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25/12/2025/H14:15:09

ENTRETIEN. «Il y a un sentiment d’abandon dans le monde rural» notent Julia Cagé et Thomas Piketty ENTRETIEN. «Il y a un sentiment d’abandon dans le monde rural» notent Julia Cagé et Thomas Piketty

Remonter le cours du temps, jusqu’à la Révolution française, pour mieux comprendre les tensions politiques à l’œuvre aujourd’hui en France. C’est l’ambition du premier ouvrage commun de Julia Cagé, professeure à Sciences Po Paris et lauréate du Prix du meilleur jeune économiste, et Thomas Piketty, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales et professeur à l’École d’économie de Paris.
Dans Une histoire du conflit politique (paru au Seuil en septembre 2023), ils décortiquent la structure sociale des électorats des différents courants politiques, de 1789 à 2022. Loin de nombreuses idées reçues, ils mettent en lumière les ressorts sociaux et géographiques du vote. Et montrent de quelle façon l’alternance à l’œuvre au XXe siècle a pu contribuer au progrès social.
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Pour y parvenir, ils s’appuient sur un travail titanesque et inédit de numérisation des données électorales et socio-économiques des 36 000 communes de France. Données dans lesquelles, au-delà du livre, ils proposent aux curieux ou aux passionnés d’histoire et de politique de plonger directement, grâce au site unehistoireduconflitpolitique.fr. Que ce soit via des outils ludiques ou de la matière brute. L’objectif est de permettre aux lecteurs d’en tirer leurs propres analyses.
Julia Cagé et Thomas Piketty, qui interviendront aux Champs Libres à Rennes (Ille-et-Vilaine) ce samedi 21 octobre 2023, détaillent à Ouest-France les principaux enseignements de leur ouvrage.
Vous avez exploité les données de 36 000 communes en remontant jusqu’à la Révolution française. Qu’est-ce que ce travail d’ampleur apporte, au-delà du fait évidemment qu’un sondage ne remontera pas au XIXe siècle ?
Julia Cagé : « Le fait qu’un sondage ne permette pas de remonter au XIXe siècle, c’est extrêmement important. L’apport de notre livre, c’est justement d’avoir de la profondeur historique et d’étudier l’évolution du conflit politique. L’enjeu étant d’essayer de tirer des leçons du passé pour mieux comprendre le présent.
Les toutes premières enquêtes arrivent à la fin des années 1950, et on ne les a de manière systématique qu’à partir de la fin des années 70. C’est tout de même différent d’étudier la vie politique française de 1960 à 2022 ou de 1789 à 2022.
La deuxième chose, c’est qu’avec des données d’enquête, on est limité par la taille des échantillons. En moyenne, ça va être 1 000 à 1 500 personnes. Pour les plus grandes, avant les présidentielles, ça peut monter à 12 000. Dès que vous vous intéressez à des petits votes (par exemple Eric Zemmour, quatrième à l’élection présidentielle avec 7 %), et que vous voulez comprendre ses déterminants, vous ne pouvez pas croiser plusieurs dimensions, prendre en compte à la fois le revenu, la richesse, le territoire, l’éducation… »
Thomas Piketty : « C’est de cette façon qu’on peut constater que le vote Madelin, en 2002, est encore plus bourgeois que le vote Zemmour, qui est lui-même encore plus bourgeois que le vote Macron. L’exemple d’Alain Madelin est assez frappant, car on observe que dans les 1 % des communes les plus riches, il va faire trois ou quatre fois son score national. Et dans les 10 % des communes les plus pauvres, il ne sera même pas à la moitié de son score national.
On pense que pour répondre aux grandes questions d’aujourd’hui – « où est passée la bipolarisation gauche-droite ? Pourquoi a-t-on la tripartition ? » – il faut du recul historique. On a justement besoin de remonter…
https://www.ouest-france.fr/economie/social/entretien-il-y-a-un-sentiment-dabandon-dans-le-monde-rural-notent-julia-cage-et-thomas-piketty-a543b910-6e53-11ee-97d6-d90367762e60

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