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-[Le Monde: En Afrique de l'Ouest, la France désavouée par les opinions publiques](https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/11/02/en-afrique-de-l-ouest-la-france-desavouee-par-les-opinions-publiques_6197820_3212.html ) 
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-En Afrique de l’Ouest, la France désavouée par les opinions publiques 
-Par Christophe Châtelot  et Cyril Bensimon 
-Publié le 02 novembre 2023 à 06h00, modifié le 02 novembre 2023 à 19h36 
-Temps deLecture 15 min. 
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-RÉCIT« France-Afrique, la cassure » (1/3). Le rejet de l’influence française s’est peu à peu installé au sein des populations d’Afrique de l’Ouest, au point de faire de l’ancien colonisateur le coupable de l’ensemble des maux de la région. 
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-C’est devenu un air à la mode, même à Libreville, la capitale plutôt francophile du Gabon. « Français, rentrez chez vous ! » Le slogan fuse, ce lundi 4 septembre. Il est lancé à la volée à l’attention de quelques journalistes par une poignée de personnes réunies devant le palais du Bord de mer, siège de la présidence de la République. 
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-Au même moment, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, nouvel homme fort du pays, prête serment comme président du Comité pour la transition et la restauration des institutions. Celui qui commandait la garde républicaine a déposé, trois jours plus tôt, le chef de l’Etat en exercice, Ali Bongo Ondimba, héritier du pouvoir à la mort de son père, Omar Bongo Ondimba. Dans les faits, l’officier supérieur a mis fin à cinquante-six ans de pouvoir familial et, dans les imaginaires, à presque autant d’années de connivences avec la France. 
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-A Libreville, aucun parti politique n’instrumentalise (encore) ce sentiment antifrançais qui bouillonne ailleurs en Afrique. « Mais c’est à fleur de peau, confie un diplomate français, il vaut donc mieux faire profil bas. » Paris se contente du minimum. Condamnation du coup d’Etat, sans trop en dire, appel au retour à l’ordre constitutionnel, aucun conseil sur la durée ou le contenu de la transition. Surtout pas de vague. Ici, le désamour de la France s’est installé progressivement depuis la fin du « règne » du patriarche et autocrate Omar Bongo, en 2009, sans éruption de haine. 
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-Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Gabon : la France à l’épreuve d’un nouveau coup d’Etat dans son ancien pré carré africain 
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-Dans d’autres capitales africaines, en revanche, le ressentiment est vif. De Bamako à Kinshasa, de Dakar à N’Djamena, dans les limites de l’ancien pré carré français de ses anciennes colonies, ou de l’espace francophone (comme en République démocratique du Congo), un faisceau de raisons complexes explique la perte d’influence française, pouvant aller jusqu’au rejet. Vécu à des intensités diverses, ce long processus s’est amorcé au lendemain de la seconde guerre mondiale. Il s’est stratifié avec les indépendances des années 1960, puis renforcé à la fin de la guerre froide. Dorénavant, dirigeants et opinions publiques africains l’expriment de plus en plus bruyamment. 
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-Au Gabon, le ressentiment est notamment d’ordre politique, nourri par un passé chargé et entretenu par des maladresses nouvelles. En mars, à Libreville, lorsque Emmanuel Macron participe au One Forest Summit consacré à la préservation du bassin du fleuve Congo, il est immédiatement suspecté par une partie de la société civile et de l’opposition d’avoir fait le déplacement pour soutenir Ali Bongo Ondimba, candidat à un troisième mandat lors de la présidentielle, prévue le 20 août. Le scrutin s’annonce comme une mascarade. Le président gabonais, victime d’un grave accident vasculaire cérébral en 2018, n’apparaît pas en mesure d’occuper cette fonction. Emmanuel Macron n’est-il pas venu pour lui donner un coup de pouce ? Comme avant ? 
