lui est tendu par un de ses adjoints, Samy Kéfi-Jérôme, et le compagnon de ce dernier, le communicant Gilles Rossary-Lenglet, lequel, très bavard devant la police, reconnaît les faits et affirme aujourd’hui avoir agi pour le compte du maire et de son directeur de cabinet, M. Gauttieri. | |
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| Lire aussi : | |
| Chantage à Saint-Etienne : Gilles Artigues, ancien premier adjoint de Gaël Perdriau, va porter plainte pour « guet-apens en bande organisée » | |
| L’opération de barbouzerie, relatée en détail par Mediapart, a lieu à Paris en marge d’une réunion dans un hôtel situé près de la gare de Lyon. M. Kéfi-Jérôme informe M. Artigues qu’un de ses amis va les rejoindre pour dîner et lui propose de passer prendre l’apéritif dans sa chambre. L’« ami » est en réalité un escort boy recruté pour l’occasion par M. Rossary-Lenglet. Gilles Artigues raconte au Monde avoir bu un verre et ne plus se souvenir de ce qui s’est passé ensuite. Dix-huit mois plus tard, ce catholique pratiquant, marié et père de quatre enfants, qui s’était opposé au mariage pour tous, sera brutalement ramené à la réalité quand Samy Kéfi-Jérôme lui montre l’extrait d’une vidéo où on le voit en posture délicate en train de se faire masser par l’escort. Ce film de trois minutes, intitulé In Bed with Gilles Artigues, constitue une « assurance-vie politique », lui explique le jeune élu : si le premier adjoint ne s’efface pas du paysage politique, la vidéo sera divulguée et sa carrière brisée. « Ma vie s’est arrêtée, j’ai eu envie de me jeter sous le tramway », confie aujourd’hui M. Artigues. | |
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| Incompréhension, colère et indignation | |
| Des années de cauchemar commencent alors pour lui. Il dépérit à vue d’œil sans que sa famille et ses collègues sachent pourquoi. « On le voyait totalement éteint, il se laissait humilier publiquement sans rien dire, on ne comprenait pas pourquoi sa personnalité avait à ce point changé », se souvient la socialiste Isabelle Dumestre, élue de l’opposition. Gilles Artigues, terrifié, s’enferme dans le silence. Le maire et son directeur de cabinet lui ôtent toutes fonctions importantes. Comme s’ils voulaient lui faire comprendre où est désormais sa place, ils vont jusqu’à le nommer… aux cimetières : du jamais-vu pour un premier adjoint, généralement nommé à un poste-clé comme les finances. | |
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| Le maire de Saint-Etienne visé par une plainte pour « chantage aggravé » déposée par son ancien premier adjoint | |
| Il faut attendre la fin de l’été 2022, autrement dit sept ans après les faits, pour que M. Rossary-Lenglet, l’organisateur du piège, décide de tout révéler et prenne contact avec Mediapart, vidéo et enregistrements à l’appui. Ces révélations font l’effet d’un coup de tonnerre sur la ville. Dans un premier temps, Gaël Perdriau tente de minimiser en parlant d’« affaire privée basée sur des on-dit » et nie toute implication. Mais, très vite, la diffusion d’enregistrements où on l’entend menacer lui-même M. Artigues de publier les images le place dans le viseur de la justice. Le maire, son directeur de cabinet, Pierre Gauttieri, et l’homme des basses œuvres, M. Rossary-Lenglet, seront mis en examen quelques mois après l’ouverture de l’enquête judiciaire. | |
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| Un volet financier se greffe sur ce premier scandale : deux subventions municipales, attribuées à des associations à hauteur de 40 000 euros, auraient permis de rétribuer certains auteurs de l’opération « sextape ». Mais la fine équipe ne comptait visiblement pas s’arrêter là. Des extraits vidéo mis en ligne par Mediapart le 1er octobre montrent qu’une autre opération avait été envisagée, à l’été 2015, cette fois contre l’ancien maire stéphanois de 1994 à 2008, le centriste Michel Thiollière, avec lequel Gaël Perdriau avait eu des divergences politiques par le passé. Le piège imaginé par MM. Rossary-Lenglet et Gauttieri aurait consisté à lui mettre une prostituée mineure dans les bras pour le compromettre gravement. Alors qu’ils évoquent ensemble une issue funeste à leur projet – le possible suicide de Michel Thiollière –, M. Rossary-Lenglet lance : « On s’en branle ! » « Ah oui ! », acquiesce le directeur de cabinet du maire, qui a été licencié dès la première affaire rendue publique et a passé plusieurs jours en prison, en juin, pour n’avoir pas payé à temps une partie de sa caution. | |
