Luc Julia : « La bulle qui consiste à financer la course à l’infini via la super-intelligence va exploser »

LA TRIBUNE — L’IA porte l’idée d’une connaissance exhaustive, et donc une promesse d’objectivité et de rationalisation. Or, on constate l’inverse : avec l’IA générative, nos sociétés peinent toujours plus à s’accorder sur des faits, et la notion de vérité s’étiole. Comment l’expliquez-vous ? LUC JULIA — L’IA générative, ou conversationnelle, transforme radicalement l’IA, car la réponse fournie est une réponse statistique, et non pas logique comme pour l’IA traditionnelle. On fait de l’IA depuis quarante ans, avec parfois un grand succès, comme pour la détection de tumeurs dans le cerveau : on nourrit d’images un algorithme pour qu’il puisse reconnaître de nouvelles images qui partagent les mêmes caractéristiques. Cela fonctionne très bien, c’est très fiable. Dans les usines, la maintenance prédictive permet, grâce aux données d’utilisation, d’anticiper et d’éviter les pannes. Cela repose sur la connaissance ciblée et exhaustive du sujet en question. Avec l’IA générative, c’est différent, car les systèmes sont généralistes. Les chatbots comme ChatGPT produisent du contenu en fonction de la manière de poser la question : la réponse peut varier selon les individus. En étant entraînée sur des milliards de données, dont certaines sont fausses, et en créant un texte sur la base de la réponse la plus adaptée à la question posée, le risque que des fausses informations apparaissent est important. Ce manque de pertinence est le gros point faible des IA génératives aujourd’hui.
Philippe Mabille et Sylvain Rolland, Philippe Mabille et Sylvain Rolland
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