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-Le poids de l’histoire 
-Si les Gabonais cultivent cette suspicion, c’est qu’ils se souviennent d’une autre époque. En 1964, les parachutistes français, armes à la main, sauvent la tête du président Léon Mba, menacé par un coup d’Etat de l’armée. Trois ans plus tard, ils placent sur le « trône républicain » Albert-Bernard Bongo, qui deviendra Omar Bongo Ondimba après sa conversion à l’islam, peu avant l’entrée de son pays dans l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, en 1975. A la tête d’une autocratie pétrolière construite en grande partie par Elf Aquitaine (future TotalEnergies), il avait financé bien des partis politiques français, tout particulièrement le RPR de Jacques Chirac, dans les années 1970 et 1980. Mais pas seulement. « Je ne nie pas avoir aidé les uns et les autres (…) comme j’en ai le droit, c’était mon argent à moi », reconnaissait-il dans le livre d’entretiens Blanc comme nègre (Grasset, 2001). A sa mort, en 2009, Paris adoube son fils Ali, successeur dynastique, déclaré vainqueur à l’issue d’un scrutin douteux. La France ne cille guère plus lors de sa réélection, en 2016. Scrutin frauduleux, de nouveau, ensanglanté par plusieurs dizaines de morts. 
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-Le lien entre Libreville et Paris s’est effiloché au fil du temps. Comme un symbole, ce n’est pas en français, mais dans un anglais hésitant qu’Ali Bongo Ondimba, le regard vague, lance, le 30 août depuis son domicile, un appel à l’aide « aux amis du Gabon » pour le sauver du coup d’Etat commis quelques heures auparavant. Le même a fait entrer son pays dans le Commonwealth l’année précédente. Dans les couloirs et les alcôves du palais du Bord de mer, ce ne sont plus ni des anciens de Sciences Po Paris ou de Saint-Cyr ni des pétroliers français qui dirigent les affaires. Une « young team », telle que les Gabonais surnomment cette équipe menée par le fils du président, Noureddin, et composée de jeunes gens formés à Londres, a mis la main sur les affaires de l’Etat après l’AVC d’Ali Bongo Ondimba. 
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-Lire aussi : Article réservé à nos abonnés La chute de Sylvia et Noureddin Bongo, reine et prince héritier du Gabon 
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-Certes, le camp militaire de Gaulle – qui héberge au cœur de la capitale depuis 1975 les « éléments français au Gabon » – compte encore quelque quatre cents militaires. Ils étaient mille deux cents à la fin des années 2000. Ils ne seront plus que deux cents à l’horizon 2024, chargés de former au combat en forêt tropicale des soldats du Gabon et d’autres pays de la région. Même les opposants gabonais ont pour habitude de faire un détour par le Quai d’Orsay au moment des élections. 
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-Mais Paris le voudrait-il, il n’a plus les moyens de décider du résultat des élections gabonaises. Emmanuel Macron l’a reconnu à Libreville : « Notre histoire ici, au Gabon, c’est aussi celle de la “Françafrique” », autrement dit, celle des réseaux occultes et des connivences postcoloniales. Mais, selon lui, « cet âge est bien révolu ». A raison. Sauf que le poids de l’histoire demeure. 
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-« La France a été trop complaisante » 
-Le Gabon est loin d’être la seule ancienne colonie où l’on reproche à la France d’avoir installé et-ou soutenu jusqu’au point de rupture des systèmes politiques basés sur un multipartisme de façade. Que dire de Paul Biya (90 ans), au pouvoir au Cameroun depuis 1982 ? De Denis Sassou-Nguesso, « roi élu » du Congo-Brazzaville depuis 1979 (avec une coupure de 1992 à 1997) ? De la valse des présidents centrafricains orchestrée par les services français ? Ou du Tchadien Idriss Déby Itno, tombé au front en avril 2021, mais sauvé plus d’une fois par des militaires français de rébellions menaçant son pouvoir brutal et clanique ? Et du Togo, dirigé depuis plus d’un demi-siècle par les Gnassingbé père et fils ? 
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-« La France a été trop complaisante avec les fausses démocraties, les élections truquées, ça la rend impopulaire, juge un conseiller occulte de plusieurs présidences africaines. Comment Emmanuel Macron peut-il rendre visite aux autocrates d’un autre temps, comme Biya ou Sassou ? C’est destructeur pour l’image de la France. Ce n’est pas nouveau, mais auparavant Paris était au moins à l’écoute des opposants, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. » 
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-En 2012, François Hollande avait promis de rompre avec cette complaisance. Dans le programme électoral du candidat socialiste, au 58e engagement, le seul consacré au continent africain, on peut lire : « Je romprai avec la “Françafrique”, en proposant une relation fondée sur l’égalité, la confiance et la solidarité. » Peu de temps après son élection à la présidence de la République, il snobe ostensiblement les présidents rangés dans la catégorie des « mauvais démocrates », lors du Sommet de la francophonie organisé à Kinshasa. Il insiste sur le respect des droits humains et n’hésite pas à s’affranchir d’un certain nombre de principes recommandés par l’usage diplomatique envers ses hôtes pour marquer le début de cette nouvelle ère. Idriss Déby, autocrate tchadien arrivé au pouvoir par les armes et le soutien français vingt-deux ans plus tôt, en 1990, se fait alors porter pâle, prétextant un séjour déjà programmé en Guinée équatoriale. « Présider la République, c’est ne pas inviter les dictateurs en grand appareil à Paris », lance le président français. 