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| Chantage à la « sextape » à Saint-Etienne : mis en cause dans l’affaire Perdriau, l’adjoint Samy Kéfi-Jérôme annonce sa démission | |
| Depuis un an, la ville oscille entre incompréhension, colère et indignation. Aucun des quelque 177 000 habitants n’aurait imaginé qu’un tel scandale puisse un jour entacher leur cité. « Je n’arrive toujours pas à y croire, je suis sidéré par tout ça, confie le chef triplement étoilé Pierre Gagnaire, stéphanois d’origine et de cœur. C’est du très mauvais roman. » « Les Stéphanois sont des gens généreux, ouverts et orgueilleux, avec une identité très forte, forgée en grande partie par opposition à la voisine Lyon, la bourgeoise, souligne le metteur en scène Daniel Benoin, qui a dirigé pendant vingt-sept ans le théâtre de la ville. Cette sordide affaire représente tout ce qu’ils détestent. » | |
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| Attablé au restaurant qui surplombe les gradins du mythique stade Geoffroy-Guichard – du nom de son arrière-grand-père, fondateur de Casino –, Rémi Guichard, entrepreneur à la retraite, secoue la tête, accablé : « Nous n’avions vraiment pas besoin de ça. » « Tout le monde est tombé de sa chaise en apprenant cette histoire de pieds nickelés, soupire à son tour Bruno Limonne, chirurgien et patron de clinique, qui nous reçoit en jean et en bras de chemise dans la cave à vins “nature” que vient d’ouvrir son fils. C’est très triste car la ville ressortait la tête de l’eau. » | |
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| « Un nouveau pas dans l’horreur » | |
| Poussé par les maires des communes avoisinantes, Gaël Perdriau a été contraint, fin décembre 2022, de se mettre en retrait total de la présidence de l’intercommunalité. Mais, malgré sa mise en examen pour chantage, en avril, au terme de deux jours et demi de garde à vue, et son exclusion de LR, il s’accroche à son fauteuil de maire. Celui qui refuse depuis lors de parler à la presse et affirme « réserver sa parole aux juges » a tout de même accepté de recevoir Le Monde à condition de ne pas évoquer les détails du dossier judiciaire. Vêtu d’un costume marron clair, cheveux bruns soigneusement brossés en arrière, M. Perdriau affiche ce jour-là un air imperturbable. « Je ne démissionnerai pas car je suis innocent, assure-t-il. Parce que la justice serait trop lente, je devrais me soumettre à un jugement populaire ? Non. » | |
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| Pourtant, il ne s’écoule guère une semaine sans qu’il soit confronté à des actes de défiance de la part d’un nombre croissant de ses administrés. Après des « casserolades » et des manifestations organisées par la gauche au lendemain des premières révélations et la tenue de conseils municipaux très tendus, une dizaine d’élus de son propre camp ont officiellement demandé sa mise en retrait en attendant le procès. Le 4 octobre, six d’entre eux ont dénoncé, dans un communiqué, des « pratiques mafieuses » instaurées, selon eux, par son ancien directeur de cabinet. Dans la foulée, Jacques Guarinos, conseiller municipal proche du maire, a jeté l’éponge en évoquant un « profond malaise qui n’a fait que grandir ». | |
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| Lire aussi le récit (2022) : | |
| A Saint-Etienne, l’onde de choc de l’affaire Perdriau | |
| Lionel Boucher, ancien adjoint UDI, proche de Gilles Artigues, a, lui, décidé de siéger dans l’opposition à la suite de nouvelles révélations concernant le traquenard imaginé contre l’ex-maire Michel Thiollière. « Là, dit-il, on a franchi un nouveau pas dans l’horreur. » Parce qu’il a appelé M. Perdriau à la démission, ce dernier lui a immédiatement enlevé ses délégations. Interrogé par Le Monde, M. Boucher décrit un « climat de terreur » à l’hôtel de ville. « Depuis 2014, nous dénonçons un pilotage brutal et autoritaire, des attaques ad hominem, une ambiance délétère lors des conseils municipaux, la valse des directeurs généraux », abonde l’élu socialiste Pierrick Courbon, qui parle de MM. Perdriau et Gauttieri comme de « deux personnalités aux ego surdimensionnés, qui se sont retrouvées dans un sentiment de toute-puissance ». « A partir de 2020, ça s’est aggravé, poursuit sa collègue Isabelle Dumestre. Le maire ne supportait plus qu’on le contredise, il essayait de détruire ses interlocuteurs. » | |
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| Dîner sous les quolibets | |
