Ce que cache l’odeur « neuf Shein

Mercredi 5 novembre 2025, le géant chinois du e-commerce et de la fast-fashion Shein a inauguré sa première boutique physique permanente au monde, installée au BHV Marais à Paris. Dès la matinée, des élus, militants écologistes et associations, parmi eux L'Après Paris et le Parti socialiste de Paris, se sont rassemblés pour dénoncer une ouverture jugée provocatrice au cœur de la capitale de la mode.
En cause : un symbole éclatant d'un modèle économique en pleine contradiction avec l'urgence climatique. Car derrière les prix dérisoires et les milliers de nouveautés mises en ligne chaque jour se cachent des chaînes chimiques, logistiques et énergétiques qui laissent une empreinte bien réelle.
Matières synthétiques et teintures : l’alchimie invisible du bas prix
La grande majorité des vêtements de l'ultra-fast fashion repose sur des fibres synthétiques issues du pétrole, comme le polyester ou le nylon. En 2025, selon le Materials Market Report de Textile Exchange, ces fibres représentent près de 60 % de la production mondiale textile, et 88 % d'entre elles proviennent encore de matières vierges fossiles, un chiffre en hausse par rapport à l'année précédente. Légères et peu coûteuses, ces fibres sont traitées à l'aide de teintures et d'additifs chimiques : pas moins de 15 000 substances différentes sont employées dans l'industrie textile mondiale, d'après le Programme des Nations unies pour l'environnement (Unep, 2025).
Résultat : des tissus à faible coût, mais riches en résidus de métaux lourds, agents antimicrobiens et composés fluorés. Au lavage, ils relâchent des microfibres plastiques qui rejoignent les eaux usées et finissent souvent dans les océans. Selon la Plastic Soup Foundation, les fibres textiles représentent déjà 35 % des microplastiques présents dans les milieux marins en 2025.
Tenue au lavage, retours et fin de vie : les dessous d’un cycle express
Ces T-shirts, produits à grande échelle et vendus à très bas prix, résistent mal au lavage. Après quelques cycles, les fibres se relâchent, les couleurs ternissent, et les formes se déforment. Une partie importante des articles renvoyés par les clients, parfois simplement essayés, n'est pas remise en vente : elle repart vers des entrepôts logistiques à l'autre bout du monde, ou est directement détruite ou incinérée, faute de rentabilité.
Les retours, transportés par avion cargo ou fret rapide, amplifient le poids climatique du modèle. En 2025, l'Union européenne a rappelé que moins de 1 % des textiles collectés étaient réellement recyclés en fibres neuves, malgré les nouvelles obligations de collecte et tri. Le reste finit dans des décharges ou des filières d'exportation vers l'Afrique et l'Asie du Sud.

En 2025, moins de 1 % des textiles collectés dans l’Union européenne sont recyclés en fibres neuves. La majorité finit encore en décharge ou exportée vers l’Afrique et l’Asie du Sud. © Vadym, Adobe Stock.

Le coût carbone d’un vêtement à 3 €
Selon Reuters (juin 2025), Shein a émis 8,52 millions de tonnes de CO2-équivalent rien que pour ses transports et retours en 2024, soit une hausse de 13,7 % en un an ! À titre de comparaison, c'est plus que les émissions annuelles d'une villeplugin-autotooltip__blue plugin-autotooltip_bigWikikPedia

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comme Marseille. Et cela ne prend pas en compte la fabrication des fibres, les teintures, la logistique locale ni les lavages à domicile.
À l'échelle globale, le secteur textile représente 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, plus que les vols internationaux et le transport maritime réunis. Chaque T-shirt bon marché vendu devient ainsi un maillon supplémentaire d'un réchauffement diffus, alimenté par la vitesse et la quantité plutôt que par la durabilité.
Trois euros, trois symboles : la légèreté de la matière, la fragilité du vêtement et la lourdeur de son empreinte. Derrière les paillettes du BHV et la foule des influenceurs, l'ouverture de la boutique Shein à Paris marque peut-être une nouvelle étape : celle où la mode ne se mesure plus seulement à son prix, mais à son coût climatique. La question n'est plus combien ça coûte, mais combien ça pèse pour notre Planète.
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