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-Ces engagements n’ont pas tardé à se fracasser sur le mur de la géopolitique locale. En février 2013, quelques mois après les leçons de morale républicaine du président Hollande, la libération d’une famille de sept Français enlevés par Boko Haram dans le nord du Cameroun, près de la frontière nigériane, remet en selle Paul Biya. Au même moment, Denis Sassou-Nguesso devient incontournable pour le règlement de la crise en Centrafrique. Puis au Mali, l’appui des soldats tchadiens d’Idriss Déby est salutaire dans le cadre de l’opération antiterroriste française « Serval », lancée elle aussi début 2013. 
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-Arrogance 
-L’épisode de Kinshasa laissera des traces auprès des partenaires africains de la France. Tout comme, quelques années plus tard, une autre démarche perçue en Afrique comme le comble de l’arrogance. Emmanuel Macron est alors aux commandes. Les signes d’enlisement de l’opération « Barkhane » au Sahel – qui a succédé à « Serval » le 1er août 2014 – sont patents. Loin d’être contenus, les groupes djihadistes étendent leur emprise. Après le nord, le centre du Mali s’embrase. Les violences débordent sur le Burkina Faso et le Niger. 
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-Le 20 janvier 2020, quelques semaines après la mort de treize soldats au Mali, le président français réunit ses homologues du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) à Pau, pour définir une nouvelle stratégie et resserrer les rangs alors que les critiques montent, y compris parmi les gouvernants, contre l’intervention française. 
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-« Il nous convoque, plutôt, se souvient un ministre sahélien, et il n’était pas question de discuter, c’était assez humiliant. » « Ce fut une grande erreur de communication. Le ton employé donnait l’impression que les chefs d’Etat de la région étaient au service de la France », ajoute Baba Dakono, analyste malien, secrétaire exécutif de l’Observatoire citoyen sur la gouvernance et la sécurité. Pour Robert Dussey, ministre des affaires étrangères du Togo, cet épisode illustre combien « Paris n’écoute pas assez les Africains ». « Sous la présidence [française actuelle], ce déficit flagrant se répète de crise en crise, du Mali au Burkina Faso, puis au Niger », ajoute le diplomate. 
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-Lire aussi la chronique : A Pau, pour parler du Sahel, des « doyens ouest-africains agacés par le “petit frère” Macron » 
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-Sur le fond, tout le monde s’accorde à reconnaître l’utilité du sommet de Pau face à l’ampleur de la crise sécuritaire. Mais sur la forme, cette « convocation » ne froisse pas seulement les présidents du G5. Elle braque les opinions publiques des pays concernés. « Quel qu’il soit, aucun président français sous la Vᵉ République n’a pu se départir d’une forme de paternalisme arrogant », glisse un responsable guinéen. Dans une lettre ouverte publiée au moment du sommet par Mediapart, un collectif de personnalités d’Afrique de l’Ouest dénonce « une humiliation de plus ». 
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-« L’enlisement d’une vaine solution militaire à des problèmes politiques et sociaux a légitimement retourné progressivement l’opinion malienne contre la France », écrivent les signataires. Dénonçant notamment le soutien de Paris aux « dictateurs » Blaise Compaoré (renversé par un mouvement de contestation fin 2014 et exfiltré du Burkina Faso par les forces spéciales françaises) et Idriss Déby, ainsi qu’aux dirigeants du Niger, « où les manifestations de la société civile sont systématiquement interdites », ce collectif rassemblant des écrivains, syndicalistes, avocats ou activistes associatifs affirme que « la montée d’un sentiment “antifrançais” n’a rien d’étonnant ». 
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-Les leçons de démocratie 
-Beaucoup d’observateurs jugent à ce titre que la guerre civile en Libye marque un tournant dans la perception des opinions publiques africaines à l’égard de la France. L’intervention des hélicoptères et des avions de chasse français dans le conflit de 2011, puis l’élimination du Guide, Mouammar Kadhafi, ont entraîné la déstabilisation de toute la sous-région. 