| Face à une équipe municipale traumatisée et fragile, Gaël Perdriau se montre serein : « Même s’il existe des divergences de vues, pas une voix n’a manqué sur aucune délibération. Pas un dossier n’a été retardé, empêché, annulé à cause de ça. » Faux, rétorque la gauche. « Nous considérons que la ville est à l’arrêt, c’est le mandat de la procrastination », affirme Isabelle Dumestre. Une trentaine d’élus restent fidèles au maire. « Ils n’osent pas bouger car la plupart lui doivent tout, explique M. Boucher. Perdriau avait demandé à ses adjoints de quitter leur travail pour se consacrer entièrement à leur tâche, ce qui les rend complètement dépendants de leurs indemnités. Une nouvelle élection leur ferait prendre le risque de se retrouver sans rien. » Cela vaut aussi pour le maire lui-même, poursuit le centriste : « Il vendait des compteurs Linky chez EDF, il touche maintenant 10 000 euros par mois d’indemnités, il ira jusqu’au bout [de son mandat]. » | |
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| Cet entêtement est de plus en plus compliqué à gérer tant la colère a gagné la ville. Quelques jours avant la Fête du livre, Gaël Perdriau a dû quitter Le Méliès, la grande brasserie du centre, où il dînait sous les quolibets des autres clients. Dans les rues, où il s’aventure de moins en moins, les passants tournent la tête et évitent de lui serrer la main. En juin, lorsqu’il s’est installé à l’Opéra pour assister, avec son épouse et une poignée d’adjoints, à une représentation de Macbeth, un cercle de plusieurs sièges vides s’est créé autour de lui. « Personne ne voulait s’asseoir à ses côtés, comme s’il était pestiféré », se souvient le chirurgien Bruno Limonne. | |
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| Autre incident, le 2 septembre, lors de la foire où se pressent chaque année des milliers de visiteurs. M. Perdriau s’approche du député (LR) de la Loire Dino Cinieri pour le saluer : « Garde ta main pour pisser », cingle l’élu devant de nombreux témoins. Cet accrochage édifiant est immédiatement relaté dans Le Progrès, le journal régional. « Je ne veux pas non plus lui serrer la main, assume le président (LR) du conseil départemental de la Loire, Georges Ziegler. Je suis gêné, tout le monde est gêné. » Depuis, le maire fuit la foule, organise ses déjeuners dans un salon de l’hôtel de ville et ne communique son agenda qu’au dernier moment pour éviter que ses opposants ne perturbent ses sorties. A l’occasion d’une réunion de quartier, il a même fait venir la police municipale pour le protéger au cas où. Lors de la Fête du livre, il s’est fait remplacer pour la remise du prix, un événement qui fait pourtant partie des moments importants de la vie locale, et il a jugé préférable de parcourir les allées du salon aux heures de faible affluence. | |
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| Confortablement installé dans son vaste bureau, Gaël Perdriau reconnaît, sur un ton maîtrisé, que la situation est « très inconfortable ». « Si, personnellement, ce que je vis est difficile, professionnellement, je garde le cap et me fixe sur le travail, insiste-t-il. Ma mobilisation est intacte, ça me permet de résister à la pression. Je ne veux pas me laisser distraire par un malheureux événement. » | |
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| Ce « malheureux événement » a déjà fait de nombreuses victimes. A commencer par les principaux intéressés. Quand on le rencontre chez lui, à deux pas de l’hôtel de ville où il a vécu des années de cauchemar, Gilles Artigues nous accueille avec son épouse, Mireille, et ses enfants dans un salon encombré d’un bric-à-brac de valises et de cartons, à l’image d’une vie saccagée. Cet ancien professeur de mathématiques vient de retrouver un travail très loin de Saint-Etienne, comme directeur diocésain de l’enseignement catholique d’Albi. Il prend des médicaments et suit une psychothérapie pour comprendre « le phénomène d’emprise qui a fait qu’[il a] pu supporter de vivre tant d’années avec une épée de Damoclès sur la tête et la hantise de voir [sa] vie être détruite ». | |
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| « Un peu roquet, mais bosseur » | |
| Cheveux gris, teint fatigué, épaules courbées, M. Artigues évoque son « enfer » : menaces incessantes, moqueries, brimades, quolibets, harcèlement de la part du trio mis en examen. Il songe au suicide et se met à enregistrer ceux qui le font chanter pour que ses proches comprennent ce qu’il a vécu. Sur un des enregistrements, M. Gauttieri le menace de diffuser la fameuse « sextape » auprès des parents d’élèves de l’établissement privé dans lequel est scolarisée sa progéniture : « Je pense que vos enfants ne s’en remettront pas », ajoute le directeur de cabinet. Il les connaît : les siens sont inscrits dans la même école, comme ceux de Gaël Perdriau. Saint-Etienne est un petit village pour ses élites. | |
