Le Canard enchaîné: Affaire Hermès-LVMH : Bernard Arnault mis en cause par un témoin posthume | Le Canard enchaîné

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EconomieAffaire Hermès-LVMH-
Bernard Arnault mis en cause par un témoin posthume
Publié le 29 juillet 2025
Lecture : 6
min.
Par Marine Babonneau et Christophe Nobili

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Deux semaines avant son récent suicide, le Suisse Eric Freymond était mis en examen pour la disparition de plus de dix milliards d'euros en actions Hermès. Le gestionnaire d'actifs de l'héritier Nicolas Puech s’était alors laissé aller à de troublantes confidences devant les juges d'instruction. Elles sont tombées dans le bec du « Canard »…
Le témoignage posthume d’un financier met en cause Bernard Arnault
© Diego ARANEGA - Le témoignage posthume d’un financier met en cause Bernard Arnault
Derrière le geste désespéré du Suisse Eric Freymond, c’est peut-être la fin d’une énigme vieille de dix ans qui s’annonce. Une décennie durant laquelle l’héritier Nicolas Puech, jadis premier actionnaire du groupe Hermès, avec 5,7 % des parts, a accusé ce gestionnaire de fortune de l’avoir ruiné en faisant disparaître sa montagne d’actions – soit plus de 6 millions de titres en papier, d’une valeur supérieure à… 13 milliards d’euros.

Comment ? Jusqu’à présent, magistrats, hommes et avocats d’affaires, banquiers helvètes et français s’étaient cassé les dents sur cette rocambolesque histoire. Mais les dernières révélations de Freymond pourraient lever un coin du voile.

Deux semaines avant son suicide, survenu le 23 juillet dernier, le financier traqué est auditionné trois jours durant, du 7 au 9 juillet, par les juges parisiens Anne de Pingon et Serge Tournaire. Plus bavard qu’à l’accoutumée, il livre une longue déposition de 31 pages, tombée dans le bec du « Canard ». Résultat ? Une mise en examen pour « abus de confiance aggravé » et « faux et usage de faux »…

La tête au carré d’Hermès
Son audition débute par un aveu. Alors que, depuis les premières plaintes le visant, en 2015, le gestionnaire de fortune a toujours nié avoir géré et vendu les actions historiques dont Nicolas Puech avait hérité, il commence à changer de braquet. « M. Puech m’a toujours indiqué que je pouvais gérer ce qu’il me confiait en gestion, glisse-t-il aux juges, et que, pour le reste, ce qui était normal, il le gardait en total libre arbitre (…). Il me confie un mandat sur les titres hérités, mais je n’ai pas connaissance de toute sa fortune. »

Sur quoi le financier aborde la question des 6 millions d’actions introuvables. Désormais, ses déclarations accréditent la thèse de la vente de ces parts en bloc et en loucedé, dès la fin des années 2000, à Bernard Arnault et son groupe LVMH, lesquels fomentaient alors un raid hostile sur le rival Hermès. Fin 2010, tel un clown jaillissant de sa boîte, le milliardaire avait révélé détenir 17,1 %, puis 20 % d’Hermès ! Un capital colossal qu’il aurait amassé pendant dix ans, à coups de rachats de petits paquets d’actions à plusieurs membres de la famille Hermès via des banques amies… Las ! l’audition de Freymond valide une théorie moins glorieuse : pour son raid sur Hermès, Arnault aurait surtout, entre autres acquisitions, fait main basse sur la montagne d’actions de Puech.

Cuisiné par la juge Pingon, le conseiller de l’héritier d’Hermès reconnaît pour la première fois qu’« il y a eu des ventes d’actions Hermès avant 2008 ». La magistrate insiste : « Vous admettez aujourd’hui avoir participé à la négociation, puis à la transaction, ayant abouti au transfert des titres Hermès de Nicolas Puech au groupe LVMH. Personnellement ou au travers d’une société de gestion ? » Freymond répond du tac au tac : « C’est au travers de Semper Gestion… » Une société qu’il avait lui-même montée et dont il gardait le contrôle.

À lire aussi : Bernard Arnault, serpent à sornettes
Mais ce n’est pas tout. L’homme prétend ensuite qu’il n’était pas seul dans cette opération secrète, qui aurait notamment vu 4,8 millions de titres tomber dans l’escarcelle de LVMH via une seconde société de droit suisse, appelée Dilico, créée pour l’occasion. L’héritier Puech était « au courant de tout », affirme-t-il. Il entretenait d’ailleurs des contacts avec Arnault « depuis 2002, 2001 même ». Et leur petite affaire, ajoute Freymond, aurait nécessité pas moins de 14 rendez-vous, dont certains organisés chez l’acheteur : « Deux fois au château d’Yquem, une fois dans l’appartement parisien de M. Bernard Arnault, une fois en Espagne et une dizaine de fois dans mon appartement parisien, rue Bonaparte », détaille-t-il.

L’instigateur ? « C’est M. Puech, qui était très actif et très demandeur en vue de créer un rapprochement capitalistique entre LVMH et Hermès », car cela « lui permettrait de jouer un rôle significatif dans la nouvelle structure ». Ni les avocats de Puech ni ceux du gestionnaire n’ont répondu au « Canard ». Le groupe de luxe, pour sa part, estime que « les prétendues déclarations » d’Eric Freymond « sont totalement inexactes ». « LVMH ne détient plus d’actions Hermès depuis plus de dix ans », précise le service de presse.

LVMH, commandant du raid ?
La suite est connue : Puech a toujours juré n’avoir jamais vendu ses 6 millions d’actions, pas plus à LVMH qu’à un autre. Il affirme aussi ne pas savoir ce qu’elles sont devenues. Il a poursuivi son homme de confiance pour avoir tout manigancé dans son dos, grâce, à l’en croire, aux mandats et documents en blanc qu’il avait signés. Pendant des années, les deux hommes, Freymond en tête, ont étrangement masqué la disparition des 6 millions d’actions, prétendant, documents bidon à l’appui, que Puech les détenait toujours. L’explication finale livrée aux juges à ce propos est lapidaire : « M. Puech n’assumait pas de faire un certain nombre de choses vis-à-vis de sa famille. » Laquelle l’a, depuis, rebaptisé « le traître ».

Quant à Bernard Arnault, son fameux raid de 2008-2010 s’est terminé, à l’époque, par une enquête et une mini-amende de 8 millions d’euros infligée par l’Autorité des marchés financiers. Il s’est surtout soldé par la signature d’une paix armée entre les ennemis jurés LVMH et Hermès : le second aurait récupéré toutes ses billes en laissant au premier une coquette plus-value de 3,8 milliards d’euros. Nicolas Puech, 82 ans aujourd’hui, continue, quant à lui, de se dire ruiné et de gémir sur sa fortune volatilisée, peut-être quelque part dans des paradis fiscaux et leurs sociétés offshore, voire aux Etats-Unis, où de vrombissantes enquêtes ont été dernièrement lancées, avant de s’achever aussi sec dans un cul-de-sac…

Dur, de finir chocolat en Suisse.

Marine BabonneauChristophe Nobili
Publié par
Marine Babonneau et Christophe Nobili

# Bernard Arnault
# LVMH
Une du journal du 30/07/2025
Article paru dans le N° 5464. Consulter ce numéro
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