Décryptage
Néo-ISF, flat tax, exit tax… ces hausses d'impôts qui menacent encore les ménages fortunés
Vendredi, Sébastien Lecornu a douché les espoirs de ceux espérant le retour en force de l'ISF dans le prochain projet de budget. Néanmoins, au regard de la fragilité du gouvernement, cette mesure n'est pas définitivement enterrée.
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Loin d'être définitivement enterrée, la création d'un nouvel ISF pourrait faire l'objet d'un amendement au projet de loi de finances pour 2026.
Loin d'être définitivement enterrée, la création d'un nouvel ISF pourrait faire l'objet d'un amendement au projet de loi de finances pour 2026. (Shutterstock)
Par Marie-Eve Frénay
Publié le 29 sept. 2025 à 16:04Mis à jour le 30 sept. 2025 à 09:32
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Sortir par la porte pour entrer par la fenêtre. En excluant notamment le retour de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dans une interview donnée au Parisien vendredi dernier, le Premier ministre a mis de l'huile sur le feu à défaut de fixer l'incendie. « Si Sébastien Lecornu entend rester à Matignon, s'il entend gouverner ce pays, forcément, la copie qu'il a donnée dans Le Parisien ne peut pas être la copie d'arrivée », a martelé ce lundi matin Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, sur BFM TV.
Pourtant, le chef du gouvernement a tenté d'ouvrir une brèche suggérant qu'en cas de non-censure, il laisserait la main aux parlementaires. « Nous savons déjà qu'à la fin cela ne sera pas le budget Lecornu : des compromis seront à trouver dans l'hémicycle. Il faudra passer de la liasse de tweets à la liasse d'amendements », a ainsi indiqué Sébastien Lecornu.
« Tope là », a répondu en creux Marc Fesneau, président du groupe Modem à l'Assemblée nationale, par média interposé. « Sébastien Lecornu dit qu'il ne l'envisage pas mais, dans le même temps, que le Parlement sera souverain à la fin. Dont acte : le Modem portera la discussion pour l'instauration d'un impôt sur la fortune improductive, qui est un impôt sur la rente que nous défendons depuis 2017 », a indiqué ce week-end le porte-parole du Modem à nos confrères du Monde.
Impôt sur la fortune improductive
Il faut dire que quelques jours avant l'interview de Sébastien Lecornu, Marc Fesneau avait défendu bec et ongles la création de ce nouveau prélèvement. L'assiette de cet impôt patrimonial qui remplacerait l'IFI ressemble à celle de l'ancien ISF mais « en excluant le patrimoine utile à l'économie ».
Déjà proposé par amendement l'an dernier pour le Budget 2025, ce néo-ISF s'appliquerait aux contribuables détenant plus de 2,57 millions d'euros de patrimoine improductif. Mais une fois franchi ce seuil d'imposition, les contribuables seraient imposés dès 800.000 euros, un mécanisme calqué sur celui de l'IFI.
« L'ISF taxait l'ensemble du patrimoine net immobilier et financier. Ce nouvel impôt se situe entre les deux : plus large que l'IFI (crypto, liquidités, biens de luxe, art…) mais plus restreint que l'ISF, puisqu'il n'inclut pas les actifs productifs (actions, obligations, entreprises) », analyse Jérôme Barré, avocat associé chez Yards.
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Concrètement, parmi les actifs financiers entrant dans son périmètre, se trouvent les droits de la propriété littéraire, artistique et industrielle lorsque le redevable n'en est ni l'auteur, ni l'inventeur, les cryptomonnaies comme le Bitcoin ou encore les liquidités sur les comptes courants, les livrets, ou encore hébergés dans les fonds monétaires.
« Par transparence, il est possible que ce périmètre intègre les fonds en euros des contrats d'assurance-vie. Le cas échéant, ce sont quelques centaines de milliards d'euros qui pourraient entrer dans l'assiette », explique Philippe Bruneau, président du Cercle des fiscalistes. En effet, sur les quelque 1.985 milliards d'euros investis via l'assurance-vie à fin 2024, 68 % sont placés sur des fonds en euros. Nuance : tout cet argent n'appartient pas à des ménages millionnaires. L'encours sur les fonds en euros ne serait donc pas imposé pour son intégralité au néo-ISF.
D'après l'amendement déposé l'an dernier, les biens meubles corporels, à l'exception des objets d'antiquité, d'art ou de collection, sont également listés dans le champ d'application. S'agissant des biens immobiliers, les résidences principales (après abattement de 30 %) et secondaires ainsi que les terrains constructibles non affectés à une activité économique seraient également imposés. En revanche, jugés comme productifs, l'investissement locatif, la pierre-papier ou encore le patrimoine immobilier des entreprises sortiraient du périmètre de l'impôt sur la fortune.
Relative acceptation
« Je redoute toutefois que le jusqu'au-boutisme de certains députés les fasse revenir sur cette exonération, craint Vincent Dufly, directeur de la gestion privée chez Equance. Il existe beaucoup de méthodes d'optimisation portant soit sur la détention de l'immobilier à travers de SCI extérieures ou rattachées au groupe de sociétés, soit faisant intervenir des montages du type usufruit temporaire cédé à la société d'exploitation. Ces instruments ont un petit pouvoir urticant pour certaines convictions politiques. Mais, quoi qu'il en soit, inclure le patrimoine immobilier des entreprises est une véritable menace pour leur santé économique », insiste-t-il.