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| Michel Thiollière, l’ancien maire, n’en revient toujours pas d’avoir également été pris pour cible par l’entourage du maire. « Perdriau est entré dans mon équipe municipale en 1995 alors qu’il sortait de l’Institut de gestion. Je l’ai marié, je lui ai trouvé un job chez EDF, je l’ai pris sous mon aile pour favoriser son ascension dans le monde public. C’était quelqu’un en qui j’avais confiance. Il était un peu roquet, mais bosseur. Il a coupé les ponts avec moi quand il a été élu maire, car il voulait être le seul à exister. » | |
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| Veste chic vert anglais, cheveux blancs et lunettes à montures rouges, M. Thiollière raconte avoir aussi recruté Pierre Gauttieri, qui a refusé de répondre aux sollicitations du Monde, par l’intermédiaire d’un cabinet spécialisé. « Il ne savait pas travailler en équipe, alors je l’ai mis en charge du conseil du développement. J’ai compris après qu’il m’en avait beaucoup voulu, mais je ne pensais pas qu’il me vouait une telle haine. » Pour lui, le duo mis en cause a « perdu toute humanité. Ils sont devenus fous, des petites frappes qui mettent des contrats sur la tête de ceux qui leur déplaisent comme dans un film de série B ». Et l’élu à la retraite de s’interroger : « Si Perdriau ignorait tout du piège monté contre moi, pourquoi ne m’a-t-il même pas passé un coup de téléphone de soutien ? Je pense qu’il s’enferme dans son déni. » | |
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| Lire aussi la chronique (2014) : | |
| Saint-Etienne, « pauvre de fric mais riche de cœur » | |
| Au-delà des victimes directes, c’est une ville tout entière qui souffre. Une cité ayant eu son heure de gloire avec l’industrialisation avant de connaître son lot de malheurs avec la fermeture des mines, puis celle de Manufrance et de la manufacture d’armes, les fleurons des années prospères. Cette ville moyenne, dotée d’un Opéra, d’un théâtre, d’un musée d’art contemporain, a perdu bon nombre d’emplois, 50 000 habitants en cinquante ans, et a vu une partie de sa population se paupériser. A Saint-Etienne, le drapeau « Vert & Fier » de l’équipe de foot qui fit vibrer la France des années 1970 flotte toujours, mais l’ASSE évolue désormais en Ligue 2, symbole, s’il en fallait, des difficultés dans lesquelles la ville se débat. Sans compter l’incertitude sur l’avenir du Groupe Casino, qui a toujours son siège social dans la commune. | |
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| Folle ambition | |
| Malgré son taux de pauvreté supérieur à la moyenne nationale et son centre déserté par les plus aisés, Saint-Etienne avait pourtant redressé la tête, regagnant même 5 000 habitants ces dernières années. Lorsque Gaël Perdriau a été élu, en 2014, les forces économiques locales avaient accueilli son dynamisme avec enthousiasme. « Il a des réussites à son actif », note l’avocat d’affaires Jean-Jacques Deygat, citant la revitalisation du centre-ville, la rénovation des halles, la mise en route de la troisième ligne de tramway et une renaissance des TPE-PME. « Cette histoire de “sextape” a atterré les chefs d’entreprise, regrette Me Deygat. Tout ça ne donne plus envie de s’installer ici. » « Saint-Etienne a des atouts forts : une intégration réussie, une main-d’œuvre extraordinaire, un tissu de PME, un foncier attractif et un haut niveau de créativité, souligne pour sa part Rémi Guichard. Quand Perdriau a été élu, tout le monde s’est dit : “Il est jeune, il a envie, il va tirer une ville qui manquait depuis longtemps de véritable capitaine.” Quel gâchis ! » | |
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| Le maire, de son côté, égrène calmement son bilan : l’augmentation de 50 % du nombre d’étudiants, « une politique volontariste de destruction et de réaménagement de vieilles friches qui donnaient une mauvaise image », un soutien aux entreprises, l’accueil d’événements internationaux, comme l’Euro 2016 de football, le Tour de France ou, plus récemment, la Coupe du monde de rugby. « Je ne fais pas l’autruche, cette affaire entache l’image de la ville, mais pas l’attractivité économique », martèle-t-il en se posant lui-même en victime du scandale. « Lors de son premier mandat, il a apporté un vrai changement, une envie de faire et de bien faire et personne ne lui contestait son leadership, concède son adversaire le centriste Lionel Boucher. C’est ça qui est fou : il n’avait pas besoin de faire ce type de saloperies pour assurer son règne ! » | |
