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Sciences Po

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A l'occasion des manifestations étudiantes contre la guerre à Gaza , Sciences Po a été régulièrement présenté par la presse comme « la fabrique des élites ». Mais de quelle société cette élite est-elle le nom ? Il est incontestable que le diplôme de la rue Saint-Guillaume offre un accès privilégié aux postes de pouvoir politico-administratifs : 83 % des admis à l'INSP (ex-ENA) en sont issus. Depuis l'an 2000, on estime que 30 % des ministres sont des anciens élèves de Sciences Po, proportion rigoureusement identique dans l'actuel gouvernement (six sur les quinze ministres de plein exercice).

Au-delà1 de cette fonction traditionnelle d'un institut de sciences politiques, les anciens de Sciences Po se retrouvent partout aujourd'hui : dans les médias, les affaires, les think tanks, les ONG, etc. En vingt ans de stratégie expansionniste de la part des directions successives, l'école est devenue incontournable, au point que ses moindres hoquets alimentent des polémiques exagérées et font réagir jusqu'au sommet de l'Etat.

Tout sur rien

Or, qu'apprend-on à Sciences Po ? Pour y avoir enseigné cinq ans, je pense qu'il est temps de partager le secret le moins bien gardé de « l'élite ». On y apprend tout sur rien et rien sur tout. Une fois admis à Sciences Po, l'étudiant est à peu près assuré d'obtenir son diplôme final. Hors certaines spécialisations plus exigeantes en droit ou économie (jusqu'à la thèse), il peut se laisser joyeusement voguer parmi une multiplicité foisonnante de cursus, de partenariats internationaux et d'activités sympathiques organisées par des myriades d'associations. Armé de fiches de synthèse impeccables, il aura tout le temps de forger minutieusement ses opinions sur les grands débats de société.

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Le corps professoral est souvent de grande qualité mais revendique lui aussi un certain dilettantisme. Moins de la moitié des 4.600 enseignants sont… enseignants. Les autres, trompeusement dotés du titre de « maîtres de conférences », occupent des postes en vue dans la Cité et ont pour principale mission d'ouvrir leur carnet d'adresses à leurs futurs anciens élèves. Si l'on reprend les distinctions du Sophiste de Platon, on dira que Sciences Po enseigne l'art de l'imitation.

Le symbole Attal

Le « sciencepiste » acquiert ainsi la compréhension du monde tel qu'il va et la capacité à dire ce qu'il devrait être. Au sortir de ses études, il sait qui est qui, comment le contacter et quelles grâces déployer pour arriver à ses fins. Nulle surprise alors que son deuxième débouché favori soit l'audit et le conseil. Qui saura mieux formuler des recommandations (en communication, en stratégie…) qu'un expert en non-expertise ? Les sophistes prennent le pouvoir.

Gabriel Attal est l'incarnation parfaite de cette nouvelle génération diplômée de Sciences Po. Il se positionne de manière déterminée sur des sujets qu'il maîtrise mal (l'école ou, dernièrement, l'agriculture), s'exprime dans le français convenu des éléments de langage, brille par une absence totale de réflexion doctrinale et reprend avec déférence les mots d'ordre de ses aînés. Il gouverne comme on fait un exposé, les yeux cernés par les nuits de bachotage.

Elites mouvantes

Que Sciences Po incarne et nourrisse aujourd'hui l'élite en dit long sur l'évolution de notre société. Au cours du siècle passé, l'élite fut militaire, puis administrative, et enfin managériale. A l'ère des réseaux sociaux, il est logique qu'elle soit devenue communicante. Je prends le pari que demain, elle sera issue des sciences du vivant. Mais Sciences Po reste encore bien éloigné de telles matières…

Les jeunes étudiants ont pourtant, dans mon expérience, la tête bien faite, l'esprit ouvert et le coeur au bon endroit. Ils sont pris malgré eux dans un système qui, sous couvert d'engagement, émonde leur esprit critique. On peut toujours gloser sur les 55 % qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon en 2022 et s'effaroucher des keffiehs. En vérité, le drame des sciencepistes n'est pas d'être insoumis, mais de s'intégrer trop bien à une société qu'ils sont avides de diriger.

Gaspard Koenig


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