Bernard Arnault attaque la taxe Zucman, Gabriel Zucman dénonce une “calomnie”

Gabriel Zucman et Bernard Arnault JOEL SAGET / AFP
Une passe d’armes au sommet : d’un côté, le milliardaire le plus riche de France et, de l’autre, l’économiste Gabriel Zucman, auteur de la proposition de taxe qui porte son nom. Cette taxe sur les plus hauts patrimoines, dite donc taxe Zucman, qui rassemble toute la gauche, attise à l’inverse la colère des patrons français.
Le milliardaire Bernard Arnault a attaqué son promoteur ce samedi 20 septembre, qualifiant son auteur de « pseudo universitaire » et de « militant d’extrême gauche ». Après plusieurs dirigeants, le PDG du numéro un mondial du luxe LVMH a à son tour étrillé cette taxe, au centre du débat politique ces derniers jours.
A lire aussi

Portrait Qui est Gabriel Zucman, l’économiste qui veut taxer le patrimoine des ultrariches ?
Abonné
Il a jugé que la proposition de l’économiste Gabriel Zucman relevait « d’une volonté clairement formulée de mettre à terre l’économie française », dans une déclaration au journal britannique « Sunday Times », samedi.
Selon le milliardaire, Gabriel Zucman « met au service de son idéologie (qui vise la destruction de l’économie libérale, la seule qui fonctionne pour le bien de tous) une pseudo compétence universitaire qui elle-même fait largement débat ».
A lire aussi

Interview François Geerolf, économiste : « On a vidé les caisses de l’Etat pour remplir les bas de laine des plus aisés et de certains retraités »
Abonné
« Un instrument de justice, d’apaisement social »
La réponse de l’intéressé n’a pas tardé. Gabriel Zucman a ainsi renvoyé le milliardaire dans ces cordes expliquant doctement sur X que « la fébrilité n’autorise pas la calomnie ».
Avant d’asséner : « Les milliardaires ne paient pas ou presque d’impôt sur le revenu et 86 % des français ont raison de vouloir mettre fin à ce privilège. »
Dénonçant « le caractère caricatural » des attaques du milliardaire, qui « sortent du domaine de la rationalité », l’économiste appelle à « reprendre un peu de mesure » et prend le temps de revenir sur la genèse de sa mesure. « Depuis plus de 17 ans mon travail consiste à cartographier la richesse des grandes fortunes. A étudier les paradis fiscaux. Et à objectiver les techniques d’évasion fiscale et d’optimisation des grandes fortunes. […] En parlant de “pseudo compétence universitaire”, vous vous attaquez à la légitimité même d’une recherche libre de toute pression financière. »
L’économiste rappelle en outre que la taxe qu’il propose, soutenu par « sept Prix Nobel d’économie », « ne concernerait que les foyers fiscaux possédant plus de 100 millions d’euros de patrimoine, au nombre de 1 800 environ ».
Rappelant enfin le « principe fondamental d’égalité devant l’impôt affirmé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 », Gabriel Zucman estime que sa taxe « est un instrument de justice, d’apaisement social et de stabilité budgétaire », capable de « débloquer la situation budgétaire ». « Quoi que vous en pensiez : le temps est venu de soumettre les milliardaires à un taux minimal d’imposition. »
A lire aussi

Enquête 270 milliards d’euros d’aides aux entreprises et de cadeaux fiscaux aux plus riches : les révélations du livre-enquête « le Grand Détournement »
Abonné
20 milliards d’euros
L’économiste a reçu le soutien du patron des socialistes, Olivier Faure. « Ce qui détruit notre économie et plus encore notre société, c’est l’absence de toute forme de patriotisme de la part des ultra riches qui mendient l’aide de l’État mais ne se plient à aucune forme de solidarité », a répondu sur X le premier secrétaire du PS à Bernard Arnault.
La taxe Zucman consisterait à taxer à hauteur de 2 % par an les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros, ce qui concerne environ 1 800 foyers fiscaux, et permettrait de lever 20 milliards d’euros, moins selon d’autres experts. Fortement soutenue par la gauche, qui y voit un levier fiscal intéressant pour contribuer à réduire le déficit budgétaire, la taxe Zucman est décriée au centre, à droite et à l’extrême droite.
A lire aussi

Entretien Clémentine Autain, sur la taxation des plus riches : « Je redoute une version Canada Dry de la taxe Zucman »
Abonné
Alors que l’idée d’un effort de tous fait son chemin, Bernard Arnault met en avant le poids des impôts qu’il paie déjà : « je suis certainement le tout premier contribuable à titre personnel et l’un des plus importants à travers les sociétés que je dirige », affirme-t-il.
Le chef d’entreprise détient avec sa famille la septième fortune mondiale et la première française, selon le magazine Forbes, qui estimait en septembre son patrimoine à 154 milliards de dollars.
A lire aussi

Chronique Nicolas-qui-paie, le retour de « mon fisc, ma bataille », version réseaux sociaux
Abonné
Une « spoliation », « suicidaire pour notre économie » ?
En 2024, le groupe de luxe LVMH qui possède plus de 75 marques dont Louis Vuitton, Dior, Moët et Hennessy ou encore Chaumet, a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 84 milliards d’euros et un bénéfice de 12,55 milliards d’euros.
Selon les déclarations de Bernard Arnault devant la commission du Sénat en mai, « près de 15 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés ont été payés en France sur dix ans » par le groupe. Il n’a pas dévoilé le montant dont il s’acquittait à titre personnel.
La taxe Zucman attise la vindicte des milieux d’affaires français depuis ces derniers jours, « frein à l’investissement » pour le Medef, un « truc absurde » fleurant « une histoire de jalousie à la française » pour le patron de BpiFrance Nicolas Dufourcq. Dans un entretien dans « La Tribune » samedi, le banquier estime que les entrepreneurs sont « la solution aux problèmes de la France » et sont ceux qui créent de la richesse « pour qu’elle soit ensuite redistribuée ».
La taxe « intègre l’outil de travail dans le calcul du patrimoine, alors même que l’ISF ne le faisait pas ! », s’est insurgé le président du Medef, Patrick Martin. « Pour certaines entreprises - dans la tech notamment - qui valent cher mais ne font pas encore de résultats ou ne distribuent pas de dividendes, instaurer cette taxe serait même une forme de spoliation et les condamnerait à la vente. »
A lire aussi

9 mesures fiscales qui pourraient rapporter des milliards d’euros (et qui sont bonnes pour le climat)
Offert
Le président de l’organisation patronale CPME Amir Reza-Tofighi a dénoncé une taxation « suicidaire pour notre économie et donc une ligne rouge absolue ».
Outre les patrons, Bernard Arnault a reçu le soutien ce dimanche matin… du Rassemblement national, en la personne du député RN Jean-Philippe Tanguy.
D’autres sont plus nuancés comme Pascal Demurger, le co-président du mouvement patronal Impact France qui a estimé mercredi sur RTL que les entreprises comme les Français fortunés devaient contribuer au redressement des finances publiques.
« Je dis oui à une taxe, c’est clair. Sur la taxe Zucman telle qu’elle est proposée, il y a peut-être des ajustements à faire, des discussions à avoir », a jugé le patron de la Maif.
Par Le Nouvel Obs avec AFP

https://www.nouvelobs.com/economie/20250921.OBS107911/bernard-arnault-attaque-la-taxe-zucman-gabriel-zucman-denonce-une-calomnie.html