Pourquoi Wall Street vote Trump des deux mains

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« In Trump we trust. » On a beau savoir que les investisseurs n'ont pas de religion, seulement des convictions successives, cette formule inspirée de celle qu'on trouve sur les billets verts leur va comme un gant en cette fin d'été. Oublié le temps des interrogations face à l'agenda disruptif de Donald Trump, l'évolution des indices boursiers et obligataires semble traduire une confiance aveugle dans le président américain.

A Wall Street, l'euphorie est à son comble. Les multiples de valorisation dépassent désormais les pics de 2000, lorsque la bulle Internet était sur le point d'éclater. La tendance est évidemment guidée par l'appétit pour les valeurs tech, mais les titres de la « vieille économie » eux aussi sont dans le vert.

L'économie américaine ralentit
Bénéficiant de l'optimisme américain, les places européennes évoluent également autour de leurs sommets historiques, à l'exception notable du CAC 40 plombé par l'incertitude politique actuelle. De même, les taux se sont assagis et les obligations d'entreprises connaissent un été indien. A croire que l'horizon de l'économie mondiale est dégagé et que rien ne peut gâcher la fête.

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Les motifs d'inquiétude ne manquent pas, alimentés par les tocades du locataire de la Maison-Blanche. Le néoprotectionnisme américain à géométrie variable en particulier est en train de changer la donne tant du point de vue économique que géopolitique.

Résultat, l'économie mondiale ralentit et chose nouvelle, celle des Etats-Unis aussi. Les chiffres de l'emploi américain publiés récemment en ont apporté la preuve. Jamais depuis soixante ans hors période de récession, Coporate America n'avait créé si peu d'emplois. Pis, les secteurs concernés par la hausse des droits de douane ont commencé à en détruire.

Doutes récurrents sur l'IA
A cela s'ajoutent les doutes récurrents qui planent sur les bénéfices à attendre des centaines de milliards de dollars investis dans la course au développement l'intelligence artificielle. Une récente étude du MIT a ainsi mis en évidence la faiblesse du rendement de ces investissements pour les entreprises. Alors bien sûr, Donald Trump n'y est pas pour grand-chose, mais, à lui seul, ce point d'interrogation XXL devrait inviter les investisseurs à la prudence dès lors qu'il concerne le carburant des locomotives de la hausse actuelle.

Face à une telle accumulation de risques, pourquoi les marchés restent-ils orientés à la hausse, en dehors de quelques coups de chaud passagers ? Trois raisons l'expliquent. D'abord, bien sûr, les baisses d'impôt prévues dans le Big Beautiful Act, facteur de soutien dans la durée d'une hausse des profits des entreprises, aujourd'hui solide. Ensuite, la promesse de dérégulation de l'économie et plus particulièrement de la finance, susceptible d'ouvrir de nouvelles perspectives de croissance à de nombreux acteurs.

OPA en cours sur la Fed
Mais le plus puissant moteur, ce sont les anticipations de baisse des taux d'intérêt. Et pas seulement parce que la Réserve fédérale envisage de réduire d'un quart de point son principal taux directeur. Non, ce qui dope le moral des investisseurs, ce sont les anticipations de baisses massives décidées sous l'influence de la Maison-Blanche. Une possibilité qu'ils tiennent pour acquise. A raison sans doute.

Car si la tentative d'OPA lancée depuis le Bureau ovale sur la Fed ces dernières semaines n'atteint pas son but rapidement, à travers l'éviction manu militari de certains membres de son conseil, elle y parviendra à coup sûr au printemps prochain.

En mai, le mandat du président de la banque centrale américaine, Jerome Powell, arrivera à son terme. Donald Trump pourra alors nommer un candidat à sa main et obtenir le « big cut » qu'il appelle de ses voeux. De quoi réduire considérablement les coûts de financement des entreprises des investisseurs et espérer relancer la consommation américaine qui pèse 70 % dans la croissance. Une bouffée d'oxygène garantie pour les indices boursiers.

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Et tant pis si cette entorse évidente au principe d'indépendance de la banque centrale américaine risque de précipiter l'économie de l'Oncle Sam dans la stagflation, puisque tout porte à croire que la hausse des droits de douane risque de contribuer à entretenir la vague inflationniste qui tarde à retomber outre-Atlantique.

Tant pis aussi si cela constitue une menace pour la stabilité financière par son impact sur le dollar et plus largement sur la qualité de la signature de l'Etat fédéral. Pour des opérateurs à la myopie légendaire, ces mauvaises nouvelles s'inscrivent dans un horizon beaucoup trop lointain. Le court-termisme a encore de beaux jours devant lui à Wall Street. « In Trump, they trust », au moins pour les prochains mois.