Des salariés de « L’Équipe » bientôt remplacés par l’intelligence artificielle

Alors que l’intelligence artificielle s’impose peu à peu dans les rédactions, le métier de correcteur vacille. À L’Équipe, un plan prévoit la disparition du service d’ici 2026. Une décision contestée, qui a conduit les salariés à se rassembler ce jeudi 6 novembre devant les locaux du journal.
Devant les locaux du journal sportif, le syndicats du livre et la communication écrite (SGLCE-CGT) répète : « Sans correction, pas de qualité ». Car avec la décision de supprimer les postes de correcteur, les salariés dénoncent une perte irréversible pour la qualité de l’information. Sur cinq correcteurs, trois seulement devraient rester : une équipe réduite à peau de chagrin.
« Trois correcteurs, ça ne fait pas un service. Et parfois, il n’y aura même personne. On nous répond que ce n’est pas grave », déplore l’un d’eux. Sous couvert d’anonymat, tous dénoncent l’absurdité d’une décision qui sacrifie un métier dans une logique de rentabilité. « Ils veulent diluer le métier, transformer les correcteurs en « référents linguistiques » chargés d’alimenter l’IA. On nous demande d’entraîner le robot qui prendra notre place. Quelle blague ! », tonne un autre.
Corriger dans l’ombre des papiers
Dans les rédactions, les correcteurs sont des artisans du texte : ils traquent les fautes, les incohérences, les erreurs factuelles ou encore les ambiguïtés. « Un correcteur, ça ne rajoute pas que des « s ». Il y a tout un travail d’intelligence autour du texte. Aucune IA ne pourra jamais remplacer ça », explique l’un d’entre eux.
L’enjeu dépasse la grammaire, il touche à la rigueur journalistique, et à la crédibilité d’un média. « On vérifie le fond, les citations, les noms, les palmarès. Une simple virgule peut changer le sens d’un article ». Pour la direction, l’IA et les logiciels de correction comme Prolexis suffisent à garantir la qualité.
« S’il reste un correcteur, tant mieux. S’il n’y en a pas, tant pis », aurait-on même entendu lors des réunions. Une vision déconnectée de la réalité, que les salariés jugent dangereuse. « Les logiciels de corrections ne sont pas totalement fiables. On doit toujours repasser derrière. Ça peut aider, mais pas remplacer l’humain », explique un correcteur.
Les éditeurs s’inquiètent également : « Le service correction, c’est notre filet de sécurité. On travaille tard, vite. Sans eux, la moindre erreur passe à la trappe. » Le numérique et les réseaux sociaux sont devenus une priorité, où aucun correcteur n’intervient, mais les fautes, elles, se multiplient : « Nos lecteurs le remarquent. Et quand ils paient un journal, ce n’est pas pour lire une version low-cost », ajoute un salarié.
Une « casse sociale »
Pour Didier Lourdez, secrétaire général du Syndicat général du SGLCE-CGT, le projet relève d’une « casse sociale » : « Ce n’est pas supprimer les correcteurs qui va sauver un journal. Les correcteurs sont un maillon essentiel de la chaîne, ses maillons sont ensemble on ne peut pas les séparer. Il faut clarifier notre opposition face à la direction, c’est inacceptable d’être remplacés par l’intelligence artificielle ».
Les syndicats craignent désormais d’un effet domino : « Ne soyons pas dupes, aujourd’hui, ce sont les correcteurs. Demain, ce sera d’autres services », prévient Didier Lourdez.
À l’heure où l’intelligence artificielle promet la rapidité et l’économie, les mots « qualité » et « humain » restent encore et toujours au second plan. Derrière cette bataille se joue une idée simple : un journal digne de ce nom se doit de respecter ses lecteurs autant que ses salariés. Car au fond, la question n’est pas de savoir si l’IA peut corriger. C’est de savoir : que vaut un journal sans ceux qui veillent à la justesse de ses mots ?

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