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-Cette initiative est perçue comme un élément déclencheur de la crise malienne, qui a permis aux groupes armés de prospérer. « La mort de Kadhafi et les conditions de celle-ci ont été la grande faute [du président Nicolas] Sarkozy. La France la paye encore et n’a pas fini de la payer, car c’est le point de départ de la déstabilisation de toute la région. Cela a démontré que la défense de la démocratie et des droits humains pour justifier l’intervention en Libye n’était qu’une posture », soutient le conseiller sahélien précédemment cité. 
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-Un ancien ministre de cette région qui l’a côtoyé rappelle cependant que « Kadhafi a été, de son vivant, à l’origine de la situation sécuritaire actuelle ». « C’est lui qui a enrôlé des milliers de Touaregs dans la Légion islamique avant de les libérer du jour au lendemain avec d’importants stocks d’armes », affirme-t-il, avant que les chefs d’Etat voisins n’instrumentalisent la mort de celui qui s’était proclamé « roi des rois traditionnels d’Afrique ». Cet épisode a été vécu comme une nouvelle humiliation occidentale, d’autant plus que l’intervention militaire franco-britannique s’était faite contre l’avis de l’Union africaine, ainsi désavouée. 
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-Lire aussi l’enquête : Article réservé à nos abonnés Comment la France est devenue indésirable dans le Sahel 
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-Dès le début des années 2010, les leçons de démocratie professées par la patrie des droits de l’homme ne passent donc plus. Le 21 septembre, à la tribune des Nations unies, lors de la dernière Assemblée générale, le président putschiste de Guinée, le colonel Mamadi Doumbouya, s’est taillé un franc succès dans son pays. 
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-En substance, il y a décrit comme un échec les tentatives de greffe sur le continent de la démocratie occidentale, « ce modèle que vous nous avez si insidieusement et savamment imposé (…) presque de façon religieuse. » L’ancien sous-officier de la Légion étrangère française ne montre pas la France du doigt. Mais au pays de Sekou Touré, celui qui, le premier dans l’empire colonial français, retoqua, en 1958, le projet de communauté franco-africaine proposé par le général de Gaulle – son assertion : « Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage » est restée gravée dans les esprits de tous les panafricanistes –, tout le monde a compris à qui Mamadi Doumbouya faisait allusion. 
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-Dire, comme le fit le colonel guinéen, que ce modèle n’a pas réussi, en Afrique, à « s’adapter à nos réalités, à nos coutumes, à notre environnement », est pour le moins contestable. Une étude de l’Afrobaromètre (un réseau africain indépendant de sondages), réalisée dans trente-six pays du continent en 2021 et 2022, montre que deux tiers des Africains préfèrent la démocratie à toute autre forme de gouvernement et que 80 % d’entre eux rejettent le régime d’un seul homme ou d’un seul parti. Mais seulement 38 % des Africains se disent satisfaits du fonctionnement de la démocratie dans leur pays. 
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-Un « os antifrançais » à ronger 
-A ce titre, le renversement de Blaise Compaoré, suivi de deux coups d’Etat militaires dans ce même Burkina Faso (en janvier et septembre 2022), ainsi que les putschs au Mali et au Gabon ont été perçus par les populations comme les seuls moyens de débloquer des systèmes politiques à bout de souffle, rongés par le népotisme, la corruption et le trucage électoral. 
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-« Le degré de satisfaction a diminué à travers l’Afrique, sapant la confiance des citoyens en la gouvernance démocratique », analyse le directeur général d’Afrobaromètre, Joseph Asunka. La même étude montre qu’une majorité de personnes âgées de 18 ans à 35 ans soutiennent le principe d’une prise de pouvoir par l’armée si les élus abusent de leurs pouvoirs. Environ 70 % des Subsahariens ont moins de 30 ans. 
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-Mais quelle est la responsabilité de la France dans ces blocages et ces fragilités institutionnels ? « Quatre-vingt-dix pour cent des fautes dont on accuse Paris sont de l’ordre du fantasme, mais la France n’a rien vu venir et n’a donc pas su anticiper », observe une source introduite auprès de plusieurs présidences africaines. « Même si la contestation antifrançaise est exagérée, elle existe chez les jeunes, notamment dans un contexte où le niveau éducatif s’est effondré », souligne un officiel ivoirien, sous-entendant que cette jeunesse est plus perméable aux manipulations. « Il n’y a rien d’idéologique, mais nos dirigeants n’ont rien d’autre à lui proposer que cet os antifrançais à ronger », ajoute-t-il. 