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| Enquête sur Gaël Perdriau : après une « attaque sans précédent contre la liberté de la presse », la justice tranche finalement en faveur de « Mediapart » | |
| Pour les Stéphanois, la seule explication à ce qui s’est passé à l’hôtel de ville se trouve dans la folle ambition de ce même Gaël Perdriau. « Pierre Gauttieri lui a mis dans la tête qu’il pouvait atteindre des sommets, il tenait le mixeur », estime Georges Ziegler. Pour Lionel Boucher, il s’agit d’une « histoire de deux méchants qui se sont rencontrés au service d’une ambition démesurée, celle du maire qui se voyait président de LR, ministre, voire président de la République ». | |
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| Au fil des années, M. Perdriau a mis beaucoup d’énergie à se peaufiner une stature nationale, en publiant notamment une quarantaine de tribunes dans la presse. Son positionnement « gaulliste social » l’a fait remarquer des médias et des élus. Il a grimpé les échelons de LR jusqu’à devenir vice-président du parti en 2019 et a envisagé de se présenter pour la place de numéro un. Après avoir dénoncé la « droitisation » des LR, il s’est ensuite rapproché de Renaissance, le parti présidentiel. « On m’a proposé de travailler deux fois pour le gouvernement Macron, mais j’ai refusé », prétend-il. Un destin national n’est en tout cas plus du tout d’actualité. | |
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| « La risée de la France » | |
| Avec cette succession de scandales, Saint-Etienne est désormais à la peine et ne peut guère compter sur le soutien de la région Auvergne-Rhône-Alpes pour l’aider. Plusieurs dizaines de millions d’euros de subventions au théâtre, à la Cité du design et à d’autres institutions ont été gelés. Entre le président du conseil régional, Laurent Wauquiez, et M. Perdriau, les relations ont toujours été polaires, le premier reprochant notamment au second d’avoir soutenu Bruno Le Maire contre lui en 2017. Et ce ne sont pas les enregistrements diffusés par Mediapart qui vont réchauffer l’ambiance. | |
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| Chantage politique à la « sextape » à Saint-Etienne : Gaël Perdriau démet de ses fonctions Pierre Gauttieri, son directeur de cabinet | |
| Au détour d’une conversation lors de laquelle il s’en prend à Gilles Artigues, M. Perdriau accuse carrément Laurent Wauquiez de pédocriminalité : « Il allait sucer sur le parking des supermarchés des petits garçons », l’entend-on déclarer. Une accusation gravissime que le président de région a qualifiée dans un tweet de « mensonge abject », soulignant l’« indignité » de son auteur. Ce dernier a eu beau reconnaître que ses propos étaient totalement « infondés », cette folle saillie va laisser des traces. « Avec Wauquiez, les tensions ne datent pas d’aujourd’hui, il nous a déjà coupé des subventions entre 2017 et 2019, minimise M. Perdriau. Si ce n’avait pas été ça, ça aurait été autre chose. » | |
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| De l’avis de très nombreux Stéphanois, une sortie de crise ne peut passer que par la mise en retrait du maire. « Nous sommes la risée de la France, constate M. Ziegler, au conseil départemental. Partout, les gens nous demandent d’un air goguenard : “Alors chez vous on fait du cinéma ?” S’il aime vraiment sa ville, il devrait se mettre en retrait. Pas un ministre ne mettra les pieds ici tant qu’il sera en poste, conclut-il, avant de reconnaître : En tout cas, il a le cuir épais, c’est un costaud. Il a énormément de pression et il tient bon. » | |
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| La gauche a saisi Matignon pour demander sa révocation, sans recevoir de réponse de la part de la première ministre, Elisabeth Borne. « On se heurte à un angle mort du droit des collectivités locales, regrette l’un des chefs de file socialistes, Pierrick Courbon. Il n’existe pas de mécanisme du type motion de censure. Du coup, il peut s’accrocher jusqu’aux municipales de 2026. » « Qu’il ne démissionne pas est incompréhensible, soupire pour sa part Rémi Guichard, le regard soucieux. Il ne faut pas que ça traîne comme ça, ce n’est bon pour personne. » Mais, comme beaucoup de Stéphanois, il veut rester optimiste : « Saint-Etienne a connu des crises, et elle les a surmontées à chaque fois. » | |
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| Vanessa Schneider (Saint-Etienne, envoyée spéciale) | |
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