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-====== [Le Monde – « Le festival Tribe of Nova, frappé par le Hamas, était bien plus qu’une rave-party »]( ======
-[Le Monde – « Le festival Tribe of Nova, frappé par le Hamas, était bien plus qu’une rave-party »](https://www.lemonde.fr/le-monde-des-religions/article/2023/10/28/nouvelles-spiritualites-le-festival-tribe-of-nova-frappe-par-le-hamas-etait-bien-plus-qu-une-rave-party_6196983_6038514.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default )
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- LE MONDE DES RELIGIONS
-« Le festival Tribe of Nova, frappé par le Hamas, était bien plus qu’une rave-party »
-CHRONIQUE
-Marc Bonomelli
-Le festival touché par l’attaque du Hamas était un « avatar de la nouvelle spiritualité occidentale », affirme le journaliste Marc Bonomelli, dans sa chronique pour « Le Monde des religions ». Selon lui, loin d’être marginal, ce type d’événements se multiplie partout dans le monde et rassemble des personnes portées par des valeurs « présentées comme alternatives ».
-Hier à 07h00, modifié hier à 15h39
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-Sur les lieux du festival Tribe of Nova, où 270 participants ont été tués par des membres du Hamas, le 7 octobre 2023, près du kibboutz de Beeri (Israël), le 23 octobre 2023. ARIS MESSINIS / AFP
-[Marc Bonomelli est journaliste indépendant, spécialisé dans l’étude du fait religieux et des nouvelles spiritualités. Auteur des Nouvelles Routes du soi. En immersion chez les nouveaux spirituels (Arkhê, 2022), il analyse dans une chronique mensuelle la spiritualité foisonnante de notre époque et la manière dont elle se réinvente. Des « néodruides » aux « soul surfers », ces nouvelles « routes du soi » semblent traverser tous les domaines, de la santé à la politique, en passant par le numérique, le développement personnel et, bien sûr, les religions.]
-Un nouveau Bataclan ? La comparaison a parfois été utilisée pour décrire le massacre de 260 personnes dans le désert du Néguev, le 7 octobre. Or le rassemblement israélien pris pour cible par les terroristes n’était pas un simple événement festif, culturel ou musical. Le festival Tribe of Nova était d’ailleurs bien plus qu’une rave-party, étiquette qui lui a souvent été accolée depuis par les médias : le Hamas a frappé un véritable avatar de la nouvelle spiritualité occidentale – même si le mouvement islamiste palestinien ne l’a pas officiellement revendiqué ainsi.
-Institution de la spiritualité contemporaine
-« Les personnes qui s’orientent vers la néospiritualité ne se contentent pas d’adopter simultanément une série de disciplines alternatives ou holistiques, telles que le yoga moderne et les techniques énergétiques comme le reiki ou autres, mais participent activement à des pratiques de mouvement, de danse et de musique en conscience », m’explique la chercheuse en sciences des religions Manéli Farahmand, directrice du Centre d’information sur les croyances (CIC), à Lausanne. Tribe of Nova s’inscrit pleinement dans cette démarche.
-Lire aussi :
-Nouvelles spiritualités : « Yogi, méditants, néosorcières, chamans... Derrière un aspect hétéroclite se dessine un ensemble cohérent de doctrines »
-Cette fête dans le désert était la première déclinaison en Israël du festival brésilien Universo Paralello, né à Bahia il y a une vingtaine d’années. Ce dernier « compte depuis, assure Manéli Farahmand, un très large public qui circule dans les réseaux néospirituels transnationaux ». Comparés parfois à des Woodstock contemporains, ces rassemblements fonctionnent comme des institutions de la spiritualité contemporaine.
-En Europe, au Portugal, on citera ainsi le Boom Festival, ayant réuni près de 40 000 personnes cet été, qui s’insère dans le même esprit. Y sont partagées et reproduites des valeurs « présentées comme étant alternatives, ajoute la socio-anthropologue : la coexistence pacifique et harmonieuse interespèces, l’unité dans la différence, l’amour, la paix, la référence au cœur et non aux règles extérieures, etc. ».
-Lire aussi :
-En Israël, les mots de douleur et de rage d’une jeunesse traumatisée : « C’est un moment de rupture pour notre génération »
-De nombreux ateliers sont mis en place dans ce type d’événements, diffusant des pratiques telles que la méditation, le rewilding (techniques de reconnexion à la nature), le satsang (une méthode contemplative)… Un Art Space et un point d’information sur l’écologie se situaient aussi sur les lieux du Tribe of Nova. Un signe des valeurs portées par la culture SBNR (Spiritual But Not Religious, « spirituel mais non religieux ») : notre soi authentique s’exprime et se développe dans l’art, et cette authenticité est reliée à la nature, dont le foisonnement nous rappelle que la créativité relève de notre vraie nature.
