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[Le Monde: Au Niger, une journaliste « en détention secrète » à la police judiciaire, selon Reporters sans frontières](https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/10/09/au-niger-une-journaliste-en-detention-secrete-a-la-police-judiciaire-selon-reporters-sans-frontieres_6193288_3212.html )
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Louis Janmot, un fanatique religieux et sa fable édifiante au Musée d’Orsay
Le musée parisien consacre une exposition à l’auteur du « Poème de l’âme », grand œuvre du peintre du XIXᵉ siècle, en dix-huit toiles et seize dessins accompagnés de 2 814 vers, fruit de plus de quatre décennies d’un travail très académique.
Par Philippe Dagen
Publié hier à 09h00
Temps deLecture 3 min.
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« Le Mauvais sentier » (1850), de Louis Janmot. LYON MBA/MARTIAL COUDERETTE
Louis Janmot (1814-1892) n’est pas un peintre célèbre. Il n’est guère connu que des spécialistes du XIXe siècle et des visiteurs les plus attentifs du Musée des beaux-arts de Lyon, où sa grande œuvre est conservée. Grande, vraiment : son Poème de l’âme est composé de deux cycles, dix-huit grandes toiles pour le premier, seize grands dessins pour le second. Ces compositions sont accompagnées de 2 814 vers. L’ensemble est publié en un volume avec des reproductions photographiques en 1881. Cette année-là, les impressionnistes présentent leur sixième exposition de groupe, et Manet travaille au Bar aux Folies Bergère. On ne peut être plus éloigné de ces événements que ne l’est Janmot, qui met alors un terme à l’entreprise qu’il a commencée en 1835, et continuée plus de quatre décennies. Lui consacrer une large exposition au Musée d’Orsay, à Paris, est donc une décision valeureuse.
On ne saurait la défendre du point de vue de l’originalité du style. Janmot entre à l’Ecole des beaux-arts de Lyon en 1831, puis passe par l’atelier parisien d’Ingres en 1833, et le retrouve à Rome en 1836. Il dessine et peint comme il a appris à le faire alors : selon les conventions du néoclassicisme, devenu académisme. Il est méthodique et propre, avec ce qu’il faut d’études et d’esquisses préparatoires. Les proportions sont exactes et les plis s’arrondissent comme il faut. Les gestes sont mesurés, les couleurs jamais trop intenses, la lumière jamais trop contrastée.
Ce que veut Janmot dans son grand œuvre, c’est mettre en images une fable édifiante. Un jeune enfant, pur bien sûr, rencontre une petite fille, pure évidemment. Ils grandissent dans la plus spirituelle harmonie et selon les enseignements du catholicisme. Ils échappent aux méfaits d’un enseignement irréligieux, écoutent les pieuses paroles d’un bon prêtre et cherchent à élever leurs âmes jusqu’au ciel, ce que suggèrent plusieurs images d’ascension en montagne et représentent deux autres de leur envol jusqu’à Dieu. La jeune fille disparaît dans l’empyrée, mais le jeune homme ne peut l’y suivre, et retombe seul sur la terre. Fin du premier cycle.
Intérêt historique
Le deuxième raconte son deuil, les tentations charnelles auxquelles il succombe, une orgie, le reniement de Dieu, la rédemption obtenue grâce à l’intercession de sa mère, et son retour dans la communauté chrétienne. Tout cela est signifié par des dispositifs symboliques surabondants, peuplés d’allégories féminines des vertus – habillées – et des vices – dénudées –, quelques fantômes et démons voilés, et une foule d’anges androgynes, comme le sont aussi nombre d’autres figures. Echouerait-on à déchiffrer ce langage visuel, les vers expliquent le sens de chaque scène – vers de mirliton, car Louis Janmot est loin d’égaler Victor Hugo ou Charles Baudelaire.
Si l’intérêt n’est donc ni plastique ni poétique, quel est-il ? Historique, d’abord. Il y a, dans Le Poème de l’âme, des allusions politiques. Quand Louis Janmot, dans une toile nommée Le Mauvais sentier, figure l’université sous la forme d’une prison, et les professeurs en spectres menaçants, c’est en pensant à la loi Falloux du 15 mars 1850, qui supprime le monopole de ladite université et facilite l’enseignement confessionnel aux niveaux primaire et secondaire. Il se fait ainsi le propagandiste du parti dit « de l’Ordre ». De même place-t-il Charles Darwin, accompagné d’un singe, parmi les dangers des Générations du mal, la théorie de l’évolution étant assimilée à un péché capital, rien de moins. De telles déclarations d’esprit réactionnaire sont rares dans l’art français de ce temps et n’en sont que plus curieuses à déchiffrer.
« Sursum corda ! » (1879), de Louis Janmot. LYON MBA/MARTIAL COUDERETTE
Mais le plus curieux est le caractère obsessionnel du Poème de l’âme. Il se mesure à l’exceptionnelle durée du travail, presque un demi-siècle. Rien ne fait dévier l’obstiné Janmot, ni l’insuccès de la présentation du premier cycle à l’Exposition universelle de Paris en 1855, ni l’échec de sa tentative pour devenir directeur des Beaux-Arts de Lyon en 1861, ni son éviction d’une commande pour l’église Saint-Augustin, à Paris, au profit de William Bouguereau (1825-1905) en 1864. A moins qu’il ne faille penser, à l’inverse, que ces avanies l’ont renforcé dans sa certitude d’être seul dans le vrai, et donc persécuté pour cette raison.
Plus le temps passe et plus les échecs s’accumulent, plus les scènes tournent au tragique, et c’est alors que l’on regrette le plus vivement que Janmot soit incapable de se délivrer de son académisme pour dessiner enfin fiévreusement et crûment. Les comparaisons que l’exposition propose avec le Britannique William Blake (1757-1827) sont, à cet égard, accablantes. Autant le dessin de Blake s’affole et s’enfièvre, autant celui de Janmot demeure désespérément correct et faible.
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Mais l’obsession essentielle est celle de la pureté et de l’abstinence. On laisse à la théologie et la psychanalyse le soin d’expliquer comment Louis Janmot concilie en lui ces interdits et l’ardeur qui fait de sa jeune épouse la mère de huit enfants. Ce qui est sûr, c’est qu’Ingres perçut quelle tension était en lui. Que l’apologie de la chasteté ait agacé le peintre de La Source (1820-1856) et du Bain turc (1862) ne surprend pas. Mais il va bien au-delà. A Rome, il observe à son propos : « Je ne sais pas pourquoi, mais celui-là me fait peur. » C’est en effet ce que l’on ressent, à la longue, face aux images de Janmot : un malaise.
« Louis Janmot. Le Poème de l’âme ». Musée d’Orsay, Paris 7e. Jusqu’au 7 janvier. Du mardi au dimanche de 9 h 30 à 18 heures, 21 h 45 le jeudi. Entrée de 10 € à 16 €. Musee-orsay.fr
Philippe Dagen
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