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-Lire aussi l’entretien : Article réservé à nos abonnés Louise Mushikiwabo : « Le sentiment antifrançais, de plus en plus visible en Afrique, est un signe des temps » 
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-Un « os » que leur proposent également, en Afrique de l’Ouest, certaines élites religieuses, notamment celles formées en Arabie saoudite depuis le début des années 1980 pour contrer le « concurrent » iranien. « Du Mali à la Côte d’Ivoire, les associations salafistes et wahhabites ont connu un essor considérable ces dernières décennies et contribuent à la transformation des pratiques islamiques. Si les salafistes n’appellent pas au djihad, ils partagent avec les groupes djihadistes le rejet de la France et de ses valeurs laïques », écrit Luis Martinez, directeur de recherche au Centre de recherches internationales, dans la dernière livraison du trimestriel Politique internationale (n° 180, été 2023). Selon ce spécialiste du Maghreb et du Proche-Orient, le phénomène relève d’« une révolution endogène, portée par des élites nationales religieuses enracinées dans leur terroir culturel ». 
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-Dans une analyse publiée début septembre sur le site du Grand Continent, l’historien Achille Mbembe relativise lui aussi la responsabilité française au profit de causes propres à l’Afrique. Sans écarter l’idée que « la Françafrique continuerait de prospérer en dépit des promesses de rupture », l’universitaire camerounais juge que « la France n’est plus en position de décider de tout dans ses anciennes possessions coloniales ». Selon lui, « la plupart des outils militaires, monétaires et culturels qu’elle utilise pour maintenir sa présence et sauvegarder ses intérêts en Afrique sont dorénavant désuets ou manquent de légitimité ». 
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-Les fantasmes de la surpuissance 
-Pourtant, l’argument de la toute-puissance française reste populaire. « Paris est devenu le bouc émissaire des Sahéliens car il a trop fait étalage de sa force, et les populations n’ont pas compris qu’il n’arrive pas à venir à bout des djihadistes », explique un ancien ministre des affaires étrangères de cette région. Cet « étalage » alimente les théories complotistes véhiculées par un certain nombre d’activistes sur les réseaux sociaux. A les croire, si l’armée française ne contient pas les groupes armés, c’est afin de créer le chaos nécessaire pour mieux piller les richesses du sous-sol sahélien. 
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-Là encore, le passé trouble est appelé à la rescousse : l’uranium nigérien indispensable aux centrales nucléaires françaises, le pétrole gabonais du temps d’Elf Aquitaine, la dizaine de ports gérés par Bolloré Africa Logistics (revendue en décembre 2022 à l’armateur italo-suisse MSC) de Dakar à Pointe-Noire (Congo-Brazzaville), en passant par Abidjan… Impossible de savoir combien de personnes se laissent convaincre par ces arguments désormais fallacieux. Mais ils sont largement repris depuis que le groupe de sécurité russe Wagner diffuse à échelle industrielle le poison de sa propagande en Afrique. 
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-Lire aussi : A quel point la France est-elle dépendante de l’uranium nigérien ? 
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-Le poids économique de la France en Afrique n’a pourtant pas cessé de se réduire, même si de grands groupes demeurent en position dominante (Total, BNP, Bouygues, Orange, Alstom, Orano…). En 2021, les échanges commerciaux avec l’Afrique subsaharienne ne représentaient que 2 % du total du commerce extérieur de la France, selon les chiffres du ministère de l’économie. Inversement, « en 2014, les ex-colonies africaines de la France effectuaient moins de 15 % de leurs échanges avec elle, contre les deux tiers en 1960 », note Denis Cogneau, économiste et directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement, dans un texte publié dans Colonisations, notre histoire (ouvrage collectif sous la direction de Pierre Singaravélou, Seuil, 720 pages, 35 euros). « Si le lien a largement rétréci, il n’a pas disparu. Etant donné que la France ne pèse plus que 3 % du commerce mondial, une part de marché de 15 % suggère qu’une forme d’avantage subsiste [notamment] dans le cas de la zone franc CFA », ajoute l’économiste. 