-L’étiquette de « rave-party » masque donc la réalité plus complexe de ces réunions temporaires en plein air et à bonne distance des métropoles. Les participants entendent s’y connecter à eux-mêmes, aux autres, au vivant. Et pensent ainsi œuvrer à transcender les frontières et les divisions entre clans, ethnies, nationalités, religions.
-Avishag Jacob, parente de trois disparus du 7 octobre, confie ainsi à Paris Match : « Ce festival, c’est pour célébrer la vie, la paix, pour que les gens se connectent, quelle que soit leur origine, leur religion. C’est le dernier endroit à attaquer. »
-« Culture psychédélique et “ecstatic dance” »
-De fait, mes observations de terrain et mes entretiens réalisés ces dernières années ont mis en lumière que la participation à ce genre de festivals impliquant de la musique électronique revient de manière fréquente dans le parcours des nouveaux cheminants spirituels. C’est souvent dans ce contexte, même si l’intention de départ peut être seulement festive, que se vivent les premières expériences qualifiées de « mystiques » – avec ingestion de substances ou non, la danse, la foule et la musique suffisant pour certains à les transporter dans une forme de transe.
-Une expérience revient dans les témoignages : celle d’avoir eu la sensation de ne faire qu’un, non seulement avec les autres festivaliers, mais avec le cosmos. « Le festival s’inscrit plus particulièrement dans la culture psychédélique et l’univers des ecstatic dance, développe Manéli Farahmand. Dans les deux cas, l’accent est mis sur l’idée de tribu, d’appartenance à une grande famille mondiale basée sur des valeurs communes. » Quelques mois avant le drame du 7 octobre, Natan, un voyageur israélien, me confiait que faire ce type d’expérience était d’utilité publique, puisqu’elles brisent, selon ce trentenaire, « l’illusion de la séparation » entre les êtres humains, laquelle est la racine de toutes les guerres.
-Lire aussi la tribune :
-Ofer Bronchtein : « Nous nous sommes battus, ensemble, pour la paix au Proche-Orient. Aujourd’hui, c’est un gouffre qui nous sépare »
-Une critique fréquente des néospirituels reproche à ces derniers une démarche individualiste, nombriliste, purement consumériste. Sans nier qu’ils sont imprégnés « de logiques néolibérales », Manéli Farahmand observe pour sa part que « ces rassemblements révèlent plutôt le contraire ». Les posts Facebook de la page de Tribe of Nova rappelaient ainsi aux futurs festivaliers de prendre soin les uns les autres, notamment en partageant leurs vivres. Et je ne peux pas m’empêcher d’avoir la gorge serrée à l’idée que l’une des parcelles aménagée du festival était nommée « safe zone good people »…
-Du côté de la programmation musicale, les DJ conçoivent leur travail comme une forme de chamanisme du son, et leurs musiques sont pensées à des fins méditatives. « Dans cet univers, détaille la chercheuse, le son est utilisé à des fins spirituelles et thérapeutiques, à travers la croyance dans les fréquences sonores, dans le pouvoir de la musique sur le corps et les perceptions sensorielles ou extrasensorielles. » Certains considèrent même ces fêtes comme des moyens énergétiques de guérir la planète.
-Lire aussi l’entretien :
-« Du balayage au tir à l’arc, toute activité peut devenir une occasion de spiritualité »
-Planifié pour la fin de la fête juive de Soukkot, Tribe of Nova tombait un shabbat, où il est normalement interdit, selon les règles du judaïsme, d’allumer un appareil électrique. « Le thème de la fête de Soukkot n’est pas anodin, décrypte la directrice du CIC. Il peut symboliser, dans ce contexte le nomadisme, la ritualisation des cycles de la nature, l’ouverture et le partage, tout en soulignant le mode de vie des festivaliers qui campent et voyagent. » Malgré cette allusion à la Torah, l’esprit du festival se démarque cependant de la religion juive. Des thèmes de cette tradition sont utilisés mais réinventés librement. Et les sympathisants espèrent bâtir ensemble une tribu globale plus ouverte que la seule religion perçue comme limitante.
-Marc Bonomelli
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