« Cette proposition d'impôt sur la fortune présente quelques lacunes et imprécisions rédactionnelles. Mais, quand on regarde sa physionomie générale, je ne pense pas qu'il soit de nature à faire hurler les foules, sachant que le nombre de contribuables concernés va être réduit par rapport à l'IFI et que cet ISF ne touche pas au mécanisme de plafonnement », souligne Jean-Yves Mercier, vice-président du Cercle des fiscalistes. Pour rappel, le plafonnement est une réduction d'impôt qui s'applique lorsque le montant de l'IFI de l'année en cours ajouté aux impôts sur les revenus supportés l'année précédente dépasse 75 % du cumul des revenus du contribuable.
L'an dernier, lors de la préparation du Budget 2025, ce néo-ISF, entré par un amendement sénatorial dans le projet de loi de finances, avait bien failli passer dans la copie finale. Ce n'est que durant les toutes dernières tractations à l'occasion de la commission mixte paritaire, que cette mesure avait finalement été écartée. A voir si, cette année, compte tenu des appels insistants à taxer les plus fortunés, le dénouement sera le même.
Augmentation de la flat tax
Idem s'agissant de l'augmentation de la flat tax. Cette autre mesure emblématique du président Emmanuel Macron fait l'objet de vives critiques à la gauche de l'échiquier politique. Avec un taux d'imposition sur le revenu fixe de 12,8 %, la flat tax est vue comme un « cadeau » offert aux actionnaires au détriment des revenus salariaux qui supportent un taux marginal pouvant atteindre 45 %.
Lors de la préparation de la loi de finances pour 2025, les sénateurs avaient surpris l'exécutif en votant un amendement faisant passer de 30 % à 33 % la flat tax. Les prélèvements sociaux restaient les mêmes à 17,2 %, mais la partie fiscale grimpait à 15,8 %. Après avoir tremblé quelques jours, ce totem macronisme avait finalement été préservé grâce à un amendement de retrait déposé in extremis par le ministre des Comptes publics alors en poste Laurent Saint-Martin.
Aujourd'hui, si l'exécutif se montre pour l'heure intransigeant sur le retour de l'ISF lâchera-t-il du lest sur la flat tax ? « Je ferai […] une proposition de budget dans laquelle certains impôts augmenteront, mais d'autres diminueront », a indiqué Sébastien Lecornu dans Le Parisien.
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D'après une étude publiée fin juin par l'Institut des politiques publiques (IPP), supprimer la flat tax rapporterait 9 milliards d'euros au budget de l'Etat, soit presque deux fois plus que le rendement de la taxe Zucman estimé par sept économistes dont Philippe Aghion et Christian Gollier à 5 milliards d'euros par an, et 7 fois plus que la contribution différentielle sur les hauts revenus instaurée sous le gouvernement Bayrou. Le cas échéant, les revenus mobiliers seraient imposés, comme les salaires, au barème de l'impôt sur le revenu avec un taux marginal pouvant atteindre 45 %, voire au-delà en tenant compte de la CEHR et de la CDHR.
Néanmoins, les chercheurs de l'IPP se montrent prudents quant aux recettes véritablement générées par une modification de la flat tax. Car leur étude ne tient pas compte des modifications comportementales induites par un changement de taxation. Or, une autre étude de l'IPP montrait que le versement de dividendes avait augmenté fortement, de 15 %, à la suite de l'introduction de la flat tax. Comportement à l'origine d'une perte de recettes fiscales plus faible qu'anticipée.
Durcissement de l'exit tax
Autre impôt habituellement sous le feu des critiques durant les débats budgétaires : l'exit tax. Cette sanction prend la forme d'une taxation des plus-values latentes au moment où le contribuable fortuné déménage à l'étranger. Mais cet impôt n'est plus dû si l'expatrié conserve 2 à 5 ans ses titres avant de les céder. Par le passé, ce délai était de 15 ans mais il a été raccourci en 2018 au nom de l'attractivité de la France pour les investisseurs.
« Aujourd'hui, l'exit tax s'apparente plus à une formalité à respecter qu'à une véritable sanction », reconnaît Vincent Dufly. Mais « revenir à l'exit tax dans sa version d'origine ne freinerait pas les ardeurs de ceux qui veulent partir. Il y a d'autres manières de baisser son imposition, comme le 150-0-B ter du code général des impôts », assure le porte-parole d'Equance. Il s'agit du dispositif d'apport-cession qui permet aux entrepreneurs de reporter l'imposition de leurs plus-values liées à la revente de leur entreprise.
A l'automne 2024, pour durcir la sanction, les sénateurs avaient contre toute attente durcit l'exit tax, en doublant les délais de dégrèvement. Mais cette mesure, comme la hausse de la flat tax, n'avait pas survécu à l'amendement de retrait déposé par le gouvernement.
Le Pacte Dutreil également réformable
Accusé de coûter 4 à 5 milliards d'euros au budget de l'Etat, le Pacte Dutreil, ce mécanisme qui permet de transmettre son entreprise avec une franchise d'impôt, est une autre cible potentielle d'économies étudiée par le Premier ministre.
MARIE-EVE FRENAY
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