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-Or, le franc CFA est l’un des chiffons rouges agité dans l’arène des fantasmes sur la surpuissance française. Cette monnaie, créée pour faciliter le commerce entre la métropole et son espace conquis, est un reliquat du passé dominateur de l’Hexagone. Le « franc des colonies françaises d’Afrique » a vu le jour le 26 décembre 1945. Rebaptisé « franc de la communauté financière africaine » avec les indépendances, il a pour caractéristiques la fixité de la parité avec l’euro (depuis la disparition du franc), la garantie de la convertibilité, la liberté de circulation entre zones FCFA et euro et la centralisation des réserves de change. 
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-Au-delà des débats d’économistes sur le ratio avantages-inconvénients du FCFA se pose la question de la perception d’une monnaie qui a conservé le même acronyme que son prédécesseur, répulsif pour beaucoup, symbole de la domination du colonisateur. Dans l’esprit de nombreux Africains, il demeure aussi associé à la dévaluation traumatisante de 1994. Du jour au lendemain, sous la présidence de François Mitterrand, le FCFA avait perdu 50 % de sa valeur. 
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-Des réformes fondamentales ont été menées, mais pas jusqu’au découplage total des deux systèmes monétaires. Le remplacement par une monnaie régionale, l’eco, est acté, mais le processus avance très difficilement pour des raisons liées, notamment, aux disproportions économiques existant entre les pays africains concernés. 
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-« Acte raciste » 
-En attendant, Kako Nubukpo, professeur d’économie à l’université de Lomé, observe que « la perpétuation du franc CFA est de plus en plus perçue par les jeunesses africaines et les diasporas comme une illustration frappante de la forte dépendance économique et politique qui caractérise les économies africaines de la zone franc ». 
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-La disparition du FCFA est aujourd’hui ardemment réclamée par tous les adeptes du « néosouverainisme » africain – « version appauvrie et frelatée du panafricanisme », selon Achille Mbembe –, un concept qui prospère au milieu du marasme idéologique. 
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-Au Sénégal, Ousmane Sonko, bouillant leader politique aux accents populistes, en a fait son fonds de commerce électoral. Des magasins, agences bancaires ou stations-service aux enseignes françaises ont été saccagés en marge de manifestations violentes organisées pour soutenir cet ancien candidat à la présidentielle de 2019, très populaire auprès d’un certain pan de la jeunesse. Le FCFA et les entreprises françaises sont accusés, de façon récurrente, de freiner le développement local. 
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-Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés Achille Mbembe, philosophe : « Les putschs en Afrique de l’Ouest annoncent la fin d’un cycle qui aura duré près d’un siècle » 
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-L’argument antifrançais porte d’autant mieux qu’il se greffe sur un contexte économique et social extrêmement déprimé qui alimente, au Sénégal comme dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, les flux migratoires. Alors qu’en 2022, environ 50 % des immigrés adultes présents en France étaient nés dans l’ancien empire et que la France demeure, en Europe, le lieu d’accueil dominant des immigrés des anciennes colonies africaines, la colère contre Paris est exacerbée par les politiques restrictives du Vieux Continent. « Nous n’avons rien contre la France, d’ailleurs, lorsque nous avons un problème, nous cherchons tous un visa pour là-bas, relativise un diplomate tchadien. Mais aux yeux de nombreux Africains, la fermeture des frontières est vécue comme un acte raciste. Pour eux, la porte se ferme parce qu’ils sont Noirs. » Une perception renforcée par la démonstration de l’accueil offert aux Ukrainiens depuis le début de l’invasion russe, en février 2022, ainsi que par la mobilisation sans précédent de l’aide internationale en faveur de ce pays. 
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-« Tout n’est pas perdu », veut croire Achille Mbembe. Mais, selon lui, pour parvenir à « forger une autre voie (…), la France doit reconstruire de fond en comble son outil diplomatique sur le continent ». « La lutte contre les groupes djihadistes ne peut pas constituer l’alpha et l’oméga de la sécurité humaine sur le continent. Celle-ci ne peut pas non plus être envisagée uniquement sous le prisme des seuls intérêts européens, à commencer par la protection des frontières extérieures de l’Union. » Vaste programme, qui supposerait un rééquilibrage de l’approche française en direction de l’Afrique, avec davantage de dialogue et de diplomatie, et une réduction de cette empreinte militaire et sécuritaire qui alimente la vague de rejet envers l’ancien colonisateur. 
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-Christophe Châtelot 
-Cyril Bensimon 
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